DCB/DBC Mobile beta
+

Dans le cadre de l’accord de financement entre le Dictionnaire biographique du Canada et le Musée canadien de l’histoire, nous vous invitons à participer à un court sondage.

Je veux participer maintenant.

Je participerai plus tard.

Je ne veux pas participer.

J’ai déjà répondu au sondage

Nouvelles du DBC/DCB

Nouvelles biographies

Biographies modifiées

Biographie du jour

ROBINSON, ELIZA ARDEN – Volume XIII (1901-1910)

décédée le 19 mars 1906 à Victoria

La Confédération

Le gouvernement responsable

Sir John Alexander Macdonald

De la colonie de la Rivière-Rouge au Manitoba (1812–1870)

Sir Wilfrid Laurier

Sir George-Étienne Cartier

Sports et sportifs

Les fenians

Les femmes dans le DBC/DCB

Les conférences de Charlottetown et de Québec en 1864

Les textes introductifs du DBC/DCB

Les Acadiens

Module éducatif

La guerre de 1812

Les premiers ministres du Canada en temps de guerre

La Première Guerre mondiale

FRYE, HERMAN NORTHROP, professeur d’université, critique littéraire et social, essayiste et rédacteur en chef, né le 14 juillet 1912 à Sherbrooke, Québec, benjamin des trois enfants survivants de Herman Edward Frye et de Catharine (Cassie) Maud M. Howard ; le 24 août 1937, il épousa à Toronto Helen Gertrude Kemp (décédée le 4 août 1986), puis le 27 juillet 1988, dans la même ville, Elizabeth Eedy, veuve de l’ancien député fédéral James Elisha Brown, et aucun enfant ne naquit de ces deux mariages ; décédé le 23 janvier 1991 à Toronto.

Dans le monde anglophone, Herman Northrop Frye est l’un des rares critiques littéraires du xxe siècle dont le nom passera sans doute à la postérité. Dès ses débuts, il écrivit avec autorité et une voix bien à lui, précise, spirituelle, riche d’aphorismes. (« Les bons livres peuvent être instructifs, mais les mauvais ont plus de chances d’être une source d’inspiration », lança-t-il devant un auditoire de la Modern Language Association en 1987.) Il « [était] assurément le meilleur prosateur parmi les critiques modernes », dit de lui le critique britannique Frank Kermode dans les années 1980. « Il [possédait] la force expressive et un peu de la finesse d’esprit de Shaw. » Frye manquait de patience devant la paresse ou la prétention, notamment dans les arts ou la critique, où un savoir insuffisant est chose dangereuse. Il établit sa réputation dès la publication, en 1947 et en 1957, de ses deux premiers livres, qui seraient suivis de 19 autres. Les bibliographies classiques énumèrent également 15 livres dont il dirigea la publication, ainsi que quelque 300 essais et chapitres de livres, sans compter les recensions et entretiens. Toutefois, ces chiffres en eux-mêmes n’expliquent guère le renom de Frye. Celui-ci tient plutôt à la rigueur et à l’exhaustivité de ses jugements et structures critiques, à sa capacité d’aller au cœur d’un argument et de le remodeler de l’intérieur, au don qu’il possédait de clarifier d’éternels problèmes littéraires et autres en établissant des courants de pensée et de sensibilités, à l’envergure encyclopédique de ses connaissances exactes. Il canalisa toute cette formidable intelligence pour la mettre passionnément au service de sa vocation et des arts.

L’une des raisons pouvant expliquer cette puissance intellectuelle était simplement que Frye prenait l’art au sérieux, y compris l’art verbal. La façon dont il utilisait les mots, c’est-à-dire avec la précision d’un bon poète, donne une leçon d’humilité à la plupart des écrivains et des orateurs. La logique, la grammaire et la rhétorique – il aimait cette ancienne division du savoir verbal – se côtoient harmonieusement dans ses œuvres. Maintes fois, il exhorta ses lecteurs à examiner les termes « littérature », « métaphore », « pensée », « identité canadienne », « unité canadienne ». Il connaissait l’énorme pouvoir des mots, en particulier celui de la métaphore, dissimulée ou évidente, dans le modelage des réactions intellectuelles et émotionnelles. En raison de ce pouvoir, la connaissance des grands manieurs de mots est cruciale, conviction qui façonna les idées de Frye sur l’éducation. La littérature était pour lui un centre d’énergie : « Je conçois la littérature comme un champ particulier de l’activité imaginative », dit-il en 1985, devant un auditoire au Smith College, au Massachusetts, « mais la métaphore du “champ” que j’ai à l’esprit évoque une sorte de champ magnétique, un centre d’énergie, et non pas un pré entouré d’une clôture ».

Sans surprise, Frye fut l’un des rares critiques tenus en haute estime par des écrivains de premier ordre du monde entier. Après la publication d’Anatomy of criticism : four essays en 1957, il acquit une énorme autorité, surtout en Amérique du Nord. Elle s’amenuisa au cours des années 1970 en raison de l’importance grandissante qu’on accorda à d’autres théories, de nature différente, à commencer par la déconstruction. Son influence resta néanmoins marquante tout au long de sa vie.

