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NORTHWAY, JOHN, tailleur, marchand, manufacturier de vêtements et philanthrope, né le 17 août 1848 à Leat Farm, près de Lifton, Angleterre, fils de Thomas Neathern Northway et de Grace Doidge ; le 1er juin 1871, il épousa à Embro, Ontario, Catherine McKay, et ils eurent huit enfants ; décédé le 6 novembre 1926 à Toronto.
Le père de John Northway était un pauvre fermier du Devon. Son grand-père maternel, autrefois à l’aise, avait sombré dans l’alcool et était devenu cultivateur à bail. Aux yeux des siens, John était celui par qui passerait la réhabilitation de la famille. Ce garçon obstiné et espiègle fut retiré de l’école à l’âge de neuf ans et mis en apprentissage chez un tailleur pour une durée de neuf ans. Une fois, pour échapper à son sort, il essaya de s’amputer un pouce. Parti chercher un emploi à Londres, il s’intéressa à la conception, à la fabrication et à la mise en marché des vêtements pour dames. Cependant, comme un autre apprentissage prolongé l’attendait, il s’enfuit à New York en 1869.
Après avoir été victime de vol et avoir reçu, pour du travail à la pièce, de l’argent des Confédérés, monnaie dénuée de valeur, Northway monta en 1870 à Hamilton, en Ontario, mais cette ville, puis Toronto et London, ne se révélèrent guère plus propices que New York. Découragé, il accepta un poste d’assistant chez un tailleur du village d’Embro, près de Woodstock. Ce tailleur avait aussi une assistante. Écossaise d’origine, Catherine McKay avait du tempérament, pratiquait son métier avec intelligence et avait du jugement en matière de finances. Elle contribuerait beaucoup à la réussite de Northway après leur mariage. Pour Northway, Embro était un bon endroit où s’enraciner dans le sud-ouest de l’Ontario : la capitale régionale de la mode n’était plus Toronto mais Cleveland (de l’autre côté du lac Érié), et comprendre ce fait lui donnait un avantage.
En cumulant leurs deux salaires, qui totalisaient 12 $ par semaine, Mme Northway économisa 100 $ et, en avril 1873, elle et son mari ouvrirent une boutique de tailleur à Tilsonburg (Tillsonburg), une des localités les plus dynamiques du sud-ouest. De confession baptiste, « Frère John » s’attacha à l’élite locale et surtout aux leaders baptistes et libéraux. Comme sa clientèle grossissait, il se mit à vendre aussi de la mercerie et il absorba les inventaires de marchands frappés par la dépression des années 1870. Sa cote de crédit montait. En 1886, il engagea un assistant, Robert Marshall Anderson. Trois ans plus tard, il acheta un magasin sur le bord de la faillite à Orillia, prit « R.M. » comme associé et lui confia la direction du magasin de Tilsonburg. L’essentiel de son activité consistait à reprendre des entreprises en difficulté et à les remettre à flot. Avec le temps, il en vint à avoir des magasins dans de nombreuses localités : Tilsonburg, Orillia, Simcoe, Ingersoll, St Thomas, Ridgetown, Woodville, Toronto, Chatham, Brantford, Hamilton et Stratford. Il les inspectait couramment, mutait les directeurs pour stimuler la vente au détail, convoquait régulièrement des consultations, fixait les normes de dotation en personnel, d’achats et de mise en marché, et contournait les maisons de courtage en achetant en gros en Europe et aux États-Unis, où il faisait, en plus, des croquis de vêtements dernier cri.
En 1893, Northway s’établit à Toronto dans l’espoir de fonder sa propre maison de courtage, la Merchant’s Import Company. Cette initiative était prématurée, mais au retour des beaux jours, en 1895–1896, il supplanta le seul fabricant torontois de vêtements pour dames, l’Alexander and Anderson Limited. En 1898, dans la rue Wellington, il bâtit une manufacture, la John Northway and Son Limited. C’est là que se faisaient la conception et la fabrication des capes, des manteaux et (à compter de 1908) des robes et des jupes de marque Northway, qui se vendaient d’un bout à l’autre du Canada. Northway intéressait les directeurs de ses magasins de détail en leur offrant des actions de l’entreprise centralisée qui fut constituée juridiquement en 1900, la Northway Company Limited. À la faveur de ses voyages annuels au centre textile de Bradford, il observait les techniques de production et les méthodes éclairées de gestion du personnel pratiquées par sir Titus Salt et la E. H. Gates and Company, deux des fabricants britanniques de vêtements les plus respectés. L’entreprise de Northway continuait à prendre de l’expansion. En 1903, sur les instances de ses directeurs de magasin, qui étaient devenus ses associés, il ouvrit un point de vente au détail au 240–242 de la rue Yonge à Toronto. Peu après avoir vu son bénéfice chuter au cours du ralentissement économique de 1906–1908, ce magasin devint l’un des fleurons de l’entreprise. Étant donné que Northway se spécialisait dans le vêtement pour dames, il ne se voyait pas, d’une façon générale, comme un concurrent des magasins à rayons Eaton et Simpson. Néanmoins, sa stratégie était claire : à l’affirmation d’Eaton « Grosses affaires, grosses aubaines », il opposait la qualité « exclusive » de la façon et des modèles de la Northway et le slogan « la distinction est un souci constant dans nos salles de dessin ». À compter de 1911, il montra une préférence pour la fraîcheur de la mode américaine.
À la fois parce qu’il était un homme d’affaires de plus en plus en vue et parce que le président du Bureau de commerce de Toronto, son ami le courtier en valeurs Alfred Ernest Ames*, usa de son influence pour le faire nommer, Northway accéda à trois des comités de cet organisme, soit ceux qui s’occupaient du Nord ontarien, de la vente en gros de nouveautés et de l’aménagement des bords du lac Ontario. Il entra en 1915 au conseil d’administration de la puissante Banque impériale du Canada et devint membre de l’Association des manufacturiers canadiens. Ses voyages en Floride, son adhésion à des clubs ainsi que l’achat d’une Cadillac et d’une maison dans le chic quartier Rosedale témoignaient que, désormais, il faisait partie d’un autre monde, ce qu’il reconnaissait tristement.
À compter de 1910, profitant de la solidité de ses entreprises – deux de ses fils deviendraient présidents, John Alexander de la Northway and Son en 1913, et Arthur Garfield de la Northway Company en 1918 –, Northway acquit par lui-même l’instruction qu’il n’avait pu recevoir enfant. Mal à l’aise dans les grands rassemblements, il possédait, de son propre aveu, « des connaissances bien trop limitées pour [les] apprécier ». Il se mit à lire beaucoup, des études religieuses d’abord, puis des ouvrages sur l’Antiquité. En 1912, il se rendit en Méditerranée et au Moyen-Orient en compagnie de sa femme. L’Égypte, en particulier, le fascina. Il versa de grosses contributions et dota des bourses d’études à la McMaster University, l’université baptiste de Toronto, et au Brandon College au Manitoba, où il bénéficia des conseils du directeur, Howard Primrose Whidden*, diplômé d’un établissement libéral, le Chicago Theological Seminary, et futur chancelier de McMaster. Le libéralisme grandissant de Northway en matière théologique et sociale se raffermit également au contact du révérend Robert James Wilson. Celui-ci avait reçu à la University of Chicago une formation qui avait développé sa conscience sociale et il avait épousé en 1904 une fille de Northway, Mary Isabel. En 1920, pendant qu’il se remettait lentement d’une opération à la prostate, Northway assista, comme auditeur libre dans des collèges de Floride et de Californie, à des cours de littérature et d’histoire dont l’un portait sur le libéralisme, le socialisme et le communisme. L’annonce de la découverte de la tombe de Toutânkhamon en Égypte en 1922 l’émerveilla. Bref, Northway était devenu un homme à l’intellect et à la conscience sociale en éveil.
À cause de ses nouveaux champs d’intérêt, Northway quitta l’église baptiste Jarvis Street, où prêchait le fondamentaliste Thomas Todhunter Shields*, et commença en 1921 à fréquenter une autre congrégation baptiste, celle-là progressiste, Walmer Road, où John MacNeill occupait la chaire. Guidé par Whidden, MacNeill et un professeur de la McMaster University, Jones Hughes Farmer, lui aussi partisan du mouvement Social Gospel et de la critique biblique, Northway réfléchit davantage à ses devoirs d’employeur. Celui que tout le monde appelait le Gouverneur avait toujours été un personnage bienveillant, mais il s’attachait désormais à faire meilleur usage de sa fortune. Dans ses dernières années, malgré un cancer de plus en plus douloureux, il se consacra aux œuvres de bienfaisance de son époque tout en accordant une attention particulière à ses employés et aux étudiants et professeurs de McMaster et en prenant des mesures novatrices en leur faveur. En 1913, il mit sur pied une « caisse de salaires spéciale » à l’intention des ouvriers de sa manufacture qui étaient malades ou en situation de détresse. Quatre ans plus tard, il établit une « caisse de prévoyance pour les employés » de ses magasins. En 1919, après avoir étudié divers régimes de retraite, notamment celui offert par sir Titus Salt, il instaura son propre régime non contributif. (La compagnie Eaton n’adopterait pas de régime de retraite avant 1949.) Décédé en 1926, Northway fut inhumé dans un mausolée au cimetière Mount Pleasant. Il laissait dans le deuil sa femme, deux filles et ses fils John Alexander et Arthur Garfield. La valeur de sa succession fut estimée à plus de 1 816 000 $. Il léguait une somme à la McMaster University à l’intention des étudiants de théologie dans le besoin et, par un don de 10 000 $, l’incitait à instaurer un régime de retraite, ce qu’elle fit.
Après s’être voué tout entier à l’édification de ses entreprises, John Northway avait élargi ses horizons. Sensible aux problèmes de reconstruction sociale qui surgissaient au lendemain de la récession de 1906–1908 et de la Première Guerre mondiale, il prôna une approche systématique de l’assistance aux employés et joua un rôle important dans la réforme du monde des affaires et de l’industrie.
On trouve une biographie plus complète de John Northway dans notre livre intitulé John Northway, a blue serge Canadian (Toronto, 1965). Les papiers Northway sont conservés aux Trent Univ. Arch. (Peterborough, Ontario), 70-003, et certains sont en notre possession. [a. w.]
AO, RG 22-305, nº 55736 ; RG 80-5-0-25, 24 : 456.
Alan Wilson, « NORTHWAY, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/northway_john_15F.html.
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Auteur de l'article: | Alan Wilson |
Titre de l'article: | NORTHWAY, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |