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SOMERVILLE, ALEXANDER, soldat, journaliste et auteur, né le 15 mars 1811 à Oldhamstocks (région de Lothian, Écosse), onzième enfant de James Somerville et de Mary Orkney ; le 10 janvier 1841, il épousa Emma Binks, et ils eurent six enfants ; décédé le 17 juin 1885 à Toronto.
Alexander Somerville raconte la jeunesse qu’il vécut comme écolier, laboureur, scieur de long, manœuvre, draineur et carrier, dans sa mémorable Autobiography of a working man (Londres, 1848). En 1832, il servait dans le 2nd Dragoons (Scots Greys) lorsqu’il reçut 100 coups de fouet pour avoir publié une lettre révélant les sympathies réformistes de ses camarades de régiment et leur malaise devant les mesures utilisées pour contenir les manifestants au cours de la crise provoquée par le Reform Bill. Il y eut de vives protestations dans les journaux et au parlement ; une collecte faite en son nom rapporta £300, et les responsables de la flagellation furent publiquement réprimandés. Après avoir acheté son licenciement, il fut mêlé à l’agitation des chartistes et des owenites à Londres, puis il servit avec bravoure dans la légion auxiliaire en Espagne de 1835 à 1837. Par la suite, il vendit une History of the British Legion and war in Spain [...] au prix de £100.
De retour en Angleterre, Somerville s’inquiéta de nouveau des affrontements mettant aux prises les protestataires et les soldats, et il fit paraître Warnings to the people on street warfare [...]. Il devint le conseiller de Richard Cobden en matière d’agriculture et il s’occupa également de faire accepter les articles favorables aux idées de Cobden par les gens de Fleet Street ; il écrivit, en les signant d’un nom de plume, Whistler at the Plough, des reportages pour divers journaux sur la pénible condition des cultivateurs à bail irlandais qu’il avait constatée lors de ses fréquents voyages et il rédigea des textes sur les questions économiques.
En 1854, Somerville exprima, dans Cobdenic policy the internal enemy of England [...], sa déception à l’endroit de l’attitude pacifiste adoptée par Cobden. Ce différend, auquel s’ajoutaient les erreurs de gestion ou les fraudes de ses agents littéraires et de ses éditeurs, entraîna sa ruine financière, en dépit du fait que, pour tenter de se refaire une situation, il rédigea comme un forcené des articles sur les syndicats, l’électromagnétisme, la sorcellerie et les coutumes populaires, et qu’il retourna en Écosse pour un bref séjour, afin d’occuper un poste de rédacteur en chef à Édimbourg. En 1857, il finit par se croire victime de persécution et de conspiration ; il cria sa détresse dans Workingman’s witness against the London literary infidels. Il s’embarqua avec sa famille pour le Canada en mai 1858, étant, comme il le disait, « traîné en Amérique contre [son] gré ».
Après cette carrière mouvementée au Royaume-Uni, Somerville mena au Canada une existence considérée par certains observateurs comme un « long déclin ». À la vérité, sa contribution au journalisme canadien s’avéra importante à plusieurs égards. Malgré le coup terrible qu’il subit lorsqu’il perdit sa femme peu après son arrivée à Québec, il publia dans les journaux locaux des essais sur les différents gouvernements que connut le Canada, des observations sur le conservatisme et un rappel de la crise suscitée par le Reform Bill en 1832. Même s’il vivait dans une extrême pauvreté, il écrivit Conservative science of nations [...] being the first complete narrative of Somerville’s diligent life [...], ouvrage portant sur le libre-échange, les grèves, les banques et l’histoire militaire ; l’ouvrage contenait aussi des ajouts à l’Autobiography of a working man qu’il avait rédigée auparavant et une étude très fouillée sur les affaires irlandaises.
Somerville, avec ses six enfants, se rendit dans le Haut-Canada en 1860 ; il passa par Brockville jusqu’à Perth et Arnprior. L’année suivante, il prit la route de Kingston, se rendit à Windsor et à Detroit, puis il revint sur ses pas et s’installa à Brantford. Dans les articles qu’il écrivit par la suite pour les journaux, il traita en détail de toutes ces localités. Arrivé à Hamilton en 1862, il rédigea Canada, a battle ground [...], ouvrage dans lequel il parlait de l’hostilité qui se faisait de plus en plus vive envers les États-Unis et des routes que pouvaient emprunter des envahisseurs américains. Le Canadian Illustrated News, fondé à Hamilton en 1862 et dirigé par Somerville, présentait des articles sur l’histoire militaire et commerciale, les paysages canadiens, la photographie, l’agriculture et l’immigration. Lorsqu’en 1864 le journal changea de propriétaire et déménagea à Toronto, Somerville resta à Hamilton. En 1866, il assura le compte rendu des troubles provoqués par les Féniens dans les régions frontalières du Niagara et du lac Érié ; il fit paraître, cette année-là, une œuvre vivante et réaliste, Narrative of the Fenian invasion, of Canada [...]. Dans son récit de la bataille de Ridgeway (maintenant partie de Fort Erie, Ontario), Somerville critiqua vivement Alfred Booker* ; il fut obligé d’admettre par la suite que ce texte avait été composé à la demande d’officiers qui étaient les ennemis de Booker et qui allaient « à l’encontre des règles du jeu ». Après l’affaire des Féniens, il éprouva bien moins de sympathie pour la cause de la réforme en Irlande.
Se proposant de retourner en Angleterre, Somerville quitta Hamilton en 1868 avec des témoignages d’estime qui lui venaient du maire, des députés de l’endroit et de citoyens éminents. Malheureusement, il dut annuler son voyage à cause de l’assassinat de Thomas D’Arcy McGee*, qui lui avait promis de l’argent pour un « guide de l’émigrant ». Passant par Ottawa, il alla s’établir à Montréal où une nouvelle version du Canadian Illustrated News fut lancée par George-Édouard Desbarats* en 1869. Installé à la St Andrew’s Society Home, Somerville écrivit, jusqu’en 1872, des articles et des éditoriaux pour le News, mais les affaires de Desbarats s’embrouillèrent et, lorsque le journal fut vendu, Somerville revint à Hamilton. En 1873, il déménagea à Toronto où il devint rédacteur en chef du Church Herald. Pendant deux ans, ce journal anglican publia des articles vigoureux de Somerville sur les questions politiques et économiques, et, notamment, sur les importations en provenance des États-Unis et sur Louis Riel. Aux prises avec des difficultés financières, le Church Herald fusionna avec un journal ecclésiastique américain, et la situation de Somerville fut ramenée à celle de « correspondant canadien à la rédaction ». Il continua d’accomplir son travail (qui l’amenait à voyager en Nouvelle-Écosse pour écrire des articles) jusqu’au moment où, en juin 1875, le journal cessa de paraître. Somerville demeura à Toronto en qualité de correspondant littéraire de divers périodiques anglais, gallois, irlandais et écossais, et il rédigea des textes publicitaires à l’adresse des immigrants pour le compte du département de l’Agriculture, qui lui accorda une pension en 1876. Les brochures publiées en 1877 et 1883 à l’intention des immigrants éventuels portent la marque de son style pittoresque, notamment au chapitre intitulé « Why emigrate ? » Dans les années 1870, Somerville était un homme vieilli, énorme (il pesait 300 livres) et excentrique. Son appartement au City Hotel – et plus tard dans une pension de la rue York – était rempli de livres et d’articles découpés dans les journaux britanniques auxquels il envoyait des lettres chaque semaine. Il déménagea finalement dans un hangar en bois où il vécut de porridge froid assaisonné de morceaux d’oignon cru ; de 1880 à 1885, il aurait écrit 5 000 pages de mémoires qui n’ont jamais été retrouvées.
Homme diligent, expansif, obsédé de sa propre importance, Alexander Somerville garda le sentiment d’avoir rendu un grand service à la population en « contribuant à obtenir l’abolition de la flagellation dans l’armée britannique », en formant l’opinion des gens au sujet de l’Irlande par ses articles signés Whistler at the Plough et en exposant les dangers du pacifisme. Il se fit également une gloire d’avoir contribué « à la littérature utilitaire de l’Amérique du Nord britannique » par ses reportages directs et réalistes. « Ma vie a été un combat, écrivit-il dans Narrative of the Fenian invasion, et mon combat a été [celui des] droits de l’homme. »
Alexander Somerville est l’auteur, entre autres, de : The autobiography of a working man (Londres, 1848 ; nouv. éd., John Carswell, édit., 1951 ; réimpr., 1967) ; Canada, a battle ground ; about a kingdom in America (Hamilton, Ontario, 1862) ; Cobdenic policy the internal enemy of England ; the Peace Society, its combativeness ; Mr. Cobden, his secretiveness ; also, a narrative of historical incidents [...] (Londres, 1854) ; Conservative science of nations, (preliminary instalment), being the first complete narrative of Somerville’s diligent life in the service of public safety in Britain (Montréal et Toronto, 1860), paru également sous le titre de : Narrative of an eventful life : a contribution to the conservative science of nations (Hamilton, 1863) ; History of the British Legion and war in Spain, from personal observation and other authentic sources [...] (Londres, 1839) ; Narrative of the Fenian invasion, of Canada [...] (Hamilton, 1866) ; Warnings to the people on street warfare ; a series of weekly letters [...] (7 part., Londres, 1839) ; The whistler at the plough ; containing travels, statistics, and descriptions of scenery & agricultural customs in most parts of England [...] (3 vol., Manchester, Angl., 1852–1853), les vol. II et III portent le titre Free trade and the League : a biographic history [...] ; Workingman’s witness against the London literary infidels (s.l., 1857). D’autres ouvrages sont répertoriés dans British Museum general catalogue.
Canadian Illustrated News, 1869–1872.— Canadian Illustrated News (Hamilton), 1862–1864.— Church Herald (Toronto), 1873–1875.— Morning Chronicle (Québec), juin 1859.— Quebec Mercury, 1859.— DNB.— Dominion annual register, 1885.— Morgan, Bibliotheca Canadensis, 355.— W. J. Rattray, The Scot in British North America (4 vol., Toronto, 1880–1884).— W. M. Sandison, « Alexander Somerville » , Border Magazine (Édimbourg), 18 (1913) : 49–55.
Elizabeth Waterston, « SOMERVILLE, ALEXANDER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/somerville_alexander_11F.html.
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Auteur de l'article: | Elizabeth Waterston |
Titre de l'article: | SOMERVILLE, ALEXANDER |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |