DÉZIEL, JOSEPH-DAVID, prêtre catholique et curé, né dans la paroisse Saint-Joseph, à Maskinongé, Bas-Canada, le 21 mai 1806, fils de Gabriel Déziel, dit Labrèche, et de Marie Champoux, décédé à Lévis, Québec, le 25 juin 1882.

Après des études au petit séminaire de Montréal (1819–1821) et au séminaire de Nicolet (1821–1827), Joseph-David Déziel enseigne à ce même séminaire (1827–1830) tout en poursuivant ses études théologiques : le 5 septembre 1830, il est ordonné prêtre en l’église Saint-Jean-Baptiste, à Nicolet, par Mgr Joseph Signay*. Successivement vicaire à Saint-Antoine-de-Padoue, Rivière-du-Loup (Louiseville, Québec), Saint-Édouard, Gentilly, et Saint-Joseph, Maskinongé, le jeune prêtre devient curé de Saint-Patrice, Rivière-du-Loup, en 1835 ; transféré, le 29 septembre 1837, à Saint-Pierre-les-Becquets (Les Becquets), il réussira à y rétablir l’harmonie entre les paroissiens, divisés depuis 1830 sur la question de l’emplacement et des dimensions de l’église à bâtir ; celle-ci ouvrira ses portes en 1839. En octobre 1843, Déziel est nommé curé de Saint-Joseph (à Lauzon), paroisse de plus de 4 000 âmes s’étendant de Beaumont jusqu’à la rivière Etchemin, et du Saint-Laurent jusqu’aux limites de la paroisse Saint-Henri-de-Lauzon (Saint-Henri). Le travail ne manque pas à un curé jeune et dynamique. Depuis 1784, les paroissiens réclament une nouvelle église située plus au centre du territoire qu’elle doit desservir. À partir de 1845 cette question ainsi que les projets de division refont surface et, en cinq ans, pas moins de 15 requêtes et contre-requêtes sollicitent de l’évêque la permission de bâtir une nouvelle église, chacune sur un emplacement différent. Le 18 avril 1850, Mgr Pierre-Flavien Turgeon*, administrateur de l’archidiocèse de Québec, donne l’autorisation de bâtir une « église succursale » dans la commune ou village d’Aubigny, sur un terrain cédé à cette fin par le gouvernement, en 1848, au bord de la falaise en face de Québec. Mais les fabriciens de Saint-Joseph s’y opposent ; ceux-ci voient d’un mauvais oeil cette séparation, peut-être parce qu’elle entraîne une diminution des revenus. Déziel ne désarme pas et il obtient de sept généreux donateurs un terrain voisin de celui donné par le gouvernement ; c’est là que l’église sera bâtie, en vertu d’une ordonnance de Turgeon, en date du 17 juillet 1850, qui détermine aussi son nom, soit Notre-Dame-de-la-Victoire. Le nouveau temple est ouvert au culte le 20 novembre 1851 et, en octobre de l’année suivante, Déziel vient en prendre charge, laissant la cure de Saint-Joseph à l’abbé Joseph-Honoré Routhier. Le presbytère sera bâti deux ans plus tard et l’église agrandie, par suite d’un décret de Turgeon en date du 23 novembre 1854.

Les projets de Déziel ne se limitent pas à la création d’une paroisse, et déjà, en janvier 1851, il a voulu construire un collège à proximité de la future église ; en juin 1851, trois paroissiens, Pierre Carrier, Thomas Fraser et Marie Couture, cèdent une partie de leur terre respective pour y bâtir le collège, et une souscription est ouverte le 12 septembre suivant. Sous la direction du curé, les paroissiens commencent à couper le bois, à extraire la pierre et le sable nécessaires et à les charroyer par corvée sur l’emplacement du futur établissement. Le nouveau collège de Lévis, qui est vraiment une œuvre collective, ouvre ses portes le 15 septembre 1853. Les jésuites et les Clercs de Saint-Viateur ayant refusé de prêter leurs services, ce sont les Frères des écoles chrétiennes qui y dispensent l’enseignement. On y offre un cours commercial mais, en 1859, Déziel veut y introduire des classes de latin. Le supérieur général des frères s’y oppose et ceux-ci remettent le collège à son fondateur. Les prêtres du séminaire de Québec acceptent d’en prendre la direction à partir de septembre 1860. Deux classes de latin y sont données, mais, à la fin de 1870, elles sont abandonnées par suite du nombre insuffisant d’élèves, et, en 1874, le séminaire redonne le collège à Déziel. On note dans les annales du séminaire de Québec : « Dorénavant, nous n’avons plus rien à voir au collège de Lévis. Jusqu’ici la partie morale et intellectuelle nous regardait ; mais sous le concours d’un ensemble de circonstances, M. Déziel, curé de Notre-Dame-de-Lévis, qui avait la responsabilité du matériel, a cru devoir former une corporation complète [et indépendante] et ainsi le collège de Lévis vivra de sa vie propre. » Déziel devient le premier supérieur du collège reconnu juridiquement le 23 février 1875, tout en demeurant curé de Notre-Dame-de-la-Victoire. La même année, le conseil entreprend une nouvelle construction qui double à peu près la bâtisse de 1853. Déziel doit toutefois lutter jusqu’en 1879 pour faire accepter qu’on y donne le cours classique car le séminaire de Québec et le collège de Sainte-Anne-de-la-Pocatière craignent pour la stabilité de leur propre clientèle. Enfin, Mgr Elzéar-Alexandre Taschereau* donne son accord et, le 24 mai 1879, l’abbé Thomas-Étienne Hamel, recteur de l’université Laval, annonce que le conseil universitaire a affilié le collège de Lévis à sa faculté des arts.

Sitôt qu’il eut assuré l’éducation des garçons, Déziel s’était préoccupé de celle des filles, et l’année 1852 marque déjà les débuts d’une série d’efforts qui aboutiront, en 1858, à l’ouverture dans un même édifice du couvent de Lévis et de l’hospice Saint-Michel. L’emplacement prévu est celui qu’avait cédé le gouvernement en 1848 pour y construire l’église Notre-Dame-de-la-Victoire et qui n’avait pas été utilisé à cette fin ; en 1852, les fabriciens de Notre-Dame-de-la-Victoire en font la demande au gouvernement mais, à cause surtout de l’opposition des fabriciens de Saint-Joseph, le terrain n’est finalement cédé qu’en janvier 1857. Déziel veut assurer l’éducation des jeunes filles en bâtissant un « couvent », mais aussi pourvoir aux besoins des prêtres âgés ou infirmes. En 1856, une souscription est lancée parmi les prêtres, souscription qui rapportera, entre 1856 et 1861, la somme de 1 761 louis. Ce n’est cependant que le 22 septembre 1858 que les Sœurs de la Charité de Québec arrivent pour prendre charge de l’hospice et du couvent.

Déziel désire doter le couvent d’un pensionnat mais Mgr Charles-François Baillargeon* s’y oppose par suite de l’engagement qu’il a pris envers le curé de Saint-Joseph et les religieuses de Jésus-Marie qu’il n’y aura pas d’autre pensionnat pour jeunes filles dans la région tant que celui de Saint-Joseph ne sera pas bien établi. À la lecture des lettres échangées entre Baillargeon et Déziel, on découvre à la fois la ténacité de ce dernier et les embarras financiers auxquels il a à faire face, particulièrement en 1859, année où il se voit forcé, écrit-il, de remettre sa cure : « l’abneget n’est pas assez grand chez moi pour me permettre de voir s’accomplir sous mes yeux la ruine d’une œuvre qui m’est si chère et qui m’a coûté tant de peines [...] un nouveau curé pourra, mieux que moi, je l’espère, entrer dans les vues de votre grandeur et dans celles de mon voisin [le curé de Saint-Joseph] ». Il semble bien que la démission a été rejetée. En 1861, la fabrique cède aux Sœurs s de la Charité l’hospice et le couvent, à charge pour elles de faire vivre les deux établissements ; enfin, en 1863, Baillargeon, « cédant aux pressantes sollicitations du curé de Notre-Damede-Lévis », permet aux religieuses « de recevoir des pensionnaires jusqu’au nombre de vingt » .

Les travaux et les tracas ont miné la santé de Déziel et, en 1865, il prend un repos de 11 mois pendant lequel il visite l’Europe et fait deux stages aux eaux de Vichy, France ; les généreux paroissiens de Notre-Dame-de-la-Victoire ont, par une souscription, assumé le coût du voyage de leur curé qui ne possède rien. Parfaitement remis de sa maladie, il reprend son travail, infatigable et partout à la fois. Depuis 1851, la population a augmenté de façon notable, et, au recensement de 1861, on note que Notre-Dame-de-la-Victoire de Lévis compte 6 694 habitants et qu’elle est la troisième ville en importance du Bas-Canada. C’est d’ailleurs en 1861 que la municipalité du village de Lévis devient la ville de Lévis ; le curé collabore à tous les développements qui se font dans sa ville et participe même à la rédaction des règlements municipaux. Les œuvres qu’il fonde ou qu’il appuie sont multiples et diverses. Toutefois, l’accroissement de la population de la paroisse Notre-Dame-de-la-Victoire, qui atteint 9 032 âmes en 1871, oblige Déziel à songer à un démembrement. La nouvelle paroisse, à l’ouest de Notre-Dame, est érigée canoniquement le 21 août 1875, sous le nom de Saint-David-de-Lauberivière (Saint-David), d’une part en l’honneur du curé Déziel et d’autre part pour rappeler la mémoire du cinquième évêque de Québec, François-Louis de Pourroy* de Lauberivière. À l’occasion de ce démembrement, Déziel, qui a dû affronter bien des oppositions, écrit à Taschereau : « Je crois avoir fait mon devoir devant Dieu et devant les hommes, n’ayant en vue en tout que la gloire de Dieu et le bien spirituel de mes paroissiens. »

C’est aussi en 1875 qu’une dernière œuvre vient solliciter le zèle et l’énergie de Déziel, soit la construction de l’hospice-orphelinat auquel il songe depuis longtemps. Un terrain lui est donné par Louis-Édouard Couture ; les Sœurs s de la Charité de Québec acceptent de s’occuper du projet et l’une d’elles dresse les plans du bâtiment. Déziel en prépare les devis et dirige lui-même les travaux. La construction, commencée en 1877, est terminée deux ans plus tard, et la direction de l’établissement est confiée aux sœurs du couvent (Sœurs s de la Charité) jusqu’en 1881, alors qu’on sépare les deux œuvres. L’hospice Saint-Joseph-de-la-Délivrance est reconnu juridiquement en 1882. Il accueillait lors de son ouverture, en 1879, 40 jeunes filles et, six ans plus tard, en accepte 300. Notons que les orphelines de ce premier groupe étudiaient déjà au couvent en vertu du système des « écoles d’industrie » établies en 1870 par le gouvernement pour leur fournir « un asile et les moyens de se préparer un avenir honnête et utile », et le couvent de Lévis avait été choisi comme siège d’une de ces écoles d’industrie, avec l’octroi de 40 bourses à cette fin.

En 1880, des fêtes solennelles marquent à Lévis le jubilé d’or sacerdotal du vénérable curé de Notre-Dame-de-la-Victoire, et, de Rome, il reçoit le titre de camérier secret de Léon XIII. Le 25 juin 1882, usé par les travaux et les soucis, Déziel meurt, dans son presbytère, à l’âge de 76 ans. Bâtisseur, meneur d’hommes, prêtre et citoyen, Joseph-David Déziel a participé activement à la naissance et au développement de la vie religieuse et civique de Lévis, et c’est à juste titre qu’il est considéré comme le fondateur, non seulement d’une paroisse, mais aussi de la ville de Lévis. En 1885, trois ans seulement après sa mort, les citoyens de Lévis érigent à leur fondateur un magnifique monument, œuvre du sculpteur Louis-Philippe Hébert* .

Georges-Étienne Proulx

Nous avons trouvé plusieurs mentions de Joseph-David Déziel dans les annales du couvent de Lévis (Lévis, Québec) couvrant les années 1857 à 1882.  [g. é. p.]

AAQ, 210 A, XXIV : 602 ; XXVII : 660 ; 211 A, K : 258r, 279–299 ; 511 CD, II : 16 ; 61 CD, Lauzon, II : 9, 16 ; Notre-Dame de Lévis, I : 3–7, 18–21, 30, 43, 46, 72, 73, 75, 83, 84, 101, 107, 108, 113, 115, 124 ; Saint-David, I : 3, 3c-f, 8, 10, 11.— APC, RG 31, A1, 1861 census, Notre-Dame-de-la-Victoire de Lévis.— Arch. du collège de Lévis, Fonds J.-D. Déziel ; Fonds G.-É. Sauvageau, I.— ASQ, Séminaire, 68 : no 3.— P.-G. Roy, Dates lévisiennes (12 vol., Lévis, 1932–1940), I–III ; X.— J.-E. Roy, Mgr Déziel, sa vie, ses œuvres (Lévis, 1885).— P.-G. Roy, Glanures lévisiennes (4 vol., Lévis, 1920–1922).— Julien Déziel, « Mgr Jos.-David Déziel (1808–1882), sa vie et son ascendance familiale », BRH, 68 (1966) : 27–36.

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Georges-Étienne Proulx, « DÉZIEL, JOSEPH-DAVID », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 8 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/deziel_joseph_david_11F.html.

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Auteur de l'article:    Georges-Étienne Proulx
Titre de l'article:    DÉZIEL, JOSEPH-DAVID
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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