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WHITE, WILLIAM ANDREW, ministre baptiste et aumônier militaire, né le 16 juin 1874 à King and Queen Court House, Virginie, fils de James Andrew White et d’Isabella Waller ; le 28 juin 1906, il épousa à Truro, Nouvelle-Écosse, Izie Dora White, et ils eurent 13 enfants ; décédé le 9 septembre 1936 à Halifax.
Fils d’anciens esclaves, William Andrew White grandit dans une région isolée du nord-est de la Virginie. Sa ville natale avait été plus ou moins détruite en 1864, vers la fin de la guerre civile, mais la reconstruction s’était accompagnée d’une amélioration graduelle de la vie des habitants noirs. En 1866, on avait déjà commencé à établir des églises noires, baptistes pour la plupart, dans le comté de King and Queen. Il y avait déjà huit écoles publiques noires en 1872, et une école secondaire noire en 1894. On sait peu de chose de l’enfance de White. Dans les années 1890, il se rendit à Baltimore, au Maryland, où il devint membre de la Union Baptist Church, puis à Washington, pour étudier au Wayland Seminary, qui préparait des affranchis au ministère baptiste depuis 1867. Parmi les professeurs se trouvait Mary Helena Blackadar, diplômée de l’Acadia University, établissement baptiste d’études supérieures à Wolfville, en Nouvelle-Écosse. En 1892, l’Acadia University avait conféré un diplôme à son premier Afro-Canadien, Edwin Howard Borden. Il semble que Blackadar, qui avait ses entrées auprès de la Baptist Convention of the Maritime Provinces, ait mis White en contact avec le directeur de son Home Mission Board de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard, et qu’elle ait écrit à son alma mater pour le recommander. White fut admis à l’Acadia University en 1899 et s’installa au Canada. Non seulement réussissait-il dans ses cours, mais cet athlète de six pieds quatre pouces excellait aussi dans les sports.
Au cours de l’été de 1902, White fut ministre suppléant à l’église baptiste Cornwallis Street, à Halifax, principale congrégation de l’African Baptist Association ; les deux avaient été fondées par Richard Preston*. Pendant son séjour, White fit la connaissance du premier avocat noir natif de la province, James Robinson Johnston*, qui était en voie de devenir l’un des meneurs de la communauté afro-canadienne. Une fois sa licence ès arts obtenue, en 1903, White devint le deuxième ministre noir ordonné par la Baptist Convention of the Maritime Provinces (Wellington Ney States* avait été le premier). On le nomma immédiatement missionnaire général du Home Mission Board auprès des personnes de couleur. Il visita les colonies et les églises noires de la Nouvelle-Écosse, de l’île du Cap-Breton au comté de Yarmouth. Pendant sa tournée, il établit l’église Second Baptist à New Glasgow. Ce fut probablement pendant l’un de ces circuits missionnaires qu’il fit la connaissance d’Izie Dora White, à qui il se fiança. Elle était originaire de Mill Village, qui comptait une population petite mais prospère, formée de descendants d’esclaves de planters de la Nouvelle-Angleterre qui avaient colonisé le canton de Liverpool avant l’arrivée des loyalistes.
Le rôle de White en sa qualité de missionnaire ordonné fut ébranlé et finalement compromis par la tension entre la Baptist Convention blanche et l’African Baptist Association ; cette dernière était indignée de l’intrusion d’un ministre de la convention juste après qu’elle eut nommé States comme son propre missionnaire de terrain. Dans le but de maintenir de bonnes relations, le Home Mission Board décida de libérer White pour qu’il puisse trouver un poste permanent. Il choisit l’église baptiste Zion de Truro, dont la chaire était vacante depuis octobre 1904, à cause du retour de son pasteur aux États-Unis. L’église Zion avait été créée en 1896, à la suite de la sécession de membres noirs de la congrégation baptiste locale. Même si la présence des Noirs dans la région remontait à sa colonisation par des fermiers américains irlando-écossais dans les années 1760 [V. Alexander McNutt*], le racisme avait gagné du terrain à mesure que le souvenir de l’esclavage s’estompait. Au cours de la seconde moitié du xixe siècle, la ségrégation dans les collectivités de la Nouvelle-Écosse était devenue la norme, et la création de lieux de culte séparés était généralement acceptée comme exemple constructif de relations raciales progressistes et de pragmatisme chrétien. White n’était pas un étranger dans la jeune église, car il y avait travaillé comme assistant après avoir terminé ses études à l’Acadia University. En mai 1905, il y fut nommé pasteur. L’année suivante, il épousa Izie Dora White, âgée de 18 ans. Le couple fonderait une grande famille, au sein de laquelle naîtrait Portia May White*, future contralto de renommée internationale.
