MOTTON, ROBERT, avocat, magistrat stipendiaire, juge et homme politique, baptisé le 28 octobre 1832 à Halifax, fils de Robert Motton, métallurgiste du Devon, Angleterre, et d’Eleanor Moore ; le 22 juillet 1856, il épousa à Halifax Rachel Flemming, et ils eurent une fille qui mourut en bas âge, puis le 29 août 1861, au même endroit, Maggie Coleman, et de ce mariage naquirent deux fils ; décédé le 24 août 1898 à Providence, Rhode Island, et enterré au Camp Hill Cemetery dans sa ville natale.
Après avoir étudié à la Halifax Grammar School, Robert Motton fit son droit avec Peter Lynch et fut reçu au barreau de la Nouvelle-Écosse à titre d’attorney en 1853 et de barrister en décembre de l’année suivante. Pendant son stage en droit, il se mêla un peu de journalisme. Les « détails croustillants de scandales et de ragots » qu’il publia en 1854 dans le Morning Journal de William Archibald Penney l’entraînèrent dans une dispute mesquine et hargneuse avec John Henry Crosskill*, rédacteur en chef du British North American pour lequel il avait déjà écrit.
Motton ouvrit son premier cabinet rue Hollis à Halifax, peu de temps après être devenu barrister. En 1861, il se vit interdire de plaider devant la Cour suprême pour négligence professionnelle dans une cause civile. Forcé de limiter ses activités aux tribunaux inférieurs et de se mettre au service d’une agence de recouvrement, il devint un personnage familier du tribunal de police et de droit criminel, et des tribunaux municipaux de droit civil et criminel de plus haute instance à Halifax. Après avoir réussi à se réinscrire au barreau en 1864, il parvint à se constituer une impressionnante clientèle, surtout à titre d’avocat de la défense. Le gouvernement lui confia également de fréquents mandats pour la couronne, et il devint conseiller de la reine en 1876. Un peu plus tard, on le nomma magistrat stipendiaire et officier de l’état civil de la municipalité de Dartmouth, où il résida jusqu’à ce qu’il retourne à sa clientèle privée en 1879.
Les années 1880 furent très chargées pour Motton. Il assuma notamment la plus grande partie de la défense de Joseph Nick Thibault, accusé de meurtre en 1880. Dans cette cause particulièrement désespérée où le procureur général John Sparrow David Thompson plaidait pour la couronne, Motton fonda son plaidoyer infructueux sur le caractère irrationnel du prétendu crime. En 1882, il devint l’un des deux conseillers juridiques de la Society for the Prevention of Cruelty, le principal organisme chargé de poursuivre devant le tribunal d’instance les personnes accusées de mauvais traitements à l’endroit des femmes, des enfants, des marins et des animaux. L’année suivante, il s’acquitta seul de cette charge. Il remplit d’autres fonctions juridiques, dont celles de remplacer le premier magistrat stipendiaire de Halifax, Henry Pryor, d’assister le coroner dans l’enquête sur l’incendie survenu à l’hospice de Halifax en 1882, d’agir en qualité de procureur pour la poursuite au nom de la commission établie en vertu de la loi fédérale sur les boissons alcooliques de 1883 (le McCarthy Act), avant qu’on ne la déclare inconstitutionnelle en 1885, et finalement d’être avocat-conseil dans l’enquête législative instituée en 1886 relativement à la gestion du City and Provincial Hospital. La carrière juridique de Motton connut son apogée lorsqu’il remplaça Pryor à titre de magistrat stipendiaire pour Halifax, en 1886. Il s’agissait d’un poste à vie et de la seule charge de juge attribuée à la discrétion du gouvernement provincial mais rémunérée par la municipalité.
Les activités politiques de Motton durant les années 1870 et 1880 indiquent qu’il chercha également à se faire élire député. D’abord partisan, semble-t-il, de la Confédération, il changea d’idée par la suite et se joignit à ses adversaires. Il soutint le gouvernement anti-confédérateur dirigé par le libéral William Annand* jusqu’en 1873, année où une élection partielle dans la circonscription de Halifax, rendue nécessaire par la mort de William Garvie*, entraîna la formation d’un groupe dissident. Opposé à la manière dont on avait nommé le candidat du parti libéral, parce que, selon ses rivaux, il aurait voulu être lui-même choisi, Motton prit la tête de l’éphémère formation appelée Young Nova Scotia Party. Il brigua les suffrages contre le libéral John Taylor en proposant l’abolition du Conseil législatif, la réduction du nombre de députés, la réforme du système de subventions pour la construction de routes et l’utilisation des économies réalisées grâce à ces mesures pour améliorer la qualité de l’éducation. Ces questions disparurent cependant vite sous l’avalanche d’invectives personnelles qui caractérisa la brève campagne. La lutte semblait opposer vieux et jeunes, hommes politiques de la classe aisée des marchands et nouveaux éléments, Annand, le chef du gouvernement, et Motton, le néophyte. N’ayant récolté que 30 % du vote, ce dernier essaya en vain de faire exclure Taylor de ses fonctions. Quoi qu’il en soit, il allait bientôt réintégrer définitivement les rangs des libéraux.
