MORETON, JULIAN, ministre de l’Église d’Angleterre et auteur, né le 29 août 1825 à Chelsea (Londres) ; il se maria et eut des enfants ; décédé le 16 décembre 1900 à Londres.
On ne sait rien des jeunes années de Julian Moreton, si ce n’est qu’il fut stagiaire chez un barrister, qu’il était attiré par le mouvement d’Oxford et qu’il décida d’être prêtre anglican. Son rang social l’empêchait d’embrasser cette carrière en Angleterre, et c’est probablement pour cette raison qu’il demanda, vers 1847, de devenir missionnaire. La même année, l’évêque Edward Feild*, de Terre-Neuve, fit part de son intention d’engager, « à défaut de ministres et de personnes entièrement formées », des jeunes hommes à qui « il ne manquait rien, sauf l’instruction poussée que seules [les] universités peuvent offrir ». Il accepta donc avec plaisir la candidature de Moreton en 1848 sur la recommandation de William Scott, de Hoxton (Londres), prêtre anglo-catholique en vue.
Après avoir suivi des cours privés, Moreton arriva à Terre-Neuve pour passer un an au Theological Institute de St John’s, que l’on venait d’agrandir. Ordonné diacre en 1849, il devint prêtre un an plus tard. Missionnaire à Greenspond dans la baie de Bonavista de 1849 à 1860, il desservit cinq églises situées dans des îles différentes et jusqu’à 18 établissements accessibles seulement par voie d’eau. Pour subvenir à ses besoins, il dut arrondir le petit montant que lui versait la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts au moyen de collectes auprès des gens de sa mission, tâche que Feild décrivit comme « ingrate et laborieuse ».
Moreton ne tarda pas à connaître des difficultés financières et, en 1855, il tentait de remettre sa démission. Il se plaignait de la « cupidité » de ses ouailles qui, bien que plus à l’aise que lui, venaient mendier, et il se lamentait de devoir vivre de refus et de fausses promesses. Cependant, en 1858, il avait fait tellement de progrès qu’il était prêt à renoncer au soutien financier de la société et à vivre uniquement du fruit de ses collectes. Feild fut impressionné. L’année suivante, il écrivit dans le rapport de la société au sujet de cette mission à Terre-Neuve que, « nulle part probablement, des services semblables [n’étaient] rendus au prix d’autant d’efforts et de dévouement ». Il décrivit comment Moreton visitait Deadmans Bay à 30 milles de chez lui : il parcourait 16 milles à pied le long de la côte, ne se nourrissait que de pain, de beurre et de poisson salé et ne comptait que sur deux bons repas en neuf jours. Toutefois, ce genre de vie s’avéra trop difficile pour Moreton et sa santé se détériora complètement. Il s’installa donc à Bishop’s Cove en 1860, puis à Romford, en Angleterre, l’année suivante, où il demeura jusqu’à ce qu’il obtienne un poste d’aumônier dans l’île de Labuan (Malaysia) en 1862.
En Angleterre, Moreton donna plusieurs conférences, que l’on publia à Londres en 1863 sous le titre de Life and work in Newfoundland ; reminiscences of thirteen years spent there. Ce livre présente un compte rendu détaillé de sa vie de missionnaire et renferme de bonnes descriptions de la population qui vivait dans les petits villages de pêcheurs de Terre-Neuve. Les missionnaires à cet endroit ne devaient s’attendre à aucun des égards auxquels avaient droit les membres du clergé en Angleterre, puisque les gens de l’île croyaient que c’était le salaire qui les attirait là. Les habitants de Greenspond avaient construit un temple en se gardant toutefois le loisir de décider par la suite s’il serait méthodiste ou anglican. Moreton était sans cesse en mouvement. Il décrit dans son livre ses visites dans les petits villages pendant l’hiver, à l’époque où les pêcheurs vivaient dans des cabanes en forêt ; il devait souvent dormir sur des billes de bois près du feu. Il recueillit des fonds pour construire une nouvelle église dans l’île Pinchards et pour payer des prédicateurs laïques dans la mission. Il écrivait souvent des lettres à la demande des illettrés, qui formaient la majorité de ses paroissiens : selon ses mémoires, « sur les 334 personnes qui se sont mariées dans les 7 années précédant septembre 1856, seulement 49 pouvaient écrire leur nom ». À part les agents des marchands, le receveur des douanes, le médecin et l’instituteur, les habitants de la région de Greenspond étaient pêcheurs. La plupart étaient d’origine anglaise, des colons ou des descendants de colons du Hampshire ou du comté de Dorset. Moreton consigna fidèlement dans son livre de nombreux mots et expressions typiques de Terre-Neuve.
