LEONARD, ELIJAH, fondeur, homme d’affaires et homme politique, né le 10 septembre 1814 près de Syracuse, New York, deuxième enfant d’Elijah Leonard* et de Mary (Polly) Stone ; le 15 juin 1847, il épousa Emeline Woodman, fille d’Elijah Crocker Woodman*, et ils eurent trois fils et trois filles ; décédé le 14 mai 1891 à London, Ontario.

Elijah Leonard naquit dans une ferme près de Syracuse. Peu après, son père fit l’acquisition d’une fonderie à Taberg, dans l’état de New York, et s’installa à cet endroit avec sa famille. Quelque temps plus tard, il en achetait une autre à Constantia, mais vers 1824 lui-même et sa famille exploitaient de nouveau une ferme près de Syracuse. En 1830, sa famille le rejoignit à Normandale, dans le Haut-Canada, où il travaillait à l’usine sidérurgique et à la fonderie de Joseph Van Norman*. C’est là qu’Elijah fils apprit le métier de mouleur.

L’usine prospérait, mais les Leonard, ayant compris qu’elle leur offrait peu de chances d’avancement, se mirent à la recherche d’un endroit où établir leur propre fonderie. Après une visite d’inspection à Hamilton en 1834, Elijah fils conclut que St Thomas semblait intéressant. Il y ouvrit en mai une fonderie avec son père et un autre associé, Philip Cady Van Brocklin. La société fut dissoute en septembre ; à cette époque, les Leonard avaient déjà racheté la part de Van Brocklin et Leonard père avait pris sa retraite. Dès lors, le fils exploita l’usine sous le nom de E. Leonard Jr and Company.

La crise financière de 1837 [V. sir Francis Bond Head*] s’avéra pénible pour l’entreprise. Cette année-là, Leonard, qu’on accuserait d’espionnage durant la rébellion parce qu’il était américain, se rendit à Monroe et à Ann Arbor, dans le Michigan, pour étudier les possibilités de relocalisation, mais le potentiel de ces endroits ne le satisfit pas plus que celui de St Thomas. London par contre, sans être plus grand que St Thomas, présentait l’avantage d’être une ville de garnison, avec toute l’activité commerciale qui s’y rattache. C’est donc là qu’en 1840, Leonard ouvrit un atelier de construction mécanique et une fonderie, à l’angle des rues Fullarton et Ridout. Toutefois, il n’abandonna pas complètement sa base de St Thomas, que deux de ses frères, Lyman et Delos, dirigèrent jusqu’en 1842. Leonard l’exploita ensuite avec un associé, John Sells, qui racheta sa part en avril 1851. Vers 1842, Léonard avait assemblé sa première machine à vapeur à partir de pièces achetées à Cleveland.

À London, Leonard créa un vaste marché pour la machinerie agricole. Il produisit sa première batteuse vers 1846 et sa première chaudière en 1848. Toutefois, c’est l’essor des chemins de fer du début des années 1850 qui semble lui avoir donné la chance de faire fortune. La fonderie construisit des wagons basculants, des grattes et des pièces de voie ferrée pour le Great Western Railway. En 1853, grâce aux relations de son père, Leonard décrocha une commande de 200 wagons couverts pour la même compagnie. Comme ce contrat excédait la capacité de son usine, il fit construire une deuxième fonderie, à l’intersection des rues York et Waterloo. Le coulage des roues s’avéra cependant trop difficile, de sorte qu’il livra les wagons sans roues et sans essieux, entre février 1855 et septembre 1856. Au début de cette année-là, la London and Port Stanley Railway Company lui avait commandé tous les wagons dont elle avait besoin, ainsi qu’une plaque tournante. Comme la qualité technique de son usine s’était accrue, il put livrer ces wagons avec des roues.

Les commandes des chemins de fer prenaient tellement de temps que Leonard perdit ses clients réguliers dans la région. Le Great Western Railway était lent à payer, ce qui lui causait quelque embarras. Il subit également des pertes personnelles quand on le tint responsable d’une part de la caution de son beau-frère, Henry Black, trésorier du comté d’Elgin, qui s’était soustrait à la justice. Puis, lorsque la crise de 1857 interrompit la construction des chemins de fer, Leonard eut peu de travaux de remplacement. Il lui fallut plusieurs années pour se relancer dans la machinerie agricole. Même dans ce secteur, il connut des revers ; ainsi il conçut un plan de moissonneuse mais, constatant qu’il n’était pas au point, renonça à ce projet. La prospérité ne revint qu’à la guerre de Sécession. Durant les quelques années suivantes, il concentra toutes ses activités à la fonderie de la rue York.

