SCOTT, THOMAS, marchand, fonctionnaire, officier de milice et propriétaire foncier, né vers 1741, probablement en Angleterre ; décédé le 24 avril 1810 près de Québec.

Thomas Scott était déjà établi à Québec comme marchand en août 1762. Quaker et pacifiste, il se trouva mêlé, en juillet de l’année suivante, à une violente querelle avec un sergent écossais, au cours de laquelle le soldat l’assaillit avec une arme. Cet éclat provenait probablement en partie des rapports tendus entre les militaires et la petite communauté de marchands qui habitaient la province après la Conquête, et peut-être aussi d’un certain antagonisme entre les Écossais et les Anglais. Scott se plaignit au gouverneur Murray*, lui-même Écossais, qui ne fit que le réprimander pour sa « maudite arrogance d’Anglais ».

La nature des transactions commerciales de Scott est incertaine. En 1767, lui et deux marchands importants, Thomas Dunn et Richard Dobie, étaient procureurs d’un autre marchand, Edward Harrison*. Scott semble avoir quitté les affaires deux ans plus tard. Le 1er septembre 1769, il commença à remplir le poste salarié de contrôleur des douanes, avec la responsabilité de vérifier les comptes du receveur des douanes, Thomas Ainslie, et, comme il le disait, « afin d’exercer un contrôle complet sur tous les aspects de la conduite du receveur ». Scott et le receveur adjoint des douanes, Thomas Mellish, se trouvèrent immédiatement pris dans l’interminable conflit entre Ainslie et le gouverneur Guy Carleton au sujet du champ de compétence et des honoraires du receveur des douanes. Ainslie soutenait qu’il n’était pas obligé, à titre de fonctionnaire impérial, de se soumettre à la vérification des autorités coloniales. Les conséquences pratiques du refus de Scott de donner son appui à Ainslie dans cette querelle ne sont pas claires. Bien que Scott eût mérité les éloges de Carleton, comme « fonctionnaire appliqué », Ainslie l’accusa, en juin 1770, de ne pas faire le « travail officiel » ; par la suite, les deux hommes mirent cependant leurs différends de côté pendant quelque temps, peut-être encouragés par une expérience et des amitiés communes. Le 13 septembre 1775, Scott entra dans la milice britannique de Québec ; il servit comme lieutenant dans la compagnie d’Ainslie durant l’invasion et l’occupation de la colonie par les Américains en 1775 et 1776 [V. Benedict Arnold ; Richard Montgomery*]. Le 14 août 1776, il reçut une commission de juge de paix à Québec, laquelle fut renouvelée plusieurs fois. Quelque temps après 1769, il avait épousé Jane Phillips, sœur de Mary, femme du maître de poste Hugh Finlay. Ils eurent au moins deux fils qui furent baptisés à l’église anglicane dans les années 1770 ; leur choix de parrains et de marraines dénote des rapports cordiaux avec deux membres du Conseil législatif, John Drummond et Adam Mabane*, et avec la femme d’Ainslie, Elizabeth. Le fait que Scott habitait en 1779 une maison en pierre de deux étages dans la rue des Pauvres (côte du Palais), qui était devenue une rue de bien nantis, traduit bien sa situation financière et sociale.

Le conflit entre Scott et Ainslie réapparut au cours des années 1780. Scott se plaignit à la Trésorerie britannique, en 1783 et 1787, de la ferme résistance d’Ainslie au contrôle des autorités coloniales et de son incidence sur l’exercice de ses fonctions. En 1788, à l’occasion d’une enquête sur les comptes du receveur général adjoint, William Grant (1744–1805), Scott accusa ouvertement Ainslie de lui avoir refusé depuis 1770 l’accès aux registres des droits perçus ainsi qu’aux directives officielles de Londres, même s’il y avait droit en tant que contrôleur. Toutefois, dans bon nombre de déclarations sur la politique douanière, Scott et Ainslie se tinrent pour soutenir les intérêts impériaux ; par exemple, ils s’opposèrent en 1790 à une pétition des marchands de la colonie qui aurait en réalité apporté une baisse des recettes.