Au déclenchement de la Première Guerre mondiale, en 1914, White était dans sa dixième année à l’église Zion. Il se fit le champion de la détermination des hommes de couleur à servir le roi et le pays. Même si le colonel Samuel Hughes*, ministre de la Milice et de la Défense, déclara qu’on devrait permettre aux Canadiens noirs de s’enrôler, les commandants de bataillons locaux [V. Rankin Wheary*] rejetaient souvent ceux qui essayaient de le faire. Au milieu de 1916, on autorisa la formation d’une unité noire, non combattante, que dirigeraient des officiers blancs. Près de 700 hommes noirs de tout le Canada (les Néo-Écossais constituaient plus de la moitié d’entre eux) se portèrent volontaires pour faire partie du No. 2 Construction Battalion du Corps expéditionnaire canadien. White, qui avait aidé à diriger les efforts de recrutement, devint aumônier du bataillon et fut nommé capitaine honoraire. Il était membre du Service d’aumônerie de l’armée canadienne [V. John Macpherson Almond], mais, en tant que surnuméraire, il eut besoin d’une permission spéciale pour accompagner l’unité outre-mer.
Certains membres du bataillon suivirent leur entraînement à Windsor, en Ontario, et les autres à Pictou, en Nouvelle-Écosse, puis, plus tard, à Truro. En mars 1917, l’unité, reléguée au rang de « compagnie » car il lui manquait 300 hommes, s’embarqua pour l’Angleterre. Rattachée au Corps forestier canadien (groupe du Jura), elle fut envoyée, en mai, dans l’est de la France, où elle travailla aux côtés des troupes blanches pendant les activités d’exploitation et de transformation du bois, mais elle fit l’objet de ségrégation le reste du temps. Son aumônier avait une tâche difficile à accomplir : les soldats blancs n’acceptaient pas son ministère, même en l’absence des services d’un membre du clergé. Il représentait néanmoins une force positive indéniable au delà des divisions raciales. Son courage, son autorité morale et sa stature physique étaient tels que, pour éviter une émeute, il s’interposa entre son unité et un groupe d’hommes blancs.
Après la guerre, le No. 2 Construction Battalion fut démobilisé. En 1919, White, qui s’était senti obligé de démissionner de son poste à l’église Zion au printemps de 1918, fut rappelé à l’église baptiste Cornwallis Street, privée de prédicateur depuis plusieurs mois. À titre de chef de l’église mère, il devint plus actif et plus influent dans la communauté baptiste et protestante élargie de la ville. En 1915, il avait remplacé Johnston, qui avait été assassiné, comme secrétaire (aussi appelé commis) de l’African Baptist Association, poste qu’avait occupé James Alexander Ross Kinney après le départ de White outre-mer. En 1922, il reprit son travail avec l’organisme, désormais nommé l’African United Baptist Association, et y agirait à titre de modérateur de 1929 à 1931. Il serait réélu à ce poste in abstentia deux jours seulement avant sa mort. Il fut le premier ministre noir à prêcher devant la Baptist Convention of the Maritime Provinces et était membre de son conseil d’ordination. On le nomma en outre secrétaire de la Halifax and Dartmouth Ministerial Association en 1926. Au début des années 1930, il fut l’instigateur de la radiodiffusion mensuelle, dans tout le Canada et le nord des États-Unis, de ses offices de Cornwallis Street. Il présida avec fierté les cérémonies du centenaire de son église en 1932. Quatre ans plus tard, son alma mater lui décerna un doctorat honorifique en théologie, quelques mois seulement avant qu’il ne succombe à une pneumonie résultant d’une colite ulcéreuse aiguë.
Après sa mort, William Andrew White atteignit un statut quasi mythique. Deux documentaires lui furent consacrés : Captain of souls : Reverend William White, réalisé en 1999, et Honour before glory en 2001. Le legs de White est important non seulement parce qu’il était, pour citer l’historien Robin W. Winks, « le chef universellement reconnu des Noirs de la province, indépendamment de la foi ou de l’héritage », mais aussi parce qu’il fut le premier baptiste noir pleinement accepté par le clergé blanc, en partie grâce à sa formation universitaire. Avant lui, des pasteurs afro-américains étaient venus, puis repartis ; peu d’entre eux restèrent longtemps et encore moins exercèrent une influence appréciable. White fit exception : il vint, vit, vainquit et demeura. Il suivit ainsi la trajectoire inverse de Borden, parti s’installer aux États-Unis, où il s’était taillé une carrière distinguée de ministre. Cependant, à cause de l’esprit de clocher et de la xénophobie des Noirs de la Nouvelle-Écosse, ainsi que de ses origines américaines, White ne put jamais devenir un meneur noir dans le même sens que ses contemporains Johnston, States et Kinney, originaires de la Nouvelle-Écosse. Néanmoins, il fraya la voie à un autre diplômé de l’Acadia University, William Pearly Oliver*, qui lui succéda comme pasteur de l’église mère, perpétuant pendant au moins une génération l’autorité reconnue des ministres baptistes noirs. Selon l’éloge d’un contemporain de White, « plus qu’un pasteur, il fut le conseiller, le médiateur et le chef de toute la population de couleur à l’est de Montréal ». À ce titre, il joua un rôle de premier plan pour faire entrer la population noire de la Nouvelle-Écosse dans le xxe siècle et demeure l’une des personnalités les plus marquantes de l’histoire des Noirs canadiens dans les provinces de l’Atlantique.
Nous sommes très reconnaissant de l’aide que nous a apportée Patricia Townsend, archiviste à l’Acadia Univ. (Wolfville, N.-É.), dans la préparation de cette biographie.
William Andrew White n’a pas laissé de testament et il n’existe aucun règlement de succession. BAC conserve ses journaux personnels rédigés outre-mer, d’octobre 1917 à décembre 1918, dans le William Andrew White fonds (R15535-0-8) ; si White a écrit d’autres journaux, ceux-ci n’ont pas survécu. Les fonds militaires à BAC, qui comportent notamment le journal de guerre et autres dossiers du No. 2 Construction Battalion (aussi connu sous le nom de No. 2 Canadian Construction Company), documentent bien les activités de White en temps de guerre ; on trouvera des renseignements supplémentaires dans le « Guide des sources pour les unités du Corps expéditionnaire canadien », Corps forestier canadien, No. 2 Canadian Construction Company : www.bac-lac.gc.ca/fra/decouvrez/patrimoine-militaire/premiere-guerre-mondiale/Documents/corps%20forestier%20canadien.pdf (consulté le 21 août 2015). On peut également consulter à BAC les registres (R611-275-6) et la corr. (R611-360-8, vol. 4634, dossier R-MC-15) du Service d’aumônerie de l’armée canadienne, ainsi que l’état de service militaire de White (RG 150, Acc. 1992–1993/166, boîte 10307-29). La bibliothèque et les papiers personnels de White, qui constituaient sans aucun doute une collection volumineuse, ont probablement disparu à la mort de sa veuve, qui s’est mariée en 1949 avec un frère cadet de James Robinson Johnston et s’est éteinte en 1972.
Parmi les sources archivistiques de Nouvelle-Écosse que nous avons consultées figurent les fonds Cornwallis Street United Baptist Church, Home Mission Board de la United Baptist Convention of the Atlantic Provinces, et Wolfville United Baptist Church, tous trois conservés aux Atlantic Baptist Arch., Acadia Univ. ; les certificats de mariage et de décès du sujet, accessibles en ligne à NSA, « Nova Scotia hist. vital statistics », Colchester County, 1906, et Halifax County, 1936 : www.novascotiagenealogy.com (consulté le 31 juill. 2015) ; et les registres de l’église baptiste Zion (1905–1918), à l’église baptiste unie Zion de Truro, N.-É.
Acadian (Wolfville), 1903–1934.— Maritime Baptist (Saint-Jean), 1905–1936.— E. S. Mason, « The late Rev. W. A. White, D.D. : an appreciation », Maritime Baptist, 16 sept. 1936.— Messenger and Visitor (Saint-Jean), 1903–1905.— Truro Daily News, 1905–1919.— Wolfville Acadian, 1934–1936.— Acadia Athenaeum (Wolfville), 1903–1936.— Acadia Bull (Wolfville), 1913–1936 (en particulier la notice nécrologique de G. C. Warren dans le vol. 23 (1936) : 6–8, accessible en ligne à : openarchive.acadiau.ca/cdm/landingpage/collection/AAB).— African Baptist Assoc. of N.S., Minutes (Halifax), 1903–1936.— J. G. Armstrong, « The unwelcome sacrifice : a black unit in the Canadian Expeditionary Force, 1917–19 », dans Ethnic armies : polyethnic armed forces from the time of the Habsburgs to the age of the superpowers, N. F. Dreisziger, édit. (Waterloo, Ontario, 1990), 178–197.— Baptist year book of the Maritime provinces of Canada […] (Halifax, etc.), 1903–1905 ; publié par la suite sous le nom de United Baptist year book (Saint-Jean), 1906–1937.— Captain of souls : Reverend William White, scénario et réalisation de Fern Levitt, production de Peter Raymont et de Lindalee Tracey (enregistrement vidéo, Toronto, 1999).— D. [W.] Crerar, Padres in no man’s land : Canadian chaplains and the Great War (Montréal et Kingston, Ontario, 1995).— S. F. Foyn, « The underside of glory : AfriCanadian enlistment in the Canadian Expeditionary Force, 1914–1917 » (mémoire de m.a., univ. d’Ottawa, 2000).— Honour before glory, scénario, production et réalisation d’Anthony Sherwood (enregistrement vidéo, [Brampton, Ontario], 2001).— B. B. Kaplan et Robert Willis, Land and heritage in the Virginia Tidewater : a history of King and Queen County ([Richmond, Va ?], 1993).— Bridglal Pachai, Beneath the clouds of the promised land : the survival of Nova Scotia’s blacks (2 vol., Halifax, 1987–1991), 2 (1800–1989).— C. W. Ruck, The black battalion, 1916–1920 : Canada’s best kept military secret (éd. rév., Halifax, 1987).— D. B. Sealey, Colored Zion : the history of Zion Baptist Church & the black community of Truro, Nova Scotia (Dartmouth, N.-É., 2000).— J. W. St G. Walker, « Race and recruitment in World War I : enlistment of visible minorities in the Canadian Expeditionary Force », CHR, 70 (1989) : 1–26.— R. W. Winks, The blacks in Canada : a history (2e éd., Montréal et Kingston, 1997).
Barry Cahill, « WHITE, WILLIAM ANDREW », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/white_william_andrew_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/white_william_andrew_16F.html |
Auteur de l'article: | Barry Cahill |
Titre de l'article: | WHITE, WILLIAM ANDREW |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2017 |
Année de la révision: | 2017 |
Date de consultation: | 4 déc. 2024 |