On disait que Northrop Frye (il utilisait toujours son second prénom, que ses amis abrégeaient en Norrie) avait eu, du côté paternel, un ancêtre puritain qui émigra de Grande-Bretagne en Nouvelle-Angleterre dans les années 1630. Le père de sa mère, pasteur méthodiste, était immensément fier de son héritage loyaliste. Herman Edward Frye et Catharine Maud M. Howard, connue sous le prénom de Cassie, eurent deux enfants avant Northrop : un fils, Eraytus Howard, né en 1899, et une fille, Vera Victoria, née un an et demi plus tard. (Il y eut un troisième enfant, mort-né ou mort à la naissance.) Herman Edward travailla comme commis dans des quincailleries au Massachusetts et à Sherbrooke avant de lancer sa propre entreprise en 1915.

Le frère de Northrop s’enrôla pendant la Première Guerre mondiale et fut tué à l’âge de 19 ans, à Amiens, en France, en août 1918, trois mois environ avant la fin du conflit. Ce décès plongea les parents dans une profonde tristesse. Eraytus Howard avait été un étudiant complet, sociable et sportif. Enfant, Northrop était conscient d’être différent de ce frère aîné qu’on idéalisait : « le sentiment qu’éprouvait ma mère de n’avoir qu’un fils et que j’en étais une sorte de substitut de second ordre [...] peut m’avoir affecté à certains égards ». Timide, maladroit, myope, il prit très vite goût à la lecture. Mme Frye apprit à ses trois enfants à lire très tôt, et Northrop en fut capable dès l’âge de trois ans. Naturellement doué pour la lecture, il grandit en dévorant livre après livre ; il se rappelait précisément ce qu’il avait lu et y réfléchissait. Il découvrit également assez tôt qu’il avait une vivacité d’esprit naturelle, un bon moyen de défense pour un garçon tranquille qui ne s’intéressait pas au sport.

Moins d’un an après la mort de son fils aîné, Herman Edward Frye vit son entreprise s’effondrer et il la liquida. Il s’engagea alors comme représentant de commerce, et la famille dut déménager plusieurs fois, avant de s’établir à Moncton, au Nouveau-Brunswick. C’est là que Northrop vécut de l’âge de huit ans jusqu’à la fin de ses études secondaires. Sa véritable éducation cependant lui vint de sa mère, qui trouva le moyen de garder le piano et les livres de la famille même dans les périodes difficiles. Elle était une méthodiste résolue, et Frye acquit une bonne connaissance de la Bible. Ce fut sa mère qui l’encouragea à lire beaucoup. Sa sœur lui paya des leçons de piano, après avoir trouvé par hasard un professeur remarquable, l’organiste George Ross, et Northrop resterait attaché à la musique toute sa vie.

À l’école secondaire, les notes de Frye étaient bonnes, mais pas mirobolantes, en partie parce qu’il s’y ennuyait, tout simplement. À la fin de ses études, il remporta comme prix une formation gratuite en secrétariat, qu’il accepta, estimant qu’il pourrait toujours gagner de l’argent comme commis de bureau. En fait, il réussit si bien qu’en avril 1929, on l’inscrivit à un concours national de dactylographie à Toronto, où il termina deuxième dans la catégorie des débutants. En septembre de cette année-là, il prit la décision d’entrer au Victoria College à la University of Toronto, misant sur ses compétences en travail de bureau. Après une période probatoire, Frye entreprit une licence en anglais et philosophie ; pour la première fois, il se trouvait dans un milieu sympathique qui l’acceptait et reconnaissait ses talents. Il en éprouva de la reconnaissance jusqu’à la fin de ses jours.

Les emplois d’été et les bourses, ainsi qu’un budget serré, permirent à Frye de survivre financièrement pendant la grande dépression, et il reçut son diplôme en 1933. Jusqu’au dernier moment, il douta d’avoir assez d’argent pour retourner à l’université afin de poursuivre des études supérieures, mais avec de l’aide, il put s’inscrire à l’Emmanuel College, collège de théologie affilié au Victoria College et fondé par l’Église unie du Canada après l’union des méthodistes, des congrégationalistes et de nombreux presbytériens en 1925. Il assuma ses responsabilités de ministre étudiant pendant l’été de 1934, mais se rendit vite compte, s’il avait entretenu quelque doute, que le travail au sein d’un clergé ne correspondait pas à sa vraie vocation. Quelques-unes de ses lettres montrent en effet un pasteur novice bien malheureux. Même s’il appréciait les gens de sa mission (ou certains d’entre eux), dans une Saskatchewan frappée par la crise et ravagée par la sécheresse, il n’aimait guère « toutes ces choses qu’on leur imposait » et qu’il décrivait comme « de la camelote [qui passait] pour de l’art, des doctrines arbitraires et des fétiches [qui passaient] pour de la religion ». Ses mésaventures avec son cheval, son seul moyen de transport, font penser à un film des Marx Brothers. Quant aux tempêtes de vent, « la poussière n’était pas si terrible, mais c’était éviter les cailloux et les poulets et les petits enfants et les latrines extérieures qui [le] rendait nerveux ». Par-dessus tout, sa fiancée lui manquait désespérément.