Même à Labuan, Moreton pensait à Terre-Neuve en écrivant au Colonial Church Chronicle de Londres pour déplorer le sort des missionnaires, qui ne pouvaient espérer occuper un poste en Angleterre. Il se disait désolé à l’idée que, comme dans son cas, « un homme sans revenu parvenu à un certain âge ne puisse obtenir de vicariat » ; il faisait aussi remarquer que « les jeunes hommes formés dans des bureaux ou des maisons de comptable constituaient la majorité des missionnaires sans diplôme, à cause des perspectives peu encourageantes à leur retour des missions ». Moreton lui-même paya un tribut pour ses humbles origines. Après avoir quitté Labuan en 1868, il dut passer six ans à Penang (Pinang), avant de devenir simple vicaire à Londres. Ce n’est qu’en 1878 qu’il devint pasteur d’une nouvelle paroisse à Saltash.
Julian Moreton prit sa retraite en 1890, mais il continua à prononcer des allocutions et à rédiger des brochures à forte position anglo-catholique. Il faisait souvent allusion à la situation qui régnait à Terre-Neuve et à son héros, Edward Feild. En parlant des couples non mariés qui vivaient ensemble, il écrivit en 1891 : « Je me rappelle les propos très prudents de l’évêque Feild à ce sujet. Il ne recommandait même pas le rite du mariage pour les personnes qu’il savait vivre ensemble loin d’un temple et d’un ministre du culte, de crainte que l’on imagine que des unions contractées si officieusement ne soient invalides et susceptibles d’être rompues. » Moreton était un idéaliste inspiré par le mouvement d’Oxford qui, sous l’influence de Feild, l’étendit à Terre-Neuve et contribua par la suite à faire connaître davantage cette région en Angleterre.
En plus de Life and work in Newfoundland, Julian Moreton est l’auteur de : A letter to the Rev. H. Bailey, in reply to recent strictures upon missionary societies and the missionaries (Oxford, Angl., 1864) ; Ritual in worship : now and hereafter (Londres, 1888) et Some thoughts on marriage (Londres, 1891), qui sont tous deux disponibles dans la collection de brochures de la Univ. of Oxford, Faculty of Theology Library ; et What is the characteristic grace of confirmation ? A treatise on the operation of the Holy Ghost in confirmation, with a scheme of instruction (Londres, 1890).
RHL, USPG Arch., C/CAN/Nfl., 7 ; D.9A ; D.9B ; D.27/Nfl.— Colonial Church Chronicle (Londres), 1863 ; 1865.— Mission Field (Londres), 1 (1856)–6 (1861).— Monthly Record of Church Missions (Londres), 1 (1852)–4 (1855).— SPG Report (Londres), 1848–1861.— Guardian (Londres), 19 déc. 1900.— The clergy list [...] (Londres), 1845–1867.— Crockford’s clerical directory [...] (Londres), 1858–1900.
Frederick Jones, « MORETON, JULIAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/moreton_julian_12F.html.
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Auteur de l'article: | Frederick Jones |
Titre de l'article: | MORETON, JULIAN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 10 déc. 2024 |