BURLEY (Burleigh), CORNELIUS ALBERTSON, forgeron, né vers 1804 dans le Haut-Canada, fils de William Burley ; vers 1825, il épousa Sally King, puis, en juin 1829, du vivant de sa première femme, il épousa Margaret Beamer (Beemer), du canton de Dumfries, Haut-Canada ; pendu le 19 août 1830 à London, Haut-Canada.

Les exécutions étaient rares dans le Haut-Canada mais, quand un tel événement survenait, c’était pour les colons un divertissement exceptionnel. En outre, du point de vue de la loi, le spectacle d’une pendaison produisait une impression salutaire sur la population et, surtout, sur le criminel en puissance. Pourtant, la leçon pouvait être encore plus exemplaire. La société du Haut-Canada étant essentiellement religieuse, elle avait le sentiment que le coupable devait racheter ses fautes, expliquer son comportement immoral et confesser sa foi en Jésus-Christ. Par conséquent, les dernières paroles du condamné prenaient habituellement la forme d’une confession, ce qui assurait les intéressés que justice avait été rendue. Un des meilleurs exemples fut le proçès et l’exécution de Cornelius Albertson Burley.

La famille Burley alla s’établir dans le canton de Beverley en 1827. Burley lui-même affirmait qu’il avait été forgeron. Son histoire commença à la fin de l’été de 1829, lorsqu’il tua une paire de bouvillons appartenant à un dénommé Lamb, probablement Henry Lamb*, et qu’un mandat d’arrêt fut lancé contre lui. Burley prétendit que Lamb l’avait escroqué et que, se voyant incapable d’obtenir réparation, il avait exercé sa propre forme de vengeance. Arrêté par Timothy Conklin Pomeroy, constable du district de Gore, il s’échappa et, à la fin d’août, il se réfugia avec sa femme à la ferme de son oncle Henry Ribble (Ribbel), dans le canton de Bayham. Il travailla à la ferme jusqu’à ce que Pomeroy arrive sur les lieux le 13 septembre. Vers trois heures du matin, le 16 septembre, Pomeroy fut atteint d’une balle et mourut peu après.

L’homicide n’était pas chose rare à cette époque, mais la nouvelle du meurtre d’un constable dans l’exercice de ses fonctions fit sensation et bouleversa la population. Le Gore Emporium écrivit que « rarement les annales de la civilisation avaient été entachées par un meurtre plus odieux et commis avec un pareil sang-froid ». Les résidents des districts de Gore et de London adressèrent une pétition au lieutenant-gouverneur sir John Colborne*, se plaignant du fait que les juges de paix avaient fait preuve d’une « grossière négligence dans l’accomplissement de leurs devoirs », parce qu’ils n’avaient pas arrêté le ou les meurtriers du constable. Après consultation avec le juge James Buchanan Macaulay*, qui fit valoir la nécessité de déployer « les efforts les plus prompts et les plus soutenus » afin de satisfaire le besoin qu’avaient les gens que « justice publique » soit faite, Colborne, le 23 septembre, réprimanda modérément Mahlon Burwell*, juge de paix du district de London, ainsi que le shérif pour n’avoir pas produit immédiatement un rapport. En réalité, Burwell n’était pas à blâmer ; le problème résidait dans la lenteur des communications qui empêchait d’obtenir rapidement des informations.

Le 19 septembre, un homme dont la description correspondait à celle de Burley mais qui prétendait être William Ribble, avait été arrêté par des colons du canton de Dunwich et amené à St Thomas. Le même jour, Burwell et deux autres juges de paix interrogèrent le prisonnier, qui reconnut alors être Burley. Il raconta comment il avait fui la justice du district de Gore et protesta de son innocence. Il donna aussi sa version des événements, lesquels aboutirent à la mort de Pomeroy. Burley s’était caché dans un champ, puis dans une grange, lorsque le constable et un autre homme s’étaient présentés à la ferme de Henry Ribble le 14 septembre. Croyant que Pomeroy l’avait découvert, il s’enfuit avec sa femme la nuit suivante, apportant avec lui un fusil qu’il s’était procuré chez son cousin Anthony Ribble. Burley affirma qu’il ne savait rien du meurtre et qu’il n’avait entendu aucun coup de feu au cours de la nuit en question. Il avait parcouru environ 50 milles avant d’être arrêté.

