OUIMET, ANDRÉ, avocat, patriote et homme politique, né le 10 février 1808 à Sainte-Rose (Laval, Québec), fils de Jean Ouimet et de Marie Bautron ; le 29 avril 1839, il épousa à Montréal Charlotte Roy, veuve de Toussaint Brosseau, et ils eurent deux fils et une fille ; décédé le 10 février 1853 dans la même ville.

André Ouimet naquit dans une vieille famille canadienne-française qui habitait à Sainte-Rose, dans l’île Jésus, près de Montréal, au début du xixe siècle. Fils de cultivateur, il était le quinzième des 26 enfants de Jean Ouimet et le septième enfant issu du second mariage de son père avec Marie Bautron. En 1823, à l’âge de 14 ans, il fut inscrit par ses parents au petit séminaire de Montréal où il fit de brillantes études classiques. À sa sortie du séminaire, en 1831, il entra à titre de commis dans le magasin de Joseph Roy, gros marchand de Montréal. Tout en travaillant dans cette maison de commerce, Ouimet décida de faire son droit. En 1832, il entreprit son stage de clerc, qu’il fit pendant ses heures de loisir, sous la direction de Dominique* et de Charles-Elzéar* Mondelet, avocats en vue de la même ville. Deux ans plus tard, il poursuivit ses études de droit dans le cabinet de son ancien condisciple, Charles-Ovide Perrault. Admis au barreau le 25 avril 1836, Ouimet forma une société avec Perrault et se fixa alors à Montréal.

C’est à l’époque où Ouimet s’adonnait au commerce et se préparait pour l’examen du barreau qu’il se serait mis à s’occuper activement de politique. Ses patrons exercèrent sans doute une grande influence sur lui. Ami intime de Louis-Joseph Papineau*, Roy était un partisan de longue date et un proche collaborateur du chef politique. De leur côté, les frères Mondelet rompirent en 1832 avec Papineau, mais ils n’en restaient pas moins des réformistes modérés. Quant à Perrault, il fut élu député patriote de la circonscription de Vaudreuil à la chambre d’Assemblée du Bas-Canada en 1834. Aussi n’est-il pas étonnant de trouver Ouimet parmi le groupe des jeunes gens qui soutenaient la cause canadienne-française et fréquentaient la librairie d’Édouard-Raymond Fabre.

D’un tempérament fier, enthousiaste et fougueux, Ouimet se fit vite remarquer par la part qu’il prit aux luttes que Papineau et ses partisans menaient contre le gouvernement. Ainsi, en 1835, il participa à la fondation de l’Union patriotique, dont le bureau de direction était composé, entre autres, de Denis-Benjamin Viger*, président, de Roy et de Jacob De Witt, vice-présidents, et de Fabre, trésorier ; Ouimet occupait le poste de secrétaire. Cette association avait pour but de soutenir les revendications du parti patriote, notamment l’obtention du gouvernement responsable et l’élection des membres du Conseil législatif. L’année suivante, Ouimet fut parmi les premiers à répondre à une souscription ouverte afin d’indemniser Ludger Duvernay, directeur de la Minerve, qui venait d’être emprisonné une troisième fois pour diffamation contre le Conseil législatif.

Jeune avocat plein de talent, Ouimet exerçait sa profession depuis à peine un an lorsqu’il fut entraîné dans la tourmente révolutionnaire. En avril 1837, les chefs patriotes décidèrent d’organiser de grandes assemblées pour protester contre l’adoption des résolutions de lord John Russell par le Parlement de Londres [V. Denis-Benjamin Viger]. Un comité central et permanent fut mis sur pied à Montréal et Ouimet se trouva parmi les plus assidus aux réunions de cet organisme qui eurent lieu à la librairie de Fabre. À la fin de l’été, au moment où la situation politique s’était grandement détériorée dans la colonie, il se lança à corps perdu dans le mouvement de résistance aux autorités. Le 5 septembre, il se réunit à l’hôtel Nelson avec beaucoup d’autres jeunes gens, dont Louis-Joseph-Amédée Papineau, fils de Louis-Joseph Papineau, Jean-Louis Beaudry* et Rodolphe Des Rivières*, pour former une association appelée les Fils de la liberté ; moitié politique, moitié militaire, cette organisation serait composée de deux sections qui devaient, selon Laurent-Olivier David*, « travailler, l’une par les discours et les écrits, et l’autre par la force des armes, si c’était nécessaire, au progrès et au triomphe de la cause populaire ». Son ardeur patriotique valut à Ouimet d’être nommé président de l’aile politique de l’association. Il prononça au cours de cette assemblée un virulent discours où il fit voir ses qualités d’orateur populaire. Le 4 octobre, il signa le premier l’« Adresse des Fils de la liberté de Montréal, aux jeunes gens des colonies de l’Amérique du Nord », qui parut dans la Minerve des 5 et 9 octobre 1837 ; dans ce manifeste, les Fils de la liberté parlaient de « séparation » et de « souveraineté indépendante » pour la colonie et proclamaient leur intention « d’affranchir de [leurs] jours [leur] bien aimée patrie de toute autorité humaine autre qu’une intrépide démocratie assise au milieu de son sein ».

