BAILLY, JOSEPH (baptisé Honoré-Gratien-Joseph Bailly de Messein), trafiquant de fourrures, né le 7 avril 1774 à Varennes (Québec), fils de Michel Bailly de Messein et de Geneviève Aubert de Gaspé ; décédé le 21 décembre 1835 dans le comté de Porter, Indiana.

Le père de Joseph Bailly était descendant d’un noble français qui devint officier dans les troupes de la Marine. Le frère de son père, Charles-François Bailly* de Messein, fut coadjuteur de l’évêque de Québec. Sa mère, fille d’Ignace-Philippe Aubert* de Gaspé, seigneur de Port-Joly, était également issue de grandes familles.

Dès la fin de 1796, un peu plus d’un an après la mort de son père, Bailly faisait la traite des fourrures à Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan). En quelques années, il organisa un impressionnant réseau de traite en ouvrant des postes sur la rivière Grand et à St Joseph (Michigan), à Kankakee (Illinois) et à Wabash (Indiana). Ayant obtenu des permis pour faire la traite en territoire américain, Bailly et Dominique Rousseau envoyèrent en 1802 un canot de marchandises à Grand Portage (près de Grand Portage, Minnesota), à l’extrémité ouest du lac Supérieur, mais leurs hommes furent repoussés par Duncan McGillivray*, de la North West Company, laquelle occupait le fort situé à cet endroit. Bailly et Rousseau entamèrent contre McGillivray une poursuite devant la Cour du banc du roi, qui se prononça en leur faveur. Ce fut peut-être ce jugement qui poussa la North West Company à s’installer dans une région où la suprématie des Britanniques n’était pas menacée. Pendant les deux décennies qui suivirent, Bailly étendit son réseau de traite à partir de Michillimakinac. Il se rendait souvent à Montréal et à Detroit pour s’approvisionner.

Au début de la guerre de 1812, Bailly, sur l’ordre du capitaine Charles Roberts*, transporta des marchandises de l’île St Joseph (Ontario) à Michillimakinac. En mars 1813, Robert Dickson, surintendant des nations indiennes de l’Ouest, lui demanda de recruter des guerriers indiens pour les Britanniques, mission dont il déclara plus tard s’être acquitté avec succès, surtout auprès des Miamis, des Potéouatamis, des Outaouais et des Kicapous. Ses démarches finirent par attirer l’attention des troupes américaines, qui pillèrent son poste et le gardèrent prisonnier pendant trois mois avant de le libérer sur parole. Le détachement britannique que le lieutenant-colonel Robert McDouall* avait envoyé à sa recherche le ramena à Michillimakinac puis, ironie du sort, réquisitionna une grande partie des marchandises de traite qui lui restaient. Par la suite, Bailly réclama une indemnité de £978 pour pertes subies au service du gouvernement britannique, « auquel il était attaché autant par principe que par naissance ». Avant la fin de la guerre, il participa à trois engagements contre les Américains à titre de commandant d’un parti d’Indiens.

Vers 1797, Bailly avait épousé à Michillimakinac, probablement à la façon du pays, Bead-way-way (baptisée Angélique), fille du trafiquant de fourrures Patrick McGulpin et d’une Outaouaise. Le couple eut au moins six enfants et se sépara avant 1810. D’après la tradition familiale, Bead-way-way « se vouait secrètement à l’esprit des ténèbres ». Fervent catholique, Bailly avait tenté de la convertir, mais en vain. Vers 1810, il épousa à la façon du pays Marie Lefèvre, fille d’une Outaouaise et d’un trafiquant de la rivière Raisin, dans le Michigan. Elle avait un enfant d’un précédent mariage et en eut cinq autres avec Bailly. Celui-ci tira de chacun de ses mariages un supplément d’influence et de relations qui l’aida dans ses entreprises commerciales.

Elizabeth Thérèse Baird, qui fut parmi les premiers colons à s’établir dans l’île Mackinac, a dit de Bailly qu’il était instruit, « ni doux ni grossier, mais bruyant » ; c’était, poursuivait-elle, « un homme à l’humeur exceptionnellement bonne, qui aimait recevoir ses amis ». En 1822, Bailly installa sa famille dans un poste situé à l’extrémité sud du lac Michigan, du côté nord de la rivière Calumet, près de l’endroit où se trouve maintenant Porter, dans l’Indiana. Seul poste sur la route stratégique qui reliait Detroit et Chicago, c’était un excellent point de traite ; Bailly y construisit une chapelle pour les Indiens et autres voyageurs. Il possédait plusieurs milliers d’acres de terre dans les environs et était connu pour son hospitalité ; tous les membres de sa famille étaient d’ailleurs réputés pour leur gentillesse. Dès la fin des années 1820, il était propriétaire d’un deuxième poste à Baton Rouge, en Louisiane, où il passait plusieurs mois par an et d’où il envoyait directement des peaux et des fourrures en France.

Bailly, sa femme et les enfants issus de leurs deux mariages obtinrent une quantité considérable d’argent et de terres dans l’Illinois et l’Indiana, en vertu des traités conclus avec les Outaouais au début des années 1830. Outre ses postes de traite, Bailly était engagé dans d’autres affaires commerciales. Il avait quelques actions dans le vapeur Michigan, dont le port d’attache était Detroit, et il délimita près de son poste de la rivière Calumet le village de Bailly, qui ne vit cependant jamais le jour. Après sa mort, sa succession fut évaluée à 2 600 $. Ses enfants avaient reçu une bonne instruction. Alexis, qui avait fréquenté une école de Montréal pendant quelques années, devint le représentant de l’American Fur Company à Mendota (Minnesota) et fut élu à la première Assemblée législative du territoire du Minnesota ; en 1826, il épousa Lucie-Anne Faribault, fille du trafiquant de fourrures Jean-Baptiste Faribault*. Un autre fils fut envoyé dans la mission baptiste située non loin du poste, à Niles, au Michigan. Toute la famille utilisait la riche bibliothèque que Bailly avait constituée et qui contenait des ouvrages d’histoire, de fiction et de poésie.

Comme plusieurs autres Canadiens issus de grandes familles, Joseph Bailly devint un important trafiquant de fourrures de l’Ouest. Il fut aussi le plus grand pionnier du nord de l’Indiana.

Donald Chaput

Le roman de Julia Cooley Altrocchi, Wolves against the moon (New York, 1940), est basé sur la vie de Joseph Bailly. Quoique intéressant, il ne fait pas mention de la première épouse de Bailly ni de son fils Alexis et il décrit la vie de Bailly comme une lutte constante contre le vilain « Maurice Rastel », qui serait Pierre Rastel* de Rocheblave.  [d. c.]

ANQ-M, CE1-10, 7 avril 1774.— APC, RG 8, I (C sér.), 88 : 13–21.— Chicago Hist. Soc., L. P. Brock, « Joseph Bailly de Messein, born – Québec, Canada – 1774 ; died – Bailly Homestead, Indiana – 1835 » (1922).— Ind. State Library (Indianapolis), Ind. Division, Joseph Bailly ms. coll.— É.-U., Congress, Indian affairs : laws and treaties, C. J. Kappler, compil. et édit. (2 vol., Washington, 1904), 2 : 353, 374, 405–406.— « The Mackinac register », R. G. Thwaites, édit., Wis., State Hist. Soc., Coll., 19 (1910) : 110–111, 141.— G. A. Brennan, The wonders of the dunes (Indianapolis, Ind., 1923).— F. R. Howe, The story of a French homestead in old northwest (Columbus, Ohio, 1907).— Otho Winger, The Potawatomi Indians (Elgin, Ill., 1939).— E. C. Bailly, « The French-Canadian background of a Minnesota pioneer – Alexis Bailly », BRH, 55 (1949) : 137–155 ; « Genealogy of the Bailly de Messein family in the United States », BRH, 56 (1950) : 180–195 ; 57 (1951) : 27–38, 77–100.— « La Famille Bailly de Messein », BRH, 23 (1917) : 193–206, 225–239, 257–274.— E. T. [Fisher] Baird, « Réminiscences of early days on Mackinac Island », Wis., State Hist. Soc., Coll., 14 (1898) : 17–64.

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Donald Chaput, « BAILLY, JOSEPH (baptisé Honoré-Gratien-Joseph Bailly de Messein) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bailly_joseph_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
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