TAVERNER, WILLIAM, colon, trafiquant et arpenteur, né probablement à Bay de Verde, Terre-Neuve, vers 1680, probablement fils du colon William Taverner, décédé probablement à Poole, Angleterre, le 7 juillet 1768.

Les renseignements au sujet des premières années de la vie de William Taverner sont difficiles à trouver et à contrôler. Il appartenait apparemment à la famille Taverner de Poole et de Bay de Verde, Terre-Neuve, famille modérément riche, qui partageait son temps entre Poole et Terre-Neuve. Il était propriétaire d’une exploitation à St John’s au moins à partir de 1698. Un document trouvé dans le Dorset mentionne que le fils d’un autre colon, John Masters, était en apprentissage chez William aux environs de 1700–1701. En 1702, William figurait comme colon à Trinity, faisant le commerce entre Poole et Trinity. Il semble qu’il ait été capitaine de bateaux de pêche terre-neuviens et qu’il ait dirigé une attaque de corsaires contre les pêcheries françaises. Aux environs de 1705, il était en mesure d’amener sa femme, Rachel, et sa famille à Poole et d’y passer chaque hiver avec eux. Il était alors propriétaire d’un petit vaisseau, le William.

William Taverner et son frère, Abraham, attirent de nouveau l’attention en 1708 au moment où ils se posent en adversaires du major Thomas Lloyd*, commandant de la garnison de Terre-Neuve. Abraham, personnage assez obscur, était commissionnaire à Terre-Neuve pour un marchand de Londres, James Campbell, qui possédait de vastes domaines à Bay de Verde. Campbell était à Londres le fondé de pouvoir du capitaine John Moody* qui avait commandé la garnison de Terre-Neuve en l’absence de Lloyd en 1704–1705 et qui était l’adversaire déclaré de ce dernier. Un grand nombre de colons de Terre-Neuve s’efforçaient de tenir Lloyd aussi bien que Moody à distance ; néanmoins, au début de 1708, William Taverner prit la tête d’un groupe de personnes qui avaient à se plaindre de la façon dont Lloyd exploitait les colons.

Vers 1712, Taverner commença à faire parvenir des mémoires au Board of Trade touchant les possessions françaises à Terre-Neuve et ailleurs dans le golfe du Saint-Laurent. En 1713, quelques-uns de ses associés de Londres le considéraient comme un expert sur la question de l’emplacement, de la nature et du potentiel des pêcheries établies à Plaisance (Placentia) et qui s’étendaient vers le sud-ouest de Terre-Neuve, dans une région qui avait été cédée à l’Angleterre par le traité d’Utrecht. Taverner s’était également occupé d’un projet qui consistait à exploiter la pêche à la morue sur la côte nord-ouest d’Écosse, à la manière terre-neuvienne ; ce projet avait été mis de l’avant par des commerçants de poisson de Londres qui trouvaient que la guerre nuisait à l’industrie de la pêche à Terre-Neuve.

Le 21 juillet 1713, Taverner reçut une commission, celle d’« arpenteur de cette partie de la côte de Terre-Neuve et des îles adjacentes où les Français avaient l’habitude de pêcher et avec lesquelles nos sujets sont maintenant peu familiers ». Le Board of Trade le consulta souvent au cours des huit mois qui suivirent, et il fut en mesure de fournir des renseignements utiles de même que des conseils au sujet de la situation qui prévalait dans ces territoires nouvellement acquis. Lorsque Taverner arriva à Plaisance, le 27 juin 1714, le lieutenant colonel Moody, gouverneur suppléant de Plaisance, mit un bateau à sa disposition pour entreprendre les relevés. Taverner partit le 23 juillet pour reconnaître les établissements français dispersés sur l’île Saint-Pierre et ailleurs pour en étudier la nature et l’étendue ; il devait aussi découvrir quels étaient les bateaux français qui pêchaient et procéder à un relevé hydrographique qui fournirait aux pêcheurs anglais des renseignements utiles à la navigation.

Le passage de la domination française à la domination anglaise se faisait difficilement ; les Français, sous la surveillance de Philippe Pastour* de Costebelle, évacuaient la population vers l’île Royale (île du Cap-Breton) et menaçaient de considérer comme traîtres ceux qui demeuraient et prononçaient le serment d’allégeance aux nouveaux maîtres. Taverner connut un été mouvementé lorsqu’il tenta d’imposer le serment d’allégeance aux Français de Saint-Pierre. Il eut à faire face à d’autres difficultés avec un certain William Cleeves de Poole, au sujet de la vente du sel, et se vit accuser par celui-ci de se faire payer par les Français pour faire le relevé de leurs terres, de transiger avec les vaisseaux français qui venaient y faire le commerce et de trafiquer pour son compte personnel en expédiant, par exemple, dix barriques d’huile chez lui, à Poole. Le 22 septembre 1714, Taverner retourna à Plaisance et présenta un rapport complet et intéressant. Il considérait que l’exploitation de la pêche au saumon offrait d’excellentes possibilités et, ayant engagé un Canadien qui connaissait les dialectes indiens pour établir les contacts en son nom, il envisageait avec optimisme l’implantation du commerce de la fourrure.

Entre-temps, on se demandait, en Angleterre, s’il y avait lieu de maintenir Taverner à son poste ; les ports de pêche désiraient que le relevé commencé en 1713 soit poursuivi, mais seuls les Londoniens y attachaient le nom de Taverner, de sorte qu’il est possible que l’accusation portée en 1715, selon laquelle il aurait été nommé pour servir les intérêts d’une coterie, en l’occurrence les négociants de Londres, au détriment de ceux du sud-ouest de l’Angleterre, n’était peut-être pas dénuée de fondement. Un grand nombre des négociants du sud-ouest soutenaient que Taverner n’avait pas la compétence voulue pour effectuer ce travail. Les réclamations de William Cleeves causèrent quelques inquiétudes à la femme de Taverner mais elle défendit son mari avec énergie et signala que sa rémunération de 20 shillings par jour ne lui avait pas été versée, de sorte qu’elle était aux prises avec de sérieuses difficultés financières. L’arrivée, en février 1715, de son rapport accompagné de sa « nouvelle carte marine des îles et du port de Saint-Pierre, de l’île de Columba et des rochers avoisinants » mirent un terme aux critiques ; on lui versa son salaire, on lui remboursa ses dépenses et, plus important encore, on le rengagea. Taverner poursuivit ses relevés au cours de 1715, et son second rapport s’accompagnait « d’une nouvelle carte de Terre-Neuve, allant du cap Sainte-Marie au cap Lahun [La Hune] » ; suggestion fut faite de publier cette carte aux frais de l’État.

Au cours de l’hiver 1715–1716, Taverner passa de nouveau en Angleterre afin d’expliquer au Board of Trade la position complexe des anciennes côtes françaises. À Plaisance, Moody avait acheté les droits de grève de colons français qui partaient et Taverner avait fait de même à Saint-Pierre, en dépit du fait qu’il allait ainsi directement à l’encontre de la ligne de conduite tracée par le Committee for Trade and Plantations. En agissant ainsi, Taverner et Moody privaient les capitaines de bateaux de pêche des graves auxquelles ils prétendaient avoir droit et qui leur servaient à manipuler et à sécher le poisson. Taverner soutint qu’en agissant de la sorte il avait protégé une poignée de Français, demeurés à Saint-Pierre, contre les intimidations de William Cleeves et d’autres, et qu’il avait laissé suffisamment de graves pour accommoder tous les bateaux de pêche qui pouvaient se présenter. Il semble que Taverner ait réussi à convaincre le Board of Trade de l’outrance des accusations portées contre lui, compte tenu du fait qu’il lui fallait à l’occasion faire de l’argent pour suppléer à l’irrégularité avec laquelle son salaire lui était versé, mais il était entendu qu’en ce faisant il ne devait pas être une cause d’oppression pour ses compatriotes. Il retourna à Terre-Neuve le 8 mars 1716. En 1718, le Board of Trade se déclara satisfait de ses services ; il semble que cette même année il ait terminé son relevé des anciennes possessions françaises à Terre-Neuve et que l’on se soit acquitté de ce qu’on lui devait.

II semble probable qu’entre 1718 et 1725 il se soit livré à la pêche et que, de Poole, il ait commercé chaque année avec la région de Plaisance et de l’île Saint-Pierre. En mars 1726, ayant apparemment rompu ses liens avec les marchands londoniens, il participa avec d’autres marchands de Poole à un projet de pêcheries de saumon au sud de Terre-Neuve. Il offrit de profiter d’un voyage de reconnaissance des pêcheries qu’il était sur le point d’entreprendre pour faire un relevé des côtes ouest et nord-ouest de Terre-Neuve. Plus tôt, il avait signalé la présence continuelle des Français et des Basques sur la côte sud, près du cap Ray, mais les Anglais ignoraient encore tout de la côte ouest. Il entreprit, moyennant le même traitement qu’auparavant, d’en faire le relevé complet en deux ans et demi. Cette fois-ci, son projet reçut l’appui aussi bien des Londoniens que des commerçants du sud-ouest, signe que la valeur de son précédent travail avait été reconnue par ceux qui avaient des intérêts dans l’industrie de la pêche ; le Board of Trade donna également son accord. Il ne reste pas beaucoup de documents de ce relevé, exécuté entre 1726 et 1728, mais l’on sait que Taverner réussit à affaiblir le monopole de la pêche que les Basques détenaient virtuellement sur la côte ouest. Il commença aussi à se livrer à la pêche et au commerce dans cette région sur une base expérimentale.

En 1729, Taverner pêchait dans le détroit de Belle-Isle, pour son propre compte également, mais il rencontra une certaine opposition de la part des pêcheurs bretons au cap de Grat (Cape Bauld). À cette époque, il demeurait de toute évidence à St John’s une partie de l’été, et les tentatives qu’il fit pour recouvrer le loyer de certaines propriétés qu’il y avait déjà possédées furent cause de difficultés. Il proposa, en 1730, espérant obtenir une aide financière du gouvernement, de faire le tour complet de l’île de Terre-Neuve en bateau. Il est peu vraisemblable qu’il ait obtenu de nouvelles subventions même s’il continua à faire le commerce avec les régions éloignées de Terre-Neuve. Taverner présenta un important rapport au début de 1734, dans lequel il signala que les Français envoyaient pendant l’hiver des partis de chasseurs indiens qui partaient de l’île Royale pour se rendre chasser dans la partie ouest de Terre-Neuve et que cette pratique faisait tort au marché anglais des fourrures ; il nota aussi qu’il y avait à Port-aux-Basques une colonie de fugitifs français et que l’endroit devenait un centre de contrebande où les Français vendaient du poisson, de l’huile et des fourrures. Il avait hâte qu’on y mette un frein et se proposa pour la tâche. On n’accepta pas son offre mais lord Muskerry, qui venait à Terre-Neuve en qualité de gouverneur, reçut instruction de mettre les Français en demeure de partir et, au besoin, de les expulser. On trouvait peut-être que Taverner était trop avancé en âge pour accomplir d’autres missions ; effectivement, il demanda en 1739 une gratification pour le travail qu’il avait accompli.

La guerre avec l’Espagne et les frictions de plus en plus fréquentes avec la France amenèrent ceux qui avaient des intérêts dans l’industrie de la pêche à parler, au début de 1740, de fortifier davantage Terre-Neuve, et Taverner se présenta une dernière fois devant le Board of Trade, le 14 février 1740, pour donner son avis. Il fit le bilan de l’industrie de la pêche de 1736 à 1739 et montra qu’elle représentait un chiffre d’affaires annuel de £227 000, employait 8 000 hommes et signifiait 21 500 tonnes d’expédition, ce qui lui conférait le privilège de recevoir une entière protection.

William Taverner fut un commerçant en pêcheries d’une constance et d’une persévérance remarquables et on peut suivre les va-et-vient de ses bateaux sur l’Atlantique jusqu’au milieu des années 50. À cette époque, son fils William était aussi capitaine de bateau et représentait quelques-uns des marchands de Poole qui faisaient le commerce à Trinity. Ce dernier fut parmi les signataires d’une pétition, en 1762, concernant la prise par les Français d’une partie de Terre-Neuve. La signature du père n’y apparaît pas et on peut présumer qu’il était retiré des affaires.

William Taverner a fait un bon travail en faisant connaître aux Anglais l’ancienne côte française du sud de Terre-Neuve même si ses relevés, après 1714, prirent la forme de rapports verbaux et non de cartes marines ; son degré de compétence comme cartographe est toutefois inconnu. Il fut un des pionniers du commerce anglais et de l’industrie de la pêche dans les zones françaises, et il fut le premier à tirer parti efficacement de la côte occidentale dont les Anglais s’étaient toujours tenus éloignés.

David B. Quinn

PRO, CO 326/15 (Ind. 8315), p. 13, n° 6 (F. A. Assiotti, “List of maps,” ms list, 1780, mentionne la carte de Saint-Pierre comme ayant été publiée, mais on n’en a pas trouvé d’exemplaires non plus que la carte suivante) ; CO 194/10, ff.86, 116.— PRO, CSP, Col., 1706–8, 1708–9, 1712–14, 1714–15, 1716–17, 1717–18, 1722–23, 1726–27, 1728–29, 1730, 1734–35 ; CTP, 1708–14 ; JTP, 1704–1708/9, 1708/9–1714/15, 1714/15–1718, 1722/23–1728, 1728/29–1734, 1734/35–1741.— A. M. Field, The development of government in Newfoundland, 1638–1713 (thèse de m.a., Université de Londres, 1924).— Lounsbury, British fishery at Nfld. Keith Matthews, A history of the west of England – Newfoundland fishery (thèse de ph.d., University of Oxford, 1968).— Janet Paterson, The history of Newfoundland, 1713–63 (thèse de m.a., Université de Londres, 1931).— J. D. Rogers, Newfoundland, (dans C. P. Lucas, Historical geography of the British colonies (dominions), V, ive partie, Oxford, 1911 ; 2e éd. 1931).

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David B. Quinn, « TAVERNER, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/taverner_william_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
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