Comme président de l’aile politique des Fils de la liberté, Ouimet s’attira les foudres des bureaucrates et la vindicte des autorités. Lors de l’échauffourée qui opposa son association aux membres du Doric Club, le 6 novembre, il fut blessé au genou. Peut-être est-ce en raison de la gravité de la blessure reçue qu’il ne s’enfuit pas lorsque les mandats d’arrestation furent lancés dix jours plus tard. L’un des premiers patriotes arrêtés, il fut aussitôt incarcéré sous l’accusation de haute trahison. Il resta près de huit mois en prison et fut aussi l’un des derniers à être libérés après l’amnistie générale accordée par lord Durham [Lambton*], le 8 juillet 1838, moyennant un cautionnement de £1 000. La nouvelle de la mort tragique de son confrère et associé Perrault à la bataille de Saint-Denis, sur le Richelieu, en novembre 1837, l’affecta beaucoup et son assez long séjour en prison refroidit considérablement son ardeur.

Après son élargissement, Ouimet se tint à l’écart de la politique pendant un certain temps et se consacra à sa profession. D’après Ægidius Fauteux*, il se remit à exercer avec Pierre-Georges Boucher* de Boucherville, ancien Fils de la liberté. Il ne tarda pas à devenir un excellent avocat. Son zèle et son intégrité lui permirent de se faire bientôt une clientèle considérable, composée surtout de cultivateurs et d’artisans des paroisses rurales de la région de Montréal. Ses succès en affaires ne lui avaient pas fait oublier cependant qu’il avait contracté une dette envers ses parents qui s’étaient sacrifiés pour le faire instruire ; il se fit le protecteur de sa nombreuse et modeste famille à laquelle il fournit des moyens de subsistance. Il eut comme clercs notamment son jeune frère Gédéon*, futur premier ministre du Québec, et Thomas-Jean-Jacques Loranger*. Il exerça plus tard en société avec Louis-Victor Sicotte* et, d’après David, avec René-Auguste-Richard Hubert. À cette époque, il se signala par les remarquables plaidoiries qu’il prononça devant la Cour de circuit du district de Montréal et il passait pour un éminent criminaliste.

Cependant, Ouimet n’avait pas perdu tout goût pour les affaires publiques et, après l’Union du Bas et du Haut-Canada, en 1841, il s’était rangé du côté des partisans de Louis-Hippolyte La Fontaine* et de Robert Baldwin qui luttaient pour l’obtention du gouvernement responsable. Ouimet s’intéressa aussi pendant quelque temps à la politique municipale. En 1848, il accepta de briguer les suffrages aux élections municipales de Montréal et il fut élu avec Fabre conseiller du Quartier-Est. Il semble toutefois qu’il ne se soit pas tellement plu dans ses fonctions, de sorte qu’il refusa de se porter de nouveau candidat au conseil de la ville où il cessa de siéger en 1850.

À l’apogée de sa carrière d’avocat, André Ouimet mourut à Montréal le 10 février 1853, le jour de son quarante-cinquième anniversaire. Il laissait derrière lui sa femme et ses enfants ainsi que des frères et sœurs. Il s’était révélé un ardent défenseur des droits de la nation canadienne-française à la veille de la rébellion de 1837. David note qu’il était considéré comme « l’un des avocats les plus honorables et les plus brillants du Barreau [de Montréal] » à la fin de sa vie.

