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DESKAHEH (Levi General), fermier, chef goyogouin et militant, né le 15 mars 1873 dans le canton de Tuscarora, Ontario, fils de William General et de Lydia Burnham ; avant 1898, il épousa Mary Bergen, et ils eurent quatre filles et cinq fils ; décédé le 27 juin 1925 dans la réserve Tuscarora, New York.

Né dans la réserve Six-Nations sur la rivière Grand, Levi General était d’ascendance iroquoise, mais il avait aussi du sang irlando-écossais. Sa mère onneiout et son père goyogouin exploitaient leur propre ferme et travaillaient ailleurs pendant les moissons. Levi était l’un des plus âgés de leurs huit enfants. Même s’il eut des instituteurs chrétiens à l’école élémentaire, il continua de pratiquer la religion de ses ancêtres, la maison longue.

Deux univers religieux coexistaient parmi les Six-Nations (ou ligue iroquoise) : celui des Mohawks, des Onneiouts, des Tuscarorens et des alliés des Iroquois, les Loups (Delawares) par exemple, qui acceptaient le protestantisme, et celui des Tsonnontouans et des Onontagués, fidèles aux enseignements de Skanyátaí.yo? (Handsome Lake), qui avait réformé la religion iroquoise au début du xixe siècle. Chez les Goyogouins, on trouvait à la fois des chrétiens et des adeptes de la maison longue. D’une façon générale, les Iroquois chrétiens étaient tout à fait disposés à s’adapter à la société blanche en pratiquant l’agriculture commerciale et en s’instruisant en anglais. Quant aux adeptes de la maison longue, ils défendaient les pratiques traditionnelles, notamment le régime des chefs héréditaires, l’autonomie et la résistance à la loi de 1876 sur les Indiens. En 1890, environ un quart de la réserve s’identifiait à la religion de la maison longue [V. John Arthur Gibson*]. Le conseil de la Confédération, composé de quelque 75 chefs, devint à cette époque la seule institution où les membres des deux tendances se rencontraient régulièrement. Dès le début du xxe siècle, les chefs avaient réussi à apaiser les différends entre les deux groupes et ils gouvernaient efficacement le territoire de la rivière Grand. Comme le conseil bénéficiait d’un large appui, le ministère des Affaires indiennes n’intervenait pas.

Au sortir de l’école, General avait été bûcheron dans les monts Allegheny, dans l’ouest de New York et en Pennsylvanie. Obligé de rentrer chez lui à cause d’un accident, il se mit à exploiter une ferme près de Millpond, dans le voisinage d’Ohsweken, dans la réserve Six-Nations. Selon un Delaware du nom d’Enos T. Montour, « il avait une bonne maison et une belle famille, des animaux d’élevage et quelques chiens et chats ». Sa femme, Mary, était la fille d’une Goyogouine et d’un non-Indien. Sa première langue était le goyogouin et il prenait une part active aux cérémonies de la maison longue.

Au cours de la Première Guerre mondiale, des dissensions se firent jour au conseil. L’élément modéré, formé en grande partie de chrétiens, favorisait la poursuite de la coopération avec le ministère des Affaires indiennes et un certain degré d’autonomie locale. Par contre, le groupe traditionaliste défendait le régime des chefs héréditaires et réclamait davantage d’autonomie en invoquant l’argument selon lequel une proclamation émise en 1784 par le gouverneur de Québec Frederick Haldimand* donnait aux Iroquois un statut politique spécial. Une troisième faction, extérieure au conseil et composée surtout de soldats iroquois en service en France, envoya une requête à Ottawa en 1917 en faveur d’un conseil électif.

Cette année-là, Louise Miller, la matrone du clan du Jeune Ours, intronisa General chef héréditaire – ou deskaheh – de ce clan goyogouin au conseil des Six-Nations. Orateur éloquent, Deskaheh connaîtrait un avancement rapide : dès 1918, il serait président adjoint du conseil et, en 1922, président. Pendant la guerre, le gouvernement fédéral avait imposé l’enregistrement militaire et la conscription. Après l’armistice, il avait mis de côté des terres de la réserve pour les anciens combattants iroquois et leur avait consenti des hypothèques. Deskaheh et la majorité des chefs dénoncèrent, comme des atteintes à la souveraineté des Iroquois, aussi bien la conscription que la suppression de l’autorité du conseil sur les terres. Puis, en 1920, le gouvernement modifia la loi sur les Indiens pour autoriser l’émancipation obligatoire et le retrait (sans consentement) du statut d’Indien à des individus. Choqués par ce geste dans lequel ils voyaient une violation de leurs libertés civiles, d’autres membres de la ligue se mirent à soutenir la position de plus en plus radicale de Deskaheh.

