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JOHNSON, sir JOHN, officier, fonctionnaire, homme politique, propriétaire foncier et seigneur, né le 5 novembre 1741 à Mount Johnson (près d’Amsterdam, New York), fils unique de William Johnson* et de Catherine Weissenberg (Wisenberg, Wysenberk) ; le 29 juin 1773, il épousa à New York Mary Watts, et ils eurent 11 enfants qui vécurent jusqu’à l’âge adulte ; décédé le 4 janvier 1830 à Montréal.
John Johnson passa la plus grande partie de son enfance au fort Johnson (près d’Amsterdam), sur la rivière Mohawk. Il reçut son instruction à la maison et fréquenta sporadiquement le College and Academy of Philadelphia de 1757 à 1760. À l’âge de 13 ans, il participa comme volontaire, sous le commandement de son père, à la bataille du lac George (lac Saint-Sacrement, New York) contre les Français. Par la suite, il l’accompagna lors d’expéditions au fort Niagara (près de Youngstown) et à Detroit. Il assista à la plupart des conférences que son père, devenu sir William, tint avec les Indiens, y compris celle du fort Stanwix (Rome, New York) en 1768, qui aboutit à la délimitation d’une frontière entre le territoire des Blancs et celui des Indiens. En 1764, après le soulèvement de Pondiac*, il s’acquitta de façon satisfaisante de la direction d’une expédition indienne dans la région de l’Ohio. Ensuite, de 1765 à 1767, il passa son temps à visiter les îles Britanniques. C’est pendant cette période que George III le fit chevalier, comme il l’avait promis à sir William.
À son retour au pays, sir John Johnson était devenu un farouche partisan du roi et méprisait presque quiconque osait critiquer la politique royale. Il s’établit au fort Johnson et prit Clarissa Putnam comme épouse de fait ; en 1773, toutefois, il céda au vœu de son père qui souhaitait le voir contracter mariage dans l’aristocratie new-yorkaise. Il amena au fort Johnson sa nouvelle femme, Mary Watts, et répudia Clarissa Putnam, tout en continuant d’assurer sa subsistance et celle de leurs deux enfants. Il ne céda cependant pas au deuxième vœu de son père, qui était de préparer sa candidature à la surintendance des Indiens du Nord, car il préférait l’existence délassante du gentleman campagnard. À la mort de sir William en 1774, il hérita du titre de baronnet et d’environ 200 000 acres de terre, puis s’installa à Johnson Hall (Johnstown). Il assuma la responsabilité des nombreux fermiers et accepta la commission de major général de la milice du district.
Pendant les premières années de la Révolution américaine, sir John et ses beaux-frères Christian Daniel Claus* et Guy Johnson* tentèrent en vain d’assurer la loyauté des habitants de la vallée de la Mohawk. Ses beaux-frères s’enfuirent vers la province de Québec en 1775 et lui-même en fit autant au printemps de 1776, échappant de justesse à un détachement de soldats envoyé pour l’arrêter. À son arrivée à Montréal, il fut chargé de recruter le premier bataillon du King’s Royal Regiment of New York puis, en 1780, d’en recruter un deuxième. En 1777, il participa au siège du fort Stanwix, qui se solda par un échec [V. Barrimore Matthew St Leger*], puis commanda les troupes qui défirent les Américains tout près de là, à Oriskany [V. Kaieñˀkwaahtoñ*]. Tout en menant des raids dans la vallée de la Mohawk en 1780, il fit dévaster la campagne et brûler d’énormes quantités de céréales et de farine destinées à l’armée continentale.
Au cours du premier semestre de 1782, sir John fut nommé général de brigade en Amérique du Nord ; en vertu d’une commission datée du 14 mars 1782, il devint aussi « surintendant général et inspecteur général des Indiens des Six-Nations et de ceux de la province de Québec ». Durant les nombreuses années où il eut la responsabilité des Indiens, il ne manqua jamais de plaider leur cause et de manifester son souci de leurs intérêts et de leurs droits. De même, il était le défenseur et l’ami des loyalistes de la province. En 1784, le gouverneur Frederick Haldimand* le chargea de superviser l’installation de réfugiés loyalistes dans le Haut-Saint-Laurent et la baie de Quinte ; dès lors et pendant de nombreuses années, ces nouveaux colons le considérèrent comme leur chef. Pendant l’hiver de 1785, il soumit en leur nom une requête dans laquelle ils priaient le roi de séparer leurs villages du reste de la province afin qu’ils puissent bénéficier de la franche-tenure des terres et du droit civil anglais. Quand le Haut-Canada fut créé en 1791, on crut que sir John en deviendrait le premier lieutenant-gouverneur.
Amèrement déçu de voir qu’on confiait le poste à John Graves Simcoe*, Johnson décida de se chercher une place ailleurs. Il partit pour Londres avec sa femme et ses enfants, mais un séjour de quatre ans suffit à le convaincre que ses qualités et ses réalisations n’étaient guère appréciées en Angleterre et qu’en définitive le Canada restait l’endroit où lui et sa famille avaient les meilleures perspectives d’avenir. Il retourna donc à Montréal à l’automne de 1796. Peu après, il fut nommé au Conseil législatif du Bas-Canada ; de 1786 à 1791, il avait été membre du Conseil législatif de la province de Québec. De plus, il réintégra son poste de surintendant général des Affaires indiennes.
À ce titre, Johnson s’efforça comme auparavant de répondre aux besoins des Indiens et de sauvegarder leurs droits et leurs intérêts ; il veilla aussi à la bonne marche du département des Affaires indiennes. En tant que chef, il n’avait pas à définir les orientations politiques du département, mais il donnait volontiers son avis sur les questions d’importance. En 1796, il « s’opposa vigoureusement » à ce que la responsabilité des Affaires indiennes soit confiée aux autorités civiles du Bas et du Haut-Canada ; cependant, personne ne tint compte de ses protestations. On ne le consulta pas avant de replacer le département sous l’autorité du commandant des troupes en 1815, mais il semble bien qu’il approuva cette décision, car il savait qu’elle « satisferait grandement les Indiens ». Quand, au début des années 1820, le gouvernement britannique envisagea de cesser de donner des présents aux Indiens, il ne cacha pas son profond désaccord, et la coutume fut maintenue.
Pendant les années où le département fut sous l’autorité de l’armée, l’influence de Johnson dépendit du bon plaisir du commandant des troupes et varia de l’un à l’autre. Ce fut peut-être sous Haldimand qu’il en exerça le plus et certainement sous lord Dalhousie [Ramsay*] qu’il en exerça le moins, l’ingérence de celui-ci dans les affaires du département étant sans limites. Néanmoins, c’était sur sir John Johnson que reposait la responsabilité de maintenir la paix parmi les Indiens et de veiller à leur satisfaction et à leur bien-être. Quand des signes d’agitation menaçaient de se manifester parmi eux, il s’entretenait avec chacun des chefs et les réunissait en conseil pour dissiper leurs craintes et leurs soupçons. À l’automne de 1782, au fort Niagara, il les convainquit que le roi n’avait nullement l’intention de sacrifier leurs intérêts dans les négociations de paix avec les États-Unis. Encore à Niagara, pendant l’été de 1783, il parvint à les persuader d’une chose à laquelle il ne croyait pas lui-même, à savoir que les Américains respecteraient la frontière convenue au fort Stanwix en 1768. Cette fois, il savait qu’il leur donnait de faux espoirs, mais il les empêcha de se lancer dans une guerre qui n’aurait pu qu’être catastrophique pour eux. En 1799, tout en visitant les postes du Haut-Canada et en conférant avec les chefs et les guerriers, il rassura les gouverneurs des deux provinces, qui craignaient des remous chez les autochtones. Pendant les années 1820, il eut avec Dalhousie une longue et amère querelle au sujet d’une nomination peu judicieuse que le gouverneur avait faite sans consultation ; en même temps, il mena une campagne pour empêcher les ouvriers affectés à la construction du canal de Lachine, dans le Bas-Canada, de semer le désordre au village indien de Caughnawaga (Kahnawake).
Par ailleurs, Johnson déploya de grands efforts pour se constituer un patrimoine immobilier. À la fin de 1798, il élut résidence au somptueux château de Longueuil, rue Saint-Paul, à Montréal, après l’avoir rénové. Déterminé à récupérer au moins l’équivalent de ce qu’il avait perdu dans la colonie de New York, il fit de l’acquisition de propriétés immobilières une véritable obsession. Il avait déjà une maison de campagne à Lachine et une autre dans les faubourgs du sud de Montréal ; dans le Haut-Canada, il possédait une maison située sur un grand terrain à Kingston, une propriété à Cornwall et de vastes étendues de terre au lac Saint-François, à la rivière Raisin, à Gananoque et à l’île Amherst. De plus, il avait plusieurs propriétés plus petites dans diverses régions du Haut et du Bas-Canada. En 1795, il acheta la seigneurie de Monnoir, qui s’étendait sur près de 84 000 acres ; quelques années plus tard, il se porta acquéreur de celle d’Argenteuil, qui était d’environ 54 000 acres. Néanmoins, il demeurait insatisfait et tenta jusqu’à la fin de ses jours d’accroître ses biens-fonds.