Au cours des années 1870, Leonard modifia en profondeur sa stratégie industrielle. Dès 1875, l’expansion du commerce lui permit de prendre comme associés ses deux fils survivants, Frank Elton et Charles Weston ; l’entreprise prit alors le nom de E. Leonard and Sons. La même année, l’usine de distribution d’eau de Sarnia lui offrit sa première commande importante de chaudières et de machines à vapeur. En 1879, il fabriqua son premier tracteur de ferme à vapeur. Cependant, les chaudières et machines à vapeur fixes devinrent le principal produit de la fonderie. Grâce à cette spécialisation, la compagnie trouva des débouchés hors du sud-ouest de l’Ontario. En 1882, elle ouvrit un bureau à Montréal et, cinq ans plus tard, un autre à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. Un journal de cette ville, le Sun, écrivait en 1909 : « il y a peu de noms mieux connus aujourd’hui dans les Maritimes que celui de la E. Leonard and Sons », ce qui témoigne bien du succès de l’entreprise dans cette région.

En fin de compte, Leonard dut sa prospérité à sa spécialisation dans la machinerie à vapeur, mais il n’avait pas cessé d’avoir d’autres intérêts commerciaux. Au début des années 1850, soit à l’époque où il fabriquait des wagons, il construisit avec un associé une rotonde pour le Great Western Railway. En 1852, il s’associa de nouveau pour vendre 200 acres de terre à London. En 1854, signe de son aisance croissante, il se fit bâtir une imposante maison de style Regency sur des lots venant de cette société immobilière. De 1869 jusque vers 1879, il exploita un moulin à farine dans sa fonderie agrandie depuis peu, et pendant quelques années il y fabriqua des douves. Par ailleurs, actionnaire de la London and Port Stanley Railway Company, fondée en 1853, Leonard fut, en 1857, l’un des fondateurs de la London and Lake Huron Railway Company. Assez tôt dans sa carrière, il organisa, avec d’autres, la London Savings Bank. Plus tard, il fut l’un des promoteurs initiaux de la Société d’épargne et de prêt de Huron et Érié, créée en 1864 ; il fit partie de son conseil d’administration jusqu’en 1890.

Leonard appartint à plusieurs organismes publics à London. Il fut le premier président du Mechanics’ Institute, fondé en 1841 ; au début des années 1850, il participa à la formation de la brigade municipale de pompiers bénévoles, où il servit trois ans. En 1852, il fut l’un des membres fondateurs de la Horticultural and Mechanical Association ; la même année, il fut élu au premier comité de la société d’agriculture du comté, ancêtre de la Western Fair Association, qui organisait l’une des principales foires agricoles du sud de l’Ontario. Élu conseiller municipal en 1854, année où London fut érigé en municipalité, il devint le troisième maire de la ville en 1857. Cette année-là, sous la bannière réformiste, il fit la lutte à John Carling* pour un siège à l’Assemblée législative mais fut battu. Élu en 1862 au Conseil législatif dans la division de Malahide, il fut nommé sénateur cinq ans plus tard, au moment de la Confédération ; il le resterait jusqu’à sa mort, en 1891. Selon une notice biographique qui date de 1889, Leonard se mêlait « peu de politique partisane, mais ses sympathies [allaient] au parti réformiste, dont il [était] un membre influent au Sénat ».

Après la mort d’Elijah Leonard, ses deux fils continuèrent d’exploiter son entreprise, dont la direction demeura dans la famille jusqu’en 1945. Elle avait abandonné les machines à vapeur au début du siècle pour se spécialiser dans la fabrication de chaudières électriques et autres réservoirs sous pression.

Christopher Andreae

Un ouvrage sur les mémoires d’Elijah Leonard a été édité par son fils Frank Elton Leonard sous le titre de The honorable Elijah Leonard : a memoir (London, Ontario, [1894]).

AN, RG 1, L3, 298 : L3/49.— Baker Library, R. G. Dun & Co. credit ledger, Canada, 19 : 43 (mfm aux AN).— London Public Library and Art Museum, London Room, E. Leonard and Sons, scrapbooks.— UWOL, Regional Coll., Leonard family papers, particulièrement 1840 ; 1891 ; [R.] A. Trumper, « The business policy evolution of E. Leonard and Sons » ([1935]).— Canada Inquirer (London), 24 sept. 1841.— Canadian biog. dict.— Hist. of Middlesex.— London heritage, T. W. Honey, édit. (London, 1972).— R. A. Trumper, « The history of E. Leonard & Sons, boiler-makers and ironfounders, London, Ont. » (thèse présentée au Dept. of Business Administration, Univ. of Western Ontario, London, 1937).— Sun (Saint-Jean, N.-B.), 23 sept. 1909.

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Christopher Andreae, « LEONARD, ELIJAH (1814-1891) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/leonard_elijah_1814_1891_12F.html.

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Auteur de l'article:    Christopher Andreae
Titre de l'article:    LEONARD, ELIJAH (1814-1891)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
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