Deskaheh exerça des pressions sur le gouvernement pour qu’il réexamine le statut historique des Six-Nations, particulièrement leur droit d’être reconnues comme des alliées et non des sujets de la couronne britannique, et donc de se soustraire à l’autorité fédérale. En 1921, comme les avocats du conseil n’avaient pu obtenir l’accord d’Ottawa à un tel réexamen, le conseil engagea George Palmer Decker, avocat américain qui avait travaillé sur des questions juridiques pour les Onneiouts de l’État de New York. Cette année-là, avec des fonds amassés par un comité financier du conseil, Deskaheh et Decker se rendirent en mission en Angleterre. Au scrutin populaire tenu par le conseil sur le choix du délégué iroquois qui accompagnerait l’avocat, Deskaheh s’était classé seulement troisième avec 107 voix, loin derrière le médecin iroquois J. A. Miller (293 voix) et David S. Hill, secrétaire de la Six Nation Agricutural Society (252 voix). Hill avait expliqué à Decker pourquoi le conseil avait choisi Deskaheh : « [les gens de la maison longue] se méfient tellement de tous ceux qui ne partagent pas leur foi [que] nous avons jugé préférable d’envoyer l’un d’eux ». En Angleterre, Deskaheh et Decker apprirent que le ministère des Colonies considérait les Six-Nations comme des sujets britanniques, décision confirmée plus tard par les tribunaux ontariens. Toutefois, l’élection de William Lyon Mackenzie King* et des libéraux en décembre 1921 fit renaître l’espoir d’une enquête fédérale.

Deskaheh s’employait à raffermir sa position. La « petite émeute » survenue en avril 1922 dans la réserve reflétait l’agitation qui régnait chez les Six-Nations. Bien que le gouvernement King ait annulé plusieurs mesures du précédent gouvernement conservateur – notamment l’émancipation obligatoire –, celles qu’il adopta n’étaient pas plus acceptables. En réponse aux griefs exprimés par les modérés et les radicaux de la ligue iroquoise – réduction d’un fonds de fiducie autochtone par le gouvernement, présentation de projets de loi « visant la dissolution des Six-Nations », mépris à l’endroit des vœux exprimés par le conseil à propos de l’« amélioration de l’instruction », hypothèques sur des terres de la réserve –, le surintendant général des Affaires indiennes, Charles Stewart*, offrit en juin de former une commission royale d’enquête. Après des négociations longues et pénibles au cours desquelles des Iroquois menacèrent de porter la question de leur statut à l’attention de la nouvelle Société des nations en Suisse, la proposition fut acceptée. Le ministère des Affaires indiennes et le conseil, alors dominé par les radicaux, continuèrent néanmoins d’exercer des pressions. En septembre, Deskaheh réunit les chefs de la maison longue, les chefs chrétiens favorables à la souveraineté et la Mohawk Workers Association, qui voulait la souveraineté pleine et entière. En décembre, sans demander l’approbation du conseil, la Gendarmerie royale à cheval du Canada pénétra sur le territoire des Six-Nations pour enquêter sur des allégations de fabrication d’alcool.

