JESSOP, JOHN, instituteur, typographe, journaliste, voyageur, administrateur scolaire et fonctionnaire, né le 29 juin 1829 à Norwich, Angleterre, fils aîné de John Jessop et de Mary Phillipps ; le 30 mars 1868, il épousa à Victoria Margaret (Meta) Faucette, et ils adoptèrent une fille, Jessie Scott (Agar) ; décédé le 30 mars 1901 à Victoria.
Le premier surintendant provincial de l’Éducation en Colombie-Britannique était un maître d’école typiquement victorien en ce sens qu’il accordait une importance considérable à l’étude de l’histoire et à l’exemple des grands hommes. Pourtant, John Jessop était notoirement réticent à parler de son enfance et de ses premières années d’études en Angleterre. Comme sa famille n’était pas riche, il ne reçut probablement pas une formation classique ; cependant, il fréquenta peut-être une grammar school dans le Norfolk.
Les Jessop immigrèrent dans le Haut-Canada en 1846. Après une périlleuse traversée, ils débarquèrent à New York, d’où ils se rendirent à Toronto. Ils s’établirent dans une ferme près de Port Perry, dans le canton de Reach. On n’est guère renseigné sur ce que fit le jeune John Jessop au cours de ses premières années dans la province, mais il fut peut-être typographe à l’un des journaux de Whitby ou d’Oshawa. En 1849, il quitta l’Église d’Angleterre et adhéra à une congrégation méthodiste de Whitby.
Dans le Haut-Canada, les méthodistes étaient associés de près à l’enseignement public et, grâce au surintendant de l’Éducation Egerton Ryerson*, la province s’était dotée d’un réseau bien organisé d’écoles élémentaires financées par des taxes. Grand admirateur de ce système et de son fondateur, Jessop décida de faire carrière dans l’enseignement en mai 1853 en s’inscrivant à la Toronto Normal School. En octobre, au terme d’un cours régulier de six mois, il obtint un brevet d’enseignement de deuxième classe. Puis, durant deux ans, il enseigna dans une école publique du comté de Durham. De retour à la Normal School en mai 1855, il suivit un autre cours de six mois qui lui donna droit à un brevet de première classe avec mention A. Cette mention indiquait qu’il s’était classé parmi les premiers.
Ensuite, Jessop enseigna deux ans à Fingal et à Whitby. Puis, inexplicablement, il quitta l’enseignement au printemps de 1858, malgré sa qualification et les témoignages d’estime du conseil local de l’instruction publique. Que fit-il dans les mois suivants ? On ne le sait pas au juste. Peut-être alla-t-il à Toronto ou travailla-t-il au journal d’Oshawa, le Vindicator. On sait par contre qu’il était à Oshawa au printemps de 1859 et se préparait à un voyage par voie de terre de 3 000 milles à destination des régions aurifères de la Colombie-Britannique.
Un mystère flotte autour des raisons pour lesquelles Jessop décida d’aller jusqu’au Pacifique en passant par le continent. Sans doute aspirait-il à quelque chose de mieux qu’enseigner dans des écoles de village et s’imaginait-il connaître un avenir meilleur au delà des Rocheuses. Mais, de toute évidence, son intention était de s’installer là-bas comme propriétaire de journal, non comme instituteur. Peut-être aussi souhaitait-il l’annexion de la colonie de la Rivière-Rouge et de Rupert’s Land, à l’instar de beaucoup de Haut-Canadiens. Les récits des expéditions de John Palliser*, de Simon James Dawson et de Henry Youle Hind nourrissaient ces visées annexionnistes ; bien des journaux ontariens, dont le Vindicator, les propageaient. Jessop persuada les propriétaires du Vindicator de financer l’expédition par laquelle il entendait prouver la possibilité et l’utilité de suivre un trajet menant à la côte du Pacifique en passant par la Rivière-Rouge.
