Titre original :  Photo: George Theodore Berthon, [before 1893]. Archives of Ontario, M. O. Hammond fonds, Reference Code: F 1075-12-0-0-61.

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BERTHON, GEORGE THEODORE, peintre, né le 3 mai 1806 à Vienne, fils de René-Théodore Berthon et de Frances-Desirée Maugenet ; en 1840, probablement en France, il épousa Marie-Zélie Boisseau (décédée le 18 juillet 1847 à Toronto), et ils eurent une fille, puis le 14 août 1850, à Toronto, Clare Elizabeth de La Haye, et de ce mariage naquirent six fils et cinq filles ; décédé le 18 janvier 1892 dans cette ville.

George Theodore Berthon naquit au « palais royal » de Vienne, où son père, peintre à la cour de Napoléon et ancien élève de Jacques-Louis David, exécutait une commande pour l’empereur. La famille retourna à Paris la même année et René-Théodore Berthon reprit ses activités de peintre ordinaire à la cour.

On croit que c’est son père qui enseigna l’art au jeune Berthon. Comme il habitait Paris, il eut aussi l’occasion d’étudier les grands maîtres et les meilleurs artistes français de son temps. À l’âge de 21 ans, il émigra en Angleterre, peut-être pour étudier la médecine. On pense qu’il vécut d’abord chez l’homme politique tory et collectionneur d’œuvres d’art Robert Peel ; il enseigna le dessin et le français à sa fille aînée en échange de leçons d’anglais. Bien qu’on ne soit pas certain qu’il ait fait des études de médecine, on sait qu’il peignait, car il exposa des portraits à la Royal Academy of Arts de 1835 à 1837 et à la British Institution en 1837 et 1838. Pendant cette période, il aurait pu observer les toiles des plus célèbres tenants de la tradition britannique du portrait, dont Romney, Lawrence et Reynolds.

La participation de Berthon à l’exposition de la British Institution en 1838 est le dernier indice de sa présence en Angleterre. On ne peut établir avec certitude où il alla ensuite, jusqu’à ce qu’il offre ses services comme portraitiste « de Londres » dans le British Colonist de Toronto, le 1er janvier 1845, puis dans d’autres journaux locaux. (On ne peut vérifier les sources secondaires qui donnent 1840 comme l’année de son arrivée ou disent qu’il avait peint « au Canada » de 1837 à 1841 avant de retourner en Angleterre, puis de s’installer à Toronto.) Peut-être est-ce Peel qui lui avait suggéré de venir au Canada, ou encore le peintre germano-britannique Hoppner Francis Meyer, qui avait travaillé à Toronto et à Québec à divers moments dans les années 1830 et au début des années 1840 et qui s’établit par la suite à Londres. Quelles que soient les circonstances qui entourèrent sa décision, Berthon était manifestement prêt à tenter sa chance dans un nouveau milieu. La tradition rapporte que c’est grâce à des lettres d’introduction de Peel qu’il se fit connaître et put entrer dans les cercles mondains de Toronto, où dominaient les tories. D’ailleurs, dès avril 1845, Mme Berthon tenait salon pour les jeunes dames dans sa maison de la rue William (rue Simcoe). Cette initiative était parrainée par les épouses de plusieurs membres du family compact, dont Eliza Boulton, femme de Henry John*, et Emma Robinson, femme de John Beverley*.

Étant donné la formation raffinée qu’il avait acquise en Europe, Berthon ne tarda pas à attirer l’attention des amateurs d’art torontois, dont la plupart étaient affiliés aux tories, et à recevoir d’importantes commandes de portraits. Ainsi, dès 1845, il peignit des Torontois aussi bien placés que l’évêque John Strachan* et le juge en chef John Beverley Robinson. Il exécuta aussi divers tableaux pour les familles Boulton et Robinson, dont les plus connus sont le portrait en pied de William Henry Boulton*, qui date de 1846, et l’élégant Three Robinson sisters (Augusta Anne, Louisa Matilda et Emily Mary). Ces deux toiles se trouvent maintenant au Musée des beaux-arts de l’Ontario. La seconde, un cadeau que les sœurs Robinson destinaient à leur mère, fut commandée à son insu par James McGill Strachan*, mari d’Augusta Anne, et par George William Allan et John Henry Lefroy* qui allaient bientôt épouser Louisa Maud et Emily Mary. Elle fut remise à Mme Robinson le 16 avril 1846 à son retour du mariage de ses deux filles. Le portrait de Boulton, l’un des plus célèbres exemples que l’histoire canadienne du portrait offre de la tradition du « grand style », tout comme les portraits en buste, de plus petites dimensions, peints par Berthon se caractérisent par la fermeté du coup de pinceau, la netteté des formes et l’éclat de la couleur – traits marquants du néo-classicisme français pratiqué par des artistes comme David, dont le style lui était certainement familier.