Le 20 septembre, les juges de paix arrivèrent du canton de Bayham avec trois témoins : Isaac D. White, Henry Ribble et son fils David. Les renseignements fournis par les Ribble coïncidaient parfaitement. Quand Pomeroy et ses compagnons se présentèrent, Henry Ribble conseilla fortement à Burley de se rendre, mais ce dernier refusa, disant que « s’ils voulaient le prendre ils devraient d’abord le tuer ». Le matin du meurtre de Pomeroy, Henry Ribble avait été éveillé par le bruit d’une détonation. Il prétendit qu’environ une demi-heure après le lever du soleil Burley était apparu avec un fusil dans les mains et qu’il avait dit alors avoir tiré Pomeroy dans une jambe. White, un des compagnons de Pomeroy, reprit la même série d’événements décrits par les Ribble, mais les présenta d’une façon différente. Les Ribble ne s’étaient pas montrés coopératifs. Par exemple, Anthony Ribble avait sommé Pomeroy de quitter la maison sur-le-champ, « sans quoi il y aurait du sang de versé, le sien, et ça bigrement vite ». En fouillant la maison de Henry Ribble, environ 45 minutes avant d’être tué, Pomeroy avait dégainé son sabre par mesure de précaution. Il fut abattu en revenant de chez Henry Ribble et tout près de la demeure d’Anthony Ribble, où White dit avoir vu une lumière. White ne savait pas qui avait tiré sur Pomeroy. Le 21 septembre, les juges de paix ordonnèrent l’emprisonnement de Burley à la suite des déclarations sous serment qu’avaient faites les trois témoins. Le prisonnier fut « mis aux fers » et envoyé à London en attendant son procès. Le mois suivant, Anthony Ribble fut également mis en accusation et écroué lui aussi pour être jugé plus tard. Au printemps de 1830, un certain nombre de prisonniers, dont Ribble, s’évadèrent. Burley ne suivit pas les autres ; il se peut qu’il ait été enchaîné au plancher de sa cellule. Ribble fut vite repris.

Les assises s’ouvrirent le 12 août 1830 et furent présidées par le juge en chef John Beverley Robinson*. Il était assisté de Burwell et de James Mitchell, tous deux juges de paix du district de London. Le 16 août, le jury d’accusation prononça la mise en accusation de Burley, et son procès, distinct de celui de Ribble, commença le jour suivant. Seuls trois témoins à charge furent convoqués par le solliciteur général Christopher Alexander Hagerman*. Burley fut trouvé coupable, et le juge Robinson le condamna à mort et fixa son exécution au matin du 19 août. Dans le rapport qu’il rédigea par la suite, Robinson écrivit que « la preuve était telle que la culpabilité du condamné ne faisait aucun doute [...] Il a[vait] fait une confession complète de son crime. » Toutefois, cette confession eut lieu après le prononcé de la sentence et non pas au cours du procès. Le révérend James Jackson* nota que les aveux de Burley avaient été faits « environ quarante et une heures avant son exécution ». Il y a donc lieu de croire que les déclarations de Burley jouèrent un certain rôle lors du procès d’Anthony Ribble le 18 août. Celui-ci fut acquitté. La condamnation de Burley à la peine capitale fut le seul cas dans le district judiciaire de Western où le juge Robinson n’ordonna pas de surseoir à l’exécution, probablement en raison des aveux de l’accusé.

Burley avait été l’objet de l’attention du clergé local durant les assises. Le révérend Jackson, qui lui avait rendu visite « tous les jours, sauf un », déclara : « Jamais je n’ai été témoin d’un exemple aussi frappant d’endurcissement et d’insensibilité. » Cependant, les conversations des membres du clergé avec le prisonnier finirent par « remporter une victoire sur son cœur endurci ; il fondit en larmes » et avoua son crime. Avant qu’il ne monte sur l’échafaud, les ministres anglicans de London lui administrèrent le baptême et l’eucharistie. Le révérend Jackson nota la confession de Burley et en donna lecture du haut de l’échafaud devant une foule d’environ 3 000 personnes. Un autre ministre prit la parole à son tour et termina son allocution par une prière, après quoi la trappe s’ouvrit. Mais, comme il arrivait souvent, l’exécution fut bousillée : la corde se rompit et Burley tomba par terre. Il se passa un bon moment avant que l’on ne reprenne la pendaison, le shérif ayant dû aller acheter une autre corde. Pendant ce temps, au dire du ministre Jackson, Burley était calme et « donnait l’impression que le monde n’existait plus pour lui, et toute son âme n’était que dévotion, prière, louange, chant et action de grâces ». Quand tout fut prêt de nouveau, il marcha à la potence « sans aucune trace d’hésitation, mais avec le plus grand calme et résigné à son sort ».

Certains historiens se sont demandé jusqu’à quel point les efforts du révérend Jackson avaient influé sur la décision de Burley de faire des aveux, et plusieurs ont conclu qu’il était probablement innocent et que le meurtrier de Pomeroy était Anthony Ribble. Dans le premier cas, il n’était pas rare que les membres du clergé ou les juges de paix pressent le condamné de confesser ses crimes pour le bien de son âme et celui de la société. Quant à la confession elle-même, Jackson dit simplement qu’il avait noté la déclaration de Burley. Cependant, il en avait indubitablement amélioré le style. Que Burley ait été coupable ou non doit demeurer un point litigieux, en l’absence d’autres témoignages. Il semble,que l’on avait accumulé les preuves contre Burley. À l’origine de l’accusation se trouvait Henry Ribble qui, comme l’a fait remarquer Burwell, croyait « de bonne foi que Cornelius Burley était celui qui avait tiré sur Pomeroy ». Mais, comme White le déclara, c’était les Ribble qui avaient menacé Pomeroy. En outre, selon le compte rendu de l’enquête des juges de paix publié dans le Gore Emporium, le témoignage des Ribble « révélait de forts indices de culpabilité ». Finalement, si Anthony Ribble fut épargné, c’est sans doute grâce aux aveux de Burley. « Je suis contraint de dire, pouvait-on lire dans sa confession, qu’il [Anthony] n’a rien eu à voir dans ce meurtre. Ni personne d’autre, d’ailleurs. »

