MARKLAND, THOMAS, homme d’affaires, officier de milice, juge de paix et fonctionnaire, né en 1757 dans les colonies américaines ; le 8 juin 1787, il épousa Catherine Herchmer (Herkimer), et ils eurent un fils, George Herchmer Markland* ; décédé le 31 janvier 1840 à Kingston, Haut-Canada.

Avant la guerre d’Indépendance américaine, Thomas Markland était un grand propriétaire foncier de la vallée de la Mohawk, dans la colonie de New York. Loyaliste avoué, il s’établit en 1784 à Cataraqui (Kingston) où, en reconnaissance de son attachement actif à la cause royaliste, on lui donna 24 lots, dont il partageait la propriété de certains avec d’autres loyalistes. Mais, d’après ce que l’on sait, Markland ne s’intéressait guère à l’agriculture ; il considérait plutôt ses lots comme un placement et en vendit une bonne partie à profit dans les dix années qui suivirent. Dès 1788, il s’était associé à un autre loyaliste, Robert Macaulay*, et connaissait des succès en affaires ; ensemble, ils transbordèrent des marchandises, ouvrirent un petit magasin de détail et jouèrent le rôle d’agent pour la congrégation St George et pour des personnages haut placés tels que sir John Johnson*. Pendant les dernières années de leur association, qui prit fin en 1792 ou 1793, il semble que la responsabilité des activités journalières incomba de plus en plus à Markland. Celui-ci exportait pour son propre compte de la farine et du porc au Bas-Canada, importait des produits des États-Unis et dirigeait peut-être un petit commerce de vente au détail. Vers 1800, il était l’un des principaux commerçants de Kingston, et seul Richard Cartwright* achetait et vendait une plus grande quantité de marchandises que lui. À l’époque de la guerre de 1812, Markland était également l’un des principaux propriétaires terriens de sa région. Sa richesse considérable, il la devait principalement à ses activités commerciales et à ses spéculations sur des terrains ; c’est cependant au commerce qu’il s’intéressait d’abord et avant tout.

Commerçant important, Markland était aussi tenu pour un homme qui possédait des biens et qui était digne de considération. Grâce à son association avec Macaulay et à son mariage, il avait établi des liens personnels étroits avec deux vieilles familles respectées de Kingston. Il s’occupait de près des affaires de la congrégation St George et fut l’un des membres du conseil d’administration qui présentèrent en 1789 une requête au gouvernement en vue d’obtenir un terrain à bâtir ; l’année suivante, il souscrivit au fonds de construction. Il louait un banc à l’église et assumait diverses fonctions au sein de la congrégation : membre du conseil d’administration en 1792, marguillier en 1803 et 1805, puis membre du comité chargé d’assurer la succession du révérend John Stuart* en 1811. La défense du pays fut un autre exutoire pour l’énergie de Markland ; en 1791, il faisait en effet partie de l’unité locale de la milice et devint rapidement capitaine. Pendant toute la guerre de 1812, il servit à ce titre dans la compagnie de flancs-gardes du 1st Frontenac Militia. Promu lieutenant-colonel en 1816 et colonel cinq ans plus tard, il se retira avec ce grade en 1839.

Markland commença à jouer un rôle dans les affaires publiques de sa région dans la dernière décennie du xviiie siècle : il devint juge de paix en 1794, siégea à la Cour des requêtes, fit partie d’un comité chargé de surveiller la construction d’une prison et, en 1796, fut nommé trésorier du district de Midland, poste qu’il occupera jusqu’en 1837. On le nomma en 1800 commissaire chargé d’établir la loyauté d’éventuels sujets et de recevoir le serment d’allégeance que devaient prêter tous les nouveaux colons. Quatre ans plus tard, il accepta une autre commission qui l’investit du pouvoir de recevoir des déclarations sous serment. À la fin de la guerre de 1812, Markland, alors âgé de 58 ans et l’un des derniers loyalistes de la première vague encore actifs à Kingston, restait l’un des chefs de file reconnus du monde des affaires et de la société et accumulait toujours des postes.

Tout en continuant de diriger ses entreprises commerciales, Markland joua un rôle de plus en plus actif dans des organisations désireuses de favoriser le développement de la région de Kingston. Pour les marchands de cette ville, le manque d’établissements bancaires revêtait une importance particulière. En août 1813, un groupe de marchands liés à la Kingston Association approuva l’émission de lettres de change convertibles en numéraire [V. Joseph Forsyth*]. Markland n’en faisait pas partie, et c’était là une absence notable. Lui-même considéra son exclusion comme un coup destiné à « nuire à sa réputation ». La raison d’être de ce différend demeure un mystère ; on sait toutefois que l’acrimonie qui l’entourait était chose du passé quand il devint, en 1817, membre du conseil d’administration d’une banque commerciale, la Bank of Upper Canada, qu’on se proposait d’établir à Kingston. Pendant au moins trois ans (1818–1821), il fut aussi le représentant dans cette ville de la Banque de Montréal [V. John Gray*]. En 1819, il étudia la possibilité, avec plusieurs autres marchands, de fonder une caisse d’épargne, finalement créée en 1822. Comme John Macaulay* et John Kirby, il donna son appui à la Bank of Upper Canada d’York (Toronto), une banque privilégiée, plutôt qu’à la « prétendue » Bank of Upper Canada de Kingston [V. Thomas Dalton]. En 1830, Markland aida à la création dans sa ville de la Commercial Bank of the Midland District, dont il fut l’un des administrateurs en 1832.

L’intérêt de Markland en matière de développement économique ne se limitait pas aux établissements financiers. En 1822 et 1838, par exemple, il prôna l’union du Haut et du Bas-Canada en affirmant qu’elle était essentielle à la prospérité du commerce. En 1824, il joignit les rangs de la St Lawrence Association, qu’on avait créée pour promouvoir l’amélioration de la navigabilité du Saint-Laurent. Tant à titre privé qu’à titre de juge de paix et de trésorier de district, Markland favorisa la construction dans sa région de toute infrastructure – pont, canal, traversiers – qui pouvait faciliter les transports. De plus, même s’il ne s’intéressait pas personnellement à des questions telles que l’amélioration des méthodes d’exploitation des sols, il joua un rôle important dans la formation d’une société d’agriculture en 1819 et en assuma bénévolement la vice-présidence pendant deux ans.

Esprit conservateur du xixe siècle, Markland, à l’instar de beaucoup de personnes, croyait qu’il était de son devoir de servir sa communauté et il continua de remplir ce devoir après la guerre. Ses liens avec l’Église anglicane se resserrèrent et ses activités dans le monde religieux devinrent plus nombreuses. En 1823, il fut l’un des hommes choisis par la congrégation St George pour gérer le fonds de construction de l’église et en surveiller l’érection. En 1835, il devint membre d’un comité provincial chargé d’étudier la question de l’utilisation des réserves du clergé. De 1819 à 1822, il présida la Kingston Auxiliary Bible and Common Prayer Book Society, dont il avait été l’un des fondateurs. Durant toutes les années 1830, il fut membre et vice-président de la succursale locale de la Society for Promoting Christian Knowledge, ainsi que président de la Kingston Auxiliary of the British and Foreign Bible Society. Markland apporta aussi sa collaboration à d’autres confessions : il donna publiquement son appui au projet de construction d’une église presbytérienne ; en 1817, il contribua à un fonds destiné à assurer la construction à Kingston d’un temple de l’Église wesleyenne britannique et fut membre de la British Methodist Society ; en 1832, il fit un don d’argent à la Wesleyan Methodist Auxiliary Missionary Society.