Berthon présenta en 1847 trois portraits à l’exposition inaugurale de la Toronto Society of Arts [V. John George Howard*] – deuxième tentative de la part des artistes et architectes locaux de promouvoir les arts visuels par des expositions annuelles. Le British Colonist publia une série de longs commentaires sur l’événement ; cependant, le critique ne mentionna pas les œuvres de Berthon et préféra vanter les mérites de « Canadiens de naissance », tels Peter March et Paul Kane*. La nationalité de Berthon souleva une difficulté semblable en 1848 : on envisageait de commander le portrait « officiel » de l’ancien président de l’Assemblée législative, sir Allan Napier MacNab*, et le choix du peintre faisait l’objet d’une controverse. George Anthony Barber*, rédacteur en chef du Herald de Toronto, se prononça en faveur de Berthon, qu’il qualifia d’« artiste des plus accomplis ». De son côté, le British Colonist, journal réformiste et propriété de Hugh Scobie*, prit une position résolument nationaliste et déclara que la commande, très convoitée, devait aller à March, un Canadien d’origine. Finalement, c’est le Canadien français Théophile Hamel* qui peignit le portrait. Malgré ces obstacles, Berthon bénéficiait toujours de la protection de l’élite torontoise, encore plus consciente qu’auparavant de son professionnalisme. Ainsi, en 1848, il termina pour le Conseil législatif un portrait de groupe des juges en chef du Haut-Canada. On lui avait confié cette commande sur la recommandation de Robinson, qui avait déclaré : « [je] ne crois pas qu’on puisse trouver au Canada une personne aussi susceptible de donner satisfaction ». Cependant, Berthon ne put participer à la deuxième et dernière exposition de la Toronto Society of Arts en 1848, sans doute en raison de la controverse au sujet du portrait de MacNab et parce que son rival, Peter March, était secrétaire de la société cette année-là.

On sait que Berthon visita les États-Unis en 1852. De retour à Toronto dans l’année, il se remit au portrait. À compter de cette époque, sa clientèle ne se composa plus uniquement de membres de l’establishment tory, mais aussi de gens issus de tous les milieux, et surtout de marchands et banquiers prospères, qui se faisaient de plus en plus nombreux. En 1856, la Law Society of Upper Canada lui commanda le portrait d’un juge en chef. Dès lors, il put compter sur le parrainage durable de cette société, pour laquelle il peignit par exemple des portraits de William Henry Draper* et de John Douglas Armour.

Berthon participa toujours très peu aux expositions publiques, si bien que l’auteur de sa notice nécrologique éprouva le besoin de signaler que son « nom était bien connu des artistes, quoique peu familier au public ». Il faut dire que son art, d’inspiration académique, aurait semblé déplacé à l’Upper Canada Provincial Exhibition, où convenaient mieux les paysages et tableaux de genre, de petites dimensions, signés par des artistes tels que Paul Kane, Daniel Fowler et Robert Whale*. Peut-être aussi l’accueil tiède que l’on avait réservé aux tableaux qu’il avait exposés en 1847 l’avait-il découragé. Comme il pouvait compter sur une clientèle régulière, il n’éprouva jamais le besoin de chercher à se faire connaître, ce qui explique plus probablement son absence de la scène publique.

Berthon présenta des portraits aux expositions annuelles de l’Ontario Society of Artists [V. John Arthur Fraser] en 1875 et 1877, et en devint membre à vie en 1891. Toutefois, comme la mode était au paysage, les critiques trouvèrent encore à redire contre les dimensions et le caractère guindé de ses toiles. Une distinction internationale lui échut pourtant en 1876 : An early visitor reçut une médaille d’or à l’Exposition universelle de Philadelphie, événement qui, de toute évidence, présentait plus d’intérêt pour un artiste de formation française. (On ne sait pas où se trouve actuellement ce tableau.)

La renommée de Berthon était suffisante pour qu’on le choisisse parmi les membres originaires de l’Académie royale canadienne des arts en 1880 [V. John Douglas Sutherland Campbell*], mais il laissa finalement sa nomination arriver à échéance sans présenter son tableau d’accréditation. Peut-être ses énergies créatrices étaient-elles alors investies dans un travail plus lucratif. Cette année-là, John Beverley Robinson l’avait invité à exécuter la série de portraits des anciens lieutenants-gouverneurs qui orneraient la résidence du gouverneur, terminée depuis peu. À partir de gravures, de photographies, de miniatures, d’huiles et d’aquarelles, il peignit plus de 20 portraits posthumes de grands personnages de l’histoire du Canada, dont sir Francis Bond Head*, sir Isaac Brock* et sir Frederick Philipse Robinson. La commande, inspirée de la tradition des « temples de la renommée » et des « galeries de portraits », engloba par la suite les portraits des gouverneurs généraux de la province du Canada.

Berthon mourut dans sa maison de Toronto, d’une infection des bronches ; il n’avait cessé de peindre que quelques jours auparavant. Le 30 mars 1892, on mit en vente sa collection particulière, qui comprenait un portrait de Napoléon par son père, un authentique Watteau et diverses copies de grands maîtres.

On sait que Berthon peignit parfois des paysages et des scènes de genre, ordinairement à la demande d’un client, et il semble que de temps à autre il ait donné des leçons particulières pour arrondir son revenu. On pense que c’est lui qui aurait dessiné les grilles de fer de la clôture d’Osgoode Hall destinée à empêcher le bétail d’envahir la propriété. Toutefois, sa réputation repose exclusivement sur son œuvre de portraitiste. Pendant la plus grande partie de sa carrière, il observa des préceptes néo-classiques – perfection du dessin, maîtrise du coup de pinceau, éclat de la couleur locale – tout en manifestant un souci de réalisme. Vers la fin de sa vie, comme la plupart des artistes canadiens qui avaient fait la connaissance du pleinairisme et de l’impressionnisme, il adopta un coup de pinceau plus fluide et adoucit sa palette. À cette époque, Robert Harris*, John Wycliffe Lowes Forster* et Edmund Wyly Grier* comptaient parmi les portraitistes de l’establishment torontois.

Comme George Theodore Berthon est le plus connu des Torontois de l’ère victorienne à s’inscrire dans la tradition du portrait, son œuvre a une grande valeur historique et constitue un exemple particulièrement intéressant de ce que la pratique du « grand style » a produit au Canada. En outre, sa carrière, longue et prolifique, reflète la croissance et la prospérité soutenues de l’Ontario, l’ascension de Toronto vers l’influence politique, économique et culturelle de même que l’importance des appuis privés et publics dans la promotion des arts visuels.

Carol Lowrey

Des portraits représentatifs de l’œuvre de George Theodore Berthon se trouvent dans un certain nombre de collections publiques, notamment dans celles de l’Art Gallery of Hamilton (Hamilton, Ontario) ; l’Agnes Etherington Art Centre, Queen’s Univ. (Kingston, Ontario) ; la London Regional Art Gallery (London, Ontario) ; à Ottawa, au Musée des beaux-arts du Canada et dans la salle des délibérations du Sénat dans l’édifice du Parlement. La plupart des tableaux de Berthon font partie de collections torontoises, notamment celles du Musée des beaux-arts de l’Ontario ; des CTA ; des bureaux de la Law Soc. of Upper Canada à Osgoode Hall, de la Hist. Picture Coll. à la MTRL ; de la Government of Ontario Art Coll. dans l’édifice du Parlement ontarien ; du Royal Canadian Institute ; du Sigmund Samuel Canadiana Building au Royal Ontario Museum ; des collèges St Michael, Trinity, et University de la Univ. of Toronto ; et de l’Upper Canada College. L’ouvrage de A. K. Carr, « The career of George Theodore Berthon (1806–1892) : insights into official patronage in Toronto from 1845 to 1891 » (thèse de m. phil., 2 vol., Univ. of Toronto, 1986), traite abondamment des œuvres de Berthon, de leur emplacement actuel et des publications dans lesquelles elles ont été reproduites ou étudiées. Une photographie des grilles dont on pense qu’elle ont été dessinées par Berthon pour la clôture qui entoure Osgoode Hall figure dans l’article de G. B. Baker, « Legal education in Upper Canada, 1785–1889 : the law society as educator », Essays in the history of Canadian law, D. H. Flaherty, édit. (2 vol., Toronto, 1981–1983), 2 : 88.

