PRICE, BRUCE, architecte, né le 12 décembre 1845 à Cumberland, Maryland, fils de William Price et de Marion Bruce ; en 1871, il épousa Josephine Lee, de Wilkes-Barre, Pennsylvanie, et ils eurent deux enfants dont Emily qui, sous le nom d’Emily Post, devint une célèbre spécialiste de l’étiquette ; décédé le 29 mai 1903 à Paris, où il était allé se reposer.

Bruce Price grandit à Baltimore, au Maryland, où sa famille s’installe quand il a environ sept ans. Après avoir travaillé de 1864 à 1868 comme dessinateur pour les architectes Niernsée and Neilson de Baltimore, Price fonde dans cette ville sa propre firme, en s’associant à Ephraim Baldwin. On doit à cette association la chapelle néo-gothique Lee Memorial sur le campus de la Washington and Lee University à Lexington, en Virginie, dessinée en 1871. Peu après, Price s’installe à Wilkes-Barre, où il construit plusieurs maisons et quelques petits édifices commerciaux. En 1877, il s’établit à New York. Il continue à dessiner des maisons, mais il se distingue d’abord par des villas et des hôtels de villégiature construits sur la côte de l’Atlantique depuis le New Jersey jusqu’au Maine. Ces travaux, régulièrement publiés dans les revues d’architecture, valent à Price une renommée qui est bien établie vers 1885 quand il entreprend son œuvre la plus originale, Tuxedo Park. Pour cet ensemble résidentiel à quelque 35 milles de New York, il dessine alors une douzaine de maisons, dont plusieurs sont les plus novatrices du style Shingle. Grâce à ses contacts avec Pierre Lorillard qui lui a commandé cet ensemble et qui, entre autres entreprises, possède une ligne ferroviaire, Price établit des liens solides et fructueux avec les barons du chemin de fer. La même année, il dessine des wagons pour le Pennsylvania Railroad et pour le Boston and Albany Railroad. En 1892, il construit la gare d’Elizabeth au New Jersey.

C’est en 1886 que commence l’association de Price avec la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, qui va le mener à Montréal, Banff (Alberta) et Québec. En novembre 1885, la compagnie a terminé la construction du premier chemin de fer transcontinental et elle désire améliorer l’infrastructure de son réseau afin de répondre aux besoins des voyageurs. C’est dans ce contexte que les dirigeants de la compagnie font appel à Price pour construire la gare Windsor, à Montréal. Dès le départ, Price rencontre des difficultés, dont il se plaindra par la suite. Après avoir soumis quatre projets, il est encore contraint de modifier le dernier au cours de la construction. Les deux premiers projets prévoyaient un édifice en brique et les deux derniers, en pierre. Price proposait aussi de couronner son édifice par une très haute toiture percée de lucarnes ainsi que par une tour imposante pour produire une silhouette pittoresque. La gare Windsor se distingue surtout par son allure robuste. L’appareil rustique de la pierre grise, bien conforme à la tradition montréalaise, contribue à cette image de force comme le font aussi les formes d’inspiration romane, dont les grands arcs qui s’élèvent sur la hauteur de trois étages. Price est toutefois resté insatisfait du résultat auquel il reprochait de manquer de caractère. La gare Windsor est loin d’être dépourvue de caractère, mais celui qu’elle possède ne correspond sans doute pas à la conception de son architecte qui, encore à cette époque, associait caractère et pittoresque. Avec son toit bas, ses formes sobres et sa petite tour de plan carré, privée de la lanterne que l’architecte avait conçue pour la couronner, l’édifice montréalais a fini par ressembler à certaines œuvres des grands concurrents de Price, George Browne Post et surtout Henry Hobson Richardson. Construite à compter de juin 1887, la gare est inaugurée le 1er février 1889. L’année suivante, Price dessine aussi les plans de la maison de James Ross*, rue Peel, à Montréal.

Commandé peu après la gare Windsor, toujours par la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, le Banff Springs Hotel est l’édifice de Price au Canada dont la construction est achevée la première, soit en 1888. Érigé en bois, le premier hôtel de Banff n’est quand même pas un petit édifice. Élevé sur un plan en H, il possède cinq étages et peut accommoder 280 visiteurs. Il se distingue surtout par les profondes galeries qui prolongent ses ailes à chaque étage, mettant ainsi à la disposition des vacanciers de vastes espaces d’où ils peuvent contempler le splendide panorama des Rocheuses. Les hautes toitures, les lucarnes et surtout les timides tourelles aux angles des ailes indiquent que l’architecte a voulu suggérer aux visiteurs du Banff Springs Hotel leur évasion dans un château. L’édifice sera détruit en 1925, car dès 1912 un autre architecte américain, Walter S. Painter, avait commencé à le remplacer par l’hôtel beaucoup plus imposant qui existe toujours.

