BUISSON DE SAINT-COSME, JEAN-FRANÇOIS (baptisé Bysson), prêtre du séminaire de Québec, fondateur de la mission de la Sainte-Famille des Tamarois (Cahokia, Ill.), né le 30 janvier 1667 et baptisé le 6 février suivant, à Lauson, de Michel Buisson (Bisson) dit Saint-Cosme et de Suzanne Delicérasse (de Lizeiras), mort en 1706 au Mississippi.

La famille Buisson était originaire de Saint-Cosme-de-Vair (Sarthe), en France [V. Jean-François Buisson de Saint-Cosme (1660–1712)]. Ce toponyme qui accompagnait souvent, sans virgules, le nom des Buisson, pour indiquer leur provenance, finit par faire partie de leur patronyme. Expliquant cette particularité onomastique dans un article sur « Les Buisson de Saint-Cosme, prêtres », Mgr Amédée Gosselin écrit au sujet du missionnaire Jean-François : « Il était fils de Michel Buisson, de Saint-Cosme, naturellement, et de Suzanne [...] ». C’est probablement cette phrase mal comprise qui fit dire à l’historien John C. Webster, en se basant sur Gosselin, que notre personnage était un enfant naturel, alors qu’il naquit trois ans après le mariage de ses parents.

À l’âge de huit ans, il entrait au petit séminaire de Québec, et recevait le sacerdoce en 1690. En choisissant de servir l’Église, il avait suivi une vocation pour ainsi dire familiale. En effet, son frère cadet Michel devint également prêtre, sa sœur Marie-Françoise entra chez les religieuses de l’Hôtel-Dieu et une autre sœur, non identifiée, reçut l’habit de la congrégation de Notre-Dame des mains de Mgr de Saint-Vallier [La Croix]. Quant aux parents, ils quittèrent l’état de colon aisé pour se « donner » au séminaire de Québec dont ils administrèrent la ferme de l’île Jésus.

Buisson de Saint-Cosme fut curé de la paroisse des Mines (Grand-Pré), en Acadie, de 1692 (ou plus tôt) à 1697, à l’époque orageuse de l’administration du gouverneur Joseph Robinau* de Villebon. Il servit aussi peu de temps comme aumônier auprès des Micmacs (Mi’gmaqs). Comme d’autres prêtres de la colonie, il fut accusé d’ingérence dans les affaires temporelles. On parla même de demander son rappel. Parallèlement, certains de ses supérieurs se disaient affligés de ses « dispositions » et de son « fonds de suffisance » que ne pouvaient racheter des talents modestes.

On ne l’en choisit pas moins pour devenir un des pionniers de l’œuvre missionnaire du séminaire de Québec dans la vallée du Mississippi [V. Albert Davion]. Dans le but de servir de liaison entre la mission des Taensas et Québec, distants l’une de l’autre de 1 000 lieues (environ 2 760 milles), Buisson de Saint-Cosme s’établit, en avril 1699, chez les Tamarois, sur la rive gauche du Mississippi, à six lieues en aval du confluent du Missouri.

Son église était à peine achevée que survenait, en mai, le père Julien Binneteau dépêché de Pimiteoui (Peoria) par les Jésuites qui ne voyaient pas d’un bon œil les membres des Missions étrangères venir chasser sur leurs terres. Car la Société de Jésus considérait comme faisant partie de sa mission illinoise un village qui en était éloigné de quelque 220 milles (80 lieues), et qui n’avait jamais été évangélisé, aux dires des prêtres du séminaire et de l’explorateur Henri Tonty. Les adversaires de Saint-Cosme revendiquaient un droit de priorité à l’apostolat des Tamarois en raison, notamment, des « missions volantes » qu’ils avaient faites chez ces Autochtones lorsque ces derniers venaient à Pimiteoui ou durant leurs déplacements estivaux. Aussi les Jésuites récusaient-ils les lettres patentes du 14 juillet 1698 par lesquelles Mgr de Saint-Vallier autorisait officiellement les directeurs du séminaire de Québec à ouvrir une mission en pays tamarois au cas où, précisait l’évêque, « d’autres missionaires qui ne Seroient pas de leur Corps pretendroient peutestre en vertu des lettres patentes a eux par nous cydevant accordées les exclure du droit de Sétablir et faire des missions chez les Sauvages dits Tamarois ».

Le père Binneteau entra donc ouvertement en rivalité avec Saint-Cosme. Selon ce dernier, le jésuite mit tout en œuvre pour l’empêcher d’apprendre les prières et le catéchisme en langue illinoise. Le père Jacques Gravier lui interdit même formellement d’exercer tout ministère, tant auprès des Français qu’auprès des membres des nations autochtones.

Marc Bergier ayant pris la relève de Saint-Cosme à la mission de la Sainte-Famille, ce dernier s’en fut au bas Mississippi en juillet 1700. Il remplaça le grand vicaire François de Montigny* chez les Natchez. Son apostolat y fut infructueux en raison de ses piètres dons pour les langues, de la dispersion des Natchez et de leurs croyances qui les rendaient peu perméables au message évangélique. Ajoutons qu’il ne portait pas les Autochtones dans son cœur et réclamait même des domestiques « capables de faire fasce au plus méchant Sauvage » car, disait-il, « Il est fâcheux à un missionaire d’estre obligé de faire le Coup depoint contre un Sauvage ».

Ses pressentiments étaient fondés puisqu’il fut tué à coups de flèches par des Tchitimachas (ou Chétimachas) à la fin de 1706, en descendant à Mobile. Après sa mort on aurait découvert, rapporte un document de la Bibliothèque nationale de France dont la provenance et l’auteur semblent inconnus, qu’il était l’amant d’une femme de la famille du Grand Soleil des Natchez. Il en aurait même eu un fils, ce chef natchez nommé Saint-Cosme qui, en 1729, dirigea l’attaque meurtrière des Français par sa nation. La discussion sur cette relation intime et l’interprétation de ce document perdurent cependant dans l’historiographie.

Ces assertions peuvent paraître plutôt piquantes si l’on considère l’intransigeance dont le missionnaire faisait preuve, envers son entourage, sur le chapitre des mœurs, et la vigueur avec laquelle il stigmatisait, tout au long de sa correspondance, les débauches des Français et la corruption des Autochtones.

Céline Dupré

ASQ, Lettres, M, 30, 37 ; Lettres, N, 114, 117, 121, 122 ; Lettres, O, 7, 12, 49 ; Lettres, R, 26–40 (Correspondance de Buisson de Saint-Cosme du 30 août 1698 au 8 janv. 1706), 53, 82 ; Missions, 49 ; mss, 29, Histoire du séminaire de Québec, par J.-A. Tachereau ; Polygraphie, IX : 17, 24, 25.— BN, mss, NAF 2 550, f.115.— Découvertes et établissements des Français (Margry), IV : 250 ; V : 408, 433–435.— Fleur de Lys and Calumet : being the Pénicaut narrative of a French adventure in Louisiana, R. G. McWilliams, édit. et trad. (Baton Rouge, Louisiane, 1953), 70s.— JR (Thwaites), passim.— Caron, Inventaire de documents, RAPQ, 1939–40 et 1940–41.— N. Baillargeon, Les missions du séminaire de Québec dans la vallée du Mississipi, 1698–1699, RAQ, 1965 : 13–56. Webster, Acadia, 194.— Godbout, Nos ancêtres, RAPQ, 1955–57 : 438ss.— Jean Delanglez, French Jésuits in Louisiana, 63.— Giraud, Histoire de la Louisiane française, I : passim.— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe siècle, III : 538s., 567 ; Les Jésuites et la N.-F. au XVIIIe siècle, I : 258–260.— Amédée Gosselin, Les Buisson de Saint-Cosme, prêtres, BRH, XXX (1924) : 195–198.

Bibliographie de la version modifiée :
Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. de Québec, CE301-S1, 6 févr. 1667.— L. C. Jones, The shattered cross: French Catholic missionaries on the Mississippi river, 1698–1725 (Baton Rouge, La, 2020).

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Céline Dupré, « BUISSON DE SAINT-COSME, JEAN-FRANÇOIS (1667-1706) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/buisson_de_saint_cosme_jean_francois_1667_1706_2F.html.

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Auteur de l'article:    Céline Dupré
Titre de l'article:    BUISSON DE SAINT-COSME, JEAN-FRANÇOIS (1667-1706)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    2023
Date de consultation:    2 oct. 2024