Motton s’intéressa également à la politique municipale à Halifax. Toujours à l’avant-garde des questions concernant le progrès local, il fut élu échevin en 1880 pour un mandat de trois ans dans le quartier n° 3, lequel comprenait le centre commercial et administratif de la ville ainsi que son quartier mal famé. Il échoua toutefois dans sa tentative de se faire élire commissaire d’écoles en 1880, ou maire l’année suivante. Tandis qu’il était échevin, il présida le comité des lois et privilèges pendant trois ans ainsi que le comité de police durant deux ans. Partisan de l’économie et de l’efficacité dans les affaires municipales, Motton adopta une attitude stricte relativement aux questions financières, sauf lorsqu’il s’agissait d’appuyer de nouvelles industries comme une cale sèche ou une filature de coton, entreprises qu’il soutint sans réserve.
Ainsi, lorsque Motton assuma sa charge de juge en 1886, il était à la fois un habile plaideur et un homme politique frustré. Ses huit années de magistrature allaient coïncider avec une période où des réformateurs sociaux étaient en train de livrer la guerre à l’alcool, à la prostitution et à la violence familiale. Toutes ces préoccupations étaient donc à l’ordre du jour du tribunal de police qu’il présidait. (Il siégeait également au tribunal de droit civil de la municipalité.) Méthodiste actif dans les mouvements de tempérance, de moralité publique et d’observance du dimanche, le juge. Motton ne se gênait pas pour manifester ses partis pris en cour. Lorsque cinq femmes accusées d’être « pensionnaires d’une maison de prostitution » comparurent devant lui en 1887 à la suite d’une descente de police à la taverne Stone Jug, située rue Brunswick Sud dans le quartier des maisons de passe de Halifax, Motton leur imposa une sentence de quatre mois de prison sans leur accorder, comme c’était l’habitude, la possibilité de ne payer qu’une amende. Il démontrait ainsi, selon le Morning Herald, qu’il « faisait de la loi une terreur pour les malfaiteurs » et qu’il ne permettrait pas « aux criminels notoires de s’en tirer avec une peine insignifiante ». Ceux qui ne respectaient pas le dimanche, des adventistes du septième jour aux conducteurs de tramways en passant par les commerçants, étaient également l’objet de son châtiment. Cependant, il traitait les ivrognes, qui constituaient la majorité des contrevenants à comparaître devant lui, avec moins de rigueur car Motton, prohibitionniste déclaré, blâmait le vendeur plutôt que le buveur. Toutefois, lorsque la mauvaise habitude de l’ivrogne avait des conséquences néfastes pour sa famille, il se montrait plus sévère. Devant une commission fédérale d’enquête sur le trafic d’alcool tenue en 1892, il déplora particulièrement « les cas de femmes battues ; les cas de négligence envers l’épouse et la famille ;les cas de personnes qui agiss[aient] inconsidérément en consacrant à l’alcool l’argent et le temps qui [devaient] revenir à leur famille ». Il était toutefois convaincu que les lois devaient refléter les normes de la collectivité. « Une loi sur les permis, comme n’importe quelle loi, n’a pas grand valeur tant que l’opinion publique ne lui insuffle pas la vie », disait-il.
Au cours des années 1880 et au début des années 1890, Robert Motton fut un homme bien en vue et sollicité dans toute la province comme orateur public. Il prononça des conférences sur des questions d’actualité, des problèmes moraux ainsi que sur ses propres expériences juridiques devant une grande variété d’auditoires. En 1894, Motton se rendit compte qu’il perdait sa poigne en raison de sa mauvaise santé, et il décida de prendre sa retraite et de s’installer aux États-Unis dans l’espoir de se rétablir. À sa mort survenue en 1898 tout comme de son vivant, de nombreuses personnes de Halifax lui rendirent hommage. Les journaux écrivirent qu’« à titre d’avocat plaideur, il n’avait pas son égal », qu’en qualité de conférencier, il se classait « bon premier » et qu’en tant que magistrat il accordait une « attention inlassable » à ses devoirs.
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Judith Fingard, « MOTTON, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/motton_robert_12F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/motton_robert_12F.html |
Auteur de l'article: | Judith Fingard |
Titre de l'article: | MOTTON, ROBERT |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 4 nov. 2024 |