C’est sans contredit le prochain hôtel de Price, le château Frontenac, qui a établi le style château. William Cornelius Van Horne*, président de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, voulait faire de cet hôtel celui dont on parlerait le plus sur le continent américain. Son architecte, quant à lui, déclarait que c’est la nature du site qui lui avait inspiré une composition pittoresque. Les variations du niveau du sol ont suggéré une construction sur un plan en fer à cheval formé de cinq ailes traitées différemment. L’architecte a pris soin de ménager une progression vers la terrasse Dufferin où le château Frontenac affirme sa présence imposante au sommet de la falaise. C’est l’aile tournée vers la falaise qui est la plus haute et la plus ornée, et la progression culmine dans la massive tour ronde qui marque la position la plus avancée. Encore aujourd’hui, grâce aux travaux qu’ont effectués entre 1920 et 1924 les architectes montréalais Edward* et William Sutherland Maxwell, cette tour termine, au rez-de-chaussée, le long axe qui part du hall d’entrée. En arrivant à la tour, le visiteur découvre une vue splendide sur le fleuve, la rive sud et les montagnes de la rive nord. Après les deux phases de travaux accomplis par Price, en 1892–1893 et 1897–1899, Walter S. Painter et les frères Maxwell ont, dans leurs agrandissements successifs, continué à accentuer le pittoresque de cette gigantesque construction.

C’est encore à Price que fait appel Van Horne en 1895 pour construire un édifice destiné à remplacer la gare Dalhousie, à Montréal. L’immeuble, qui renferme la gare et l’hôtel Viger, est bâti avec la même brique orange que le château Frontenac et se présente avec des formes semblables. Price rapporte cependant qu’à cause du site, l’édifice montréalais exigeait un traitement plus simple. Bordant la partie centrale du côté sud du square Viger, l’immeuble présente une façade rigoureusement symétrique tout à fait appropriée. Sa symétrie préfigure aussi la tendance qu’adoptera après lui le style château qui avait commencé avec un traitement beaucoup plus libre au château Frontenac. La longue arcade du rez-de-chaussée, encadrée par les pavillons saillants des extrémités, rappelle la façade du Royal Victoria College, de Montréal, dont Price entreprend la construction la même année. Certains ont émis l’idée que cette distribution peut avoir été inspirée par l’immeuble de l’université Laval à Montréal situé tout près. Connaissant le respect de Price pour le contexte, cette hypothèse est plausible. Quoi qu’il en soit, la solution qu’il a retenue est bien adaptée pour l’entrée d’un hôtel et encore plus pour celle d’une gare. Terminée en 1898, cette dernière occupe le rez-de-chaussée tandis que la réception de l’hôtel, les salons et les salles à manger se situent au premier étage. La longue arcade qui se déploie sur toute la longueur de la façade au sommet de quelques marches assure la transition entre deux espaces publics et procure un abri de grande classe aux visiteurs qui attendent ou qui désirent tout simplement s’arrêter un instant pour jeter un coup d’œil sur le square et la ville dans laquelle ils viennent d’entrer.

Tout au long des années 1890, Price reçoit de nombreuses commandes et ses projets sont toujours plus ambitieux. Il avait déjà construit des édifices de taille moyenne pour le commerce et l’habitation à New York et à Cincinnati, en Ohio, mais à compter de 1890 il conçoit plusieurs gratte-ciel pour des bureaux et des hôtels. L’immeuble de l’American Surety Company à New York (1894), le gratte-ciel le plus haut à cette date, suscite énormément d’intérêt. Il érige en plus des pavillons sur les campus de Yale, à New Haven, au Connecticut, McGill à Montréal et Barnard College à New York.

À la fin de sa vie, Price participe sans succès à plusieurs concours pour la construction d’édifices publics, tels que le Capitole du Minnesota, l’auditorium et le palais de justice de Baltimore ainsi que le palais de justice de Wilkes-Barre. Il réalise cependant un certain nombre de monuments, dont celui de son collègue, l’architecte Richard Morris Hunt, dévoilé à New York en 1898. Peu avant sa mort, on le consulte pour la construction d’un palais princier au Japon.

La renommée dont jouit Price lui vaut beaucoup d’honneurs de même que la responsabilité de nombreuses tâches au sein d’organismes consacrés aux arts et à l’architecture. Il préside plusieurs comités de l’American Institute of Architects et de l’Architectural League de New York. Président de ce dernier organisme de 1897 à 1899, il est également directeur de la Municipal Art Society de New York, de 1901 à 1903. En 1900, il reçoit une médaille de bronze à l’Exposition internationale de Paris.

