O’MEARA, FREDERICK AUGUSTUS, prêtre de l’Église d’Angleterre et traducteur, né le 7 janvier 1814 à Wexford (République d’Irlande), fils de Charles P. O’Meara, maître d’école, et de Sarah Murphy ; en 1840, il épousa Margaret Johnston Dallas, d’Orillia, Haut-Canada, et ils eurent une fille et quatre fils qui tous, y compris Thomas Robert, se firent prêtres ; décédé le 17 décembre 1888 à Port Hope, Ontario.

Frederick Augustus O’Meara entra au Trinity College de Dublin le 23 janvier 1832 et y obtint une licence ès lettres en 1837. Par l’entremise de la Dublin University Association de la Church Missionary Society, il fut amené à se consacrer au travail missionnaire. Ordonné diacre par l’évêque de Londres en 1837, O’Meara quitta l’Angleterre en décembre pour entrer au service de l’Upper Canada Clergy Society. Après son arrivée à Toronto le 29 mars 1838, il travailla d’abord comme missionnaire itinérant dans le district de Home. Le 9 septembre de la même année, l’évêque George Jehoshaphat Mountain* lui conféra le sacerdoce dans l’église St John du canton de Woodhouse, près de Simcoe ; on lui confia la charge de la mission indienne de Sault-Sainte-Marie, où il succéda à William McMurray*.

Dans le canton de Tecumseth, district de Home, O’Meara avait travaillé avec Featherstone Lake Osler*, qui fut déçu de le perdre car il avait besoin de l’aide d’un prêtre dans sa vaste mission. Pendant les deux années qu’O’Meara passa à Sault-Sainte-Marie, non seulement se dévoua-t-il auprès des Indiens qui y vivaient, mais il déploya également son zèle auprès des Indiens de Garden River, neuf milles plus loin. Ces derniers étaient venus à Sault-Sainte-Marie après que sir John Colborne* eut promis, en 1830, de leur construire un village. Mais la promesse ne fut pas tenue, et les Indiens retournèrent vivre à Garden River. Sans tarder, O’Meara se plongea dans l’étude de la langue des Sauteux et, en moins d’une année, il avait traduit une partie du Book of Common Prayer. Le journal que le jeune Irlandais tenait à cette époque révèle le vif intérêt qu’il portait à l’évangélisation et à l’éducation.

Conformément à la décision qu’il avait prise en 1830 d’installer les Indiens dans des villages, le gouvernement britannique avait tenté en 1835 de regrouper dans l’île Manitoulin les Indiens dispersés dans de vastes régions, principalement celles du nord des lacs Supérieur et Huron. De nouveau, en 1838, il s’efforça de mener à bien ce projet. O’Meara y fut nommé aumônier en 1841, en remplacement de Charles Crosbie Brough qui avait gagné London, Haut-Canada, au cours de la même année. Pendant plus de 18 ans, O’Meara œuvra au cœur de l’établissement de Manitowaning et se rendit également à Bruce Mines, Owen Sound, et plus fréquemment à Sault-Sainte-Marie et Garden River. En 1846, il publia deux rapports sur son activité chez les Outaouais et les Sauteux au lac Huron : le premier raconte la fondation de la mission et fait mention du séjour qu’y firent en 1835 deux pionniers de cette région, le capitaine Thomas Gummersall Anderson* et le révérend Adam Elliot* ; le second rapport fait état des travaux que l’auteur effectua en 1845–1846. À la fin de 1846, il s’embarqua pour les îles Britanniques en compagnie du révérend Richard Flood de la mission indienne des Loups, près de London, en vue d’y recueillir des fonds pour son église. L’argent qu’il y amassa contribua à la construction de l’église St Paul, à Manitowaning, terminée en 1849. Pendant son séjour en Grande-Bretagne, il eut la joie de revoir sa mère, ses sœurs et son frère à Dublin ; son alma mater lui rendit hommage en lui décernant un doctorat honorifique en droit. En 1854–1855, il traversera de nouveau l’Atlantique dans l’espoir d’amasser d’autres fonds pour sa mission.