Pendant ses études de premier cycle universitaire, Frye était tombé profondément amoureux d’une compagne de classe, Helen Gertrude Kemp. Leur correspondance des années 1932 à 1939 révèle une conscience claire de la vie à cette époque chez deux étudiants, dont l’un exceptionnellement doué. Elle montre un couple amoureux, drôle, cultivé et impatient envers la société. Les lettres laissent également entrevoir des soucis et des problèmes, surtout d’ordre financier. Leur mariage fut retardé par un manque d’argent aigu, pendant que Frye terminait ses études de théologie ; il fut ordonné à l’Église unie en 1936. Quand il était encore à l’Emmanuel College, il suivit deux cours de deuxième cycle en lettres anglaises, dont l’un sur William Blake, donné par l’éminent savant Herbert Davis ; il avait alors trouvé sa place. Reconnaissant ses talents, Davis lui suggéra un séjour de deux années à la University of Oxford comme voie plus rapide que le doctorat pour acquérir les compétences nécessaires à l’enseignement universitaire, et un autre mentor du Victoria College, Oscar Pelham Edgar*, lui assura une assistance financière. Frye fréquenta le Merton College en 1936–1937, mais Oxford le déçut et la longue séparation d’avec Helen Gertrude lui était très douloureuse. De surcroît, il s’avéra que son tuteur, Edmund Blunden, poète et érudit, n’était pas la bonne personne pour encadrer le jeune Frye.

Pendant ce temps, Helen Gertrude poursuivait ses études, ce qui impliquait également des séparations. Douée pour les arts visuels, elle reçut une formation à la Galerie nationale du Canada à Ottawa et à l’Art Gallery of Toronto, et fit également un séjour au Courtauld Institute of Art à Londres. Au cours de leurs longues fiançailles, elle tomba enceinte deux fois sans le vouloir. L’avortement qui mit fin à la seconde grossesse entraîna des complications à un moment où Frye se trouvait à Oxford. C’est de sa mère que Helen Gertrude reçut le plus grand soutien à la maison. Frye décrocha un contrat d’un an comme professeur au département d’anglais du Victoria College, ce qui permit enfin au jeune couple de se marier à l’été de 1937. Frye retourna au Merton College l’année suivante pour y terminer ses études, et fut le seul de tout le collège à obtenir la plus haute mention dans sa spécialité cette année-là ; il recevrait ensuite une maîtrise ès arts de la University of Oxford. En 1939, il se joignit au département d’anglais du Victoria College, arrivant avec un épais manuscrit sur Blake sous le bras, le jour même de la signature du pacte entre l’Union soviétique et l’Allemagne nazie. Il y resterait jusqu’à la fin de sa vie.

La Deuxième Guerre mondiale toucha les Frye, mais plus particulièrement Helen Gertrude. En 1941, quand les priorités de l’Art Gallery of Toronto changèrent, elle renonça à son emploi et retrouva du travail ailleurs, mais moins agréable. Elle continua d’assumer ses fonctions de rédactrice artistique de la plus importante revue nationale de gauche, le Canadian Forum (Toronto), où aucun collaborateur n’était rémunéré. Frye avait régulièrement fourni des recensions à cette revue depuis ses études supérieures, au départ à l’invitation de Herbert Davis ; il y travaillerait comme rédacteur littéraire en 19471948, puis comme rédacteur en chef de 1948 à 1950, et ferait partie du conseil de direction jusqu’en 1956. Helen Gertrude et lui étaient des sympathisants de la Fédération du Commonwealth coopératif, qui allait devenir le Nouveau Parti démocratique. Parmi les contributions de Frye au Canadian Forum, figure un article intitulé « The great Charlie », publié en 1941, sur le film le Dictateur de Charlie Chaplin. En 1944, le frère de Helen Gertrude, Harold Leon, perdit la vie dans un bombardement en Allemagne. Elle en fut très affectée. À la fin de la guerre, elle utilisa ses économies en guise d’acompte sur leur première et unique maison, située dans le secteur de Moore Park de Toronto, qu’ils achetèrent avec une forte hypothèque. À cette époque, Frye se sentit enfin suffisamment libéré pour se remettre une fois de plus à son manuscrit sur Blake.

La production de Frye avait démarré lentement et, toute sa vie, il s’inquiéterait de son « inertie », mais, comme pour le lexicographe et critique Samuel Johnson, son angoisse lui servit d’aiguillon et ses réalisations prouvent le contraire. L’achèvement du manuscrit aux multiples versions sur Blake, complexe et trop long, fut retardé par son originalité même, par les nombreuses responsabilités du professeur débutant qu’il était et par d’autres travaux d’écriture, notamment une ébauche de nouvelle. Heureusement, le lecteur des Princeton University Press, Carlos Baker, en perçut le potentiel et suggéra de grandes améliorations à Frye, qui lui fut à jamais reconnaissant. Le résultat fut Fearful symmetry : a study of William Blake, publié en 1947, une relecture du poète dont le premier effet sur Frye avait eu la puissance d’une révélation.