Tous les membres des Six-Nations ne soutenaient pas Deskaheh et les radicaux. Certains déploraient le caractère antibritannique de leur campagne. En juillet 1922, le secrétaire du conseil, Asa R. Hill, dit au sujet du chef goyogouin : « [c’est] un agitateur de la pire espèce qui ne désire parvenir à une entente d’aucune sorte. Je crains que ses actes n’entraînent l’éclatement de la Confédération [des Six-Nations] ». Le Torontois Frederick Ogilvie Loft*, chef mohawk et fondateur de la League of Indians of Canada, première organisation politique panamérindienne du pays, avait aussi des doutes sur les méthodes de Deskaheh. Dans une lettre adressée au premier ministre King en décembre, il affirma que General, en tant que président du conseil, avait agi en « dictateur », même s’il « n’occup[ait] pas une position supérieure à celle de tout autre chef des Six-Nations ». « Aucun mandat des Six-Nations ne justifie ses actes, poursuivait Loft ; en fait, [sa conduite va] à l’encontre de l’esprit de notre Confédération. » Mais, en 1923, Deskaheh et ses partisans dominaient le conseil. Certains modérés, irrités par les décisions gouvernementales, avaient joint leurs rangs et d’autres – Hill par exemple, destitué du poste de secrétaire – avaient été remplacés.

Après le raid de la gendarmerie, Deskaheh, convaincu de la duplicité du gouvernement, résolut de porter la cause de la ligue iroquoise devant la Société des nations. En apprenant la chose, le surintendant général adjoint Duncan Campbell Scott* convainquit Stewart d’affecter en permanence un détachement de la gendarmerie à Ohsweken. Puis, il y eut rupture des négociations, et Stewart décida que l’enquête serait confiée à un seul homme. Andrew Thorburn Thompson*, avocat et ancien officier qui avait commandé des soldats iroquois, se vit confier ce mandat en mars 1923.

Deskaheh et George Palmer Decker arrivèrent à Londres en août puis se rendirent à Genève, où ils tentèrent d’amener la communauté internationale à reconnaître les Six-Nations comme un État indépendant en vertu de l’article 17 de la convention de la Société des nations. Les liens avec Ottawa seraient rompus, le gouvernement local ne serait plus régi par la loi de 1876 sur les Indiens, les Six-Nations auraient leurs propres lois, les chefs administreraient les fonds, le conseil engagerait ses propres employés et sa propre police. Decker ne fit qu’un bref séjour à Genève (avoir ses entrées à la Société des nations s’avéra difficile). Deskaheh, lui, resta plus d’un an, avec le soutien financier d’un groupe suisse, le Bureau international pour la défense des indigènes. Un de ses grands alliés était René Claparède, écrivain suisse qui défendait les droits des peuples aborigènes du monde entier. Les démarches de Deskaheh auprès de la Société des nations furent infructueuses. Certains pays semblaient disposés à discuter de la question, mais la Grande-Bretagne s’y opposa en alléguant que le dossier faisait partie des affaires internes du Canada, ce qui fut décisif.

En l’absence de Deskaheh, ses partisans boycottèrent les audiences de Thompson. Prêt en novembre 1923 mais publié seulement neuf mois plus tard, le rapport de l’enquêteur recommandait la création d’un conseil électif. Sans consultation, le gouvernement déposa le conseil héréditaire et, malgré une faible participation au scrutin, un nouveau conseil fut déclaré élu en octobre 1924. Son existence privait Deskaheh du droit de parler au nom des Six-Nations.

Déçu et malade, Levi General, ou Deskaheh, rentra en Amérique du Nord au début de 1925. Il s’attendait à être traité par les Six-Nations comme Gandhi en Inde, avait-il dit à George Palmer Decker – Gandhi qui fut emprisonné mais finalement relâché « parce que son peuple avait plus de pouvoir que les colonies britanniques, alors ils [avaient] dû le libérer ». Il resta un moment chez Decker à Rochester, puis s’installa chez son ami le chef Clinton Rickard dans la réserve Tuscarora, dans l’ouest de l’État de New York. C’est là qu’il mourut. On l’inhuma au cimetière Upper Cayuga Longhouse dans la réserve Six-Nations. Les orateurs qui prirent la parole à cette occasion, dans des langues iroquoïennes, pressèrent l’assistance de poursuivre son combat. Dans son rapport sur l’événement, la Gendarmerie royale nota que, à moins que de nouveaux leaders ne fassent leur apparition, le mouvement lancé par Deskaheh dépérirait. La question du statut des Six-Nations refit surface à la Société des nations en 1929–1930, sans résultat. Le voyage de Deskaheh à Genève en 1923–1924 n’en demeure pas moins la première tentative des Premières Nations de l’Amérique du Nord en vue de faire entendre leurs revendications dans un forum international.

