PRYOR, HENRY, avocat, officier de milice, homme politique et juge, né le 3 juillet 1808 à Halifax, fils de John Pryor et de Sarah Stevens ; le 8 mars 1831, il épousa à cet endroit Eliza Phoebe Pyke (décédée en 1858), puis le 3 février 1863 Charlotte McKie, et il n’eut pas d’enfants ; décédé le 10 octobre 1892 dans sa ville natale.

Henry Pryor devint orphelin à l’âge de 12 ans, mais hérita d’une somme de £6 000 de son père, marchand de Halifax et membre de la chambre d’Assemblée. Il descendait d’une famille de loyalistes arrivée à Halifax en 1783 et qui avait acquis une certaine notoriété grâce à ses succès en affaires et à sa participation à l’administration publique. John Pryor, le frère aîné de Henry, devait plus tard participer à la fondation de l’Acadia College et en devenir le premier directeur ; quant à sa sœur Louisa, elle épouserait le futur premier ministre James William Johnston*. Henry fit ses études à la Halifax Grammar School, puis au King’s College, à Windsor, où il obtint une licence ès arts en 1828, une maîtrise ès arts deux ans plus tard et un doctorat en droit civil en 1858. Il étudia le droit sous la direction de William Blowers Bliss* et fut admis au barreau en 1831. Son mariage, la même année, avec Eliza Phoebe Pyke, fille du juge George Pyke* et petite-fille du magistrat de police John George Pyke*, traça la voie de sa propre carrière dans le domaine judiciaire. Contrairement à son frère John, il demeura fidèle à l’Église d’Angleterre et prit part aux activités de sa congrégation et à l’administration du King’s College.

Les contemporains de Pryor jugeaient que ses compétences dans le domaine juridique laissaient à désirer ; il semble d’ailleurs qu’il ait pratiqué le droit de façon plutôt sporadique. Joseph Howe* le décrivit en 1842 comme « un petit homme rusé, avec des lunettes », et qui aurait pu être assuré « pour une demie de un pour cent contre [le risque] de jamais tourner le monde à l’envers ». Son titre de conseiller de la reine, qu’il ne reçut qu’en 1873, lui fut décerné par le dominion, probablement pour le soutien qu’il accorda à la Confédération. Comme ce fut le cas pour un grand nombre de ses collègues ambitieux, la politique allait être le tremplin de sa carrière. Après s’être opposé à l’érection en municipalité de Halifax en 1841, Pryor occupa le poste d’échevin de 1843 à 1845. Mais sa décision de tenter de se faire élire à la mairie après sa réélection quatre ans plus tard souleva la controverse. Comme il était alors l’avocat d’un ancien fonctionnaire municipal poursuivi par le conseil pour détournement de fonds, le conflit d’intérêts flagrant choqua les observateurs. Il ne se retira de cette cause qu’une semaine après qu’on lui eut fait prêter serment à la mairie. Cette histoire, ajoutée aux allégations selon lesquelles il aurait acheté des votes au moment de se représenter aux élections à la mairie, laisse croire que le manque de confiance manifesté par Howe était justifié. Pryor remporta la victoire en 1853 et 1854, mais il fut battu de justesse en 1855. Assagi, il se retira l’année suivante, mais l’emporta avec aisance en 1857 et fut élu sans opposition en 1858. Quoiqu’il n’ait jamais été un maire populaire, il semble que ses concitoyens aient fini par lui accorder à contrecœur un certain respect.

Pryor passa ensuite à la politique provinciale. Élu à la chambre d’Assemblée pour le parti conservateur dans la division ouest de la circonscription de Halifax County en mai 1859, il remporta la victoire pour un second mandat, qui se termina en 1867. Sa contribution aux affaires législatives demeura modeste, mais certains estimèrent qu’il fut victime d’une injustice en 1864 lorsqu’on préféra nommer John William Ritchie* au poste de solliciteur général.

Pryor était entré avec le grade de lieutenant dans le 2nd Regiment of Halifax militia en 1827 et s’éleva jusqu’à celui de lieutenant-colonel. Il entraîna son régiment dans les Halifax Commons en prévision de l’invasion des féniens de 1866. Au cours des années subséquentes, il commanda la milice de réserve de Halifax.