Sauf en ce qui concerne les deux peintures actuellement au Musée des beaux-arts de l’Ontario, Queen Elizabeth and the Countess of Nottingham ([1837]) et Edward Marsh (1842), on connaît peu la production de Berthon durant les années qu’il passa en Angleterre. Les sources usuelles de documentation sur sa participation aux expositions de Londres sont les trois ouvrages d’Algernon Graves : The British Institution, 1806–1867 ; a complete dictionary of contributors and their work from the foundation of the institution (Londres, 1875 ; réimpr., Bath, Angl., 1969), 43 ; A dictionary of artists who have exhibited works in the principal London exhibitions from 1760 to 1893 (3e éd., Londres, 1970), 24 ; et The Royal Academy of Arts [...] (8 vol., Londres, 19051906 ; réimpr. en 4 vol., East Ardsley, Angl., 1970).

AO, MS 4, 22 nov. 1845, 8 août 1882.— Musée des beaux-arts de l’Ontario, Arch. (Toronto), Art Gallery of Toronto corr., 19001912, J. B. Robinson à William Morris, 20 avril 1846 (copie dactylographiée, copie dans la bibliothèque du musée, Berthon file) ; Library, G. T. Berthon, sitters’ notebook, 1866–1891 ; R. F. Gagen, « Ontario art chronicle » (copie dactylographiée, circa 1919).— « Art and artists », Saturday Night (Toronto), 23 mars 1892 : 12.— J. H. Lefroy, Autobiography of General Sir John Henry Lefroy [...], [C. A.] Lefroy, édit. (Londres, [1895]).— The valuable collection of pictures of the late Mons. G. T. Berthon (Toronto, 1892).— British Colonist (Toronto), 1er janv. 1845, 14 avril 1848.— Globe, 19 janv. 1892.— Herald (Toronto), 6 janv. 1845, 30 mars, 5 juin 1848.— Académie royale des arts du Canada ; exhibitions and members, 1880–1979, E. de R. McMann, compil. (Toronto, 1981).— Death notices of Ont. (Reid).— Harper, Early painters and engravers.— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell), 2.— Fern Bayer, The Ontario collection (Markham, Ontario, 1984).— W. [G.] Colgate, Canadian art : its origin & development (Toronto, 1943 ; réimpr., 1967).— J. R. Harper, Painting in Canada, a history (2e éd., Toronto et Buffalo, N.Y., 1977).— John Lownsbrough, The privileged few : the Grange & its people in nineteenth century Toronto (Toronto, 1980).— N. McF. MacTavish, The fine arts in Canada (Toronto, 1925 ; réimpr. [avec introd. de Robert McMichael], 1973).— Edmund Morris, Art in Canada : the early painters ([Toronto, 1911]).— D. [R.] Reid, A concise history of Canadian painting (2e éd., Toronto, 1988) ; « Our own country Canada ».— René Chartrand, « Military portraiture », Canadian Collector, 20 (1985), no 1 : 39–42.— W. [G.] Colgate, « George Theodore Berthon, a Canadian painter of eminent Victorians », OH, 34 (1942) : 85–103.— J. W. L. Forster, « The early artists of Ontario », Canadian Magazine, 5 (mai–oct. 1895) : 17–22.— C. D. Lowrey, « The Toronto Society of Arts, 1847–48 : patriotism and the pursuit of culture in Canada West », RACAR (Montréal), 12 (1985) : 3–44.

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Carol Lowrey, « BERTHON, GEORGE THEODORE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/berthon_george_theodore_12F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
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