Jessop partit d’Oshawa le 25 avril 1859 en compagnie d’Elijah Duff, de Belleville, et de quatre autres aventuriers. Ils se rendirent par vapeur jusqu’au fort William (Thunder Bay, Ontario), où ils achetèrent un canot du Nord, et engagèrent un guide métis et un Indien pour diriger l’embarcation. Puis, empruntant un parcours suivi autrefois par les convois de traite, ils se rendirent au lac Winnipeg par le lac Great Dog (lac Dog, Ontario) et, au prix de grandes difficultés, atteignirent Upper Fort Garry (Winnipeg) le 13 juin 1859. Jessop et Duff résolurent de continuer jusqu’au Pacifique une fois qu’ils se seraient reposés ; par contre, leurs compagnons décidèrent de rester à la Rivière-Rouge.
Pendant son mois de séjour à Upper Fort Garry, Jessop fit la connaissance de James Ross* et d’autres partisans de l’annexion de la Rivière-Rouge au Canada. Le 13 juillet, il envoya au Vindicator une dépêche dans laquelle il se faisait leur porte-parole. Il réclamait le renversement de « la Hudson’s Bay Company, ce monstrueux incube qui a[vait] recouvert et recouvr[ait] toujours, comme un voile funèbre, la moitié d’un continent, paralysant et annihilant les projets de tous ceux qui [avaient] tenté de quelque façon de gêner son injuste monopole ». Le gouvernement du Canada, clamait-il, était coupable d’« indolence et [d’]irrésolution » parce qu’il ne lançait pas un vigoureux programme d’annexion. Ce fut la première diatribe politique que Jessop publia. Elle allait le faire bien voir des adversaires de la Hudson’s Bay Company à l’île de Vancouver.
Le 23 juillet 1859, Jessop et Duff entreprirent la deuxième partie de leur voyage. Parvenus aux contreforts des Rocheuses deux mois plus tard, ils franchirent les montagnes par le col Boundary (col South Kootenay) avec l’aide d’un guide autochtone. À Colville, dans le territoire de Washington, ils se quittèrent. Seul et à pied, Jessop descendit le fleuve Columbia jusqu’au fort Vancouver (Vancouver, Washington). Il arriva à Victoria au début de janvier 1860, près de huit mois après son départ d’Oshawa. Il avait réalisé tout un exploit ; la seule ombre au tableau était que, après tout ce parcours en territoire britannique, il avait dû, dans la dernière étape de son voyage, mettre le pied en sol américain.
Au printemps de 1860, Jessop se rendit dans les régions aurifères de Cariboo. Après quelques mois de prospection infructueuse, il descendit à New Westminster, où Leonard McClure*, propriétaire du New Westminster Times, le prit comme typographe. C’est là qu’il fit la connaissance de l’un de ses coreligionnaires haut-canadiens, le méthodiste John Robson*, avec qui il noua une longue amitié. Tôt l’année suivante, Jessop retourna à Victoria pour travailler au nouveau journal de McClure, le Daily Press. Cependant, avant de quitter New Westminster, il adressa au Daily Colonist de Victoria une longue lettre dans laquelle il se déclarait « tout à fait opposé au gouvernement en place » et au « mauvais régime » du gouverneur James Douglas*. Cette lettre plut au rédacteur en chef du Daily Colonist, Amor De Cosmos*. Jessop avait beau nier qu’il escomptait une charge publique, il était déjà en train de se situer dans le paysage politique. Dès les années suivantes, on l’associerait aux éléments de l’île de Vancouver qui prônaient la réforme politique et l’entrée dans la Confédération canadienne.
Dès le milieu de 1861, Jessop était déterminé à quitter le monde journalistique et à retourner à l’enseignement. L’île de Vancouver comptait seulement trois écoles subventionnées par l’État : une à Victoria depuis 1852, une à Nanaimo depuis 1853 et une à la Craigflower Farm depuis 1855. Il y avait quelques autres écoles à Victoria, mais elles étaient soit privées, soit tenues par des religieux. Dans une lettre écrite à Victoria en août 1861, Jessop informa Egerton Ryerson de son intention d’ouvrir une école non confessionnelle inspirée de l’« admirable système » que son destinataire avait instauré dans le Haut-Canada. « Mon but, écrivait-il avec assurance, est d’établir sa réputation, puis, dès que la ville aura été érigée en municipalité, d’entrer dans le réseau d’écoles publiques qui sera alors créé et de me placer à la tête des écoles publiques de Victoria et de l’île de Vancouver. » Le mois suivant, il ouvrit une école privée, la Central School. D’abord située dans le quartier des affaires de Victoria, dans des locaux loués, l’école fut baptisée ainsi pour qu’on ne la confonde pas avec la Victoria District School, qui se trouvait en bordure de la ville et était financée par le gouvernement. Comme Jessop l’avait prédit, son école remporta un franc succès ; dès décembre, il la réinstalla dans un grand édifice neuf qu’il avait fait construire.