Vers 1867, les perspectives qui s’offraient à Pryor étaient plutôt sombres. Il approchait de la soixantaine, et il semble qu’il avait perdu la majeure partie de son capital dans des spéculations peu judicieuses. Il chercha donc à s’assurer la sécurité financière grâce à un poste dans le domaine judiciaire. Un projet de loi qui prévoyait la création d’un poste de magistrat stipendiaire à Halifax avait été rejeté en 1864 et dénoncé dans le Presbyterian Witness comme « un arrangement qui permettrait à Henry Pryor de toucher confortablement £500 par année ». Trois ans plus tard, on adopta le projet de loi, et Pryor fut nommé le 15 mai 1867.

La responsabilité des causes civiles et pénales, autrefois dévolue aux échevins et au maire par la charte de Halifax, revint au nouveau juge. Les causes civiles qui concernaient le plus souvent le recouvrement de petites créances, n’occupaient Pryor que quelques jours par mois. Il devait par contre consacrer six jours par semaine pendant toute l’année aux causes pénales. L’exercice de ses fonctions le mit donc, durant presque 20 ans, en contact direct avec la face cachée – et la classe défavorisée – du Halifax de l’époque victorienne. Pryor vit défiler quotidiennement devant lui des ivrognes, des prostituées et des vagabonds, dont un grand nombre de récidivistes. Il devait souvent régler des disputes familiales et des poursuites pour infraction aux lois sur les permis d’alcool. À la suite d’une condamnation dans une poursuite de ce genre en 1884, il reçut une menace de mort.

L’attitude de Pryor à l’égard de ces délinquants était imprévisible : il manifestait tantôt de la sévérité, tantôt de la clémence. Nullement préoccupé par les subtilités de la jurisprudence, de la procédure ou des règlements, il adaptait sa sentence à la personne en cause, et non au délit. Il fut donc de plus en plus fustigé dans les journaux, qui le décrivaient comme une personne irascible, portée à l’arbitraire et manquant de professionnalisme. Ses clients, cependant, voyaient probablement une certaine morale en action dans sa façon de rendre ses jugements. Ils ne cessèrent d’avoir recours à lui pour le règlement de leurs différends personnels et familiaux, ce qui démontre qu’à leurs yeux il avait le sens de l’équité.

En 1886, Henry Pryor décida de prendre sa retraite en contrepartie d’une rente annuelle de 1 200 $. (Robert Motton lui succéda.) Son salaire, établi à 2 000 $ en 1867, n’avait jamais été augmenté. On lui rendit hommage seulement pour la forme. Pryor était en quelque sorte un embarras : faisant preuve d’ultraconservatisme, il naviguait à contre-courant dans une ère de réforme, et administrait la justice comme un cadi à une époque où l’on mettait en valeur l’aspect professionnel de l’exercice du droit. Sa parenté et, au début du moins, l’aisance matérielle lui assurèrent au sein de la société de la province une bien meilleure place que celle que ses talents seuls lui auraient value.

Philip Girard

Halifax County Court of Probate (Halifax), Estate papers, nos 4326, 5133 ; P92.— PANS, RG 42, HX, D, 26–29, 31.— N.-É., Statutes, 1841, chap. 55 ; 1865, chap. 87 ; 1867, chap. 82 ; 1870, chap. 7 ; 1886, chap. 63.— Acadian Recorder, 8, 21 juill., 18, 20 déc. 1879, 14–15, 19 mai 1886, 11 oct. 1892.— Halifax Herald, 11 oct. 1892.— Morning Herald (Halifax), 9 juin 1884.— Novascotian, 8 juill. 1842, 15, 22 oct. 1849, 17 oct. 1853, 6 oct. 1857.— Presbyterian Witness, and Evangelical Advocate, 23 avril 1864.— Canadian biog. dict.— Judith Fingard, « Jailbirds in mid-Victorian Halifax », Law in a colonial society : the Nova Scotia experience, P. [B.] Waite et al., édit. (Toronto, 1984), 81–102.— F. W. Vroom, King’s College : a chronicle, 1789–1939 ;collections and recollections (Halifax, 1941).

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Philip Girard, « PRYOR, HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/pryor_henry_12F.html.

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Auteur de l'article:    Philip Girard
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
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