Les origines de Fearful symmetry remontent à l’adolescence de Frye à Moncton. Un jour, « soudain, la vieille chape de merde [des enseignements fondamentalistes portés depuis l’enfance] est tombée dans l’égout pour s’y perdre à jamais. C’était semblable à ce que John Bunyan a dû ressentir lorsque le fardeau du péché lui est tombé des épaules ; sauf que dans mon cas, c’était le fardeau de l’anxiété. » Quelque dix ans plus tard, Frye, alors étudiant au deuxième cycle, écrivait un texte sur le poème complexe de Blake intitulé Milton : « Il était environ trois heures du matin lorsque tout à coup l’univers s’est ouvert devant moi. Et, comme on dit, je n’ai plus jamais été le même depuis [...] J’ai tout simplement eu l’impression qu’une énorme quantité de choses jusqu’alors dispersées et sans rapport entre elles se rassemblaient et devenaient intelligibles. En d’autres mots, un cadre mythologique venait de se fixer solidement dans mon esprit. » Le travail de Blake prend sa source dans la Bible, lue de façon radicale, fortement métaphorique et mythique. Grâce au regard du poète, Frye pouvait à la fois se réapproprier ses propres racines religieuses et donner un sens à ses lectures littéraires. Dans Fearful symmetry, il travailla à partir de deux postulats : premièrement que l’œuvre de Blake, tant ses poèmes bien aimés comme ceux de Chansons d’innocence & d’expérience que ses livres prophétiques, méconnus et difficiles, devrait être lue globalement ; deuxièmement « que comme tous les autres poètes sont jugés relativement à leur époque, Blake devrait aussi être placé dans son contexte historique et culturel ». Beaucoup plus tard, relisant le livre, Frye nota « à quel point [il] étai[t] préoccupé par la montée du nazisme et à quel point [il] étai[t] terrifié par la lucidité avec laquelle Blake [pressentait les choses] ».

Le livre eut un succès immédiat et durable. Certains y réagirent avec flamme. « Fearful symmetry [...] m’a transporté d’extase », dirait plus tard le critique littéraire américain Harold Bloom. « J’ai dû le lire une centaine de fois entre 1947 et 1950. » L’ouvrage souleva l’admiration de la poétesse et critique britannique Edith Sitwell qui y trouva, d’après Nicholas Halmi, « une compréhension attrayante et convaincante du christianisme ». D’autres, notamment Kermode, se montrèrent plus détachés, en grande partie parce qu’ils éprouvaient de la difficulté à distinguer la voix de Frye de celle de Blake. L’ouvrage influença profondément les études sur Blake, même parmi les lecteurs qui ne se sentaient pas attirés par les principaux arguments sur la critique mythique. Frye fit revivre les grands livres prophétiques de Blake en tant qu’œuvre poétique, y décelant une « grammaire du symbolisme » et présentant les pensées de l’auteur comme un tout cohérent. Après la publication de Fearful symmetry, la vie du couple changea considérablement. Frye recevait désormais régulièrement des invitations à prononcer des conférences ou à donner des cours ailleurs, entre autres à la Harvard University, où il fut pressenti comme professeur. Malgré l’attrait de cette offre, il resta à Toronto, où il se sentait chez lui.

Si Fearful symmetry établit la réputation de Frye dans ce domaine, et parfois même au-delà, son œuvre capitale, Anatomy of criticism : four essays, publié à Princeton, au New Jersey, le rendit célèbre. Après son ouvrage sur Blake, il avait envisagé d’écrire un livre sur le poète de la Renaissance Edmund Spenser, mais s’aperçut qu’il ne pouvait aller de l’avant sans réexaminer ses propres principes et méthodes en matière de critique. Le résultat mit dix ans à se concrétiser à l’issue de nombreux remaniements. Il intitula d’abord le livre « Structural poetics », titre qui aurait pu clarifier son sujet (la structure de la poétique comme discipline), mais qui aurait pu également semer la confusion chez les lecteurs en évoquant un lien avec les structuralistes. Dans un essai publié en 1983, le philosophe français Paul Ricœur affirmerait de façon convaincante que le travail de Frye différait par sa nature de la pensée structuraliste, qui utilise des catégories philosophiques tirées des caractéristiques des œuvres littéraires. Frye avait adopté une autre approche. Comme Ricœur le percevrait, il essayait d’établir pour la littérature une typologie analogue aux taxinomies en usage dans les sciences biologiques.

Frye souhaitait qu’Anatomy appartienne « à l’étude méthodique des origines formelles de l’art ». Il avait sans doute à l’esprit les trois autres causes d’Aristote (matérielle, efficiente et finale). Il attribue à la critique quatre domaines et consacre un essai à chacun. Une introduction polémique précède les essais, qui sont suivis par l’essai d’une conclusion. Les quatre domaines sont la critique historique, la critique éthologique, la critique des archétypes et la critique rhétorique. Par la critique historique, Frye n’entend pas expliquer la littérature principalement comme le résultat des empires, des guerres, voire de l’histoire sociale. Il est plutôt question ici des histoires des œuvres littéraires, retracées selon le pouvoir d’action du personnage principal d’une œuvre de fiction ou l’attitude de l’écrivain dans la littérature thématique.

On considère souvent le deuxième essai comme la clé de voûte d’Anatomy. Frye y examine la structure verbale à partir de sa plus petite unité, la simple lettre de l’alphabet, jusqu’au sens le plus large des mots, le sens anagogique. La critique éthologique traite de la caractérisation ou de l’ethos des œuvres littéraires : d’abord par la lecture littérale et descriptive, puis par la lecture formelle, la lecture mythique ou archétypale et, enfin, la lecture anagogique. Pour Frye, le terme « littéral » renvoie aux motifs verbaux de l’écriture, soit les éléments qui se rapprochent des lettres de l’alphabet, les litteræ. Par « descriptif », il désigne ce qu’on appelle habituellement la signification « littérale », d’où se dégage la compréhension du lecteur à partir d’un contexte extérieur, et non d’un motif verbal interne. Ces deux modes de lecture se font simultanément. La critique formelle examine l’image, l’allégorie et d’autres aspects. La lecture mythique repère graduellement les groupes d’images et les histoires récurrentes, que Frye appelle des archétypes. (Plus tard, il préciserait que, pour le mot « archétype », il s’était inspiré non pas du psychologue Carl Jung, comme on le suppose parfois, mais d’une note de bas de page figurant dans le livre de James Beattie, The minstrel [...], publié par sections entre 1771 et 1774.) Le terme « anagogique » décrit non seulement l’interprétation médiévale de l’aspect mystique d’un texte, mais également un univers littéraire visionnaire, sens qui obsédait Blake. (Un poème de Jay Macpherson, poète et critique canadienne, dans le recueil The boatman, dédié à Northrop et à Helen Gertrude, est intitulé The anagogic man, personnage souvent identifié à Frye.)

Le troisième essai est centré sur les modèles mythiques de la narration, inspirés de nombreux récits littéraires. Frye met en relief tout un monde d’imagerie apocalyptique, démonique et analogique. Il se penche ensuite sur quatre mythes principaux la comédie, le romanesque, la tragédie, et l’ironie et la satire et analyse brillamment les variations de leurs intrigues et les types de personnages. Il associe les mythes aux quatre saisons : la comédie au printemps, le romanesque à l’été, la tragédie à l’automne et l’ironie à l’hiver.

Le quatrième essai, sur la critique rhétorique, est axé sur une théorie des genres, ces catégories littéraires que l’on commence à apprendre avec les comptines et sans lesquelles on ne pourrait pas lire du tout. (Les enfants reconnaissent très tôt qu’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll n’est pas une fiction réaliste.) Selon Frye, le genre est basé sur la relation de l’écrivain à son lectorat, sens qui ressort, par exemple, dans les différences entre les œuvres d’un poète épique ancien, d’un dramaturge et d’un romancier moderne. L’essai propose quatre classes de fiction en prose (définie comme étant « un type d’œuvre d’art qui presque toujours utilise la prose ») : le roman, la confession, l’anatomie et le romanesque. L’anatomie est une forme plus ancienne, que l’on connaît d’après l’Anatomie de la mélancolie (1621) de Robert Burton, ouvrage que Frye désignerait comme l’un de ses préférés : « c’est là l’œuvre d’un homme qui écrit avec une érudition et une exubérance incomparables. Même s’il cite environ six cents titres par page, cela ne réduit en rien son sens de l’humour. »

Bien que le dernier essai soit le moins structuré des quatre, il renferme beaucoup de matériel suggestif. Anatomy est si densément riche qu’une phrase ou deux peuvent être développées dans un article, voire un livre. C’est justement ce que Frye fit en 1976, lorsqu’il écrivit « Charms and riddles », texte fascinant de 25 pages dont le contenu se trouve implicitement dans quelques paragraphes du quatrième essai.

Dans tous ses travaux, Frye fut intrigué par le « rôle des conventions en littérature ». Une convention peut être réduite, comme la structure du sonnet en 14 lignes, ou plus englobante, comme les topoi (formules ou thèmes courants) de la littérature médiévale. « Lorsque la convention est assez importante pour inclure l’œuvre complète, dit-il dans sa conférence Smith de 1985, nous l’appelons genre. » Le genre « définit l’œuvre, et en suggère le contexte en la plaçant parmi un certain nombre d’autres œuvres qui lui ressemblent ». Les sections des grandes librairies reflètent le classement par genres. Frye ajouta que, dans Anatomy, « [il avait] prêté attention à la question des genres, car [il] estim[ait] que le manque d’attention en cette matière était la source de nombreuses confusions et jugements critiques incultes ». Combattre de telles confusions et jugements erronés prit pour lui l’envergure d’une mission.

En 1965, l’English Institute rendit hommage à Frye en choisissant Anatomy comme sujet de l’un de ses congrès à New York. Angus Fletcher, William K. Wimsatt et Geoffrey H. Hartman prononcèrent les trois principales conférences, qui demeurent parmi les discussions les plus justes sur cet ouvrage, même si celle de Wimsatt n’est guère sympathique. (Frye écrivit néanmoins un brillant essai intitulé « Wallace Stevens and the variation form » pour le recueil publié en l’honneur de Wimsatt en 1973.) La réponse concise de Frye aux trois présentations, « Reflections in a mirror », reste l’un de ses meilleurs commentaires sur son livre. Les essais, réunis sous le titre Northrop Frye in modern criticism, et l’introduction de Murray Krieger montrent à quel point Frye dominait la scène de la critique en Amérique du Nord à cette époque. Ils révèlent également la fascination des érudits envers son œuvre, qu’ils la louent, s’y opposent ou adoptent une attitude partagée. Frye ne laissait personne indifférent. Déjà en 1978, le théoricien de la communication Herbert Marshall McLuhan* pouvait dire : « Norrie ne se bat pas pour trouver une place au soleil. Il est le soleil. »

Frye s’attendait à ce que les structures qu’il proposait soient modifiées, c’est du moins ce qu’il disait. Vers la fin de l’introduction d’Anatomy, il les considérait comme « les premières poutres d’un échafaudage que l’on pourra abattre quand l’édifice entier aura été restauré ». En 1965, il décrivit cet ouvrage comme étant « schématique » plutôt qu’« essentiellement systématique ». Il ajouta que son intention était d’en faire « un guide de critique pratique », et le commentaire de Hartman, « ça marche ; on peut l’enseigner », lui fit grand plaisir. Dans les années 1980, Frank Kermode rappelait ceci : « J’ai déjà dit [...] que, si nécessaire, il s’éloignerait des principaux classements systématiques d’Anatomy et en créerait d’autres. J’ai avancé qu’en réalité ils étaient une sorte de théâtre de la mémoire, de simples moyens mnémotechniques. Dans une lettre assez percutante, il m’a écrit “Mais bien sûr qu’ils le sont ! Que croyez-vous ?” »

Certains arguments figurant dans Anatomy s’avérèrent féconds pour les critiques. D’autres furent contestés, sans parler des désaccords sur les postulats de base. Un certain nombre donnèrent lieu à des révisions radicales, surtout par Harold Bloom qui, de son propre aveu, est issu « de Frye », tout en étant un Juif gnostique. D’autres encore par exemple, sur la métaphore ne se sont pas encore imposés pleinement. Frye soutenait qu’il fallait prêter attention à la façon dont le A et le B de la métaphore sont associés, et il proposa cinq modèles différents. Mais jusqu’à maintenant, les critiques se sont surtout concentrés sur les deux principaux éléments de la métaphore et non pas sur les façons dont ils sont liés.

Des passages de l’introduction polémique soulevèrent la controverse, notamment quand ils étaient lus négligemment. Frye était d’avis que la critique n’était ni un exercice de goût ni l’expression directe d’une expérience personnelle de la littérature. Elle traitait les œuvres littéraires à l’aide d’une « structuration du savoir », comme c’est le cas pour les sciences. Le critique peut aider à développer le goût et à élargir l’expérience, mais ce n’est pas à lui de dire aux lecteurs quoi aimer ou détester. Une expérience personnelle incommunicable se situe au cœur de la critique, qui « trouve là sa source, mais doit chercher ailleurs ses assises et son fondement ». Les jugements de valeur non plus n’ont pas leur place en critique littéraire. « Toute conception d’une échelle des valeurs littéraires se fonde, à mon sens, sur un ordre de correspondances secrètes avec une certaine réalité sociale, morale ou intellectuelle. » À mesure que le critique prend de l’expérience, il découvrira qu’« il est plus gratifiant et suggestif de travailler avec » certains écrivains plutôt qu’avec d’autres.

La publication d’Anatomy eut un effet libérateur chez Frye, car, en quelques années, les livres se mirent à se succéder régulièrement, sans hésitation. Dans ces ouvrages, il poussa plus loin ou modifia les principes d’Anatomy, exposant leurs implications de façon plus détaillée, soit dans la critique pratique et théorique, soit dans le contexte social. Ses nombreuses publications se divisent principalement en deux catégories : critique littéraire et, domaine aussi important pour lui, écrits sociaux et culturels, dont une bonne partie sur l’éducation. Outre Fearful symmetry et Anatomy, la première catégorie englobe des recueils d’essais et des études sur des écrivains particuliers (Shakespeare, Milton, T. S. Eliot), ainsi que sur des mouvements et genres littéraires tels le romantisme et le romanesque. La seconde catégorie réunit des réflexions sur la littérature et la société, de même que sur la littérature et la religion. Après la mort de Frye, des lettres, journaux intimes et carnets de travail furent publiés sous le titre The collected works of Northrop Frye, volume dans lequel on a également inclu, fort à propos, des textes plus courts et variés.

Pas moins de quatre livres parurent en 1963, trois à contenu surtout littéraire et le quatrième sur la littérature et la société. The well-tempered critic, publié à Bloomington, en Indiana, traite des trois niveaux de style classiques (simple, moyen et élevé) et des catégories de langage. Un ouvrage bref commandité, T. S. Eliot, paru à Édimbourg, constitue un exposé intelligent sur la poésie d’Eliot, mais réprouve son affiliation à la Haute Église d’Angleterre et ses opinions politiques conservatrices. Les antécédents méthodistes de Frye, son libéralisme et son irritation envers la récente prédominance d’Eliot dans la critique anglo-américaine expliquent cette position. Fables of identity : studies in poetic mythology, (New York), rassemble 16 essais déjà publiés, notamment un texte mythique à caractère plutôt insistant sur le poème Lycidas de Milton et un autre dans lequel Frye établit une distinction entre l’« imaginatif » et l’« imaginaire », distinction qui malheureusement ne fut pas retenue. Il publierait quatre autres recueils : The stubborn structure : essays on criticism and society (Ithaca, New York, 1970), The bush garden : essays on the Canadian imagination (Toronto, 1971), Spiritus mundi : essays on literature, myth, and society (Bloomington, 1976) et Divisions on a ground : essays on Canadian culture (Toronto, 1982). Le mot « essai », qui dicte et structure le corps du texte d’Anatomy, revient comme un refrain dans tous ces titres. C’était une forme qui convenait à Frye en raison de son sens étymologique de « tentative ».

The educated imagination, paru à Toronto en 1963, texte de six causeries radiophoniques diffusées l’année précédente, pendant les conférences Massey de la Société Radio-Canada, contient une introduction de 68 pages à la pensée de Frye sur la littérature et la société et reste un des ouvrages préférés des lecteurs. L’imagination, soutient l’auteur, offre à l’être humain un univers meilleur ou pire que celui dans lequel il vit, c’est-à-dire deux rêves, un de désir exaucé et un d’anxiété. Il préconisait l’étude à l’école des récits ou mythes tant bibliques que classiques pour aider les gens à comprendre les récits et mythes proposés par la propagande politique, commerciale et autres.