Jusqu’à sa mort, Markland joua un rôle très important au sein de nombreuses organisations éducatives et sociales. C’est en 1815 qu’il commença à remplir des fonctions dans le milieu de l’éducation : cette année-là, il devint membre du conseil d’administration de la Midland District School Society, qui put compter sur son soutien au cours des 20 années suivantes et dont il fut le président en 1832. Markland fut aussi l’un des bienfaiteurs d’une école où l’on enseignait selon le système de Joseph Lancaster ; il apporta son soutien à la création des écoles du dimanche Union, fournit une somme d’argent au Queen’s College en 1840 et fut pendant une courte période le directeur de la bibliothèque locale. Également l’un des membres fondateurs de la Kingston Compassionate Society, de la Society to Provide Relief for Widows, de l’Emigrant Society et de la Men’s Auxiliary of the Society for Promoting Education and Industry among the Indians and the Destitute, il occupa des postes au sein de ces sociétés et leur donna de l’argent chaque année. En 1819, Markland présida des réunions tenues à Kingston et à Bath afin de distribuer des secours aux pauvres. La même année, avec d’autres personnes, il prit des mesures pour construire un hôpital à Kingston ; il fut aussi l’un des sociétaires de cet hôpital et l’un des administrateurs chargés de surveiller l’exécution du projet. En 1832, enfin, Markland se chargea de la présidence de la société antialcoolique locale.

Thomas Markland fut peut-être le membre le plus important du family compact de la région de Kingston. Partisan solide du Conseil exécutif pendant la controverse provoquée par Robert Gourlay* et les troubles de 1837, il eut cependant peu de relations directes avec les autorités administratives d’York. Il semble avoir laissé ce soin à son fils qui, en raison de son âge, de ses contacts personnels et de ses convictions politiques, était parvenu à s’intégrer à la société d’après-guerre de la capitale, où il exerça une certaine influence sur les politiques générales de la colonie. Quelques années avant sa mort, Markland résigna son emploi de trésorier du district de Midland ; le Chronicle & Gazette annonça la nouvelle, louangea le démissionnaire, un « gentleman [qui était] l’un des citoyens les plus âgés et les plus respectés » de la région, et le remercia « pour les services [qu’il avait] longtemps rendus avec zèle et compétence à titre d’homme public ».

Jane Errington

ACC, Diocese of Ont. Arch. (Kingston), St George’s Cathedral (Kingston), minute-books for St George’s Church, vol. I–II.— AO, RG 40, D-1, box 4.— APC, RG 16, A1, 133, dossiers pour 1805–1809, 1815.— QUA, 2244.— « District of Mecklenburg (Kingston) : Court of Common Pleas », AO Report, 1917 : 190–353.— Kingston before the War of 1812 : a collection of documents, R. A. Preston, édit. (Toronto, 1959).— The parish register of Kingston, Upper Canada, 1784–1811, A. H. Young, édit. (Kingston, 1921).— Chronicle & Gazette, 1833–1843.— Kingston Chronicle, 1819–1833.— Kingston Gazette, 1814–1818.— Officers of British forces in Canada (Irving).— Reid, Loyalists in Ont.— K. M. Bindon, « Kingston : a social history, 1785–1830 » (thèse de ph.d., Queen’s Univ., Kingston, 1979).— William Canniff, History of the settlement of Upper Canada (Ontario), with special reference to the Bay Quinte (Toronto, 1869 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1971).— E. J. Errington, « The « Eagle », the « Lion », and Upper Canada : the colonial elites’ view of the United States and Great Britain, 1784–1828 » (thèse de ph.d., Queen’s Univ., 1984).— Patterson, « Studies in elections in U.C. ».— H. P. Gundy, « The Honourable John Kirby of Kingston », Douglas Library Notes (Kingston), 9 (1960), no 1 : 2–4.— W. D. Reid, « Johan Jost Herkimer, U.E., and his family », OH, 31 (1936) : 215–227.— S. F. Wise, « Tory factionalism : Kingston elections and Upper Canadian politics, 1820–1836 », OH, 57 (1965) : 205–225.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Jane Errington, « MARKLAND, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/markland_thomas_7F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique


Permalien: https://www.biographi.ca/fr/bio/markland_thomas_7F.html
Auteur de l'article:    Jane Errington
Titre de l'article:    MARKLAND, THOMAS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
Date de consultation:    11 nov. 2024