Donald B. Smith

Nous remercions Germaine General-Myke pour l’information généalogique qu’elle nous a communiquée sur la famille de Levi General. Ce dernier a publié sous le nom de Deskaheh : The redman’s appeal for justice, August 6, 1923 (Londres, 1923). [d. b. s.]

BAC, RG 10, 2285, dossier 57169-1B, part. 3 ; RG 31, C1, 1871, 1881, 1901, Tuscarora Township, Ontario.— Musée canadien des civilisations, Services de gestion de l’information (Hull, Québec), Acc. 89/55 (coll. Sally M. Weaver), boîte 468, dossier 30 (« Iroquois politics, 1847–1940, » 1975).— St John Fisher College, Lavery Library (Rochester, N.Y.), G. P. Decker papers.— Ville de Genève, Suisse, Dép. municipal des affaires culturelles, Bibliothèque publique et universitaire, ms. fr. 3993 (Affaire « Six Nations ») ; ms. var. 1/15 (les Six Nations iroquoises).— Canadian annual rev., 1922 : 267s.— Carl Carmer, Dark trees to the wind : a cycle of York State years (New York, 1949), 105–117.— Deskaheh : Iroquois statesman and patriot ([Rooseveltown, N.Y., 1978 ?]).— « Documents : introduction to documents one through five ; nationalism, the League of Nations and the Six Nations of Grand River », Laurie Meijer Drees, édit. Native Studies Rev. ([Saskatoon]), 10 (1995) : 75–88.— D. M. Johnston, « The quest of the Six Nations Confederacy for self-determination », Univ. of Toronto, Faculty of law, Rev., 44 (1986) : 1–32.— Nellie Ketchukian, « Chief Deskaheh, George Decker and the Six Nations vs. the Government of Canada, » Iroquoian (Rochester), nº 11 (automne 1985) : 12–18 ; « The Decker papers II : Decker and Chief Deskaheh in Geneva, 1923 », Iroquoian, nº 12 (printemps 1986) : 79–83.— E. T. Montour, The feathered U.E.L.’s : an account of the life and times of certain Canadian native people (Toronto, 1973), 125–129.— René Naville, Amérindiens et Anciennes Cultures précolombiennes (Genève, 1973), 144–149.— Clinton Rickard, Fighting Tuscarora : the autobiography of Chief Clinton Rickard, Barbara Graymont, édit. (Syracuse, N.Y., 1973), 58–68.— Joëlle Rostkowski, « Deskaheh’s shadow : Indians on the international scene », European Rev. of Native American Studies (Budapest), 9 (1995), nº 2 : 1–4 ; « The redman’s appeal for justice : Deskaheh and the League of Nations », dans Indians and Europe : an interdisciplinary collection of essays, C. F. Feest, édit. (Aachen, Pays-Bas, 1987), 435–453.— Annemarie Shimony, « Alexander General, “Deskahe”, Cayuga-Oneida, 1889–1965 », dans American Indian intellectuals ; 1976 proceedings of the American Ethnological Society, Margot Liberty, édit. (St Paul, Minn., 1978), 158–175.— E. B. Titley, A narrow vision : Duncan Campbell Scott and the administration of Indian affairs in Canada (Vancouver, 1986).— S. R. Trevithick, « Conflicting outlooks : the background to the 1924 deposing of the Six Nations Hereditary Council » (mémoire de m.a., Univ. of Calgary, 1998).— Richard Veatch, Canadian foreign policy and the League of Nations, 1919–1939 (Toronto, 1975), 91–100, 201s.— Sally Weaver, « The Iroquois : the Grand River reserve in the late nineteenth and early twentieth centuries, 1875–1945 », dans Aboriginal Ontario : historical perspectives on the First Nations, E. S. Rogers et D. B. Smith, édit. (Toronto, 1994), 182–212.

Bibliographie générale

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Donald B. Smith, « DESKAHEH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/deskaheh_15F.html.

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Auteur de l'article:    Donald B. Smith
Titre de l'article:    DESKAHEH
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
Date de consultation:    19 mars 2024