Comme les architectes de sa génération, Price est un éclectique. Après s’être distingué comme un maître du style Shingle, il travaille dans les styles japonais, georgien, néo-classique, néo-roman, Renaissance italienne et Renaissance française. Il accorde une faveur particulière à ce dernier style (château Frontenac et gare Viger). Price apprécie surtout les hautes toitures des châteaux français, et il lui arrive d’en dresser sur des élévations de style georgien (Georgian Court, à Lakewood, au New Jersey, 1897). Il recherche avant tout les effets riches et pittoresques. Ses premiers édifices à Wilkes-Barre trahissent, par leurs formes et la polychromie, l’influence du critique d’art anglais John Ruskin. Dans ses premières maisons aussi, il multiplie les saillies et les irrégularités, en plan autant qu’en élévation, pour produire des silhouettes animées. Bientôt cependant, les formes deviennent plus trapues et les plans, symétriques et compacts (maisons de Tuxedo Park) ; mais Price conserve sa prédilection pour les couleurs, les textures et les reliefs accusés. Il est évidemment sensible aux nouveautés de l’architecte Henry Hobson Richardson (gare Windsor).

Bien qu’il n’ait pas construit autant d’édifices publics que ses contemporains, Richard Morris Hunt et la firme de Charles Follen McKim, William Rutherford Mead et Stanford White, qui jouissaient du prestige d’avoir étudié à l’École des Beaux-Arts de Paris alors que lui-même ne possédait aucune formation universitaire, et bien qu’il fût moins original que Richardson et Louis Henri Sullivan, Price n’en a pas moins apporté une contribution à l’architecture. En architecture domestique, il assure le lien entre le style Shingle et l’Américain Frank Lloyd Wright. Comme ce dernier, il fait reposer le plan de la maison sur des axes et accuse l’horizontalité. Il prolonge aussi la maison par des porches et des vérandas qui accentuent le lien avec la nature. Il déclarait que sa première préoccupation était d’assurer l’intégration avec la nature et que, pour cette raison, il aimait concevoir ses maisons sur le lieu même de leur construction.

On doit également à Price d’avoir fourni des idées nouvelles pour le dessin du gratte-ciel quand celui-ci n’était encore qu’à son enfance. Dès 1890, il a emprunté pour ce type d’édifice la forme du campanile de la place Saint-Marc à Venise, qu’allaient reprendre plusieurs architectes au début du xxe siècle ; il fut le premier à soutenir qu’il fallait accorder un soin égal aux quatre façades, et le premier à réaliser un tel édifice (American Surety Company). Cette conception qui présente le gratte-ciel comme une tour qui se détache et qui pour cela, selon Price, doit se dresser sur un emplacement d’une superficie plus grande que celle qu’elle couvre elle-même, fait de ce dernier le pionnier d’un règlement de zonage qui ne fut adopté qu’au début des années 1950 et qui allait transformer le centre des villes.

À l’époque où l’influence américaine commençait à s’exercer massivement sur l’architecture canadienne, Price figure parmi les tout premiers à avoir accepté des commandes au Canada. Non seulement est-il un de ceux qui y ont érigé le plus grand nombre d’édifices, mais c’est aussi celui dont l’influence a laissé les traces les plus durables et distinctives. Principal artisan du style château, on lui confère parfois le prestige d’en avoir fait un style national canadien.

Claude Bergeron

Architectural Record (New York), « Great American architects ser. », no 5 (juin 1899), particulièrement Russell Sturgis, « The works of Bruce Price : a critique » : 1–63, et Barr Ferree, « A talk with Bruce Price » : 64–112.— Lamia Doumato, Bruce Price, 1845–1903 (Monticello, Illinois, [1984]).— S. H. Graybill, « Bruce Price, American architect, 1845–1903 » (thèse de ph.d., Yale Univ., New Haven, Connecticut, 1957).— H. R. Hitchcock et al., The rise of an American architecture, Edgar Kaufmann, édit. (New York, 1970).— H. D. Kalman, The railway hotels and the development of the Château style in Canada (Victoria, 1968).— Guy Pinard, Montréal : son histoire ; son architecture (4 vol. parus, Montréal, 1986-  ).— François Rémillard et Brian Merrett, les Demeures bourgeoises de Montréal : le mille carré doré, 1850–1930 (Montréal, 1986).— Abraham Rogatnick, « Canadian castles ; phenomenon of the railway hotel », Architectural Rev. (Londres), 141 (1967) : 364–372.— Montgomery Schuyler, « The « sky-scraper » up to date », Architectural Record, 8 (1898–1899) : 231–257.— V. J. Scully, The Shingle style ; architectural theory and design from Richardson to the origins of Wright (New Haven, 1955).— H. F. et E. R. Withey, Biographical dictionary of American architects (deceased) (Los Angeles, 1970).

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Claude Bergeron, « PRICE, BRUCE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/price_bruce_13F.html.

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Auteur de l'article:    Claude Bergeron
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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