Dans sa période la plus faste, la Central School eut une centaine d’élèves et employa deux instituteurs auxiliaires. Certes, l’école exigeait des droits de scolarité peu élevés, était bien située et offrait un programme non confessionnel, mais ces avantages ne suffisent peut-être pas à expliquer sa popularité. Au début des années 1860, Victoria comptait un certain nombre de familles américaines de race blanche qui refusaient d’envoyer leurs enfants à la Victoria District School ou dans les autres écoles de la ville qui ne pratiquaient pas la ségrégation raciale. Apparemment, Jessop tint compte des préjugés de ces familles en fixant les conditions d’admission à la Central School. Qu’il l’ait fait (et l’on n’a pas à ce sujet de preuves concluantes) ne signifie pas qu’il partageait ces préjugés, mais suggère plutôt qu’il était plus intéressé à exploiter une bonne affaire qu’à promouvoir un réseau d’enseignement vraiment public. Quoi qu’il en soit, le marasme économique et le déclin de la population de Victoria eurent raison de son école. Il eut beau supplier et tempêter, insister sur la « tâche ingrate » qu’il avait entreprise au bénéfice des citoyens de Victoria, les inscriptions chutèrent et la Central School ferma ses portes en mars 1864. Compatissant, le Daily Colonist rapporta que la fermeture était attribuable à la « mauvaise santé » du propriétaire de l’école. À la vérité, Jessop souffrait surtout de problèmes financiers.
Peu après, Jessop s’allia à un mouvement qui était dirigé par De Cosmos et qui prônait l’établissement d’un réseau d’écoles publiques gratuites et non confessionnelles. Il publia dans le Daily Colonist (dont le rédacteur en chef était alors McClure) un programme en cinq points qui proposait un système presque identique à celui du Haut-Canada. En outre, il se mit à militer dans un groupe de citoyens qui réclamait qu’il y ait une école subventionnée par le gouvernement plus près de la ville. Comme par hasard, le plus grand édifice de Victoria « voué à l’éducation » était la défunte Central School. Jessop offrit de la louer au gouvernement dans l’éventualité où celui-ci voudrait créer un réseau d’enseignement public.
Les pressions en faveur de la création d’écoles élémentaires gratuites et non confessionnelles portèrent fruit en mai 1865 : l’Assemblée législative de l’île de Vancouver adopta le Common Schools Act. Cette loi instaurait un bureau général de l’Éducation, prévoyait l’ouverture de nouvelles écoles publiques et autorisait la nomination d’un surintendant de l’Éducation. Ce fut non pas Jessop mais Alfred Penderell Waddington*, entrepreneur de Victoria, qui obtint ce poste. Toutefois, le bureau accepta de louer la Central School et, après l’avoir divisée en une section pour garçons et une section pour filles, l’intégra au nouveau système. Malgré l’opposition de certains de ses membres, le bureau accepta aussi d’engager le propriétaire de l’immeuble comme instituteur. Cependant, en confirmant sa nomination, il souligna que Jessop porterait le titre d’« instituteur des garçons de la Central School » et non de « directeur ». En fait, même s’il laissait entendre le contraire, Jessop n’avait pas une position plus élevée et ne touchait pas un plus gros salaire (1 200 $ par an) que son collègue de la Victoria District School, William Henry Burr.
En 1866, l’île de Vancouver fut annexée à la partie continentale de la Colombie-Britannique, mais le Common Schools Act de 1865 y demeura en vigueur pendant encore trois ans. Toutefois, le système commença bientôt à se désintégrer. Pour sauver la Colombie-Britannique d’une faillite quasi certaine, le gouverneur Frederick Seymour* imposa de sévères restrictions financières. En septembre 1867, Waddington démissionna de la surintendance de l’Éducation. La caisse était alors à sec. Jessop et ses collègues, qui avaient déjà subi une réduction de salaire, ne furent pas payés du tout durant un an. La nouvelle loi scolaire présentée en février 1869 n’améliora pas leur situation.
