ROUS, JOHN, corsaire, officier de marine, membre du Conseil de la Nouvelle-Écosse, né entre 1700 et 1710, décédé à Portsmouth, Angleterre, le 3 avril 1760.

John Rous joua un rôle de premier plan parmi les capitaines de vaisseaux corsaires au cours de la guerre de la Succession d’Autriche (1740–1748). D’après certaines sources autorisées, il se livra, en 1744, à de nombreux raids contre les flottes de pêche françaises et les ports de la rive nord de Terre-Neuve. L’année suivante, il occupait le poste de commandant en second des forces navales du Massachusetts au cours du siège de Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton). Il fut le premier à prêter main-forte au Mermaid lors de l’engagement qui entraîna, le 20 juin (ancien style), la capture du Vigilant, vaisseau français de 64 canons [V. Alexandre de La Maisonfort]. Le commodore Peter Warren, se rendant compte que « cet homme alerte et vaillant » pourrait être utile « lors de nouvelles opérations de même nature », le nomma troisième lieutenant sur le Vigilant mais lui laissa tout de même le commandement du Shirley, un senau de 20 canons. Le Shirley fit voile vers l’Angleterre au début de juillet pour y porter des dépêches, et lorsque le vaisseau revint, en septembre, Warren l’acheta pour l’utiliser en Amérique du Nord et Rous en demeura le capitaine. Le Shirley fut classé comme frégate et Rous prit le titre de capitaine de vaisseau de la marine royale.

Annapolis Royal, en Nouvelle-Écosse, devint le port d’attache du Shirley en 1746. Un ouragan l’endommagea en septembre et Rous, incapable de quitter le port, fut dans l’impossibilité de prêter main-forte à la garnison de Grand-Pré qui fut attaquée par les Français au début de l’année suivante [V. Arthur Noble]. En mars, il transporta un parti de 100 hommes sous les ordres de John Winslow* et de Silvanus Cobb qui allaient réaffirmer la présence anglaise aux Mines. On désarma le Shirley en juin 1747 et Rous servit alors pendant une brève période sous les ordres de l’amiral Charles Knowles. Au cours de l’hiver, William Shirley, gouverneur du Massachusetts, envoya Rous en Angleterre en qualité d’émissaire et aussi pour lui permettre d’obtenir une nouvelle affectation ; lorsqu’il débarqua, en avril 1748, la guerre touchait à sa fin. Rous, qui était muni des dépêches de Shirley et de Knowles et nanti de leurs recommandations, fut consulté au sujet du plan à suivre pour la colonisation de la Nouvelle-Écosse ; on lui confia le commandement d’un sloop de 14 canons, l’Albany. Le 7 mai 1749, il reçut l’ordre de transporter des colons du Nore (à l’est de Londres) jusqu’en Nouvelle-Écosse. D’une main ferme, il sut enrayer des désordres naissants, puis il conduisit les colons de Portsmouth à Halifax qu’il atteignit le 29 juin.

Entre 1749 et 1755, Rous occupa le poste d’officier supérieur en charge de la station navale de la Nouvelle-Écosse et contribua de façon remarquable à préserver la jeune colonie. Puisque l’Amirauté ne fournissait pas à la Nouvelle-Écosse de défense navale efficace, Rous dut improviser un système de protection devenu absolument nécessaire si on voulait assurer le maintien des établissements de Halifax, de Canseau (Canso), de Lunenburg, d’Annapolis Royal et de Chignectou. Il disposait de trois sloops de 14 canons appartenant à la marine royale, occasionnellement d’un bâtiment de guerre d’Angleterre et de plusieurs vaisseaux côtiers de la Nouvelle-Angleterre. Il déploya de l’activité contre les Français au cours de cette période : ainsi, en 1749, il porta à Charles Deschamps* de Boishébert, à la rivière Saint-Jean, une lettre du gouverneur, Edward Cornwallis*, dans laquelle celui-ci revendiquait l’embouchure de la rivière comme territoire anglais. Par sa forte personnalité, Rous réussit à faire baisser pavillon au commandant français et à faire admettre à celui-ci que la possession du territoire était pour le moins discutable. Rous accompagna les expéditions commandées par Charles Lawrence et dirigées contre les Français de Chignectou, en avril 1750 et en septembre de la même année. Il apporta l’appui décisif de la marine lors du débarquement des troupes et donna à Lawrence des conseils judicieux, entre autres, celui de cantonner les troupes anglaises aux Mines pendant l’été afin de prévenir un soulèvement général.

