Titre original :  Our Hero - Col. Matthew Elliott

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ELLIOTT, MATTHEW, fermier, fonctionnaire du département des Affaires indiennes, homme politique et officier de milice, né vers 1739 dans le comté de Donegal (république d’Irlande) ; décédé le 7 mai 1814 à l’endroit qui s’appelle aujourd’hui Burlington, Ontario.

Matthew Elliott immigra en Amérique du Nord en 1761 et s’établit en Pennsylvanie. Pendant le soulèvement de Pondiac*, il servit comme volontaire dans l’armée du colonel Henry Bouquet ; sous ses ordres, il alla secourir le fort Pitt (Pittsburgh, Pennsylvanie) en 1763 et combattre les Indiens de la région de l’Ohio l’année suivante. Pendant la décennie qui précéda la Révolution américaine, il trafiqua chez les Chaouanons, sur la rivière Scioto, dans ce qui est aujourd’hui l’Ohio. En 1774, c’est lui que les Chaouanons dépêchèrent auprès de lord Dunmore, gouverneur de la Virginie, pendant l’avance de ce dernier dans la région de l’Ohio. À la veille de la révolution, Elliott était associé à Alexander Blaine, de Carlisle, en Pennsylvanie. Il continua de trafiquer dans la région de l’Ohio au cours de l’hiver de 1775–1776. Puis, à l’été de 1776, à titre d’émissaire américain, il alla inviter les Chaouanons et les Loups (Delawares) à des négociations, en vue d’un traité, au fort Pitt. Il ne parla plus jamais de cette affaire par la suite, après qu’il fut devenu loyaliste.

Au cours de l’hiver de 1776–1777, Elliott voyagea de nouveau dans les villages chaouanons ; au printemps, il se rendit à Detroit, alors aux mains des Britanniques, pour tenter d’y récupérer certains articles que les Tsonnontouans lui avaient volés. Soupçonné d’être un espion américain, arrêté et envoyé à Québec, il obtint vite sa libération conditionnelle et l’autorisation de retourner à Pittsburgh. Il y arriva au début de 1778. Ayant apparemment l’impression qu’il avait bien peu d’intérêt à rester à cet endroit, il s’enfuit en mars vers Detroit en compagnie d’Alexander McKee* et de Simon Girty. Il servit comme éclaireur lors de l’expédition de Henry Hamilton* contre Vincennes (Indiana) à l’automne de 1778, mais il abandonna le corps d’armée avant la capture de Hamilton par les Américains en février 1779. Pendant le reste du temps que dura la révolution, Elliott travailla comme agent britannique auprès des Indiens. Il participa à la bataille qui se solda par la défaite du capitaine américain David Rodgers, sur l’Ohio, à l’été de 1779, et se battit également au cours de l’expédition du capitaine Henry Bird contre le Kentucky, en 1780. Le printemps suivant, il retourna au Kentucky, en compagnie d’une bande de guerriers. Plus tard, la même année, il dirigeait le détachement qui expulsa par la force une colonie d’Indiens convertis par les frères moraves et établis le long de la Muskingum (rivière Tuscarawas, Ohio) [V. Glikhikan*]. Ces Indiens lui avaient jadis sauvé la vie, ce qui ne l’empêcha pas d’apporter avec lui des marchandises de traite, en vue d’acheter leur bétail pour quelques dollars pièce et de le revendre à haut prix à Detroit – Elliott ne laissait jamais passer l’occasion de réaliser quelque rapide profit. En 1782, il se battit près de ce qui est aujourd’hui Upper Sandusky, en Ohio, lors de la défaite du colonel américain William Crawford, puis à Blue Licks (près de Cowan, Kentucky).

La révolution terminée, Elliott s’établit dans une ferme, à un endroit qui deviendrait Amherstburg, dans le Haut-Canada. Sa demeure devint un lieu d’attraction dans la région : il en arriva à posséder plus de 4 000 acres de terre et un grand nombre d’esclaves, dont plusieurs avaient été acquis au cours de ses raids pendant la révolution, et qu’il refusait de libérer malgré les pressions du gouvernement. S’associant à William Caldwell*, il reprit son activité de trafiquant auprès des Indiens qui vivaient au sud du lac Érié ; il transportait de Pittsburgh à Detroit, où il les vendait, du bétail, de la farine et du bacon, entre autres produits. Mais il devenait de plus en plus difficile de commercer dans cette région disputée, et la société d’Elliott et de Caldwell fit faillite en 1787. Ni ce malheur ni le fait d’être illettré ne l’empêchèrent de devenir juge de paix dans le nouveau district de Hesse, en 1788.

Elliott continua d’encourager les Chaouanons à s’opposer à l’avance américaine au delà de la rivière Ohio. En 1790, il devint l’assistant de McKee, lequel était surintendant des Affaires indiennes à Detroit. Avec ce dernier, Elliott contribua, au début des années 1790, à mettre les diverses tribus indiennes en mesure de repousser tant les expéditions militaires des Américains que leurs démarches en vue d’obtenir la cession de territoires. Il travailla surtout le long de la rivière des Miamis (rivière Maumee), passant une grande partie de son temps à distribuer des ravitaillements britanniques aux Indiens, mesure indispensable si l’on voulait éviter la dispersion des guerriers. Il est vraisemblable que, dans son désir de renforcer la volonté de résistance des Indiens, Elliott alla au delà de ce que l’autorisait la politique officielle des Britanniques. Il fut présent à la bataille de Fallen Timbers au mois d’août 1794, mais comme observateur seulement ; les Britanniques décidèrent de ne pas appuyer les Indiens, militairement, et ces derniers furent écrasés.

Entre-temps, et plus tôt au cours de cette même décennie, Elliott s’était efforcé de réparer ses torts envers les frères moraves et leurs convertis, qu’il avait traités fort durement, en leur permettant d’abord de se réfugier dans sa ferme et, ensuite, vu leur désir de s’éloigner de l’influence corruptrice de la société blanche, en prenant des dispositions pour les installer près de ce qui est aujourd’hui Thamesville, en Ontario [V. David Zeisberger]. Il assista même à un service religieux, en leur temple, le jour de Noël 1791.

À l’été de 1796, Elliott fut promu « surintendant des Indiens et des Affaires indiennes du district de Detroit » ; mais on le soupçonna de détournement de fonds, et il eut des démêlés avec les autorités militaires. En décembre 1797, on le congédia. En général, le département des Affaires indiennes ne se souciait guère de sa comptabilité et restait très discret sur ses entreprises, et Elliott paraît n’avoir été ni plus ni moins malhonnête que la moyenne des fonctionnaires. Habitué à travailler dans une atmosphère de crise, il n’avait pas réussi, après le retour au calme qui suivit la signature du traité Jay en 1794, à s’adapter aux pratiques plus ordonnées de l’administration en temps de paix. Pendant les dix années qui suivirent son congédiement, il fit de grands efforts pour être réinstallé dans ses fonctions. Il se rendit même en Angleterre en 1804, mais en vain, malgré les recommandations de sir John Johnson*, surintendant général du département des Affaires indiennes, et de David William Smith*, ancien président de la chambre d’Assemblée du Haut-Canada. Toutefois, sa ferme prospérait. En 1796, un voyageur, Isaac Weld*, disait qu’elle était « cultivée d’une façon qui serait jugée excellente même en Angleterre ». De 1800 à 1804, Elliott siégea comme député à la chambre d’Assemblée ; assidu, il prit une part active à ses travaux. Il fut réélu en 1804 et en 1808, mais, pris par d’autres affaires, il y fut moins présent. À plusieurs reprises, il comparut devant les autorités, à York (Toronto), au nom de groupes d’électeurs qui sollicitaient des concessions de terre.

Une autre crise éclata, peu après 1807, entre les États-Unis et la Grande-Bretagne, et l’on reconnut alors la grande influence d’Elliott sur les Indiens. Au printemps de 1808, on le réinstalla comme surintendant des Affaires indiennes, en remplacement de Thomas McKee, fils d’Alexander. Pendant les années qui précédèrent la guerre de 1812, il contribua à convaincre les Indiens vivant en territoire américain de se rallier aux Britanniques dans l’éventualité d’une guerre. Il les munit de provisions et encouragea la ligue qui était en train de s’organiser, sous la direction du Chaouanon Tecumseh et de son frère, Prophet [Tenskwatawa*], pour résister aux empiétements des Américains sur les terres des Indiens. Il participa activement à la guerre, dirigeant les Indiens alliés des Britanniques et détenant le grade de lieutenant-colonel dans la milice du comté d’Essex. En août 1812, il était présent à la prise de Detroit, qui était aux mains des Américains, et, le mois suivant, il accompagnait les Indiens lors de l’expédition ratée du major Adam C. Muir contre le fort Wayne (Fort Wayne, Indiana). De façon à ménager les vivres à Detroit, Elliott mena un grand nombre d’Indiens hiverner aux rapides de la rivière des Miamis, où les Américains avaient abandonné des réserves de maïs et du bétail. Il participa, en 1813, à la bataille de Frenchtown (Monroe, Michigan) et aux sièges des forts Meigs (près de Perrysburg, Ohio) et Stephenson (Fremont, Ohio). Le commandant britannique Henry Procter* le blâma de n’avoir pas réussi à empêcher les Indiens de tuer des prisonniers américains, et il est bien possible qu’Elliott, âgé de plus de 70 ans, qui de surcroît avait perdu son fils Alexander à la guerre, n’ait pas fait tous les efforts désirables ; mais les guerriers, de plus en plus aigris, étaient aussi de plus en plus enclins à se venger des Américains qui les chassaient de leurs terres. À l’automne, Elliott était avec les Indiens qui couvrirent la retraite de Procter et qui se battirent avec l’énergie du désespoir à la bataille de Moraviantown. Pendant les derniers mois de sa vie, il opéra à partir de la région de Burlington. À l’hiver de 1813–1814, il commanda les Indiens au cours des raids sur la frontière du Niagara. Il tomba malade et mourut le 7 mai 1814, après avoir consacré près de 50 ans de sa vie à la guerre de frontière.