La Common School Ordinance de 1869, qui abolissait le bureau général de l’Éducation, obligeait les administrateurs locaux à amasser une partie des fonds nécessaires aux écoles. Une fois cette somme réunie, le Conseil exécutif leur remettrait des crédits pour payer les salaires des instituteurs. Le district scolaire de Victoria, dont les résidents refusaient de payer une capitation, se trouva dans l’incapacité de s’acquitter de ses obligations. Faute de crédits, il ne pouvait payer ses enseignants. Mécontents, Jessop et Burr annoncèrent en septembre 1870 qu’ils ne travailleraient plus. En déclenchant ce qui, a-t-on dit, fut la première grève d’instituteurs de l’histoire du Canada, ils espéraient pousser la municipalité à adopter un règlement sur l’impôt scolaire. Leur tactique échoua. La Victoria District School et la Central School restèrent fermées durant deux ans.
Entre-temps, Jessop continua de rechercher une position influente dans ce système quasi moribond. Après la démission de Waddington, il avait offert ses services comme surintendant. Sa candidature avait été refusée et le poste était resté vacant jusqu’à ce que l’ordonnance de 1869 l’ait aboli. En 1870, Jessop se porta candidat au poste non rémunéré d’inspecteur général des écoles, qui venait d’être créé. Le poste alla à un barrister formé à Cambridge, Edward Graham Alston*, qui démissionna l’année suivante. À nouveau, Jessop proposa ses services ; cette fois encore, il essuya un revers et le poste demeura vacant.
Jessop tenta aussi de se faire élire député, mais il ne fut pas plus heureux de ce côté. D’abord, en septembre 1870, quelques semaines après s’être soi-disant mis en grève, il annonça qu’il se présenterait dans la circonscription de Kootenay and Columbia River aux dernières élections de l’Assemblée coloniale. C’était une circonscription vaste et peu peuplée ; il y fit une tournée harassante en prônant une réforme tarifaire et le gouvernement responsable. Son adversaire, Robert James Skinner, agent de district à la Hudson’s Bay Company, aborda des thèmes qui touchaient les électeurs de plus près, telle l’amélioration des routes et du service postal. Chose peu surprenante peut-être, ce fut Skinner qui remporta la victoire. Un an plus tard, Jessop se porta candidat dans la circonscription fédérale de l’île de Vancouver et fut encore battu.
Après sa défaite, Jessop fut un moment typographe au Daily Colonist. John Robson, qui l’avait appuyé dans ses deux campagnes électorales, était alors à la tête du journal. Dans la même période, Jessop rouvrit son école privée, la Central School, avec l’aide de sa femme Margaret, institutrice. En outre, fait plus important à ce stade de sa carrière, il fut présenté à Alexander Rocke Robertson*, probablement par sa femme. Comme Mme Jessop, Robertson s’occupait de l’école du dimanche à l’église St John the Divine. Surtout, il exerçait la fonction de secrétaire de la province dans le gouvernement récemment élu. En décembre 1871, il demanda à Jessop de participer à la rédaction d’un projet de loi qui établirait un réseau général d’écoles publiques dans la province.
La loi adoptée par l’Assemblée de la Colombie-Britannique en mars 1872, le Public School Act, s’inspirait de celle que l’Ontario avait adoptée l’année précédente, mais présentait par rapport à elle deux différences importantes. Elle ne créait pas d’écoles confessionnelles séparées ; en ce sens, elle perpétuait le système rigoureusement non confessionnel mis en place dans l’île de Vancouver en 1865. En outre, elle définissait de façon étroite les qualités nécessaires pour être surintendant provincial de l’Éducation. Le surintendant devait avoir au moins cinq années d’expérience de l’enseignement et détenir « un brevet de première classe d’un collège [...] d’une autre province [...] dans laquelle existait un réseau d’écoles publiques ».