À la fin de 1753, Rous prit le commandement de la frégate Success armée de 24 canons. L’année suivante, il fut nommé membre du Conseil exécutif de la Nouvelle-Écosse. Au printemps de 1755, il commanda l’escorte navale, composée de trois frégates de 24 canons et d’un sloop, qui accompagna les 33 vaisseaux de transport et les 2 100 hommes qui allaient attaquer le fort Beauséjour (près de Sackville, N.-B.). Après la reddition du fort français, le 17 juin, Rous fit voile vers la rivière Saint-Jean afin d’y raser les fortifications. Cependant, lorsqu’il arriva sur les lieux, les Français incendièrent les forts et en firent sauter les canons. En juillet, il participa à la décision que prit le Conseil de la Nouvelle-Écosse de déporter les Acadiens. Il commandait le convoi qui prit la mer en octobre avec les colons français de Chignectou « qui avaient toujours été les plus rebelles ». Plus tard au cours du même mois, il réussit à faire sortir les transports de la baie de Fundy et à les acheminer vers la Georgie et les Carolines. De retour à Halifax, il fut cité devant un conseil de guerre pour répondre à certaines accusations d’abus d’autorité dont il se serait rendu coupable à Halifax, mais il fut exonéré de ces accusations malveillantes qui n’étaient peut-être pas dénuées de tout fondement.

À la fin de 1756, Rous fut chargé de convoyer des navires transportant des mâts jusqu’en Angleterre mais il reçut par suite l’ordre de regagner Halifax pour y occuper de nouveau la fonction d’officier en charge de la station navale. Il passa une bonne partie de l’hiver à Boston afin de se concerter avec lord Loudoun [John Campbell], commandant en chef des forces anglaises en Amérique du Nord, et Charles Lawrence sur la stratégie offensive de la guerre en Amérique. En février 1757, il reprit le commandement du Success et fut par la suite envoyé en mer pour assumer le commandement des autres vaisseaux ou escadres. Il joua un rôle de premier plan dans les préparatifs en vue de l’expédition contre Louisbourg projetée pour 1757 ; ce projet fut toutefois abandonné momentanément. Lorsqu’on décida de le mettre à exécution, l’année suivante, Rous prit le commandement du Sutherland, vaisseau de 50 canons, et joua un rôle important lors du débarquement à la baie de Gabarus. Au printemps de 1759, l’amiral Philip Durell l’envoya à Canseau pour y étudier les conditions des glaces et rechercher des vaisseaux français. En juin, à bord du Sutherland, il fit voile vers Québec. L’amiral Charles Saunders* le désigna pour prendre la direction d’une petite escadre qui remonterait le fleuve en amont de la ville ; dans la nuit du 18 au 19 juillet, le Sutherland, accompagné des autres vaisseaux de l’escadre, doubla le cap de Québec sous le feu nourri des batteries de la ville et cela sans perdre un seul homme. C’est cette manœuvre qui, en fin de compte, devait décider du sort de la ville. Le 13 septembre, lorsque les troupes anglaises débarquèrent à Québec pour l’assaut décisif, c’est du Sutherland que les chaloupes de débarquement furent mises à la mer pour atteindre l’anse au Foulon.

Rous convoya la flotte de navires chargés de mâts en Angleterre au cours du même automne ; il toucha le port le 26 décembre. Il mourut à Portsmouth le 3 avril 1760 et ses obsèques eurent lieu à l’église St Thomas (l’actuelle cathédrale de Portsmouth). Il laissait sa femme, Rachel, épousée en secondes noces, deux fils et trois filles, dont l’une était l’épouse de Richard Bulkeley*, secrétaire de la province de la Nouvelle-Écosse, et aussi un frère, Joseph, premier gardien du phare de Sambro, Nouvelle-Écosse.

Il n’y a pas, qu’on sache, de portrait de Rous ; cependant, sa mémoire est perpétuée par la toponymie de la Nouvelle-Écosse où, çà et là, on retrouve son nom. Son éloge le plus durable est sans doute ce commentaire de l’historien de la Nouvelle-Écosse, Beamish Murdoch*, qui pourrait lui servir d’épitaphe : « En toute circonstance il s’est montré efficace, habile et digne de confiance. »

W. A. B. Douglas

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W. A. B. Douglas, « ROUS, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/rous_john_3F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
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