Un certain nombre de traductions d’O’Meara en sauteux constituent l’une des grandes réalisations du missionnaire à l’île Manitoulin. On peut citer The faith and duty of a Christian, livre de dévotion publié en 1844, The Book of Common Prayer paru en 1846, les quatre évangiles en 1850, le Nouveau Testament en 1854 et les Psaumes en 1856. Cette année-là, O’Meara obtint l’aide d’un assistant, après que l’évêque John Strachan* eut ordonné Peter Jacobs, fils du missionnaire méthodiste indien Pahtahsega, qui avait reçu son éducation de l’évêque David Anderson de Rupert’s Land. O’Meara et Jacobs unirent leurs efforts pour traduire le Pentateuque, les Proverbes et le livre du prophète Isaïe, ainsi qu’un recueil d’hymnes en 1861. Quelques-uns de ces livres furent réimprimés, et des missions indiennes des États-Unis et de Rupert’s Land en firent usage. Grâce à sa formation en langues classiques, O’Meara possédait une excellente connaissance de la grammaire et il étudiait le sauteux avec une grande assiduité. Conscient de sa compétence philologique, il accusa, dans un compte rendu des deux premiers volumes de l’ouvrage intitulé Information respecting the history, conditions and prospects of the Indian tribes of the United States [...], l’éditeur, Henry Rowe Schoolcraft, d’avoir commis des erreurs flagrantes. Il exprima aussi l’opinion que, si Henry Wadsworth Longfellow ne s’était pas inspiré des volumes de cet éditeur, comme cela semble le cas, les mots indiens insérés dans son poème The song of Hiawatha auraient été rendus avec beaucoup plus d’exactitude.

Dès 1850, la mission marquait des progrès. L’église (aujourd’hui la plus ancienne du diocèse d’Algoma) était terminée, et une école de garçons avait ouvert ses portes. L’année suivante, Hannah Foulkes vint d’Angleterre pour instruire les filles indiennes, et son travail reçut l’approbation chaleureuse d’O’Meara. Elle demeura dans la mission jusqu’au moment de son départ pour Garden River, après avoir épousé James Chance, un Anglais qui avait appris le sauteux sous la direction d’O’Meara et que l’évêque Strachan ordonna prêtre en 1857.

Malgré tous les efforts déployés, il fut impossible de mener à bien l’établissement indien, et la mission qui s’y rattachait péréclita. Contrairement à l’établissement catholique situé tout près, à Wikwemikong, qui était surtout peuplé d’Indiens chrétiens possédant une certaine expérience de l’agriculture et jouissant de bons territoires de pêche dans leur nouvel habitat, la colonie de Manitowaning était moins homogène et moins bien située. Beaucoup d’Indiens qui y étaient regroupés avaient accepté le baptême mais, comme ils habitaient depuis toujours un pays où ils parcouraient en liberté les lacs et les forêts, la vie sédentaire qu’on leur proposait ne leur souriait guère. Quelques-uns retournèrent à leur ancien habitat, d’autres reprirent la vie nomade, alors que certains s’installèrent tout près, à Sheguiandah, où la mission anglicane fut réouverte en 1865. Cependant, six ans plus tôt, le gouvernement avait cessé d’accorder un salaire à O’Meara à cause d’un changement dans sa politique ; découragé, chargé de responsabilités familiales, ce dernier avait décidé de quitter la mission et accepté d’être ministre à Georgetown, Haut-Canada. Le 30 septembre 1859, Peter Jacobs écrivit de Manitowaning une lettre empreinte de tristesse : « Le docteur O’Meara et sa famille sont partis cet après-midi [...] J’avais espéré qu’ils passent un autre hiver ici. Le docteur a réuni les Indiens hier soir ; après le chant et la prière, il leur a fait un discours d’adieu [...] Le [départ du] docteur est une grande perte pour la mission. Il me manquera beaucoup. »

Pendant les huit années qui suivirent, O’Meara, tout en assumant les charges de pasteur, continua de s’intéresser à l’éducation et fut, à un moment donné, inspecteur des écoles publiques dans le canton d’Esquesing. Pour le compte de la New England Company, qui fournissait de l’aide à la mission de Garden River, O’Meara fit, en 1860, une tournée d’inspection à Brantford, où la compagnie possédait un poste. Après la mort de Peter Jacobs en 1864, O’Meara enseigna le sauteux à Jabez W. Sims, successeur de Jacobs à Manitowaning. L’année d’après, la Church Society du diocèse de Toronto chargea O’Meara et Alexander Neil Bethune* de dispenser aux Indiens des conseils relatifs au choix d’un nouvel habitat, par suite du traité de 1862 qui avait permis aux Blancs de s’établir dans l’île. En 1867, O’Meara se rendit à Port Hope pour prêter assistance à Jonathan Shortt* qui était souffrant. Celui-ci mourut au cours de la même année et O’Meara devint rector. L’église que l’on peut voir encore à Port Hope, ainsi que les bâtiments qui s’y rattachent, furent terminés au cours des 20 années de son séjour dans cette paroisse, et cette importante réalisation ne fut pas la moindre de ses contributions. Il mourut « sous le harnais » à Port Hope le 17 décembre 1888.