Jessop nia par la suite être l’auteur de cet article de loi controversé ; peut-être était-ce son ami Robertson qui l’avait rédigé ainsi pour lui paver la voie. Jessop dut tout de même faire une cour assidue au lieutenant-gouverneur, Joseph William Trutch, et au premier ministre de la province, John Foster McCreight*, après qu’un autre instituteur semblablement qualifié eut présenté inopinément sa candidature à la surintendance. Heureusement pour lui, son rival se retira à la dernière minute. Le 17 avril 1872, la nomination de Jessop à la surintendance de l’Éducation fut confirmée officiellement. Ce poste était assorti d’un salaire de 2 000 $ par an, ce qui faisait de son titulaire l’un des mieux rémunérés de la fonction publique provinciale.
Jessop était parvenu au faîte de sa carrière d’éducateur. Au cours des six années où il occupa la surintendance, le système d’enseignement public connut une expansion rapide et des améliorations extraordinaires. Le nombre d’écoles publiques passa de 14 à 45 ; le nombre d’instituteurs fit plus que tripler. En grande partie grâce à Jessop, on organisa des congrès annuels de perfectionnement pour les instituteurs à compter de 1874 et la première école secondaire de la province ouvrit ses portes à Victoria en 1876. Chaque année, le surintendant traitait un énorme volume de correspondance. En outre, il parcourait – à pied, à cheval ou en canot – de très longues distances, en terrain difficile, pour aller inspecter chacune des écoles de la province.
La politique éducative de Jessop se fondait sur la conviction simple que les écoles étaient essentielles à la paix et au bon ordre sociaux. En 1872, il écrivait : « [Les enfants] deviendront tels que l’instruction ou le manque d’instruction les fera. Si on les instruit, la majorité d’entre eux pourront devenir des citoyens respectables ; si on ne le fait pas, bon nombre d’entre eux peupleront nos prisons et nos pénitenciers. » Aussi n’hésitait-il pas à réprimander les parents qui n’envoyaient pas leurs enfants à l’école. Même s’il ne parvint pas à faire inscrire dans la loi scolaire une disposition vraiment efficace sur la fréquentation obligatoire, il institua une règle en vertu de laquelle les salaires des instituteurs dépendaient des inscriptions. En outre, pour réaliser l’un de ses objectifs, donner des « écoles à une population disséminée », il prôna l’établissement de pensionnats provinciaux dans les districts peu peuplés. Malheureusement, le seul qui fut jamais établi, le Central Boarding School, qui ouvrit en 1874 à Cache Creek, connut une foule de problèmes. Les administrateurs résidants s’approprièrent des fonds et de l’équipement, et des cas d’immoralité chez les élèves provoquèrent des scandales. Ces problèmes finirent par être réglés, mais on reprocha à Jessop d’avoir fait la promotion de cette école expérimentale et de ne pas l’avoir supervisée convenablement.
Cette affaire nuisit beaucoup à la réputation d’administrateur de Jessop et, dès lors, il fut la cible de critiques de plus en plus diverses. On l’accusa de favoriser les instituteurs formés en Ontario et de malmener les administrateurs scolaires locaux qui désapprouvaient sa politique. En 1878, le Victoria Daily Standard, qui s’était réjoui de sa nomination, le qualifia de « César du système d’enseignement » et exigea son congédiement. On se mit aussi à le blâmer à l’Assemblée provinciale à compter du moment où George Anthony Walkem forma un gouvernement, en juin 1878. Finalement, ces attaques le poussèrent à démissionner. Elles avaient peut-être une saveur politique, mais, contrairement à ce qu’ont affirmé certains auteurs, Jessop ne fut pas victime d’une « clique sans scrupules » de politiciens déterminés depuis longtemps à le « liquider ».
