ROMAIN (Audivert, dit Romain ; Odivert, dit Romain), FRANÇOIS, fonctionnaire et officier de milice, né le 7 janvier 1768 à Québec, fils de François Audivert, dit Romain, et d’Anne Ledroit, dit Perche ; le 15 septembre 1789, il épousa au même endroit Agathe Debigaré, dit Lebasque ; décédé le 18 août 1832 dans sa ville natale.
François Romain appartient à la troisième génération d’une famille dont l’ancêtre est venu d’Italie pour s’installer en Nouvelle-France au début du xviiie siècle. Après des études au petit séminaire de Québec, qu’il interrompt en 1786, il partage avec son père la place de gardien de la bibliothèque de Québec, fondée en 1779 par le gouverneur en chef de la province de Québec, Frederick Haldimand*. En 1792, lors de la formation de la première chambre d’Assemblée du Bas-Canada, François Romain et son père se chargent de mettre sur pied une bibliothèque pour le Parlement. À ce titre, ils peuvent être considérés comme les premiers Canadiens à exercer la profession de bibliothécaire dans le Bas-Canada. En 1802, la bibliothèque semble connaître une certaine popularité auprès des députés, puisqu’un rapport d’un comité de l’Assemblée suggère des « arrangements [...] à l’égard des livres importés pour l’usage de cette Chambre ». Le responsable officiel de la bibliothèque est le greffier adjoint William Lindsay ; de 1810 à 1816, Romain apparaît sur la liste civile avec le modeste titre de « portier » à l’ancien palais épiscopal loué par la chambre d’Assemblée. Toutefois, en 1809, au moment de son accession au poste de président de la Société littéraire de Québec, on le qualifiait de bibliothécaire.
Au cours de la guerre de 1812, Romain est nommé quartier-maître dans le 1er bataillon de milice de la ville de Québec ; l’année suivante, il est promu au grade de lieutenant. En 1818, il quitte ses fonctions de bibliothécaire et s’associe avec l’arpenteur Robert-Anne d’Estimauville dans une agence générale à Québec. Selon un avis publié dans la Gazette de Québec du 3 septembre, l’agence offre aux immigrants et voyageurs des renseignements sur le Canada. Elle s’occupe aussi de placer des domestiques, en plus de vendre ou de louer des maisons. L’affaire ne semble pas connaître le succès puisque, le 2 juin 1821, d’Estimauville se sépare de son associé pour devenir l’adjoint de son frère, Jean-Baptiste-Philippe-Charles d’Estimauville, grand voyer du district de Québec. Quant à Romain, il reprend son poste de bibliothécaire.
À partir de 1821, il devient difficile de départager la carrière de Romain et celle de son fils François, avocat de Québec de 1822 à 1832. Malgré ce problème de noms identiques, il semble logique d’attribuer à François Romain père le rôle de pionnier dans le domaine de l’éducation vu son expérience antérieure. Ainsi, le 7 mai 1821, c’est lui qui aurait fait partie du comité fondateur de la Société d’éducation de Québec. Un an plus tard, avec le président de cette société, Joseph-François Perrault*, il aurait également participé à l’organisation de la première école publique gratuite à Québec.
En mai 1825, après le départ de Perrault, dont le libéralisme religieux inquiétait grandement Mgr Jean-Jacques Lartigue*, Romain accède à la présidence de la société. Il conserve son titre de président jusqu’à sa mort. En 1829, à la suite de pressions exercées par Romain, l’Assemblée vote £483 à la Société d’éducation de Québec « pour payer les dettes contractées et pour le soutien de l’école ». Le 10 février 1830, Romain comparaît devant le comité spécial d’éducation de l’Assemblée. Il explique aux députés que la Société d’éducation de Québec ne peut plus subvenir aux demandes et qu’il faudrait une école capable de contenir plus de 600 enfants. Déjà, la société a acheté un terrain et fait ériger une nouvelle école, rue des Glacis, au faubourg Saint-Jean. Romain soutient d’ailleurs que le grand nombre de demandes tient au fait que c’est « la seule école gratuite de Québec vraiment catholique, bien que la Société d’éducation admette tous les enfants, indistinctement de leur croyance religieuse ».