Sir John Johnson n’oublia jamais la vallée où il avait passé sa jeunesse. Malgré les beaux manoirs qu’il construisit dans les seigneuries d’Argenteuil et de Monnoir, il conserva une prédilection pour le terrain que dominait le cône du mont Sainte-Thérèse (mont Saint-Grégoire), dans la seigneurie de Monnoir, car il lui rappelait les lieux qu’il avait habités dans la vallée de la Mohawk. Il construisit, au pied de cette montagne à laquelle il donna le nom de mont Johnson, une petite maison où il vécut presque en permanence durant les dernières années de sa vie. Dalhousie a décrit Johnson en ces termes : « de visage expressif et vif d’élocution, [il a] des manières très distinguées et au surplus une sorte de sauvagerie, comme s’il souhaitait donner l’image d’une personnalité marquée par les coutumes des tribus indiennes et par les rapports qu’il a entretenus avec elles ». Il mourut le 4 janvier 1830 à Montréal. Ses funérailles, militaires et maçonniques, rassemblèrent 300 Indiens ainsi qu’une foule d’amis, de parents, de connaissances et d’admirateurs. Au cours de cette cérémonie colorée et impressionnante, un des anciens de la tribu des Agniers parla de lui comme de l’« ami et [du] compagnon d’armes » des Indiens. Ses restes furent transportés au mont Johnson pour y être inhumés.
On trouve des portraits de sir John Johnson à la MTL, J. R. Robertson coll., dans le Johnson Hall, et dans le temple maçonnique sur la rue Sherbrooke à Montréal.
APC, MG 11, [CO 42] Q, 14 : 132–135 ; 62A, part. ii : 339 ; 77 : 256–262 ; 336, part. ii : 337–349, 396–397, 402–404, 411–418, 430–436, 441–462, 465–466, 484–485 ; MG 19, F1, 1 : 230–233 ; 3 : 115–117, 143, 245–248 ; 5 : 23–26 ; 14 : 66, 75–78, 88–89, 92, 99–100, 104–105, 124–125 ; 15 : 84, 108–115, 187–194, 250–253, 268–271 ; F2, 3 ; F6, Brant à Johnson, 20 mars 1799 ; RG 1, L3L : 2870–2886, 2955–2963, 54788–54790 ; RG 10, A3, 493 : 30523–30524, 30583–30585, 30679–30683.— BL, Add. mss 21755 : 13, 137, 258, 287 ; 21756 : 1–2 ; 21818 : 88, 90, 92, 95, 97, 126, 128, 152, 158, 162, 170 (transcriptions aux APC).— McGill Univ. Libraries, mss coll., CH104.S122.— PRO, AO 12/20 : 324.— Corr. of Hon. Peter Russell (Cruikshank et Hunter), 3.— The documentary history of the state of New York [...], E. B. O’Callaghan, édit. (4 vol., Albany, 1849–1851).— Documents relative to the colonial history of the state of New-York [...], E. B. O’Callaghan et Berthold Fernow, édit. (15 vol., Albany, 1833–1857).— The papers of Sir William Johnson, James Sullivan et al., édit. (14 vol., Albany, 1921–1965).— Ramsay, Dalhousie journals (Whitelaw), 1 : 147–148.— Montreal Gazette, 24 déc. 1798, 11 janv. 1830.— La Gazette de Québec, 15 déc. 1774, 11 avril 1793.— Joseph Bouchette, A topographical dictionary of the province of Lower Canada (Londres, 1832).— Mary Archibald, « Sir John Johnson, knight of the revolution », Eleven exiles : accounts of loyalists of the American revolution, P. R. Blakeley et J. N. Grant, édit. (Toronto et Charlottetown, 1982), 197–225.— M. W. Hamilton, Sir William Johnson, colonial American, 1715–1763 (Port Washington, N.Y., 1976). John Johnson croyait apparemment qu’il était né en 1742 et il affirma que le 5 nov. était le jour de sa naissance. Cependant, Hamilton souligne qu’il fut baptisé le 7 févr. 1741/42 et, présumant que Johnson s’était trompé plutôt sur l’année que sur le jour de sa naissance, il conclut qu’il est né en 1741. [ e. t.] — Earle Thomas, « At home with Sir John Johnson » (communication faite devant la convention nationale de l’United Empire Loyalists’ Assoc., Kingston, Ontario, 1984) ; « Sir John Johnson : loyal American knight », The heroic age : loyalists in Montreal, 1775–1975 (Montréal, 1984).— M. W. Hamilton, « An American knight in Britain ; Sir John Johnson’s tour, 1765–1767 », N.Y. Hist. (Cooperstown, N.Y.), 42 (1961) : 119–144.— F. B. Risteen, « Children of Sir John Johnson and Lady Mary (Polly) Johnson, married at New York, June 30, 1773 », OH, 63 (1971) : 93–102 ; « Notes on Sir John Johnson’s postwar activity, 1781–1800 », Loyalist Gazette (Toronto), 13 (1975), no 2 : 6–7 ; 14 (1976), no 1 : 6–7.— Earle Thomas, « Sir John Johnson and Kingston », Historic Kingston, 33 (1985) : 56–68.
Earle Thomas, « JOHNSON, sir JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/johnson_john_6F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/johnson_john_6F.html |
Auteur de l'article: | Earle Thomas |
Titre de l'article: | JOHNSON, sir JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 11 nov. 2024 |