L’activité de Scott comme contrôleur des douanes se réduisait principalement à la courte mais fiévreuse saison de navigation à Québec ; il avait ainsi amplement de temps à consacrer à ses affaires personnelles et à ses intérêts sociaux. Sa nomination en 1789 comme curateur des biens du lieutenant-colonel Christopher Carleton, neveu et beau-frère du gouverneur, est une nouvelle preuve de la bonne réputation dont jouissait Scott dans la communauté britannique. En 1792, à titre de chef en vertu du système des chefs et associés de canton [V. James Caldwell], il reçut une terre de grandes dimensions dans le canton de Durham, le long de la rivière Saint-François ; par la suite, il acquit plus de 21 000 acres dans Durham. La même année, il acheta de John Drummond une ferme en bordure de la rivière Saint-Charles, près de Québec ; cet achat comprenait une « élégante villa », appelée plus tard Sans Souci. Il loua ensuite de Mgr Plessis* et de Henry Caldwell les propriétés attenantes, au moyen d’un bail à long terme. Apparemment, les Scott passaient le printemps, l’été et l’automne à la ferme et revenaient probablement rue des Pauvres pour l’hiver.

Scott joua aussi un rôle public. En 1787, il fut nommé au sein d’une commission qui, sous la direction de Kenelm Chandler, était chargée de faire un rapport sur les biens des jésuites. Deux ans plus tard, il compta parmi les fondateurs et les souscripteurs de la Société d’agriculture du district de Québec, dont il fut membre du conseil d’administration en 1791 et 1793. Le 31 décembre 1798, il fut maître d’hôtel à l’occasion d’un dîner anniversaire au cours duquel les anciens combattants de la garnison de Québec célébrèrent leur résistance durant le siège de la ville par les Américains en 1775 et 1776.

En février 1800, Scott succéda à Ainslie comme receveur des douanes. Son mandat fut apparemment exempt de controverse, et tout le fardeau des problèmes douaniers dans la nouvelle et lointaine province du Haut-Canada disparut en 1801, avec l’établissement d’une douane distincte. En plus de son salaire et de ses honoraires, Scott tirait dans les années 1800 des revenus de la location de propriétés ainsi que des intérêts sur des prêts, dont un de £800 à Thomas Dunn et un autre totalisant £2 500 à la firme Lester and Morrogh [V. Robert Lester]. En raison de ses liens de parenté avec Hugh Finlay, qui était mort en 1801, il incomba à Scott, avec Robert Morrogh, marchand et neveu de Jane Scott, de vendre en 1803 la ferme de Finlay, nommée Woodside. Scott, dont les fils étaient morts de toute évidence en bas âge, fut aussi chargé de la garde des trois fils mineurs de Finlay, Hamilton, Charles et George, et plus tard, de la tutelle du fils de Morrogh, Robert Lester, un intime des Scott. Socialement, Scott avait continué d’être actif dans la milice de Québec, atteignant le rang de lieutenant-colonel du 3e bataillon, en 1809.

Après la mort de Jane en mars 1807, Scott continua de vivre dans sa ferme et dans sa maison de la rue des Pauvres. En mai, John Young qui envisageait de lui succéder comme receveur des douanes nota sèchement qu’il était « fort avancé en âge et [avait] besoin d’aide ». Scott s’éteignit le 24 avril 1810, vers l’âge de 69 ans. Son neveu William Phillips, qui « avait pris l’habitude durant sa maladie de s’asseoir près de lui toutes les nuits », était présent au moment de sa mort. Le poste de receveur des douanes fut confié temporairement à William Somerville, puis définitivement à Michael Henry Percival.

