MICHEL DE VILLEBOIS DE LA ROUVILLIÈRE, HONORÉ, conseiller du roi, commissaire de la Marine et subdélégué de l’intendant, commissaire général et ordonnateur de la Louisiane, né en 1702 près de Toulon en France, fils de Jean-Baptiste Michel de Villebois, commissaire ordonnateur, et d’Anne de Rostan, décédé le 18 décembre 1752 à La Nouvelle-Orléans.

Les ancêtres d’Honoré Michel de Villebois étaient gens de robe et sa famille était intimement mêlée à l’administration de la Marine. Son père, pendant les années 1720, fut commissaire à Bordeaux où, plus tard, son oncle, Henri de Rostan, fut commissaire ordonnateur. Deux de ses frères servirent également dans le Bureau de la Marine. Lui-même commença sa carrière à Brest, en 1719, comme écrivain ordinaire, pour être promu le 1er janvier 1727, premier commis à Toulon. Il y resta jusqu’au 25 mars 1730, date à laquelle on le nomma commissaire de la Marine à Montréal, pour succéder à Jean-Baptiste de Silly* qui prenait sa retraite.

Cette nomination ne fut pas sans inquiéter Gilles Hocquart*, alors intendant par intérim en Nouvelle-France. Comme le faisait remarquer ce dernier en 1730, Michel était intelligent et « plein de bonne volonté », mais son inexpérience et son peu de familiarité avec les problèmes du pays présentaient de sérieux inconvénients, d’autant plus que le retard des affaires à Montréal ne permettait pas qu’on le retînt tout un hiver à Québec pour l’initier complètement à ses fonctions. C’est donc afin de le maintenir plus étroitement sous son autorité que Hocquart le nomma son subdélégué à Montréal en octobre 1730.

Michel, toutefois, eut tôt fait de dissiper les craintes de Hocquart. En effet, nombre de rapports, au cours des années 1730 à 1750, démontrent qu’il était un administrateur efficace, acharné au travail, soucieux du détail et passionné du pouvoir ; il fit d’ailleurs indiscutablement la preuve de ces qualités en s’acquittant de ses lourdes charges. En bref, celles-ci consistaient à diriger les opérations commerciales et financières de la couronne à Montréal, à payer et ravitailler les troupes en garnison à cet endroit et dans les postes de l’Ouest ; il devait, en outre, maintenir l’ordre dans le territoire placé sous sa juridiction au moyen de pouvoirs de police que lui avait délégués l’intendant. Ses nombreuses ordonnances sur la réglementation des cabarets, la mise en vigueur de corvées, l’amélioration des conditions d’hygiène, etc., témoignent de son dynamisme en ce dernier domaine. Du reste, à mesure que s’affermissait la confiance de Hocquart à son endroit, ses pouvoirs s’élargirent et c’est ainsi qu’en 1733, il accéda au Conseil supérieur avec la prérogative de présider en l’absence de l’intendant. En 1736, il assura l’intérim au cours d’un voyage d’une année que fit Hocquart en France, si bien qu’au retour de Michel à Montréal, en 1737, l’intendant devait s’en remettre presque entièrement à sa décision pour l’administration de ce territoire.

Bien que, selon toute apparence, Michel n’ait pas fait fortune au Canada, ses affaires personnelles prospérèrent. Ainsi, en 1734, son traitement passa de 1 800# à 2 400#, et il se vit octroyer certains avantages concernant le transport de marchandises sur le vaisseau du roi. Il reçut également entre 1731 et 1747 au-delà de 9 500# en gratifications diverses dont 3 000# pour son bref intérim comme intendant. À ces sommes, il faut encore ajouter 500# versées annuellement par la Compagnie des Indes au commissaire à Montréal.

En 1737, Michel épousa Marie-Catherine-Élisabeth Bégon, fille de Claude-Michel Bégon de La Cour, alors gouverneur de Trois-Rivières et frère de l’ancien intendant de la Nouvelle-France, Michel Bégon. Non seulement cette alliance lui fournit-elle l’appui de la puissante famille des Bégon en France, mais elle l’aida aussi à consolider son influence à Montréal car sa femme était apparentée par sa mère, Marie-Élisabeth Rocbert de La Morandière, à plusieurs personnages éminents de cette ville, entre autres à Étienne et Louis-Joseph Rocbert, gardes-magasin du roi. Ensemble, Michel et les Rocbert menèrent la plupart des affaires de la couronne à Montréal et il semble bien qu’ils aient veillé à leurs propres intérêts ainsi qu’à ceux de leurs parents et amis.

