COOKE, THOMAS, prêtre catholique, missionnaire, évêque, né à Pointe-du-Lac, Bas-Canada, le 9 février 1792, fils aîné de John Thomas Cooke et d’Isabelle Guay, décédé à Trois-Rivières le 31 mars 1870.

Originaire d’Irlande, le père de Thomas s’enfuit de chez lui et s’embarque clandestinement sur un navire en partance pour le Canada. Le capitaine le découvre bientôt et, à son arrivée à Montréal, le confie au commandant de l’île Sainte-Hélène qui lui fait apprendre le métier de meunier. Vers 1790, John Thomas Cooke arrive à Pointe-du-Lac où il travaille au moulin du seigneur Nicolas Montour*, avant d’être meunier au Cap-de-la-Madeleine et de mourir assassiné en décembre 1808.

À cette date, Thomas était déjà pensionnaire au grand séminaire de Québec. Le curé Urbain Orfroy l’avait initié aux rudiments du français et du latin avant de l’envoyer en 1804 au collège de Nicolet qui ouvrait ses portes. Thomas s’y était révélé « ingénieux et vertueux », et ses supérieurs l’avaient invité à faire sa philosophie au séminaire de Québec à partir de l’automne de 1808. Un an après, Mgr Joseph-Octave Plessis* le nomme professeur de latin et procureur au nouveau collège de Saint-Hyacinthe. Il revient au grand séminaire de Québec en 1811 et, tout en étudiant la théologie, il fait office de régent et de professeur au petit séminaire. Mgr Plessis l’ordonne prêtre le 11 septembre 1814.

Le nouveau prêtre est aussitôt engagé dans un ministère absorbant. Vicaire à Rivière-Ouelle, il est en même temps secrétaire du curé, Mgr Bernard-Claude Panet*, coadjuteur de l’évêque de Québec. En quatre ans, il présidera à 508 baptêmes, 125 mariages et 221 sépultures, en plus de s’occuper de la très grosse correspondance du coadjuteur. Satisfait de son travail, Mgr Plessis le nomme, à l’automne de 1817, missionnaire à la baie des Chaleurs. L’abbé Cooke s’installe immédiatement à Caraquet, au Nouveau-Brunswick, d’où il rayonnera dans les missions confiées à ses soins, de Belledune à la baie du Vin. Pendant les six ans de son ministère, il parcourt sans cesse son immense territoire pour apporter les secours de la religion aux quelque 1 000 habitants dispersés. Il évangélise et morigène cette population disparate composée de Micmacs, d’Acadiens, d’Irlandais et d’Écossais et ne craint pas de recourir aux moyens extrêmes (expulsion de l’église, volée de verges) pour corriger l’ivrognerie et la vie légère ; se faisant bâtisseur, il met en chantier ou termine cinq églises et deux presbytères. Le jeune missionnaire se dépense tellement que sa santé en est affectée et qu’il doit demander son rappel en 1822. Il quitte définitivement Caraquet en novembre 1823.

Après un repos de quelques mois à Pointe-du-Lac, l’abbé Cooke est nommé curé de Saint-Ambroise-de-la-Jeune-Lorette (Loretteville) avec charge de la mission indienne de la paroisse et de l’établissement irlandais de Valcartier. Il y passe les plus belles années de sa vie. Ses paroissiens apprécient sa piété et sa charité ; lui-même se dévoue sans compter auprès des Blancs et surtout des Indiens qu’il affectionne particulièrement ; pour se reposer, il fait l’école aux jeunes Canadiens et Hurons et accompagne des militaires dans leurs excursions de pêche, se révélant bon compagnon, « gai, taquin, chansonnier même, du moment qu’il [a] mis le pied dans un canot de pêche ». Au retour, il n’en continue pas moins de conduire sa paroisse « comme une communauté religieuse ».

Cette réputation incite l’évêque de Québec à le nommer curé de Trois-Rivières, paroisse qui laisse à désirer sous le rapport de la piété et du bon ordre. L’abbé Cooke y arrive en septembre 1835 avec les titres de curé de Trois-Rivières et Cap-de-la-Madeleine, de vicaire général et membre de la corporation du séminaire de Nicolet. Il se met immédiatement au travail. Au témoignage d’un contemporain, « il était ingénieux à se servir de tout [retraites, indulgences, confréries] pour arriver à ses fins : l’amendement, la sanctification de son troupeau ». C’est ainsi qu’il fait venir chez lui l’abbé Charles-Paschal-Télesphore Chiniquy* et Mgr Charles-Auguste-Marie-Joseph de Forbin-Janson* qui, par leur éloquence, bouleversent les Trifluviens et inaugurent là comme ailleurs au Bas-Canada une ère de restauration catholique.

Le 8 juin 1852, Thomas Cooke est nommé premier évêque du diocèse de Trois-Rivières et est sacré le 18 octobre. Le diocèse s’étendait de Maskinongé à Sainte-Anne-de-la-Pérade, d’Yamaska à Saint-Pierre-les-Becquets et du haut Saint-Maurice à la frontière américaine. Cette nouvelle fonction ne le change guère : il demeure curé et pasteur avant tout. Sans perdre sa politesse avec les laïcs et sa douceur avec les enfants, Mgr Cooke devient de plus en plus exigeant pour lui-même et pour les autres. Irlandais bouillant, il s’emporte facilement et il foudroie les délinquants sans ménagement et sans détour mais ses colères se terminent presque toujours par un rire sonore qui déconcerte ceux qui ne le connaissent pas intimement ; spirituel et fin causeur, il émaille sa conversation de réparties adroites et piquantes qui dépassent parfois les bornes. Sa charité est demeurée proverbiale à Trois-Rivières où il s’est toujours révélé homme d’ordre et de justice. Mgr Cooke se tient éloigné des querelles idéologiques car, selon un contemporain, « il comprenait peu de choses aux questions qui passionn[ai]ent tant les esprits ». Ainsi, en 1863, lorsqu’il est forcé de prendre position à propos de la fondation d’une université catholique à Montréal, il écrit à l’archevêque de Québec : « Je voterai comme Votre Grandeur, si Elle est contre. Elle aura la bonté de m’en donner avis et même de me communiquer un précis des raisons dont je pourrai faire usage dans ma réponse. » En 1867, il laissera son coadjuteur, Mgr Louis-François Laflèche*, rédiger un texte très favorable à la Confédération et il acceptera de le signer même s’il le trouve « trop politique ».

Les réalisations de son épiscopat ne sont pas toutes spectaculaires, car Mgr Cooke a d’abord voulu organiser le nouveau diocèse. Attentif aux besoins de ses ouailles et de son clergé, il a accordé un soin particulier aux visites pastorales ; pour ses prêtres, il a créé les conférences ecclésiastiques et la retraite annuelle. Malgré l’opposition manifeste d’une partie du clergé, qui favorisait le développement du collège de Nicolet, et des fidèles déjà suffisamment endettés, il a laissé se fonder le collège de Trois-Rivières en 1860 et il s’est engagé à lui fournir le personnel ecclésiastique. La cathédrale de Trois-Rivières est le principal monument qui rappelle son épiscopat. Il en annonce la construction dans un mandement du 16 mars 1854 et invite ses diocésains à contribuer à l’érection de cette église mère. Plusieurs fidèles trouvent la charge trop lourde et protestent. De plus, une spéculation maladroite et une mauvaise administration financière acculent le diocèse à la faillite. En effet, prévoyant la construction du chemin de fer du Nord, le procureur avait acheté un grand nombre d’emplacements à Trois-Rivières. Mais le chemin de fer ne vient pas, les terrains n’augmentent pas de valeur comme prévu et la corporation épiscopale est obligée de vendre à vil prix. La construction est tout de même entreprise et la cathédrale est consacrée le 29 septembre 1858. Mais Mgr Cooke est bientôt obligé de faire connaître ses difficultés financières. Son clergé et ses fidèles sont alertés, et l’abbé Louis-François Laflèche est chargé de visiter toutes les paroisses du diocèse et de rencontrer tous les créanciers. Grâce aux dons généreux et aux arrangements à l’amiable, la banqueroute est évitée et la dette de $96 000 sera éteinte dans les années suivantes.

Une autre question d’argent met Mgr Cooke aux prises avec une partie de son clergé. En décembre 1856, il oblige par décret les curés à lui verser 10 p. cent de leurs revenus. Les curés les plus riches, surtout ceux de la rive sud, contestent à l’évêque le droit de les imposer. Le débat prend des proportions dangereuses avant de se résorber par les compromis de 1857 et de 1862 alors que des billets donnés par les curés remplacent le véritable 10 p. cent. Mais il en restera toujours une certaine animosité annonciatrice des grandes manœuvres pour la création d’un diocèse à Nicolet pendant les années 1870–1880.

Ces travaux incessants, ces difficultés continuelles, surtout ces divisions parmi le clergé et les fidèles minent rapidement la santé de l’évêque. De plus en plus brisé par le rhumatisme et affaibli par une maladie de cœur et des maux de jambes, Mgr Cooke cède graduellement ses pouvoirs à son successeur. En septembre 1861, il retire l’abbé Louis-François Laflèche du séminaire de Nicolet pour le nommer procureur de l’évêché et lui donner tous les pouvoirs de régler la situation financière ; en 1867, il se l’adjoint à titre d’évêque coadjuteur cum futura successione et lui confie enfin toute l’administration du diocèse à partir du 11 avril 1869. Désormais Mgr Cooke vit de plus en plus retiré, consacrant ses journées à la méditation et à ses dévotions à la Vierge et à saint Joseph. Il meurt le 31 mars 1870 à l’âge de 78 ans et 1 mois.

Nive Voisine

AAQ, 311 CN, VI.— Archives du séminaire de Nicolet, Lettres des directeurs et autres à l’évêque de Québec, 1814–1874, I–V.— ASTR, Papiers Mgr Albert Tessier, Q 1, C20.— L’Opinion publique, 30 mai, 6 juin 1872, 6 févr. 1879.— Marie-Stanislas-du-S[acré]-C[œur] [Fernande Dessureault], Introduction à une biographie de Mgr Thomas Cooke (thèse de d.e.s., université Laval, 1965).— Les ursulines des Trois-Rivières depuis leur établissement jusqu’à nos jours (4 vol., Trois-Rivières, 1888–1911).— Edgar Godin, Mgr Thomas Cooke, missionnaire de la baie des Chaleurs, 1817–1823, SCHÉC Rapport, 20 (1952–1953) : 43–48.

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Nive Voisine, « COOKE, THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cooke_thomas_9F.html.

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Auteur de l'article:    Nive Voisine
Titre de l'article:    COOKE, THOMAS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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