Provenance : Lien
ALLENOU DE LAVILLANGEVIN, RENÉ-JEAN, chanoine, grand vicaire, théologal et official, né en 1685 ou 1686 à Pordic (dép. des Côtes-du-Nord, France), dans un petit manoir appelé La Ville-Angevin, décédé à Québec le 16 novembre 1753.
René-Jean Allenou de Lavillangevin, qui était, selon Mgr de Pontbriand [Dubreil], un « homme de bonne maison » fut ordonné prêtre en 1711. Il ne détenait pas de grade en théologie, même s’il avait poursuivi des études théologiques pendant quatre ans chez les jésuites au collège Louis-le-Grand. Il était sans doute bon prédicateur, puisqu’on lui accorda les plus amples pouvoirs pour prêcher et confesser dans les diocèses de Bretagne. Par la suite, il devint recteur de Plérin, dans le diocèse de Saint-Brieuc, et s’occupa de la communauté des Filles du Saint-Esprit, fondée par son oncle, Jean Leuduger. Il en rédigea les règles définitives et en prit si grand soin qu’en 1768 les annales de la communauté parlent d’Allenou de Lavillangevin comme de leur « saint fondateur ». Lorsqu’il décida, en 1741, d’aller dans « les missions lointaines » du Canada, renonçant ainsi à « un bénéfice considérable », l’ancien recteur de Plérin, ainsi qu’il aimait à se désigner, avait à son crédit 30 années de fructueux ministère en France.
C’est le 29 août 1741 que le missionnaire arrive à Québec avec Mgr de Pontbriand qui l’a invité à le suivre. Des liens d’amitié unissaient l’ancien recteur de Plérin, dans la cinquantaine, et le jeune évêque, dans la trentaine, et celui-ci réservait à son vieil ami des tâches très importantes. Deux jours plus tard, en effet, Allenou de Lavillangevin est fait chanoine de la cathédrale de Québec, puis vicaire général de l’évêque et official du diocèse. Le nouveau chanoine laisse l’évêque disposer de ses bénéfices canadiens, vivant de ce qu’il a apporté de France, sans faire de « folles dépenses », et, jusqu’en 1750, il vivra au palais épiscopal avec l’évêque qui lui fait pleine confiance. Devenu théologal du chapitre en 1747, à la suite du décès de François-Elzéar Vallier, conseiller clerc au Conseil supérieur et supérieur du séminaire, Allenou de Lavillangevin veut prendre son rôle au sérieux et assumer toutes les fonctions que le droit reconnaît au théologal qui est spécialement chargé d’enseigner la théologie et l’Écriture Sainte aux ecclésiastiques et de prêcher dans l’église cathédrale. Les exigences du nouveau théologal en étonnent plusieurs. À Québec, la dignité de théologal n’a toujours été qu’un titre car, depuis l’épiscopat de Mgr de Laval*, on choisissait parmi les directeurs du séminaire, qui étaient aussi membres du chapitre, le titulaire de la cure de Québec. Ce dernier devenait, selon la coutume, le prédicateur ordinaire de la cathédrale puisqu’il était celui de l’église paroissiale. En réclamant plus particulièrement ce droit, le nouveau théologal posait un problème à Pontbriand qui ne pouvait lui refuser catégoriquement ce droit.
En cédant aux exigences d’Allenou, l’évêque va vexer le séminaire et les jésuites, qui ont toujours eu la main haute sur l’enseignement de la théologie, et aussi le nouveau curé de Québec, Jean-Félix Récher, qui prétend, conformément à la coutume, être le prédicateur ordinaire dans la cathédrale servant aussi d’église paroissiale. Selon son habitude, dans les circonstances difficiles, Pontbriand se résout au compromis en permettant au théologal de prêcher seulement à l’occasion de 13 grandes fêtes durant l’année et en l’autorisant à faire trois conférences théologiques par semaine. Le théologal pourra obliger les chanoines à y assister et Pontbriand se réserve le droit d’obliger ou non les ecclésiastiques de la ville et les séminaristes à y assister. Il doit cependant louer à ses frais une salle assez grande pour recevoir son auditoire et admettre gratuitement ceux qui viennent l’écouter (A.-H. Gosselin* prétend que c’est cet incident qui a occasionné la rupture ou, tout au moins, le début des difficultés entre le théologal et Pontbriand ; il n’en est rien, puisque, après cette affaire, les faits prouvent que la confiance règne encore entre les deux hommes). Ce n’est qu’en 1750, à l’occasion de la dispute entre le chapitre et le séminaire à propos de la cure de Québec [V. Récher ; Charles-Antoine Godefroy de Tonnancour] que les deux vieux amis divergent d’opinion et en viennent, pour ce qui est de l’évêque du moins, à une rupture qui signifie dès lors la disgrâce de l’ancien recteur de Plérin.
Avec l’approbation du chapitre, désireux de connaître ses droits et ses devoirs concernant la cure de Québec, l’évêque charge Allenou de Lavillangevin de « mettre en ordre et d’examiner » les papiers du chapitre. Entre autres documents, on découvre la bulle de Clément X de 1674, bulle qui, en plus d’ériger le diocèse de Québec, supprimait l’église paroissiale pour en faire la cathédrale et donnait au chapitre les plus amples pouvoirs sur le temporel de cette église ainsi que le soin de la desservir. Cette découverte va amener le chapitre, Lavillangevin en tête, dans une lutte interminable pour entrer dans ses droits sur le temporel et le ministère de l’église cathédrale de Québec. Du 12 janvier au 27 février 1750, le chapitre tient cinq assemblées sous la présidence de Lavillangevin. Ce dernier décide d’en appeler au Conseil supérieur afin de revendiquer les droits du chapitre, malgré le compromis proposé par l’évêque, qui voudrait éviter tant de bruit. Pontbriand suggère aux directeurs du séminaire et aux chanoines soit de s’entendre entre eux soit de s’en remettre à un arbitre. L’affaire est entendue et les chanoines perdent leurs procès en ce qui a trait à la collation de la cure ; le 16 octobre 1750, ils sont condamnés à l’amende et aux dépens. La question de la propriété de la cathédrale est alors portée en France.
Entre-temps, Pontbriand avait tenté de faire entendre raison au théologal du chapitre qui habitait chez lui, mais l’ancien recteur de Plérin tenait plus aux droits du chapitre qu’à l’amitié de l’évêque ou, plus exactement, il ne voulait renoncer ni aux uns ni à l’autre. L’évêque le chassa du palais épiscopal, considérant le théologal comme le principal animateur du chapitre dans la présente lutte. Allenou de Lavillangevin perdait ainsi l’amitié de son évêque et, malgré l’opposition de ce dernier, il trouva refuge chez les jésuites. Il continua toutefois de se rendre quotidiennement à l’office canonial et, les jours convenus, aux assemblées capitulaires. Il soutint avec vigueur les intérêts du chapitre et conserva l’estime des autres chanoines. Protestant de son amitié et de sa soumission envers son évêque, il affirma n’avoir fait que son devoir : « je ne crois pas avoir rien fait ni contre mon devoir ni contre le respect que je dois à Votre Grandeur que j’aime toujours et que j’honore infiniment ». En 1752, il songea à repasser en France, mais la maladie le retint au Canada où il mourut le 16 novembre 1753. Pontbriand consentit à lui administrer les derniers sacrements et daigna assister à ses funérailles célébrées le 17 novembre.
Les chanoines de Québec lui rendirent le plus beau témoignage d’estime. « Nous le regardions, dirent-ils, à juste titre comme notre père et nous le regrettons de même. » N’eût été l’affaire qui survint entre le chapitre et le séminaire et qui se régla forcément avec la Conquête, Pontbriand lui-même aurait témoigné de son mérite. De toute façon l’historien ne peut que reconnaître sa droiture et sa sincérité, et le recul du temps permet d’affirmer que le conflit dans lequel l’ancien recteur de Plérin s’engagea ne tenait pas tant aux personnes en place, mais plutôt au droit particulier qui régissait à cette époque l’Église de Québec et aux changements qui s’étaient produits depuis l’institution de ce droit.
AAQ, 10 B, Registre des délibérations.— Lettres et mémoires de l’abbé de l’Isle-Dieu, RAPQ, 1935–1936 ; 1936–1937.
Il n’existe pas, à notre connaissance, d’ouvrage spécialement consacré à René-Jean Allenou de Lavillangevin. On trouve cependant des passages intéressants sur ce personnage dans les ouvrages suivants : Paul-Marie Du Breil de Pontbriand, Le dernier évêque du Canada français, Monseigneur de Pontbriand, 1740–1760 (Paris, 1910).— Gosselin, L’Église du Canada jusqu’à la conquête, III.— Henri Têtu, Notices biographiques : les évêques de Québec (Québec, 1889) ; Le chapitre de la cathédrale de Québec et ses délégués en France, BRH, XIV (1908) : 134, 200, 202, 259, 263 ; XV (1909) : 68, 75s. ; XVI (1910) : 138 ; M. Jean-Félix Récher, curé de Québec, et son journal, 1757–1760, BRH, IX (1903) : 101 ; Souvenirs d’un voyage en Bretagne, BRH, XVII (1911) : 133, 138. [j.-g. l]
Jean-Guy Lavallée, « ALLENOU DE LAVILLANGEVIN, RENÉ-JEAN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 10 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/allenou_de_lavillangevin_rene_jean_3F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/allenou_de_lavillangevin_rene_jean_3F.html |
Auteur de l'article: | Jean-Guy Lavallée |
Titre de l'article: | ALLENOU DE LAVILLANGEVIN, RENÉ-JEAN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1974 |
Année de la révision: | 1974 |
Date de consultation: | 10 nov. 2024 |