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MONDELET, CHARLES (baptisé Joseph-Charles-Elzéar), avocat, juge, né le 28 décembre 1801 dans la paroisse de Saint-Marc, comté de Verchères, Bas-Canada, fils de Charlotte Grosbois et de Jean-Marie Mondelêt*, notaire, membre de la chambre d’Assemblée de 1804 à 1809 et coroner de Montréal, décédé le 31 décembre 1876 à Montréal et inhumé le 4 janvier 1877 dans la même ville.
Charles Mondelet fit ses études au séminaire de Nicolet et au petit séminaire de Montréal, puis il étudia le droit sous la direction de l’éminent avocat Michael O’Sullivan* et du procureur général du Bas-Canada, Charles Marshall. Il fut reçu au Barreau du Bas-Canada le 30 décembre 1822 et exerça sa profession d’abord à Trois-Rivières. Charles Mondelet épousa Elizabeth Carter le 21 juin 1824 à la cathédrale Christ Church (Église d’Angleterre), à Montréal. De cette union naquirent 15 enfants dont six seulement atteignirent l’âge adulte.
À Trois-Rivières, Mondelet se lança immédiatement dans la politique, en se ralliant à l’Assemblée qui s’opposait au Conseil exécutif au cours de l’administration du gouverneur général Dalhousie [Ramsay*]. Le débat atteignit son point culminant dans les années qui suivirent la présentation du projet d’union de 1822, qui avait semé la panique. Mondelet commença par le journalisme et édita le journal politique et littéraire de Ludger Duvernay*, le Constitutionnel, « gazette française des Trois-Rivières », à partir de sa fondation en 1823 jusqu’à sa disparition en 1825. En 1826, Mondelet fonda l’Argus, « journal électorique », dont le ton était vivant et plus mordant, qui avait pour but principal d’amener les gens à élire des radicaux à l’Assemblée. De fait, l’Argus appuya Pierre-Benjamin Dumoulin*, qui se présenta, sans succès, contre le solliciteur général, Charles Richard Ogden*. La publication fut alors abandonnée, mais elle fut reprise un an plus tard à Montréal par Augustin-Norbert Morin*. Mondelet travailla aussi activement dans le comité constitutionnel de la région de Trois-Rivières, qui, de concert avec d’autres comités régionaux, avait été formé dans le but de lutter contre l’union avec le Haut-Canada et qui, en outre, protestait de façon générale contre la politique adoptée par le gouverneur et ses conseillers législatifs. À cause de cette activité politique, Mondelet perdit son brevet d’officier de la milice en novembre 1827. Par la suite, il fit paraître dans la Quebec Gazette un article condamnant la politique du gouverneur Dalhousie concernant la milice, ce qui lui valut d’être traduit en justice pour diffamation en mars 1828. L’accusation fut retirée après que Dalhousie eut quitté le Canada.
En 1829 ou 1830, Mondelet alla vivre à Montréal. Il y exerça sa profession avec son frère Dominique* et aida celui-ci à se faire élire à l’Assemblée en avril 1831. Il écrivit aussi des lettres ouvertes au rédacteur de la Minerve, signées « Pensez-Y-Bien », dans lesquelles il réclamait que le Conseil législatif soit aboli ou devienne électif. Le conseil déclara cette opinion diffamatoire et fit emprisonner l’éditeur du journal, Ludger Duvernay, pour une période d’un mois environ. Peu après la libération de Duvernay, Charles rompit temporairement ses étroites relations avec le parti patriote, des raisons de loyauté personnelle et d’autres circonstances l’ayant convaincu de renoncer tacitement à son radicalisme politique et de défendre l’option politique différente de son frère.
Lors d’une élection partielle en 1832, les frères Mondelet appuyèrent le candidat modéré, Stanley Bagg, de préférence à son adversaire, le radical Daniel Tracey*. Le parti patriote blâma les deux frères de leur choix et surtout de s’être dérobés à l’enquête qui suivit sur l’intervention des forces armées qui avaient fait du scrutin le célèbre « massacre de Montréal », en tuant trois des partisans de Tracey. Les Mondelet portèrent des brassards de deuil mais leur père, Jean-Marie Mondelêt, était après tout le coroner et, de ce fait, se trouvait étroitement mêlé aux procédures en qualité de fonctionnaire impartial. Puis le 27 novembre 1832 l’Assemblée, dominée par les réformistes, condamna Dominique qui avait accepté d’être nommé membre honoraire du Conseil exécutif, et le blâme s’appliquait aussi à son frère qui l’appuyait. Finalement, en avril 1834, lorsque Charles prit publiquement position contre les Quatre-vingt-douze résolutions, le jeune lieutenant de Louis-Joseph Papineau, Louis-Hippolyte La Fontaine*, s’en prit méchamment aux deux frères dans les Deux girouettes, ou l’hypocrisie démasquée. Il accusait Charles de suivre servilement Dominique et de trahir, comme lui, son idéal et son parti, et d’être par surcroît hypocrite et mesquin.
Charles Mondelet continua cependant d’entretenir des relations étroites avec les hommes politiques, modérés et radicaux, par le biais du Comité sanitaire de Montréal dans lequel il se dépensa activement durant les années où sévit le choléra. Il entra aussi dans le club Aide-toi, le Ciel t’aidera, une association politique et littéraire, que ses membres radicaux transformèrent par la suite en un groupe militant, appelé les Fils de la liberté, qui engendra à son tour l’association nationaliste la Société Saint-Jean-Baptiste. Le 2 novembre 1837, il fut admis à l’unanimité dans le Comité central et permanent du district de Montréal, mouvement révolutionnaire.
Au cours de la session de septembre 1838 à la Cour d’assises de Montréal, Mondelet et deux de ses collègues défendirent quatre patriotes, François Nicolas, Amable Daunais, Joseph et Gédéon Pinsonnault, accusés d’avoir tué le loyaliste Joseph Armand, dit Chartrand. Le discours passionné que prononça Mondelet pour la défense de Nicolas fit la renommée du procès. En 1839, Mondelet défendit François Jalbert, accusé d’avoir tué le lieutenant George Weir pendant qu’il était prisonnier des Patriotes. Dans les deux causes, Mondelet soutint que ses clients avaient commis des actes politiques et non des actes criminels et qu’ils devraient, par conséquent, être traités comme des prisonniers politiques ; il essaya même de faire libérer Jalbert en vertu de l’amnistie accordée par lord Durham [Lambton*] le 28 juin 1838. Mondelet soutint aussi qu’un peuple opprimé ne devrait pas avoir à souffrir pour des actes commis au cours d’une rébellion justifiable. Les jurés acquittèrent les prisonniers au terme des deux procès. Ironie du sort, plus tard, Daunais, qui n’avait que 20 ans, et Nicolas furent traduits de nouveau en justice pour leurs activités durant l’insurrection de 1838, et Dominique Mondelet se trouvait à ce moment-là au nombre des procureurs de la couronne ; ils furent tous les deux condamnés à la pendaison.
Charles Mondelet fut arbitrairement arrêté le 4 novembre 1838, entre deux sessions de la Cour d’assises. Enfermé à la prison de Montréal, il renoua des liens d’amitié avec Louis-Hippolyte La Fontaine. Les deux hommes furent finalement relâchés sans procès et Mondelet retourna à l’exercice du droit jusqu’au 1er juin 1842, alors que son frère Dominique, avec qui il était associé, fut nommé à la Cour du banc de la reine de Trois-Rivières. Charles pratiqua ensuite pendant une courte période avec un avocat, son associé à maintes reprises, Côme-Séraphin Cherrier*, cousin de Louis-Joseph Papineau.
Après les insurrections, Charles, qui appuyait le projet d’union, fréquenta des hommes politiques mais sans s’occuper de politique, se consacrant aux questions de loi et d’éducation. Son pénétrant ouvrage, Letters on elementary and practical education, influença beaucoup la rédaction du projet de loi sur l’éducation, présenté par lord Sydenham [Thomson*] et adopté le 18 septembre 1841. Mondelet proposait un système d’écoles publiques de langue française et de langue anglaise pour le Canada-Uni, dont le financement serait assuré par un impôt foncier et des subventions du gouvernement. Le système serait dirigé par un surintendant puissant, des fonctionnaires nommés par le gouverneur mais responsables devant l’Assemblée, plusieurs personnes élues et, comme commissaires d’école ex officio, tous les ministres du culte résidants. À la tête de l’instruction publique, il existerait donc un bel équilibre entre le peuple, le gouvernement et les autorités religieuses. Il est intéressant de voir la description que donne Mondelet des pouvoirs quasi absolus de l’éventuel surintendant de l’instruction publique, quand on sait que Sydenham lui avait promis le poste. Cependant, à la mort de ce dernier, aucune nomination n’avait été faite. C’est peut-être que le gouverneur ou Mondelet avaient changé d’idée.
Le successeur de Sydenham, sir Charles Bagot*, nomma Jean-Baptiste Meilleur surintendant adjoint de l’Éducation pour le Bas-Canada et Mondelet devint juge de la Cour de district ; les comtés de Terrebonne, de L’Assomption et de Berthier tombaient sous sa juridiction. En 1844, Mondelet fut nommé juge de la Cour de circuit, à Montréal, et le 24 décembre 1849, juge de la Cour supérieure, poste qu’il occupa jusqu’en 1859, puis de 1869 jusqu’à sa mort. Du 30 mai 1859 au 31 décembre 1869, il remplit la fonction de juge à titre temporaire à la Cour du banc de la reine. C’est en qualité de juge de la Cour supérieure que Mondelet se trouva mêlé à la célèbre « affaire Guibord ».