Frye publia simultanément des ouvrages de critique littéraire et sociale jusqu’à la fin de sa vie. Cette double vocation est implicite dans Anatomy, où les deux domaines sont interdépendants. « L’analyse de la qualité esthétique de l’œuvre d’art ne devrait pas se limiter à l’examen des rapports formels internes mais tenir compte également de son apport à l’œuvre d’ensemble de la société. » De même, comme il l’écrivit en 1986 dans une critique bienveillante du théoricien de la déconstruction Paul de Man : « Toutes les idéologies dominantes sont des structures d’autorité et, à moins de n’être que des tyrannies exercées sous la terreur, ce sont également des structures esthétiques. » Une idéologie suppose habituellement qu’elle l’emporte sur tous les autres points de vue dans une discussion donnée, mais l’analyse esthétique peut apporter un éclairage inattendu.

Les deux tendances de Frye en matière de critique furent très tôt reconnues. En 1965, Geoffrey H. Hartman les appela « scientisme » et « évangélisme ». Frye déclara que le mot qu’il avait lui-même choisi était « scientifique », mais que ce n’était peut-être pas le bon. (« La critique ne peut-elle être une science tout aussi bien qu’un art ? », écrivit-il dans Anatomy.) Ce dualisme lui attira assurément quelques problèmes, mais pas de la part de ceux qui avaient lu le contexte global. Le terme « évangélisme » n’était pas de lui, mais il le jugeait approprié. Par ce concept, Frye et Hartman entendaient simplement un engagement, distinct du détachement critique, le type d’engagement implicite dans la phrase sur l’esthétique citée ci-dessus et tirée d’Anatomy.

Frye mettait en pratique ce qu’il prêchait. Il réservait du temps aux tâches consultatives et administratives : il fut membre du Conseil de la radio-télévision canadienne (qui deviendrait le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) pendant de longues années, président de la Modern Language Association, directeur du Victoria College entre 1959 et 1966, et remplit de nombreuses autres fonctions tout aussi prenantes. Il subsista en partie grâce à l’efficace président du Victoria College, Arthur Bruce Barbour Moore, qui accepta que le travail d’écriture de Frye passe en premier. (Frye avait une fois déclaré : « ce n’est pas moi qui dirige mon écriture, c’est elle qui me dirige ».) Frye confesserait plus tard qu’il avait rempli à la va-vite certaines tâches administratives au collège et qu’il avait écourté ses heures de sommeil.

« Il est curieux », écrivit le critique Richard Ellmann dans sa recension de l’ouvrage The morality of scholarship de Frye, Stuart Hampshire et Conor Cruise O’Brien, paru à Ithaca, en1967, « que parmi tous ces chercheurs-enseignants, seul M. Frye établisse la raison d’être de la salle de classe ». Dans ses écrits et entretiens, Frye insistait sur « le fait qu’il existe des différences de niveaux de lecture et d’écriture comme il y en a en mathématiques entre la simple division et le calcul intégral ». Il soutenait que les bases, à l’école, « n’[étaient] pas les ensembles de connaissances. C’[était] les compétences. » Selon lui, utiliser les mots est une compétence qui doit être enseignée et qui requiert de la pratique, que nous nous entraînions nous-mêmes ou que nous recevions de l’aide. C’est essentiel pour la société, car tant de choses que nous entendons sur la scène publique consistent en clichés ou « en formules verbales qui ne reposent sur aucune pensée ». Par conséquent, l’enseignement des humanités est un « travail de militant ». Les enseignants doivent s’engager dans « un combat pour aider l’étudiant à affronter et rejeter les formules verbales et les réponses toutes faites, à transformer l’acceptation passive en pouvoir actif, constructif. C’est une bataille contre l’illettrisme et en faveur de la maturation du processus mental, en faveur de l’accroissement de compétences qui, une fois acquises, ne deviennent jamais obsolescentes. » L’école réalise cet objectif si elle stimule le goût d’apprendre, car les élèves peuvent alors se développer par eux-mêmes. Frye vit également que la plupart des étudiants avaient besoin qu’on leur enseigne « avec beaucoup de doigté et de patience, qu’il n’existe rien de tel qu’une idée inarticulée attendant d’être enrobée par les bons mots [...] les idées n’existent pas avant d’avoir pris forme dans des mots. Jusqu’à ce stade, vous ne savez pas si vous êtes enceintes ou si vous avez simplement des gaz dans le ventre. » Il était particulièrement attiré par la poésie parce que la bonne poésie est au cœur de l’expérience littéraire ; c’est la norme fondamentale pour utiliser les mots.

Frye était lui-même un pédagogue renommé ; il donnait ses cours sans notes, d’une voix monocorde aux accents des Maritimes et avec une touche d’ironie, traitant son sujet avec une intensité et un sérieux rares même à l’université. Il livrait ses remarques spirituelles sur un ton pince-sans-rire. Vers la fin des années 1950, après la parution d’Anatomy, certains étudiants parcouraient une bonne distance (l’un venait de Buffalo, dans l’État de New York) pour assister à son séminaire de deuxième cycle hebdomadaire. C’était en fait un cours magistral, en partie à cause de la taille de la classe et en partie parce que Frye ne tenait pas son séminaire sous la forme d’un échange de vues avec les étudiants.