Le tandem Walkem–Beaven, à la tête du groupe « gouvernemental » qui força Jessop à démissionner, succédait au tandem De Cosmos–Walkem, qui avait d’abord soutenu Jessop. Sauf pendant la courte période où une coalition adverse dirigée par Andrew Charles Elliott* détint le pouvoir, le groupe de Walkem gouverna la province sans interruption de 1872 à 1883. Au cours de la plus grande partie de son mandat, Jessop travailla sans difficulté avec les collègues de Walkem, y compris le ministre des Finances Robert Beaven*, dont on a dit qu’il était « depuis longtemps [sa] bête noire ». Cependant, Jessop permit qu’on l’associe au groupe d’Elliott, ce qui n’était pas judicieux, compte tenu de l’esprit partisan qui régnait dans la province. Il commit aussi l’erreur de critiquer les restrictions financières imposées au bureau de l’Éducation en une période de dure récession. En outre, il s’attira la colère du gouvernement en lui transmettant, en juillet 1878, une résolution du congrès provincial des instituteurs qui critiquait des projets d’amendement à la loi scolaire. La crise éclata le 23 août au cours d’un débat parlementaire sur le budget. Quand le chef de l’opposition, William Smithe*, rejeta l’idée de réduire le salaire du surintendant, Walkem se moqua de Jessop. Il l’accusa d’avoir une qualification désuète et médiocre, de commettre des fautes de grammaire grossières dans ses rapports publiés et, d’une façon générale, de ne pas avoir une « formation suffisante » pour occuper son poste. Trois jours plus tard, citant l’attaque du premier ministre, Jessop présenta sa démission. Elle fut acceptée immédiatement.
Plus tôt le même mois, les membres du bureau d’Éducation avaient démissionné en bloc, non par solidarité envers le surintendant déjà en difficulté, mais pour protester contre l’intention du gouvernement de réduire les pouvoirs de l’organisme. Toutes ces démissions ne troublèrent pas le gouvernement Walkem. En l’espace de quelques semaines, il nomma un nouveau surintendant. En 1879, il adopta une nouvelle loi scolaire. Inspirée de la politique et des règlements ontariens, elle abolissait le bureau de l’Éducation et plaçait le surintendant sous l’autorité directe du ministre chargé des écoles.
Tout de suite après sa démission, dans l’espoir de blanchir sa réputation, Jessop se porta de nouveau candidat dans la circonscription fédérale de l’île de Vancouver. Comme on l’y connaissait bien à cause de son travail d’inspecteur d’écoles, il croyait avoir de bonnes chances. Pourtant, au moment du scrutin, en 1878, il se classa dernier parmi les quatre candidats. Les instituteurs critiques à son endroit rappelèrent ce résultat lorsque, par la suite, on prétendit qu’il avait été un administrateur scolaire populaire et qu’il avait été persécuté par quelques politiciens véreux. Jessop fut sûrement très embarrassé d’avoir fait aussi piètre figure. Jamais plus il ne brigua les suffrages ni ne s’associa de quelque manière au système d’enseignement public.
En 1879, Jessop sollicita sans succès la place de commis principal au bureau de poste de Victoria. Puis, engagé à l’imprimerie du Daily Colonist, il y travailla jusqu’à sa nomination au poste d’agent provincial de l’immigration en mars 1883. Ce fut son vieil ami John Robson, secrétaire de la province dans le nouveau gouvernement dirigé par William Smithe, qui le fit nommer. À compter du 4 décembre, Jessop fut agent fédéral de l’immigration, car le bureau de l’immigration était passé sous la compétence du gouvernement du dominion. Il exerça cette fonction, qui redevint de compétence provinciale en mai 1892, durant près de 18 ans.
Le salaire n’était pas intéressant. Dans les années 1890, Jessop gagnait moins de la moitié de ce qu’il avait touché en tant que surintendant de l’Éducation. Cependant, son travail lui convenait. Jessop visitait les districts éloignés, administrait une auberge pour les nouveaux immigrants, recueillait des statistiques sur l’économie provinciale et distribuait de la documentation sur la Colombie-Britannique, qui n’avait pas de secrets pour lui. Toujours optimistes quant à l’avenir de la province, ses rapports le furent encore plus après l’achèvement du chemin de fer transcontinental, dont il avait prôné la construction dès 1859. À l’exemple de bon nombre de ses contemporains, il déplorait la présence des Chinois qui avaient participé à la construction du chemin de fer. Cependant, il ne faisait pas montre d’un racisme virulent. En 1884, devant la commission royale fédérale sur l’immigration chinoise, il déclara que les Chinois formaient une « population industrieuse et tranquille ».