Matthew Elliott avait longtemps vécu avec une Chaouanon, mère d’Alexander et de Matthew, lequel travailla pendant nombre d’années parmi les Chaouanons de la région d’Amherstburg. En 1810, Elliott avait épousé la jeune Sarah Donovan, et ils eurent deux fils, Francis Gore et Robert Herriot Barclay. Peut-être froissé de certaines « remarques peu civiles » d’Elliott, un prisonnier américain, qu’il avait racheté des Indiens vers 1793, fit de son sauveur la description suivante : « Elliott avait les cheveux noirs, le teint foncé, les traits peu accusés ; il avait un nez court [...] et au bout relevé ; il avait l’air hautain et sa mine était repoussante. » Tout au long de sa carrière, Elliott fut toujours prêt, et il réussit souvent à faire tourner les événements à son avantage ; mais il parvint aussi à maintenir l’influence britannique parmi les Indiens qui vivaient le long des frontières du Haut-Canada.

Reginald Horsman

Une bibliographie exhaustive concernant Matthew Elliott se trouve dans l’ouvrage de Reginald Horsman, Matthew Elliott, British Indian agent (Detroit, 1964).

APC, MG 11, [CO 42] Q ; MG 19, F1 ; RG 1, E3, 12–13 ; RG 4, B17, 13–14 ; RG 8, I (C sér.) ; RG 10, A1, 1–4 ; A2, 8–12.— BL, Add. mss 21661–21892 (transcriptions aux APC).— Carnegie Library (Pittsburgh, Pa.), George Morgan, letter books, 1775–1779.— DPL, Burton Hist. Coll., John Askin papers ; Solomon Sibley papers.— Pa., Hist. Soc. (Philadelphie), Yeates family papers, corr., 1762–1780.— PRO, AO 12/40, 12/66, 12/109.— Corr. of Hon. Peter Russell (Cruikshank et Hunter).— Corr. of Lieut. Governor Simcoe (Cruikshank).— Frontier defense on the upper Ohio, 1777–1778 [...], R. G. Thwaites et L. P. Kellogg, édit. (Madison, Wis., 1912 ; réimpr., Millwood, N.Y., 1973).— J. [E. G.] Heckewelder, Narrative of the mission of the United Brethren among the Delaware and Mohegan Indians, from its commencement, in the year 1740, to the close of the year 1808 [...] (Philadelphie, 1820 ; réimpr., [New York], 1971), 232–236, 244s., 276s.— Mich. Pioneer Coll., 9 (1886) ; 10 (1886) ; 12 (1887) ; 15 (1889) ; 20 (1892) ; 23 (1893) ; 24 (1894) ; 25 (1894).— Isaac Weld, Travels through the states of North America, and the provinces of Upper and Lower Canada, during the years 1795, 1796, and 1797 (Londres, 1799), 343–359.— Windsor border region (Lajeunesse).— David Zeisberger, Diary of David Zeisberger, a Moravian missionary among the Indians of Ohio, E. F. Bliss, trad. et édit. (2 vol., Cincinnati, Ohio, 1885), 1 : 3–17 ; 2 : 153s., 173–175, 179–181, 203–206, 210s.

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Reginald Horsman, « ELLIOTT, MATTHEW », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/elliott_matthew_5F.html.

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Auteur de l'article:    Reginald Horsman
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    11 déc. 2024