Cette recherche des avantages personnels est sans aucun doute à l’origine des nombreuses controverses qui ont marqué les dernières années de l’administration de Michel. Au début des années 1740, par exemple, plusieurs accusations de favoritisme portant en particulier sur sa façon de se procurer sur place des marchandises pour le service du roi remontèrent au-delà même de Hocquart, son protecteur, jusqu’à la cour de France. De plus, il indisposa le gouverneur, Josué Dubois Berthelot de Beaucours et les autorités militaires de Montréal au sujet des sommes à verser aux officiers pour leurs troupes affectées aux postes de l’Ouest. Mais de toutes ces querelles d’influence, celle qui le mit en opposition avec Jacques-Joseph Guiton de Monrepos, envoyé en Nouvelle France en 1741 avec le titre de lieutenant général civil et criminel à Montréal, lui causa le plus grand tort. Pendant nombre d’années, ils se disputèrent publiquement leurs prérogatives et pouvoirs respectifs, en dépit des tentatives de Hocquart pour régler leurs différends. Seule une ordonnance du roi décrivant leurs fonctions en détail y mit un terme. C’est sans doute cette suite de longs démêlés qui valut à Michel d’être ignoré au moment de la grande promotion des commissaires en 1743, et ce ne fut qu’après que sa famille en France et tout particulièrement les Bégon eurent adressé à Maurepas de « puissantes recommandations » en sa faveur, que Michel se vit nommé, le 1er janvier 1747, commissaire général et ordonnateur en Louisiane. Cependant, à cause du surcroît de travail résultant de l’état de guerre à Montréal, Hocquart retarda le départ de Michel jusqu’à l’automne de 1747 et ce n’est qu’en mai 1749 qu’il parvint à La Nouvelle-Orléans.

Son stage en Louisiane fut de courte durée et marqué par de nombreuses mésententes avec le gouverneur Pierre de Rigaud* de Vaudreuil. Le principal intérêt de cette période pour l’histoire du Canada réside dans la passionnante correspondance que lui adressa, à partir de 1748, sa belle-mère, Mme Bégon. Il semble qu’après la mort de sa fille, survenue en 1740, celle-ci se soit éprise de son gendre. Installée à Rochefort, France, en 1749 avec les deux enfants de Michel, Honoré-Henri-Michel-Étienne et Marie-Catherine-Élisabeth, elle continua de le tenir au courant de toutes les nouvelles qu’elle recevait de la Nouvelle-France. Usant de l’influence de sa famille au sein du ministère de la Marine, elle tenta d’atténuer le malaise que soulevaient ses désaccords avec Vaudreuil. Michel, toutefois, ne goûta guère les interventions de sa belle-mère et répondit par le sarcasme à ses lettres affectueuses, menaçant même de lui retirer la garde de ses enfants. À la vérité, il devait tristement finir ses jours en Louisiane, aigri, et s’attaquant aussi bien à ses amis qu’à ses ennemis.

De l’avis d’un historien, ce fut un fonctionnaire plein de talent et de ressources mais dépourvu des qualités indispensables pour survivre dans un système basé sur le favoritisme plutôt que l’efficacité.

Donald J. Horton

AN, Col., B, 54–58 ; Col., C11A, 55–87, 113–115 ; Col., C13A, 35–36 ; Col., D2C, 222/2, p. 74 ; Col., D2D , 10 ; Col., F1, 34 ; Col., F3, 11–12 ; Marine, C2, 55, ff.36v., 232v., 323v.— ANQ-M, Registre d’état civil, Notre-Dame (Montréal), 25 oct. 1738, 23 oct. 1739.— Correspondance de Mme Bégon (Bonnault), RAPQ, 1934–1935, 1–277.— Documents relatifs à la monnaie sous le régime français (Shortt), II : 634 n.2, 636 n.3.— Lettres au cher fils : correspondance d’Élisabeth Bégon avec son gendre (1748–1753), Nicole Deschamps, édit. (« Coll. Reconnaissances », Montréal, 1972), 18s., passim.— A. Roy, Inv. greffes not., XVI : 148. 171s.— P.-G. Roy, Inv. ord. int., III, passim.— Frégault, Le grand marquis, passim.— Gipson, British empire before the American revolution, IV : 1 201–1 203.— Nish, Les bourgeois-gentilshommes.— Isabels Landels, La correspondance de madame Bégon (thèse de ph.d, université Laval, Québec, 1947).— P.-G. Roy, La famille Rocbert de La Morandière (Lévis, 1905).— N. M. M. Surrey, The commerce of Louisiana during the French régime, 1699–1763 (New York, 1916).

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Donald J. Horton, « MICHEL DE VILLEBOIS DE LA ROUVILLIÈRE, HONORÉ », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 9 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/michel_de_villebois_de_la_rouvilliere_honore_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
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