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MITCHELL, PETER, avocat, homme d’affaires, homme politique, auteur et fonctionnaire, né le 4 janvier 1824 à Newcastle, Nouveau-Brunswick, fils de Peter Mitchell et de Barbara Grant ; le 9 mars 1853, il épousa à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, Isabella Carvell, veuve de James Gough et sœur de Jedediah Slason Carvell, et ils eurent une fille ; décédé le 24 octobre 1899 à Montréal.

Après avoir étudié à la grammar school de Newcastle, Peter Mitchell entra au cabinet de l’avocat George Kerr, où il travailla quatre ans. Reçu attorney le 14 octobre 1847, il fut admis au barreau le 7 octobre 1849. En 1847, il s’était associé à John Mercer Johnson* ; ce dernier exerçait à Chatham, et Mitchell à Newcastle. Ils se séparèrent en 1852 mais restèrent amis et furent des alliés politiques durant de nombreuses années.

Au fil de sa carrière, Mitchell se lança dans diverses entreprises, notamment dans les secteurs de la construction navale et de l’exploitation forestière. En 1853, il s’associa au beau-frère de sa femme, John Haws, et entre 1853 et 1861 ils construisirent au moins 12 bâtiments, dont plusieurs de fort tonnage. Parmi ces derniers, le Golden Light, qui jaugeait 1 204 tonneaux, fut lancé si tard dans la saison en 1853 que Mitchell dut faire ouvrir un chenal de 11 milles dans les glaces de la Miramichi pour lui permettre de passer. Son association avec Haws prit fin en 1861, mais il continua de construire des navires jusqu’en 1868 ; à cette date, il en avait lancé 16 autres. En 1864, ses chantiers navals employaient 250 hommes, à qui il versait chaque semaine £300 en salaires ; il avait aussi 100 employés qui chargeaient du bois sur des navires pour l’expédier en Europe. Dans les années 1870, il était propriétaire de la Mitchell Steamship Company, qui faisait la liaison entre Montréal et les Maritimes en été et entre les Maritimes et Portland, dans le Maine, en hiver. Membre du conseil d’administration de la Compagnie d’assurance maritime des marchands du Canada et de la Compagnie du chemin de fer de la baie des Chaleurs, il était également directeur et trésorier de l’Anticosti Company, probablement une entreprise forestière. Par ailleurs, il ne s’occupait pas bien de ses intérêts et avait souvent du mal à payer ses comptes.

Mitchell tenta d’entrer en politique en 1852 se portant candidat réformiste et libéral à l’élection partielle qui devait combler le siège de Northumberland, vacant depuis le décès d’Alexander Rankin*. Affirmant être disciple de Joseph Howe* depuis dix ans, il fit campagne pour la responsabilité ministérielle, la réduction des salaires des fonctionnaires, la réciprocité avec les États-Unis et la construction de chemins de fer. C’est George Kerr qui remporta la victoire.

Aux élections de 1856, Mitchell, dont le père était hôtelier et tavernier, brigua les suffrages en s’opposant au Prohibition Act [V. sir Samuel Leonard Tilley]. Cette loi était si controversée qu’elle avait entraîné la dissolution du gouvernement réformiste de Charles Fisher*. La campagne se déroula donc dans une atmosphère survoltée. Mitchell portait un pistolet pour se protéger et avait du rhum en quantité pour ses partisans. Il se classa deuxième des dix candidats qui sollicitaient les quatre sièges de Northumberland. Réélu en 1857, il demeurerait député jusqu’en 1860.

À l’Assemblée, Mitchell se montra favorable à ce que le Conseil exécutif ait seul le droit de présenter des projets de loi de finances, réforme mise en œuvre en 1858, et il appuya la création de gouvernements municipaux, qui ne commença qu’en 1877. De foi presbytérienne, il s’opposait aux écoles confessionnelles. En 1858, il présenta un projet de loi visant à mettre un terme à la pratique qui consistait à louer, par voie d’enchères, des terres de la couronne aux entrepreneurs forestiers. Cette mesure, destinée à aider les petits entrepreneurs, devint réalité en 1861. Quand Mitchell fut nommé au Conseil exécutif, en 1859, le rédacteur en chef du Gleaner de Chatham prédit qu’il mettrait de la vie dans les délibérations. À titre de conseiller, il contribua à l’adoption d’une loi de faillite qui allégeait le fardeau des débiteurs. Il s’opposa à l’augmentation des taxes sur le transport maritime et réussit à faire adopter un projet de loi qui obligeait les commissaires des bouées et balises de la Miramichi à affecter leurs surplus budgétaires au soutien des marins malades et invalides.

Mitchell ne se présenta pas aux élections de 1861, mais peu après on le nomma au Conseil législatif, où il siégerait jusqu’à la Confédération. De plus, en juin 1861, il réintégra le Conseil exécutif, dont le lieutenant-gouverneur Arthur Hamilton Gordon* le considérait comme l’un des membres les plus compétents. Porte-parole du Nouveau-Brunswick dans les négociations en faveur du chemin de fer intercolonial, il assista aux conférences tenues à Québec en 1861 et 1862 sur la construction de cet ouvrage.

Ardent partisan de la Confédération, Mitchell assista à la conférence de Québec en 1864. Il démissionna du Conseil exécutif avec les autres membres du gouvernement Tilley après la défaite électorale de 1865, puis continua de se battre pour l’union à titre de conseiller législatif. Tandis que Gordon tentait d’amener le nouveau chef du gouvernement, Albert James Smith*, à proposer des mesures qui convaincraient le Nouveau-Brunswick d’accepter le projet, lui-même, en coulisse, soutenait et conseillait le lieutenant-gouverneur. Gordon fit participer Mitchell aux efforts qu’il déployait en vue d’obtenir, de Smith, un plan qui aurait l’assentiment des adversaires aussi bien que des partisans de la Confédération. Même s’il se méfiait de Smith et s’inquiétait de la réaction de ses propres collègues, Mitchell prêta son concours à Gordon. Cependant, Smith refusa de coopérer et finalement, le 10 avril 1866, il démissionna avec son gouvernement. Mitchell conseilla alors à Gordon de demander à Tilley de former un nouveau cabinet, mais celui-ci, qui ne siégeait pas à la chambre, refusa. Gordon fit donc appel à la fois à Robert Duncan Wilmot et à Mitchell. Ce dernier devint premier ministre et dirigea les forces pro-Confédération aux élections de 1866, qu’elles remportèrent haut la main. Ensuite, il assista à la conférence de Londres, où fut rédigé l’Acte de l’Amérique du Nord britannique ; en mai 1867, on le nomma au Sénat du nouveau dominion.

Quand John Alexander Macdonald forma son premier cabinet fédéral, il négocia avec Tilley et non avec Mitchell. Ce fut le premier des nombreux affronts que ce dernier affirma par la suite avoir subis de la part de Macdonald. Tilley fut invité à entrer au cabinet et à choisir un autre représentant du Nouveau-Brunswick. Apparemment, il aurait préféré quelqu’un de la vallée de la Saint-Jean, comme lui, mais Mitchell était trop populaire dans la province et avait apporté un appui trop vigoureux à la Confédération pour qu’on puisse le laisser de côté. Mitchell lui-même fit d’ailleurs bien sentir qu’il avait droit à un poste. Le 1er juin 1867, on lui offrit donc de choisir entre celui de secrétaire d’État aux provinces et celui de ministre de la Marine et des Pêcheries. Macdonald lui dit qu’aucune de ces deux fonctions n’était bien exigeante, mais au département de la Marine et des Pêcheries il allait trouver amplement de quoi occuper ses énergies, et employer ses talents administratifs. Il fut assermenté le 1er juillet 1867. Sa connaissance de la pêche, de la construction navale et du transport maritime allait l’aider à organiser le département, qui devait unifier les diverses réglementations provinciales sur les pêches et le domaine maritime. Il s’agissait en fait d’un ministère de dimension internationale, appelé à prendre beaucoup d’expansion [V. William Smith]. C’est d’ailleurs ce dernier argument que Mitchell opposa à ceux qui lui reprochaient les vastes pouvoirs qu’il s’arrogeait en tant que ministre dans la loi de 1868 qui créait le département. En 1872, un rapport sur la protection des côtes canadiennes et américaines rédigé pour la Trinity House de Londres le félicita d’avoir instauré un système « simple et économique ».

Dans le strict domaine de la pêche, le travail de Mitchell était encore plus important et supposait des relations diplomatiques, puisque la Grande-Bretagne et les États-Unis étaient en cause. Il encourageait la préservation des ressources, qui nécessitait l’aménagement de passes migratoires et des opérations d’ensemencement, mais son principal problème était la violation des eaux canadiennes par les pêcheurs étrangers. Les Américains, surtout, multipliaient les infractions. Le traité de réciprocité de 1854 leur avait donné certains droits de pêche côtière et, même s’il avait pris fin en 1866, ils continuaient d’agir comme s’il était toujours en vigueur. En 1865 et 1866, on avait tenté en vain de renégocier le traité. Depuis 1866, les pêcheurs américains devaient demander un permis pour pêcher en eaux canadiennes, mais la plupart refusaient de le faire. Des navires de guerre britanniques veillaient à l’observance de cette règle et servaient trois avertissements aux contrevenants. Mitchell voulait hausser les frais de permis et réduire le nombre d’avertissements à un seul. Le secrétaire britannique aux Affaires étrangères, lord Stanley, reçut cette proposition au printemps de 1868 mais refusa de l’étudier. Selon Mitchell, il y allait de la « dignité et [des] droits nationaux » du Canada. Macdonald tenta de donner un ton moins sévère à la nouvelle réglementation de son ministre, mais il le soutint au cours du différend et lord Stanley ne tarda pas à capituler.

Pourtant, Mitchell jugeait que les droits du Canada n’étaient pas encore suffisamment protégés. Estimant que les Britanniques ne feraient probablement rien qui puisse déplaire aux Américains, il décida d’aller de l’avant en créant sa propre marine en prévision de la saison de 1870. Aux deux navires que le Canada avait déjà, il en ajouta six, d’allure et de gréement semblables à ceux des bateaux de pêche américains, mais armés, et il envoya cette flotte aider les bâtiments de guerre britanniques à appliquer les règlements. Le gouvernement du Canada l’appuyait, et la Grande-Bretagne se résigna à cette initiative. Lorsque la marine de Mitchell se mit à saisir leurs bateaux, les Américains réagirent avec colère. Dès l’été, la tension était telle que les relations menaçaient d’être rompues. En décembre 1870, le président des États-Unis, Ulysses S. Grant, parla du Canada comme d’un « agent à demi indépendant mais irréfléchi ». Mitchell répliqua promptement par un opuscule anonyme où il exposait la position du Canada en des termes non équivoques. Sur ses instances, le cabinet canadien demanda à la Grande-Bretagne de former une commission mixte que l’on institua au début de 1871. Plus tard dans l’année, ses travaux débouchèrent sur la conclusion du traité de Washington. À l’époque, bien des gens estimèrent que la Grande-Bretagne avait trahi les intérêts du Canada ; Macdonald se sentit dupé et Mitchell, plein d’amertume. Néanmoins, c’était la première fois que le Canada tentait de protéger sa souveraineté et réussissait à le faire. Sans la vigoureuse réaction de Mitchell aux infractions des Américains, ce document aurait bien pu ne jamais voir le jour. Les Américains auraient accès aux zones de pêche durant 12 ans, contre paiement, mais on reconnaissait les droits du Canada.

Mitchell avait atteint le sommet de son pouvoir. Jamais plus il n’allait jouer un rôle prépondérant au gouvernement. En 1872, il quitta le Sénat pour briguer le siège de Northumberland aux Communes, mais les motifs de sa décision ne sont pas clairs. On sait qu’il avait l’impression que le Sénat avait peu d’utilité réelle, mais par la suite il affirma que Macdonald lui avait dit être de son devoir de gagner cette circonscription pour le gouvernement. Quoi qu’il en soit, on l’élut sans opposition. Un an plus tard, à cause du scandale du Pacifique, le gouvernement tomba. Mitchell, qui n’avait pas été impliqué dans l’affaire, choisit de siéger comme indépendant. Contrairement à tous les autres ex-membres du gouvernement, il ne souhaitait pas que Macdonald demeure à la tête du parti libéral-conservateur et, même s’il s’était toujours dit libéral, il déclara qu’il ne suivrait pas non plus Alexander Mackenzie. C’était probablement une erreur, car dès lors les deux partis se méfièrent de lui. Élu aux Communes au scrutin général de 1874, il prétendit par la suite avoir « virtuellement dirigé l’opposition durant les cinq années de gouvernement de Mackenzie », mais peu d’indices existent qu’il ait joué un rôle quelconque. En janvier 1878, il démissionna de son siège. On l’avait accusé d’avoir contrevenu à la loi de l’indépendance du Parlement en louant un immeuble au gouvernement au moment où il était sénateur. Même si l’on avait modifié la loi en 1877 pour lui assurer l’immunité, ainsi qu’à d’autres contrevenants, il se présenta devant ses électeurs et remporta la victoire sans opposition le 5 février. De retour aux Communes, il montra à nouveau son énergie et son entêtement. Durant plusieurs jours, il empêcha l’étude des projets de loi en exigeant une indemnité pour une veuve de sa circonscription dont la vache avait été tuée par un train. Le gouvernement, clamait-il, se moquait des pauvres et des faibles. De guerre lasse, Mackenzie accepta de rembourser le prix de la bête pour que la chambre puisse reprendre ses travaux.

Aux élections générales de 1878, Mitchell se présenta comme libéral indépendant et fit campagne en faveur de la Politique nationale de Macdonald, car on lui avait laissé entendre qu’elle n’entraînerait pas de hausse des taxes sur les aliments. Son adversaire, l’indépendant Jabez Bunting Snowball*, affirmait le contraire. Puis, à sa consternation, Macdonald admit, dans un discours prononcé en Ontario, que les taxes augmenteraient, notamment sur les comestibles, telle la farine. Se sentant trahi, Mitchell accusa Macdonald, dont il se méfiait maintenant plus que jamais, de l’avoir fait passer pour un menteur. En fait, il garda toujours rancune au chef conservateur. Pendant la campagne, lui-même et Snowball distribuèrent généreusement de l’argent et des provisions aux électeurs. Un commerçant dit même à ses clients que, s’ils n’accordaient pas leur suffrage à Snowball, il ne leur ferait pas crédit de tout l’hiver, vendrait son magasin et leurs créances puis s’en irait – menace qui, déclara-t-il, « eut de l’effet ». Mitchell subit alors sa première défaite électorale en plus de 20 ans. Après avoir passé plusieurs mois à Newcastle, il fit un voyage dans l’Ouest canadien en 1879. Ses lettres et ses notes, qui contenaient des critiques sur la politique ferroviaire de Macdonald, parurent l’année suivante.

Apparemment, en 1882, Mitchell habitait Montréal. Aux élections générales de cette année-là, il aurait pu se présenter dans Montréal-Est, mais il préféra essayer de reconquérir la circonscription de Northumberland. Candidat indépendant, il s’éleva contre Macdonald et son programme, car il lui en voulait toujours, notamment à cause de l’affaire de la Politique nationale. En outre, il était offensé parce que son vieil ennemi Albert James Smith, qui lui avait succédé au département de la Marine et des Pêcheries, avait été fait chevalier en 1878. On lui avait accordé cet honneur en récompense des 5,5 millions de dollars que le Canada et Terre-Neuve avaient obtenus contre l’admission des Américains dans les zones de pêche côtière en vertu du traité de Washington. Selon Mitchell, c’est lui qu’on aurait dû récompenser, et non Smith. Que cet ancien adversaire de la Confédération soit devenu un héros national devait en effet être particulièrement dur à avaler. Peut-être aussi Mitchell ruminait-il en songeant que Tilley avait aussi été fait chevalier en 1879 ; après tout, estimait-il, les efforts qu’il avait déployés pour faire entrer le Nouveau-Brunswick dans la Confédération lui donnaient bien droit au même honneur. Amer et dépourvu de tact, il porta ses critiques à la connaissance du public, dévoilant ainsi la mesquinerie qui se fit jour dans son caractère durant ses dernières années. Il fut tout de même élu sans opposition dans Northumberland en 1882, et cinq ans plus tard il y remporta encore la victoire à titre de libéral indépendant.

En 1885, Mitchell avait acheté le Montreal Herald and Daily Commercial Gazette, où il attaquait les mesures libérales et conservatrices qui ne lui convenaient pas. Le journal « n’exprime pas d’autres sentiments que ceux du propriétaire lui-même », dit-il à la chambre des Communes. Dans ses pages, il réclama la grâce pour Louis Riel* en faisant valoir que, si la trahison avait été punie légèrement dans le passé, elle devait l’être aussi dans ce cas. Selon lui, juger Riel pour ce crime était « une bévue inexcusable ». Macdonald était coupable de ne pas avoir tenu compte des revendications métisses qui avaient abouti à la rébellion, et l’exécution de Riel était le « meurtre politique le plus lâche qui [eût] jamais terni les annales du Canada ancien et nouveau ». Il stigmatisa aussi le Sénat, qui pour lui ne représentait « rien ni personne » mais était « un hôpital de partis dans lequel les éclopés et les aveugles [étaient] réunis, une sorte de musée politique où l’on [pouvait] voir des fossiles ». Devenu partisan du libre-échange, il reprochait au parti conservateur d’être le parti du protectionnisme. Wilfrid Laurier*, le nouveau chef libéral, trouvait grâce à ses yeux ; d’après lui, il avait quelque souci des classes laborieuses. Insatisfait du traité conclu à Washington en 1888, qui visait à régler la question de la pêche par suite de l’expiration du traité de 1871, il fut heureux quand le Sénat américain le rejeta. Cependant, c’est à contrecœur qu’il admit, avec Macdonald, que le gouvernement fédéral ne devait pas user de son pouvoir d’annulation au sujet de la loi par laquelle Québec réglait la question des biens des jésuites. En 1890, une longue grève plongea le Herald dans une situation financière difficile. Les revendications salariales des employés étaient déraisonnables, affirma Mitchell. Un an plus tard, un incendie qui détruisit les bureaux du journal lui causa des pertes considérables, et il le vendit peu après.

Aux élections de 1891, Mitchell se porta de nouveau candidat libéral indépendant dans Northumberland mais il perdit. Dès lors, il vécut au Windsor Hotel de Montréal. Sa femme était morte en 1889, sa fille séjournait la plupart du temps dans un asile pour malades mentaux, et bon nombre de ses amis étaient décédés. Il devint un personnage bien connu à l’hôtel, un homme esseulé, empressé de discuter politique avec quiconque voulait bien l’écouter.

Mitchell devenait de plus en plus amer à cause des nombreuses injustices qu’il estimait avoir subies de la part de Macdonald. En 1894, personne ne se souvenait de lui, et il pensait que sa contribution à la vie politique n’avait jamais vraiment été reconnue. Toujours plus agacé d’entendre des louanges à la mémoire de Macdonald, il décida de tirer les choses au clair en publiant en 1894, dans l’Evening News de Toronto, un texte intitulé « The secret history of Canadian politics ». On peut déplorer que personne ne l’en ait empêché, car cette publication nuisit davantage à sa réputation qu’à celle de Macdonald et lui fit perdre la plupart des amis conservateurs qu’il lui restait. Il se tourna donc vers les libéraux dans l’espoir de se faire reconnaître. En 1896, il se présenta dans Northumberland sous la bannière libérale et perdit. Les requêtes qui visaient à lui faire obtenir, par l’entremise de Laurier, un titre de chevalier et la fonction de lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick n’aboutirent pas. Cependant, Laurier créa pour lui le poste d’inspecteur général des pêches du Québec et des Maritimes, qu’il occuperait jusqu’à sa mort en 1899.

Durant sa carrière parlementaire, Peter Mitchell avait été reconnu comme un argumentateur habile, éloquent et puissant qui ne mâchait pas ses mots. Selon l’écrivain Melvin Ormond Hammond, qui avait interrogé des contemporains, il consultait rarement des notes, « se tenait debout, les mains dans les poches, et retombait vigoureusement sur ses talons pour appuyer ses dires. Il dégageait [une] impression de puissance intellectuelle aussi bien que physique et, bien qu’attachant, était hardi comme un lion. » À l’occasion, il pouvait être vindicatif et impitoyable. Sa conduite pendant les bouleversements politiques de 1865–1866 lui valut le surnom de « Bismarck » Mitchell, qui suggère l’intrigue et la tromperie. Considéré par certains comme un homme plus compétent que l’aimable et courtois Tilley, il était obstiné et parfois querelleur, mais en général il s’acquittait de ses missions. Travailleur infatigable et excellent administrateur, il était meilleur quand il s’agissait de planifier que de veiller aux affaires courantes, qui l’ennuyaient. Dans sa grande époque, c’était un allié précieux et un ennemi politique redoutable. Il n’hésitait pas à s’associer à d’anciens adversaires pour atteindre des objectifs communs. Bien qu’en général ils aient respecté ses talents, les chefs de parti, Macdonald et Laurier par exemple, ne l’aimaient pas. Il reste que sa mémoire mérite d’être cultivée, car il contribua énormément à l’entrée du Nouveau-Brunswick dans la Confédération et donna une structure efficace au premier département fédéral de la Marine et des Pêcheries.