Michel de Lorimier

André Ouimet a laissé des mémoires très originaux dans lesquels il fait le récit de ses impressions pendant son séjour en prison. Laurent-Olivier David a publié des extraits de ces souvenirs dans Patriotes, 145–146.

Plusieurs lettres écrites par Ouimet au moment de son incarcération ont été reproduites dans « Papiers de Ludger Duvernay », L.-W. Sicotte, édit., Canadian Antiquarian and Numismatic Journal (Montréal), 3e sér., 7 (1910) : 59–96, 106–144.

ANQ-M, CE1-48, 3 mars 1783 ; CE1-51, 29 avril 1839, 14 févr. 1853 ; CE1-57, 21 oct. 1799, 11 févr. 1808 ; CN1-32, 27 avril 1839, 16 mars 1841 ; CN1-127, 1er déc. 1834 ; CN1-134, 21 févr. 1832 ; P1000-10-596.— ANQ-Q, E17/6, nos 1–2, 6 ; P-68.— APC, MG 30, D1, 23 : 508–511 ; RG 4, B8, 26 : 9690–9694.— BVM-G, Fonds Ægidius Fauteux, notes compilées par Ægidius Fauteux sur les patriotes de 1837–1838 dont les noms commencent par la lettre O, Carton 8.— « Papiers de Ludger Duvernay », L.-W. Sicotte, édit., Canadian Antiquarian and Numismatic Journal, 3° sér., 5 (1908) : 167–200.— [L.-J.-]A. Papineau, Journal d’un Fils de la liberté, réfugié aux États-Unis, par suite de l’insurrection canadienne, en 1837 (2 vol. parus, Montréal, 1972–  ), 1 : 49–50, 52, 55, 56–65, 70.— La Minerve, 29 mai 1835, 5, 9 oct., 9 nov. 1837, 11, 15 févr. 1853.— Le Pays, 14 févr. 1853.— Almanach de Québec, 1837–1841.— F.-M. Bibaud, le Panthéon canadien (A. et V. Bibaud ; 1891), 210.— Fauteux, Patriotes, 125, 338–339, 349.— J.-J. Lefebvre, « Brevets de cléricature des avocats de Montréal au deuxième quart du xixe siècle », la Rev. du Barreau, 14 (1954) : 313 ; le Canada, l’Amérique, 224.— Le Jeune, Dictionnaire, 2 : 393.— Montreal directory, 1842–1853.— Chapais, Cours d’hist. du Canada, 4 : 168.— David, Patriotes, 13–20, 145–146.— J.-U.[-A.] Demers, Histoire de Sainte-Rose, 1740–1947 ([Montréal], 1947), 116–117.— Filteau, Hist. des patriotes (1975), 117, 207–208.— Hist. de Montréal (Lamothe et al.), 251.— Laurin, Girouard & les Patriotes, 94.— É.-Z. Massicotte, Faits curieux de l’histoire de Montréal (Montréal, 1922), 90–100.— Maurault, le Collège de Montréal (Dansereau ; 1967).— Ouellet, Bas-Canada.— J.-L. Roy, Édouard-Raymond Fabre, 122.— Rumilly, Papineau et son temps.— Mason Wade, les Canadiens français, de 1760 à nos jours, Adrien Venne et Francis Dufau-Labeyrie, trad. (2e éd., 2 vol., Ottawa, 1966), 1 : 189, 194.— F.-J. Audet, « le Barreau et la Révolte de 1837 », SRC Mémoires, 3e sér., 31 (1937), sect. i : 85–96.— L.-O. David, « les Fils de la liberté », l’Opinion publique, 21 mai 1873 : 241–243.— É.-Z. Massicotte, « Coins historiques du Montréal d’autrefois », Cahiers des Dix, 2 (1937) : 115–155.— Victor Morin, « Clubs et Sociétés notoires d’autrefois », Cahiers des Dix, 15 (1950) : 185–218.— Gustave Ouimet, « Au pays des souvenirs : épisodes », la Minerve, 11 févr. 1899 : 3 ; 18 févr. 1899 : 2.— Léon Trépanier, « Figures de maires Édouard-Raymond Fabre », Cahiers des Dix, 24 (1959) : 189–208.

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Michel de Lorimier, « OUIMET, ANDRÉ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ouimet_andre_8F.html.

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Auteur de l'article:    Michel de Lorimier
Titre de l'article:    OUIMET, ANDRÉ
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    12 déc. 2024