À sa mort, Thomas Scott avait quatre serviteurs et possédait des biens appréciables, dont une bibliothèque modeste, beaucoup de meubles en acajou et quantité de vins et de spiritueux. Ses propriétés étaient vastes : Sans Souci, quatre autres maisons, plusieurs terrains de banlieue, des boisés (achetés de la succession de William Grant), ainsi que des terres dans les cantons de Durham, de Barnston et de Granby. Il possédait en outre des actions de la Bank of England d’une valeur de £11 800 (cours d’Angleterre) ; la maison en faillite Lester and Morrogh lui devait plus de £1 793 et la société londonienne Inglis, Ellice and Company, £1 140 (cours d’Angleterre). Ses exécuteurs testamentaires, William Burns*, Mathew Lymburner et Robert Morrogh, vendirent son bétail et ses propriétés de la région de Québec, puis en distribuèrent les produits en Angleterre à deux de ses frères, à deux nièces et à un neveu ; cependant, aucun d’eux ne réclama le reste de la succession. En 1833, William Phillips, alors marchand, en devint le curateur, mais les revendications des colons de Durham contestant la légalité des titres originaux de Scott, ainsi qu’une série de poursuites, aboutirent à plusieurs décennies de disputes sur la propriété des terres.

David Roberts et James H. Lambert

ANQ-Q, CE1-61, 9 juill. 1775, 6 mai 1777, 17 avril 1779, 7 juill. 1787, 8 août 1789, 20 mars 1807, 27 avril 1810 ; CN1-83, 12 oct. 1792, 6 déc. 1793 ; CN1-92, 4 janv. 1802 ; CN1-230, 24 sept. 1802, 3 mai, 14 oct. 1803, 21 juin, 17 août, 1er déc. 1804, 24 août 1805, 3 oct. 1806, 14 nov. 1808, 27 sept. 1809, 4, 15 mai 1810, 9 févr. 1811, 19 mai, 17 sept., 6 déc. 1813, 19 mai 1815 ; CN1-250, 19 août 1762 ; CN1-256, 10 oct. 1793 ; CN1-285, 3 mai 1803.— APC, MG 23, D104 ; I13, 2 : 171–173 ; RG 1, E1, 112 :126–134, 142s., 150–161 ; L3L : 47s., 793, 1390, 1408, 2442, 4122, 85339–85433 ; RG 4, A1 : 22213, 22219, 35473–35476 ; B58, 4–6 ; 15 ; RG 68, General index, 1651–1841 : ff.181, 185, 309, 324, 338.— PRO, CO 42/12 ; 42/30 ; 42/69 ; 42/114 ; 42/122 ; 42/124–125 ; 42/132–133 ; 42/135.— «Les dénombrements de Québec » (Plessis), ANQ Rapport, 1948–1949 : 104, 154, 213.— « Les Grant de Longueuil », J.-J. Lefebvre, édit., ANQ Rapport, 1953–1955 : 133.— James Jeffry, « Journal kept in Québec in 1775 by James Jeffry », William Smith, édit., Essex Institute, Hist. Coll. (Salem, Mass.), 50 (1914) :100, 102s., 115, 117, 119, 135, 138.— La Gazette de Québec, 18 août 1766, 8 oct. 1767, 18 janv. 1770, 10 juill. 1777, 13 mai 1779, 17 mars, 12 mai, 23 juin, 3 nov. 1785, 29 juin 1786, 3 mai, 5, 12, 26 juill. 1787, 23 avril, 3 déc. 1789, 28 janv. 1790, 18, 19 août 1791, 2 août 1792, 11 avril, 28 nov. 1793, 13 févr., 3 juill. 1794, 27 déc. 1798, 1er août 1799, 13 mai 1803, 23 mai 1805, 23 janv. 1806, 17 août, 7 déc. 1809, 25 janv., 26 avril, 10 mai, 5 juill. 1810, 18 mars 1813.— Almanach de Québec, 1792 : 159 ; 1805 : 40 ; 1809 : 47 ; 1810 : 43 ; 1811 : 43 ; 1812 : 43.— Kelley, « Church and state papers », ANQ Rapport, 1948–1949 : 309.— Gordon Blake, Customs administration in Canada : an essay in tariff technology (Toronto, 1957).— Neatby, Quebec, 35–38.

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David Roberts et James H. Lambert, « SCOTT, THOMAS (mort en 1810) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/scott_thomas_1810_5F.html.

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Auteur de l'article:    David Roberts et James H. Lambert
Titre de l'article:    SCOTT, THOMAS (mort en 1810)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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