Cette confession fut publiée dans le journal de Bartemas Ferguson, le Gore Balance de Hamilton, et Ferguson en fit imprimer 1 000 exemplaires sous forme de circulaires. On peut dire que la confession de Burley est un modèle du genre. Ce dernier y exprimait l’espoir qu’elle puisse « être de nature à freiner le progrès dû mal et à empêcher d’autres personnes de suivre [son] exemple ». Il avait été « méchant et irréfléchi depuis [son] jeune âge ». Il avait été élevé sans pouvoir jouir des avantages que procurent l’instruction et la religion, et il ne savait ni lire ni écrire. Il erra dans la vie « sous le signe de la perversité [...] enant souvent une vie de débauche et ne perdant aucune occasion d’inciter des femmes mal avisées et sans défense à délaisser les voies de l’innocence et de la vertu ». Il s’attribuait toute la responsabilité du meurtre : « Je ne fais que subir la peine que me valent justement mes crimes. » Il remerciait les ministres qui avaient sauvé son âme et déclarait : « Dans mon désespoir, j’ai acquis la conviction que par les seuls mérites du Christ je serai sauvé, bien que [je sois] le plus grand des pécheurs [...] Je quitte maintenant ce monde, croyant fermement que mes péchés sont effacés par le sang de l’Agneau. »

Mais ce n’était pas tout à fait la fin. Ainsi que la sentence le stipulait, le corps de Cornelius Albertson Burley fut remis aux médecins à des fins de dissection. Selon un rapport, Orson Squire Fowler, qui devint un éminent phrénologue, avait visité Burley dans sa cellule et fait connaître les particularités phrénologiques du prisonnier. Le 19 août, après qu’on eut procédé à la dissection, on remit la tête de Burley à Fowler qui l’exhiba le jour suivant au cours d’une conférence publique. Avant de quitter London, il scia la tête en deux et emporta la partie supérieure dont il se servit au cours de ses nombreuses tournées en Amérique et en Europe. L’autre partie du crâne a été retrouvée à London en 1960 et est aujourd’hui exposée dans un musée local connu sous le nom d’Eldon House.

Robert Lochiel Fraser

AO, RG 21, Wentworth County, Beverly Township, assessment rolls, 1826–1830 ; RG 22, sér. 61, vol. 5, 17 avril 1830 ; sér. 134, 5, London District, 1830.— APC, RG 1, L3, 148, Canada Company, 1829–44/12 ; RG 5, A1 : 53500–53596, 53728–53751, 53876–53878, 53902–53904, 57699–57700, 63038–63039.— Wentworth Land Registry Office (Hamilton, Ontario), Beverly Township, abstract index to deeds, concession 7, lot 6 (mfm aux AO).— H.-C., House of Assembly, Journal, 1831, app. : 29, 52–53 ; 1831–1832, app. : 152, 161.— Canadian Freeman, 16 sept. 1830.— Gore Balance (Hamilton), 3, 10 sept. 1830.— Kingston Chronicle, 3 oct. 1829.— Upper Canada Gazette, 1er oct. 1829–14 janv. 1830.— History of the county of Middlesex [...] (Toronto et London, Ontario, 1889 ; réimpr. avec introd. de D. [J.] Brock, Belleville, Ontario, 1972), 120–121.— [H.] O. Miller, Gargoyles & gentlemen : a history of St Paul’s Cathedral, London, Ontario, 1834–1964 (Toronto, 1966), 16–20 ; Twenty mortal murders : bizarre murder cases from Canada’s past (Toronto, 1978), 35–44.— M. B. Stem, Heads & headlines : the phrenological Fowlers (Norman, Okla., 1971), 15.— D. J. Brock, « The confession : Burleigh’s prehanging « statement » mystery », London Free Press, 10 avril 1971 : 8M ; « That confession again : error leads to further probe, suggestion of Burley’s innocence », 24 avril 1971 : 8M.— London Advertiser, 31 mars 1886 : 4.— London Free Press, 26 nov. 1885 : 2.

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Robert Lochiel Fraser, « BURLEY (Burleigh), CORNELIUS ALBERTSON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 6 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/burley_cornelius_albertson_6F.html.

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Auteur de l'article:    Robert Lochiel Fraser
Titre de l'article:    BURLEY (Burleigh), CORNELIUS ALBERTSON
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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