Le ministère d’O’Meara coïncida avec les 50 premières années du diocèse anglican de Toronto, et il fut étroitement mêlé aux affaires de l’Église pendant tout ce temps. Lorsqu’on envisagea le projet de former le diocèse de St Mary (qui s’appela plus tard Algoma) en 1849, on mentionna son nom comme futur évêque. Dans une lettre adressée à Ernest Hawkins*, secrétaire de la Society for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts, John Strachan fit une pénétrante analyse du caractère d’O’Meara ; tout en signalant son zèle et son authentique esprit missionnaire, il déplorait son tempérament primesautier, ses jugements hâtifs et superficiels. « Ces défauts de caractère, écrivait-il, semblent le rendre inapte aux hautes tâches de l’épiscopat, pour lesquelles la justesse et la finesse du jugement ainsi que la fermeté de caractère sont aussi indispensables que l’étendue du savoir et la profondeur de la piété. » Fortement évangélique et ferme dans ses opinions, O’Meara n’hésitait pas à les exprimer. Il compta parmi les fondateurs de la Protestant Episcopal Divinity School à Toronto en 1877 (devenue plus tard le Wycliffe College), ce qui suscita un désaccord entre lui et l’évêque Bethune. Mais les trois premiers évêques de Toronto eurent pour lui beaucoup de respect ; le troisième, Arthur Sweatman*, déclara au synode en 1889 : « L’Église a perdu en lui un serviteur loyal et talentueux, un homme de valeur. J’ai perdu un ami fidèle et grandement vénéré. »

Thomas R. Millman

Parmi les ouvrages de Frederick Augustus O’Meara, mentionnons : « Historical and statistical information respecting the history and prospects of the Indian tribes of the United States [...] », Canadian Journal, nouv. sér., 3 (1858) : 437–451 ; Report of a mission to the Ottahwahs and Ojibwas, on Lake Huron (Londres, 1846) ; et Second report of a mission to the Ottahwahs and Ojibwas, on Lake Huron (Londres, 1846). La liste d’un grand nombre des traductions d’O’Meara en sauteux se trouve dans James Constantine Pilling, Bibliography of the Algonquian languages (Washington, 1891), 379–382. Les General Synod Arch. de l’Église épiscopale du Canada à Toronto possèdent une bonne collection de ces traductions.  [t. r. m.]

Église épiscopale du Canada, General Synod Arch. (Toronto), F. A. O’Meara, Scrapbook.— AO, Strachan (John) papers.— C. C. Brough, « The Manitoulin letters of the Rev. Charles Crosbie Brough », R. M. Lewis, édit., OH, 48 (1956) : 63–80.— Canada, prov. du, Assemblée législative, App. to the journals, 1847, I, app. T. ; 1858, VI, app. 21.— [Mme James Chance [Hannah Foulkes], Our work among the Indians [...] (London, Ontario, s.d.).— Church of England, Church Soc. of the Diocese of Toronto, Annual report (Toronto), 1847–1849.— Colonial and Continental Church Soc., Annual report (Londres), 1861–1862.— Colonial Church and School Soc., Annual report (Londres), 1852–1860.— Soc. for the Propagation of the Gospel in Foreign Parts, Report (Londres), 1849.— Canadian Ecclesiastical Gazette (Toronto), 1er oct. 1854, déc. 1855, janv. 1856, juill., nov. 1857, 15 juin, 1er déc. 1860, 15 mai, 1er juin, 15 déc. 1861, 14 juin, 15 juill. 1862.— Church (Cobourg, Ontario, et Toronto), 5 janv. 1839, 30 oct., 20 nov. 1846, 3 sept. 1847, 9 juill. 1854.— Church Chronicle (Toronto), sept. 1863, déc. 1865, août 1867.— Church of England Magazine (Londres), 27 juill. 1839.— Evangelical Churchman (Toronto), 27 déc. 1888.— Canada and its prov. (Shortt et Doughty), IV : 693–725 ; V : 329–362.— [F. W. Colloton et C. W. Balfour], A historical record of the planting of the church in Sault Ste. Marie, Ont. (Diocese of Algoma) and the history of the mother-parish of St. Lukes (s.l., [1932]).— J. W. Grant, « Rendezvous at Manitowaning » (communication lue devant la World Methodist Hist. Assoc., 1977).— New England Company, History of the New England Company, from its incorporation, in the seventeenth century, to the present time [...] (Londres, 1871).— St. Paul’s Anglican Church, Manitowaning, Manitoulin Island, Ontario, Canada (Little Current, Ontario, 1950).— Ruth Bleasdale, « Manitowaning : an experiment in Indian settlement », OH, 66 (1974) : 147–157.

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Thomas R. Millman, « O’MEARA, FREDERICK AUGUSTUS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/o_meara_frederick_augustus_11F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    1982
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