Le projet d’une nouvelle école est accepté par le comité parlementaire qui recommande de verser des octrois à la Société d’éducation de Québec. Le 15 mars 1831, le député Hector-Simon Huot*, membre du comité d’éducation de l’Assemblée, est interrogé par ses collègues sur une pétition que vient de présenter Romain au nom de la société. Huot rappelle que la Société d’éducation de Québec, dont il se déclare secrétaire, a bien reçu de l’Assemblée £1 182, en plus de £142 de souscription annuelle. S’inspirant du rapport de Romain, Huot souligne que les écoles de la société regroupent en 1831 un total de 402 élèves (230 dans la section française et 172 dans la section anglaise). Les cours se donnent dans un nouveau bâtiment depuis le mois d’août 1830. Dressant une sorte de bilan de l’action du président François Romain, le député Huot note que 918 élèves (618 dans la section française et 300 dans la section anglaise) ont fréquenté les écoles de la société depuis mai 1826.
Romain présente alors au comité une « évaluation des dépenses probables » pour l’année 1831–1832. Le budget de £401 comporte notamment £250 pour le salaire des deux maîtres d’école, £30 pour les articles de bureau et les livres de classe, £20 pour le chauffage, £15 pour des réparations et même £3 pour des assurances. La demande de financement est acceptée avant l’adoption en 1832 d’une nouvelle loi qui prévoit un budget global pour l’éducation dans le Bas-Canada, ce qui était l’un des objectifs poursuivis depuis 11 ans par Perrault, le libéral, autant que par Romain, le conservateur.
L’année 1832 marque donc pour ces deux pionniers l’aboutissement d’une longue période de luttes pour l’avancement de l’éducation. Une suite d’événements pénibles assombrissent cette ultime phase de la carrière de Romain. Son vieil ami et ancien associé Robert-Anne d’Estimauville est mort le 31 juillet 1831. Son fils unique François s’éteint à son tour le 11 février 1832.
François Romain succombe lui aussi durant la grande épidémie de choléra de 1832. La Gazette de Québec du 20 août rapporte une recrudescence de l’épidémie à Québec depuis 15 jours par suite de températures humides de 65 à 80° F. Le journal précise que plus de 2 000 personnes ont péri depuis le début de l’épidémie, en juin. Selon un bilan quotidien de la « terrible visiteuse », la journée du 18 août est la plus sombre avec 33 décès. Les ravages sont tels que les autorités se voient obligées d’ouvrir un nouveau cimetière sur les plaines d’Abraham, pour les résidents de la haute ville. C’est là que François Romain est inhumé en hâte le jour même de son décès, le 18 août 1832.
ANQ-Q, CE1-1, 7 janv. 1768, 15 sept. 1789, 11 févr., 18 août 1832 ; P-239.— B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 1823–1831.— La Gazette de Québec, 6 mars 1794, 24 déc. 1799, 11 déc. 1800, 8 févr. 1810, 3 sept. 1818, 10 mai 1822, 20 août 1832.— Hare et Wallot, les Imprimés dans le B.-C., 197.— Officers of British forces in Canada (Irving).— L.-P. Audet, le Système scolaire, 5 : 33–34.— Bernard Dufebvre [Émile Castonguay], Journal d’un bourgeois de Québec (Québec, [1960]), 83.— Gilles Gallichan, la Bibliothèque de la Législature de Québec, 1802–1977 (Québec, 1977), 3–4 ; « Bibliothèques et Culture au Canada après la Conquête (1760–1800) » (thèse de
Yvon Thériault, « ROMAIN (Audivert, dit Romain ; Odivert, dit Romain), FRANÇOIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/romain_francois_6F.html.
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Auteur de l'article: | Yvon Thériault |
Titre de l'article: | ROMAIN (Audivert, dit Romain ; Odivert, dit Romain), FRANÇOIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 8 nov. 2024 |