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HARRIS, WILLIAM RICHARD, prêtre catholique et auteur, baptisé le 28 février 1846 à Cork (république d’Irlande), fils de Richard Harris et d’Ellen Cotter ; décédé le 5 mars 1923 à Toronto.
William Richard Harris était si réticent à parler de sa famille qu’il ne voulait même pas que l’on mentionne que sa sœur Mary était Mother Jones, la célèbre syndicaliste américaine. Les Harris s’étaient peut-être installés à Toronto dès 1853. D’abord formé chez les Frères des écoles chrétiennes, William Richard fit ses études classiques au St Michael’s College de 1860 à 1867. Grâce à la protection de son évêque, John Joseph Lynch*, Irlandais d’origine comme lui, il put aller étudier la philosophie et la théologie au collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, dans la province de Québec. Il y enseigna l’anglais et les belles-lettres et se fit une remarquable réputation d’athlète.
En 1869, Lynch prit Harris comme secrétaire et l’emmena à Rome pour l’inauguration du Premier Concile du Vatican. Harris termina sa licence de théologie au collège de la Propagande et fut ordonné le 11 juin 1870. Ensuite, les deux hommes visitèrent l’Europe avant de rentrer à Toronto. Harris n’oublierait jamais cette tournée, qui avait aiguisé son goût du voyage et de l’aventure.
Vicaire puis curé de St James à Colgan, en Ontario, de 1870 à 1875, Harris fut recteur de la cathédrale St Michael de Toronto en 1875–1876 et curé de St John Chrysostom à Newmarket de 1876 à 1884. Énergique, ambitieux, soucieux de jouer « franc jeu » avec ses ouailles en matière de finances, il était un prêtre bâtisseur, ce en quoi il cadrait bien avec son temps puisque, pour le clergé catholique, ériger des églises et des écoles représentait alors le sommet de la réussite. C’était aussi un avant-gardiste. Convaincu que les préjugés importés des vieux pays devaient mourir pour que fleurisse la nation canadienne, il montrait la voie de l’œcuménisme. À Newmarket, la bibliothèque et l’Institut des artisans pouvaient compter sur son appui : d’après lui, les adultes, tout autant que les enfants, devaient s’instruire pour s’intégrer à la société industrielle.
De 1884 à 1901, tout en étant doyen de St Catharines, Harris desservit la paroisse St Catherine of Alexandria à St Catharines. Ce fut à ce poste, sa dernière affectation paroissiale, que ses méthodes et projets – transparence en matière financière, construction d’édifices ecclésiastiques, tolérance religieuse – donnèrent les résultats les plus impressionnants. Il publia deux états vérifiés des finances paroissiales, paya de sa poche la construction d’une école séparée, décora et agrandit l’église, recueillit des fonds pour la construction du Canadian Lyceum and Athletic Club, qui accueillerait tous les athlètes de la ville, et incita ses paroissiens, dont bon nombre étaient nés en Irlande, à ne pas se laisser aller à la violence sectaire, peu importe la provocation. À un ministre presbytérien qui attaquait le catholicisme, il répondit posément qu’il laissait aux presbytériens et à la population en général le soin de juger de « la sagesse ou [du] sens politique d’un homme de Dieu qui s[emait], dans les sillons de la société, les graines de la rancœur religieuse ».
Harris n’avait pas mis beaucoup de temps à devenir un personnage public comme il en existait alors peu dans le clergé catholique. Sans renoncer ni à sa foi, ni à son attachement à son pays d’origine, il avait transcendé toutes les formes de sectarisme au profit d’une sorte de civisme auquel s’intégraient deux questions qui lui tenaient à cœur : l’éducation permanente et l’autonomie politique de l’Irlande. Non seulement était-il un prédicateur très sollicité, mais il occupa en 1886 la présidence de l’Association of Mechanics’ Institutes of Ontario (il était le premier catholique élu à ce poste), livra une communication au Pan-American Congress of Religion and Education à Toronto en 1895, fut invité à donner des conférences à la St Catharines Historical Society et, en 1896, fit partie des délégués du Canada à l’Irish Race Convention de Dublin.
Pendant les années qu’il passa à St Catharines, Harris entama une prolifique carrière d’auteur. Cette carrière, élément si important de sa renommée, n’aurait pas été possible sans David Boyle*, directeur du Canadian Institute Museum et premier archéologue professionnel de l’Ontario. En 1887, Boyle mit au jour un site d’Indiens neutres à proximité de Port Colborne, ce qui amena Harris à écrire sur les autochtones et les missionnaires du Régime français. Son premier article savant, « The Indian missions in western Canada » (pour Harris, l’Ouest canadien, c’était l’Ontario) parut en 1892, puis, l’année suivante, en version augmentée, en un livre intitulé History of the early missions in western Canada à Toronto. De 1893 à 1901, son œuvre s’enrichit de huit articles, dont « The Roman Catholic Church in Ontario » – sa contribution à l’ouvrage dont John Castell Hopkins était le maître d’œuvre, Canada, an encyclopædia of the country – et d’un autre livre, The Catholic Church in the Niagara peninsula, 1626–1895, paru chez William Briggs à Toronto en 1895. Cet ouvrage, qui est devenu un classique de l’histoire et de l’archéologie et qui circule toujours, permit à Harris de se tailler une place dans le cercle restreint mais influent des lettres catholiques de langue anglaise. L’université d’Ottawa reconnut l’apport de Harris en lui décernant un doctorat honorifique en 1896.
Au moment même où Harris aurait dû récolter les fruits de son succès, un différend survint dans sa paroisse à propos de sa gestion financière. Estimant avoir perdu la confiance d’un trop grand nombre de paroissiens, il demanda à l’archevêque Denis O’Connor* de le relever complètement de ses fonctions paroissiales. Un exeat lui fut accordé sans discussion en avril 1901. Peu après, Harris entreprit un voyage qui durerait plus de quatre ans et le mènerait aux Açores, aux Antilles, en Amérique du Sud, en Amérique centrale, au Mexique et dans le sud des États-Unis. Harris n’avait rien d’un simple touriste : il envoyait régulièrement de longues descriptions de ses aventures au Toronto Daily Star. Par la suite, ces articles et d’autres textes furent rassemblés en trois récits de voyage d’une qualité extraordinaire : Days and nights in the tropics (Toronto, 1905), By path and trail (Chicago, 1908) et Here and there in Mexico (Chatham, Ontario, [1920 ?]). On peut encore les lire avec intérêt, car Harris était un conteur-né, manifestement à l’aise dans l’univers de l’exotique et du bizarre.
En juin 1905, Harris vivait à Salt Lake City, où il écrivit une histoire officielle du diocèse, The Catholic Church in Utah (Salt Lake City, 1909) à la demande de l’évêque Lawrence Scanlan. De plus, il rédigea des articles pour The Catholic encyclopedia, collabora régulièrement au journal diocésain et publia By path and trail et Pioneers of the cross in Canada (Toronto, 1912). Par ailleurs, il exerça la fonction d’aumônier au Kearns St Ann’s Orphanage, puis au Judge Mercy Hospital.
En janvier 1913, après son retour au Canada, Harris devint aumônier de la St John’s Industrial School for Boys à Toronto. La période la plus productive de sa vie commençait : il écrirait 5 livres, 25 articles et même quelques poèmes. Sa réputation de tolérance dans le Toronto protestant était quasi légendaire. Il reçut deux autres diplômes honorifiques – un de la University of Toronto en 1916, un autre de l’université Laval en 1920 – et fut élu sans opposition président de l’Ontario Archaeological Association deux fois, en 1919 et en 1920.
La mort de William Richard Harris, survenue le 5 mars 1923, fit la manchette de tous les journaux torontois. De son vivant, son œuvre avait suscité beaucoup de commentaires favorables, mais elle a mal vieilli. La narration et le style étaient ses points forts. Par contre, sa formation de chercheur était déficiente : il manquait de discernement à l’égard des sources et usait trop abondamment des superlatifs, ce qui le range parmi les bons dilettantes. Il n’en reste pas moins que le volume de sa production et la beauté d’une bonne partie de ses textes ont donné à des générations de chercheurs l’élan nécessaire pour écrire l’histoire de l’Ontario catholique.
La première publication de William Richard Harris, « The Indian missions in western Canada », a d’abord paru dans Jubilee volume, 1842–1892 : the archdiocese of Toronto and Archbishop Walsh, [J. R. Teefy, édit.] (Toronto, 1892), 1–36. Une bibliographie de ses écrits figure dans R. J. Scollard, « Reverend William Richard Harris, 1846–1923 », SCHEC, Study sessions, nº 41 (1974) : 65–80, et dans Michael Power, « An introduction to the life and work of Dean Harris, 1847–1923 », texte paru dans Catholics at the « Gathering Place » : historical essays on the archdiocese of Toronto, 1841–1991, M. G. McGowan et B. P. Clarke, édit. (Toronto, 1993), 119–136. Deux manuscrits de Harris, « Travel notes and autograph album » (1894–1902) et « Notes of foreign travel » (1900–1907), sont conservés à la Univ. of St Michael’s College Library, Toronto.
Arch. of the Roman Catholic Archdiocese of Toronto, Clergy biog. and ministry database ; SC, AB02.05(a–b), AB02.06.— QUA, Lorne and Edith Pierce coll., Thomas O’Hagan, « Dean Harris » (1924).— St Mary’s [North Cathedral] (Cork, République d’Irlande), RBMS, 28 févr. 1846.— Univ. of St Michael’s College Arch., dossiers concernant W. R. Harris.— Canadian Freeman (Toronto), 15 sept. 1870.— Catholic Register (Toronto), 23 juin 1893.— Catholic Weekly Review (Toronto), 17 nov. 1888, 16 févr. 1889, 17 mai 1890.— Daily Mail and Empire, 7 mars 1923.— Evening Star (St Catharines, Ontario), 1er juin 1901, 29 déc. 1904.— Globe, 6 mars 1923.— St. Catharines Standard, 11 févr. 1892, 17 oct. 1896, 19 janv. 1897, 29 déc. 1910, 11 juin 1920, 6 mars 1923.— Toronto Daily Star, 6 mars 1923.— The Cathedral of St. Catherine of Alexandria 150th anniversary, 1832–1982 ([St Catharines, 1982]).— Cyclopædia of Canadian biog. (Rose et Charlesworth), 2.— History and album of the Irish Race Convention, which met in Dublin the first three days of September, 1896 [...] (Dublin, [1897]).— Gerald Killan, David Boyle : from artisan to archaeologist (Toronto, 1983).— W. C. Noble, « An early O.A.S. », Ontario Archaeological Soc., Arch Notes (Toronto), 81 (1981), nº 1 : 9s.— Ontario Provincial Museum, Annual archæological report (Toronto), 1923 : 140s.— St Joseph Lilies (Toronto), 11 (mars 1923) : 13.— St Michael’s College, Year book ([Toronto]), 14 (1923) : 19.
Michael Power, « HARRIS, WILLIAM RICHARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/harris_william_richard_15F.html.
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Auteur de l'article: | Michael Power |
Titre de l'article: | HARRIS, WILLIAM RICHARD |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 11 déc. 2024 |