LABELLE, IDA, institutrice et directrice d’école, née le 10 septembre 1848 à Montréal, fille de Joseph Labelle, charpentier, et d’Eusèbe (Eusébie) Paquin ; décédée le 21 janvier 1910 à l’Hôtel-Dieu de Montréal.
On sait peu de chose sur la famille et l’enfance d’Ida Labelle. Elle aurait étudié à l’académie de Rosine Poitras, à Montréal. Le 19 octobre 1863, âgée d’à peine 15 ans, elle ouvre une école française et anglaise de jeunes demoiselles, rue Mignonne (boulevard de Maisonneuve). Dès la première année, l’établissement accueille 32 élèves de 4 à 14 ans, qui reçoivent des cours de langues française et anglaise, d’arithmétique, d’histoire, de musique, de couture et de broderie, entre autres. En août 1870, Ida Labelle obtient du Bureau d’examinateurs de Montréal un diplôme d’école élémentaire, première classe. Vingt ans plus tard, le Bureau des commissaires d’écoles catholiques romains de la cité de Montréal l’engage pour diriger l’académie Sainte-Marie, école modèle (cinquième et sixième années), pour jeunes filles et garçons, au 174, rue Amherst. En 1891, l’établissement compte 6 enseignantes, 123 jeunes étudiantes et 57 garçons ; tous sont Canadiens français et catholiques. Dans son rapport de juillet 1892, l’inspecteur Joseph-Georges-Walter McGown mentionne que parmi les écoles de la ville dirigées par des institutrices laïques et qui reçoivent des subventions basées sur le nombre des élèves, celle d’Ida Labelle se classe au premier rang.
Pendant sa carrière de directrice de l’académie Sainte-Marie, Ida Labelle s’entoure de professeurs d’élite, tels Arthur Letondal et Victoria (Prudence-Victorine-Alexandrine) Cartier, qui y dirigent les classes de musique. Marie Bourbonnière, institutrice, semble avoir été une très bonne amie d’Ida Labelle, et la seconde dans ses tâches ; elle prendra la relève à la mort de cette dernière. Grâce à son don de l’enseignement et à ses qualités d’administratrice, Ida Labelle assure l’essor de l’académie.
À partir de son expérience à titre d’institutrice et de directrice de l’académie Sainte-Marie, Ida Labelle constate que les matières enseignées aux jeunes filles sont trop limitées. Elle revendique alors un élargissement de ces matières de façon à développer au maximum les capacités intellectuelles des élèves féminines dans la province de Québec et à diversifier leurs compétences. Elle réclame, au moment du premier congrès de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste [V. Marie Lacoste*], en mai 1907, l’établissement d’une école supérieure pour celles-ci d’où sortiraient « de véritables professeurs de langue, de sciences pratiques et d’arts ; ces professeurs compl[éteraient] les études commencées au couvent ou l’académie, qu’elles se nomment philosophie, littérature, commerce, sténographie, dactylographie, musique et peinture ». Selon elle, cette élévation des femmes dans les hautes sphères du savoir est essentielle pour un peuple qui veut avancer sur la voie du progrès moral et intellectuel.
Même si Ida Labelle réclame ouvertement l’instauration d’une école supérieure pour les femmes, qu’elle appelle aussi « œuvre post-scolaire », elle prend bien garde de spécifier le terme « école » et non pas université ou collège pour jeunes filles. Comme elle l’explique dans son discours à l’occasion du deuxième congrès de la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, en juin 1909, elle ne veut pas effrayer les hommes : « ces noms leur appartiennent de droit et [ils] sentent trop la domination que je ne veux pas leur contester ». Elle tient à les rassurer en insistant sur le fait que les femmes instruites conservent « leur cœur » et qu’elles ne deviendront pas ipso facto des « Bas-Bleus », ou des femmes condescendantes dans leurs rapports avec les autres. Elle affirme aussi qu’une femme instruite ne délaissera pas pour autant ses activités d’épouse, de mère et de maîtresse de maison. Pour elle, il n’y a rien de plus sain pour un individu que de mener de front des activités intellectuelles et physiques. Et cela s’adresse autant aux hommes qu’aux femmes.
Ida Labelle est aussi soucieuse de revaloriser la profession d’enseignante et d’obtenir qu’elle « devienne au moins aussi lucrative que les autres carrières ouvertes aux femmes instruites ». Elle participe à la fondation de la première association d’institutrices catholiques dans la province, en 1901, et en sera élue présidente en mai 1909. La Presse devait reconnaître à son décès le rôle important qu’elle avait joué dans le monde de l’éducation et en particulier dans l’avancement de l’éducation des jeunes filles : « En la personne de Mademoiselle Ida Labelle [...] disparaît une femme de haute culture intellectuelle et dont la carrière, toute de dévouement et de bienfaisance aura été remarquable. Dans les cercles de l’enseignement, où elle tenait depuis longtemps une des premières places, sa mort causera un vide qui ne pourra qu’être très difficilement comblé. »
Les deux conférences d’Ida Labelle, intitulées « Conférence sur les œuvres post-scolaires » et « l’Enseignement comme carrière pour les femmes », ont été respectivement publiées dans Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste, Premier Congrès [...] tenu les 26–27–28–29–30 mai 1907 à Montréal (Montréal, 1907), 115–117, et Deuxième Congrès [...] tenu les 23–25–26 juin 1909 à Montréal (Montréal, 1909), 73s.
AC, Montréal, État civil, Catholiques, Cimetière Notre-Dame-des-Neiges (Montréal), 24 janv. 1910.— ANQ-M, CE1-51, 10 sept. 1848.— Arch. de la Commission des écoles catholiques de Montréal, Reg. des délibérations du Bureau des commissaires d’écoles catholiques romains de la cité de Montréal, 1850–1910.— La Presse, 21 janv. 1910.— « Association des institutrices de Montréal », l’Enseignement primaire (Québec), 31 (1909–1910) : 36, 508.— « Feu Mlle Ida Labelle », l’Enseignement primaire, 31 : 448.— Madeleine [A.-M.] Gleason-Huguenin, Portraits de femmes ([Montréal], 1938), 170.— [L.-A. Huguet-Latour], Annuaire de Ville-Marie, origine, utilité et progrès des institutions catholiques de Montréal [...] (2 vol., Montréal, 1863–1882).— Journal de l’Instruction publique (Québec et Montréal), 14 (1870) : 96.— Lovell’s historic report of census of Montreal (Montréal, [1891]), 64.— Québec, Parl., Doc. de la session, 1892–1910 (Rapport annuel du surintendant de l’Instruction publique).— Marie Thivierge, « les Institutrices laïques à l’école primaire catholique, au Québec, de 1890 à 1964 » (thèse de ph.d., univ. Laval, 1981).
Maryse Darsigny, « LABELLE, IDA », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/labelle_ida_13F.html.
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Auteur de l'article: | Maryse Darsigny |
Titre de l'article: | LABELLE, IDA |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 3 déc. 2024 |