La querelle qui faisait rage entre les autorités ecclésiastiques du Québec et les membres radicaux de l’Institut canadien, dont les annuaires de 1868 et de 1869 étaient à l’Index, atteignit un sommet quand une paroisse de Montréal refusa l’enterrement d’un membre de l’institut, Joseph Guibord*, dit Archambault [V. Truteau]. En novembre 1869, Charles Mondelet rendit jugement dans le procès intenté à la paroisse Notre-Dame de Montréal par la veuve de Guibord, Henriette Brown, puis par son ayant cause, l’institut. La paroisse devait enterrer Guibord et payer tous les frais. Cette décision, renversée le 12 septembre 1870 par la Cour de révision, fut maintenue le 21 novembre 1874 par l’autorité judiciaire suprême, le comité judiciaire du Conseil privé. Le jugement de Mondelet eut beaucoup d’importance à cause des questions juridiques qui faisaient le fond du débat : Mondelet choisit d’appliquer la coutume de Paris dans cette cause et jugea de questions essentiellement ecclésiastiques au mépris de l’opinion du clergé contemporain. Guibord fut enterré le 16 novembre 1875 mais l’évêque, Mgr Ignace Bourget*, proclama son lot moralement séparé du cimetière catholique, et le lot resta effectivement séparé. L’esprit du jugement de Mondelet fut donc bravé par les autorités religieuses qu’il avait défiées.
L’ouvrage de Mondelet, Essai analytique sur Le Paradis perdu de Milton (1848), écrit en collaboration avec William Vondenvelden*, et son Address before the American Association for the Advancement of Science (1857) témoignent de la diversité de ses intérêts. Il a même traduit la Geography de Peter Parley et l’a adaptée pour les écoles canadiennes en y ajoutant, à l’intention des petits, un supplément dans lequel étaient expliqués les phénomènes naturels.
Mondelet, qui était un libre penseur, épousa une Canadienne anglaise dans une église anglicane en dépit de ses antécédents canadiens-français et catholiques et brava non seulement son évêque mais aussi l’opinion publique dans l’affaire Guibord. Il était un homme d’esprit, versé dans les questions de droit et d’éducation, connaissant le système scolaire de beaucoup de pays et la philosophie de l’éducation. Radical en politique, sauf pour une courte période, ce fut son radicalisme qui l’amena à entrer dans l’association Aide-toi, le Ciel t’aidera, à faire partie du Comité central et permanent du district de Montréal, organe révolutionnaire, et à assumer la défense des prisonniers patriotes. Immédiatement après 1834, Charles Mondelet poursuivit ses relations étroites avec de nombreux hommes politiques radicaux, et le radicalisme de sa jeunesse demeura intact car, dans l’affaire Guibord, il se rangea du côté des membres les plus radicaux de la société canadienne-française quoiqu’il fût avancé en âge.
Dans les Letters on elementary and practical education (Montréal, 1841), Mondelet donne ses opinions motivées sur la façon d’établir un système d’enseignement ; cet ouvrage est important si on veut étudier l’homme. Documents relating to constitutional history, 1819–1828 (Doughty et Story), contient nombre d’extraits de la correspondance officielle relative au congédiement de certains officiers de la milice sous Dalhousie, et aussi à toutes les poursuites en diffamation au cours de cette période. Les deux girouettes, ou l’hypocrisie démasquée (Montréal, 1834), de L.-H. La Fontaine, est d’une grande importance pour tous ceux qui s’intéressent aux frères Mondelet, la totalité du livre constituant une attaque contre eux. Un grande partie de l’information dont on dispose sur les débuts de la carrière politique de Charles à Montréal a été puisée dans cet ouvrage.
Dans Les juges de la province de Québec, 379, de P.-G. Roy, dans les articles de F.-J. Audet, Les Mondelet, Cahiers des Dix, III (1938) : 191–216, de L.-P. Audet, Charles Mondelet et l’éducation, MSRC, 3e sér., LI (1957), sect. i : 1–27, et de Gérard Malchelosse, Généalogie de la famille Mondelet, BRH, LI (1945) : 51–60, on trouve quantité de renseignements sur Charles Mondelet et sa famille, et ces écrits constituent la plus importante source secondaire sur ce personnage. [e. n.].
Bibliographie de la version révisée :
Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. du Vieux-Montréal, CE601-S22, 29 janv. 1798 ; CE601-S51, 4 janv. 1877.— La Minerve (Montréal), 23 nov. 1874, 17 nov. 1875.
Elizabeth Nish, « MONDELET, CHARLES (baptisé Joseph-Charles-Elzéar) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mondelet_charles_elzear_10F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/mondelet_charles_elzear_10F.html |
Auteur de l'article: | Elizabeth Nish |
Titre de l'article: | MONDELET, CHARLES (baptisé Joseph-Charles-Elzéar) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1972 |
Année de la révision: | 2019 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |