BORNEUF, JOSEPH, prêtre, sulpicien et procureur, né le 26 septembre 1762 à Québec, fils de Pierre Borneuf, marchand, et de Marie-Madeleine Degrés ; décédé le 15 novembre 1819 au séminaire de Saint-Sulpice à Montréal.

Après ses études au petit séminaire de Québec, Joseph Borneuf, âgé de 22 ans, entre au grand séminaire. Il y acquiert une formation spirituelle et théologique très proche de celle que transmettent â la même époque les séminaires non jansénistes de France, et qui se caractérise par le manque d’innovation, la désuétude et la superficialité. Au terme de ses études théologiques, pendant lesquelles il avait enseigné dans le milieu très rigoriste du petit séminaire, Borneuf est ordonné prêtre par Mgr Briand*, le 8 octobre 1786. L’année suivante, en compagnie de cinq autres Canadiens, dont Michel Leclerc et Jean-Baptiste Marchand*, il entre au séminaire de Saint-Sulpice à Montréal, où il est agrégé le 21 octobre 1788.

Avec cet afflux de nouvelles recrues, le séminaire devient en majorité canadien ; c’est presque à son corps défendant, puisque le supérieur Étienne Montgolfier* et Gabriel-Jean Brassier* ont tenté, mais en vain, de faire venir des sulpiciens de France afin de conserver au séminaire une majorité française. Cette situation, compte tenu de l’âge avancé des derniers sulpiciens français venus avant la Conquête, place les jeunes Canadiens en bonne position pour accéder à de hautes responsabilités selon le vœu même des évêques de Québec. En 1793, par exemple, Mgr Hubert* propose de nommer Borneuf à la cure de Montréal. Le séminaire, responsable de cette nomination, choisit pour occuper cette fonction le Français Candide-Michel Le Saulnier*, arrivé cette année-là, de préférence à Borneuf. De plus, la Révolution française, qui amène les autorités britanniques à relâcher leur opposition au recrutement des ecclésiastiques français [V. Gabriel-Jean Brassier], provoque l’immigration de 11 nouveaux sulpiciens français en 1794. Cet apport redonne aux Français leur supériorité numérique, reléguant du même coup les Canadiens à des postes importants mais dépourvus de prestige et de pouvoir. Dès lors, la carrière ecclésiastique de Borneuf est entièrement consacrée à l’administration des biens seigneuriaux des sulpiciens, sous la direction ferme de supérieurs français : Brassier d’abord, sous lequel Borneuf semble jouir d’une grande initiative, puis Jean-Henri-Auguste Roux* qui monopolise tous les pouvoirs.

Il semble bien que dès 1789 Borneuf avait agi comme procureur en se mêlant directement à la lutte juridique concernant les droits seigneuriaux de Saint-Sulpice que les autorités britanniques laisseront se développer jusqu’à la fin du premier tiers du xixe siècle. Les avocats chargés de défendre ces droits contre des censitaires qui les contestent consultent Borneuf, le tiennent au courant de l’évolution des causes et lui réclament le paiement de leurs honoraires. Celui-ci s’occupe également de la collecte et de l’administration des fonds qui proviennent des droits de cens et rentes, de lods et ventes ainsi que de l’activité des moulins de l’île de Montréal, dont le monopole appartient au séminaire. Malgré qu’il soit encore impossible de dresser un tableau complet de l’activité économique dont Borneuf avait la responsabilité, on constate qu’en 1799, 93 p. cent des revenus des sulpiciens proviennent des différents droits seigneuriaux et que la dîme fournit moins de 2 p. cent des entrées de fonds. Cette année-là, la répartition des dépenses s’établit comme suit : 60 p. cent vont à l’entretien du séminaire et de ses membres, 26 p. cent aux services sociaux et à l’éducation, 5 p. cent couvrent les frais juridiques, et le reste est affecté à divers autres usages. En 1815, vers la fin du mandat de Borneuf, le séminaire, autant pour subvenir aux besoins de la population que pour justifier ses énormes revenus auprès du gouvernement britannique, double les sommes consacrées à l’éducation et aux bonnes œuvres.

Borneuf, pour des motifs inconnus, avait démissionné de son poste de procureur en 1796 et avait été réintégré dans cette fonction trois ans plus tard. Cependant, au début du xixe siècle, les prêtres français du séminaire étaient suffisamment au courant de la réalité montréalaise pour prendre en main toute la situation. Aussi ne découvre-t-on plus guère de traces de l’activité de Borneuf. Sur le plan pastoral, il reste confiné à la fonction modeste de confesseur à l’église Notre-Dame, chez les religieuses de l’Hôtel-Dieu, de même que chez celles de la Congrégation de Notre-Dame dont il est aussi l’aumônier de 1796 à 1798. Outre ces charges, Borneuf est nommé, en 1794, pour assister aux séances de l’Association, fondée cette année-là pour appuyer le gouvernement britannique.

Joseph Borneuf, collaborateur discret et fiable, meurt le 15 novembre 1819, avant que ne débute la longue crise issue de l’accession à l’épiscopat et de l’activité montréalaise de Jean-Jacques Lartigue*, un confrère canadien du séminaire.

Louis Rousseau

ANQ-Q, CE1-1, 26 sept. 1762.— ASSM, 21, papiers Borneuf ; 33, 17 nov. 1819.— « L’Association loyale de Montréal », ANQ Rapport, 1948–1949 : 261.— Caron, « Inv. de la corr. de Mgr Hubert et de Mgr Bailly de Messein », ANQ Rapport, 1930–1931 : 211, 296 ; « Inv. de la corr. de Mgr Mariaucheau d’Esgly » : 192.— Desrosiers, « Corr. de cinq vicaires généraux», ANQ Rapport, 1947–1948 : 113s., 121, 123.— Gauthier, Sulpitiana.— Tanguay, Dictionnaire, 2 : 360.— Lemire-Marsolais et Lambert, Hist. de la CND de Montréal, 6 : 312.— Louis Rousseau, La prédication à Montréal de 1800 à 1830 ; approche religiologique (Montréal, 1976).

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Louis Rousseau, « BORNEUF, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/borneuf_joseph_5F.html.

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Auteur de l'article:    Louis Rousseau
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
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