William A. Spray

Les publications de Peter Mitchell comprennent : Notes of a holiday trip by the Hon. P. Mitchell, late minister of Marine and Fisheries : the west and north-west ; reliable information for immigrants, with maps, &c. (Montréal, 1880) ; et « The secret history of Canadian politics », Evening News (Toronto), 15–17 mai 1894, dont un exemplaire est conservé parmi ses papiers à l’UNBL (MG H6, box 3, folder 5). Il est l’auteur de l’œuvre anonyme intitulée Review of President Grant’s recent message to the United States’ Congress, relative to the Canadian fisheries and the navigation of the St. Lawrence River ([Ottawa, 1870]), et peut aussi avoir écrit The route of the Intercolonial Railway in a national, commercial and economic point of view ([Ottawa, 1867]).

AN, MG 26, A, 513 ; G : 9222–9225, 14395.— APNB, MC 1156, XI : 59–60.— Musée du N.-B., Reg. of marriages for the city and county of Saint John, book E (1853–1859), 1853 (mfm aux APNB).— UNBL, MG H6 ; MG H82, T. H. Flieger à James Brown, 2 août 1878.— Canada, chambre des Communes, Débats, 1877–1885.— J. E. Collins, Life and times of the Right Honourable Sir John A. Macdonald [...] premier of the Dominion of Canada (Toronto, 1883 ; éd. rév. avec des additions de G. M. Adam et parue sous le titre de Canada’s patriot statesman : the life and career of the Right Honourable Sir John A. Macdonald, Toronto, 1891).— J. [A.] Macdonald, Correspondence of Sir John Macdonald [...], Joseph Pope, édit. (Toronto, 1921).— Daily Gleaner, 25 oct. 1899.— Gleaner (Chatham, N.-B.), 5 juill. 1852, 7 juin, 11 oct. 1856, 22 févr. 1860.— Globe, 1885.— Montreal Daily Star, 28 oct. 1895.— New-Brunswick Courier, 27 déc. 1862.— Saint John Globe, 1885.— CPC, 1873 ; 1876 ; 1883 ; 1892.— D. [G.] Creighton, The road to confederation ; the emergence of Canada : 1863–1867 (Toronto, 1964).— E. H. Greaves, « Peter Mitchell ; a father of confederation » (thèse de m.a., Univ. of N.B., Fredericton, 1958).— M. O. Hammond, Confederation and its leaders (Toronto, 1917).— Hannay, Hist. of N.B., 2.— MacNutt, New Brunswick.— Louise Manny, Ships of Miramichi : a history of shipbuilding on the Miramichi River, New Brunswick, Canada, 1773–1919 (Saint-Jean, N.-B., 1960).— Lois Martin, Historical sketches of the Miramichi (Chatham, 1985).— George Stewart, Canada under the administration of the Earl of Dufferin (2e éd., Toronto, 1879).— Waite, Life and times of confederation.— W. M. Whitelaw, The Maritimes and Canada before confederation (Toronto, 1934 ; réimpr., 1966).— R. S. Longley, « Peter Mitchell, guardian of the North Atlantic fisheries, 1867–1871 », CHR, 22 (1941) : 389–402.— R. D. Tallman, « Peter Mitchell and the genesis of a national fisheries policy », Acadiensis (Fredericton), 4 (1974–1975), n° 2 : 66–78.

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William A. Spray, « MITCHELL, PETER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 12 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mitchell_peter_12F.html.

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Auteur de l'article:    William A. Spray
Titre de l'article:    MITCHELL, PETER
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
Année de la révision:    1990
Date de consultation:    12 nov. 2024