Au début de 1900, Jessop adressa au premier ministre de la province, Charles Augustus Semlin*, une lettre pathétique dans laquelle il demandait une pension pour ses nombreuses années de service. Comme il avait 71 ans et souffrait du cœur, notait-il, il ne serait probablement pas un fardeau pour le gouvernement pendant longtemps. Sa requête était encore à l’étude lorsque, le 30 mars 1901, pendant la pause de midi, il s’effondra, victime d’une crise cardiaque. Il fut inhumé le 1er avril à Victoria, au cimetière de la baie Ross, aux côtés de sa femme, décédée environ trois ans plus tôt.
On a dit de Jessop qu’il avait été « le Ryerson de la Colombie-Britannique ». Lui conférer ce titre est exagéré, mais son apport à l’éducation fut tout de même considérable. Dans les années 1860, en tant qu’instituteur, il contribua à l’instauration du modèle de Ryerson à l’île de Vancouver. Ce faisant, il participa à la canadianisation du système d’enseignement public de cette colonie. Ensuite, à titre de surintendant, il mit sur pied un système scolaire applicable dans toute la province, défendit la notion de scolarité obligatoire et fit progresser la profession d’enseignant. Certes, d’autres administrateurs formés en Ontario auraient pu suivre une voie semblable, mais peu auraient pu exercer avec autant d’énergie et d’endurance les fonctions de grand responsable provincial de l’éducation.
Pourtant, c’était surtout de son travail au sein de la congrégation méthodiste de Victoria que John Jessop s’enorgueillissait. Élu en 1861 au conseil d’administration de la première église méthodiste de la ville, l’église Pandora Avenue, il fut nommé en 1862 au conseil trimestriel officiel de la même église. Il fit partie de ces deux conseils jusqu’à sa mort. Il forma la chorale de l’église et fut surintendant de l’école du dimanche durant de nombreuses années. Nommé exhorter en 1869, il parvint, au grand soulagement de sa congrégation, à faire fermer une maison de prostitution qui se trouvait depuis longtemps tout à côté de l’église. Il joua un rôle prépondérant dans l’accession des méthodistes de la Colombie-Britannique au statut de conférence en 1887 et représenta sa province à au moins une conférence générale. Il aida à rassembler des fonds pour la deuxième église méthodiste, consacrée en 1885, et puisa généreusement dans ses propres épargnes pour la construction d’une nouvelle église dans l’avenue Pandora. L’église Metropolitan, dessinée par Thomas Hooper et inaugurée en 1890, demeure l’un des édifices les plus impressionnants de la ville. Jessop légua aussi 3 000 $ pour l’achat d’un carillon. Finalement installées en 1937, ces cloches reçurent le nom de John Jessop Memorial Chimes. Elles constituent le seul élément commémoratif que la collectivité lui a consacré.
La lettre de John Jessop adressée au Vindicator (Oshawa, [Ontario]) en 1859 a été réimprimée dans le Globe du 2 sept. 1859 sous le titre « North-west correspondence. » Son récit intitulé « Over the plains in ‘59 » concernant son voyage vers le Pacifique a été publié dans le Daily Colonist, de Victoria, le 1er janv. 1890 ; ce récit était évidemment basé sur un journal que Jessop avait tenu pendant le voyage et qu’il avait publié, dit-on, dans les années 1860 ; il semble cependant que ces textes aient disparu. La lettre qu’a écrite Jessop à Egerton Ryerson le 16 août 1861 figure sous le titre « An early letter from Victoria, V.I. », G. W. Spragge, édit., dans CHR, 29 (1948) : 54–56. On trouve ses rapports de surintendant de l’Éducation dans C.-B., Education Office, Annual reports of the public schools (Victoria), 1872–1878, et ceux qu’il a rédigés à titre d’agent d’immigration du dominion se retrouvent parmi les rapports de la direction de l’immigration dans Canada, Parl., Doc. de la session, rapports annuels du département de l’Agriculture, 1884–1892. Les rapports que Jessop a rédigés à titre d’agent d’immigration pour la Colombie-Britannique, 1892–1901, n’ont pas été publiés et n’existent plus.
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Patrick A. Dunae, « JESSOP, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/jessop_john_13F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/jessop_john_13F.html |
Auteur de l'article: | Patrick A. Dunae |
Titre de l'article: | JESSOP, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 10 déc. 2024 |