Après 1963, la production littéraire de Frye s’orienta de plus en plus vers la forme avec laquelle il se sentait le plus à l’aise : le romanesque. En 1965, il publia à New York A natural perspective : the development of Shakespearean comedy and romance, et ses conférences publiques en tant que Charles Eliot Norton Professor of Poetry à Harvard en 19741975 furent réunies sous le titre The secular scripture : a study of the structure of romance, paru à Cambridge, au Massachusetts, en 1976. Une fois de plus, une réflexion brièvement exprimée dans Anatomy avait grandi et s’était épanouie. Dans l’ouvrage intitulé The return of Eden : five essays on Milton’s epics paru à Toronto en 1965, Frye analyse le mouvement cyclique dans le Paradis perdu et le Paradis reconquis ; une exploration de la tragédie shakespearienne suivit deux ans plus tard. Bien que ces sujets puissent être facilement liés à Anatomy, certains essais de Frye, notamment dans The stubborn structure, révèlent son envergure étonnante. « Dickens and the comedy of humours » porte sur un romancier et non pas sur un poète, et « The problem of spiritual authority in the nineteenth century » montre toute la finesse de ses observations sur des penseurs tels que Thomas Carlyle, John Stuart Mill, John Henry Newman et Matthew Arnold.

Frye aurait pu choisir d’occuper un poste dans quasi n’importe quelle université après 1957, mais il resta au Canada. « À mesure que j’avançais en âge, je trouvais que mes racines s’enfonçaient de plus en plus profondément dans la société canadienne et que je ne pourrais pas vraiment m’en détacher. » Ces racines tant politiques que religieuses son affiliation à l’Église unie et ses sympathies à l’égard de la Fédération du Commonwealth coopératif, puis du Nouveau Parti Démocratique avaient un caractère canadien unique. Dès le début de sa carrière, il prêta attention aux activités culturelles canadiennes, comme le révèle le recueil de 741 pages intitulé Northrop Frye on Canada, publié à titre posthume à Toronto en 2003. En 1950, on avait demandé à Frye d’assumer la responsabilité du numéro annuel de la revue University of Toronto Quarterly consacré à la poésie canadienne-anglaise ; il assuma cette fonction pendant dix ans. En 1971, il rassembla ces comptes rendus, auxquels il ajouta neuf essais, dans The bush garden. Ses recensions sont bienveillantes envers les œuvres sérieuses, mais intolérantes envers les poèmes peu soignés. Même si ces écrits exercèrent une certaine influence, d’autres textes de l’ouvrage recueillirent plus d’attention. Son insistance sur la terreur qu’inspiraient les régions sauvages canadiennes souleva beaucoup de controverse et son expression « mentalité de garnison » devint célèbre, parfois en dehors de son contexte historique, car Frye analysait tant les avantages que les inconvénients de ce point de vue. Sa reformulation de la question de l’identité canadienne est peut-être encore mieux connue : « [L’identité canadienne] est moins déconcertée par la question “Qui suis-je ?” que par une devinette du genre “Ici, c’est où ?” » Le paradoxe est révélateur et continue de susciter le débat.

L’aspect le plus important de la pensée de Frye fut sa perception de la façon dont le Canada était constitué en tant que nation, perception qui évolua tout au long de sa vie, tout en restant conforme à ses premières expériences. Il la résuma dans sa préface :

J’ai grandi dans deux villes, Sherbrooke et Moncton, où la population était à moitié anglaise et à moitié française, divisée par la langue, l’éducation et la religion et vivait dans une sorte d’apartheid plus ou moins amical [...]

Lorsque j’étudiais à la University of Toronto, je prenais le train pour Montréal, je passais toute la nuit assis dans un wagon ordinaire et j’avais hâte au moment où, tôt le matin, le train entrait en gare de Lévis, sur la rive sud du Saint-Laurent, et que l’imposante forteresse de Québec apparaissait dans les brumes matinales glaciales [...] C’était là l’un des centres imaginatifs et émotionnels de mon propre pays et de mon propre peuple, un peuple auquel j’avais pourtant du mal à m’identifier, la différence résidant non pas tant dans la langue que dans une mémoire culturelle. Mais l’effort d’identification était crucial : il m’aidait à voir que le sens de l’unité [était] le contraire du sens de l’uniformité. L’uniformité, où tout le monde est à sa place, utilise les mêmes clichés, pense et se conduit de la même façon, produit une société qui semble rassurante de prime abord, mais qui manque totalement de dignité humaine. La véritable unité tolère le désaccord et se réjouit de la diversité des points de vue et des traditions.

Avant ce passage de la préface, Frye avait fait la remarque suivante : « La tension entre le sens politique d’unité et le sens imaginatif de localité constitue l’essence de la signification, quelle qu’elle soit, du mot “Canadien”. Une fois la tension relâchée et les deux éléments unité et identité confondus ou assimilés l’un à l’autre, nous obtenons les deux maladies endémiques de la vie canadienne. Assimiler l’identité à l’unité produit les gestes vides du nationalisme culturel ; assimiler l’unité à l’identité produit le type d’isolement provincial maintenant désigné sous le nom de séparatisme. » The bush garden parut une année après la Crise d’octobre [V. Pierre Elliott Trudeau].

Frye traitait son travail d’écriture sur les questions canadiennes avec autant de sérieux que ses autres travaux. Sa dernière conférence publique, « The cultural development of Canada », prononcée en octobre 1990, fournit une distinction utile des trois aspects du mot « culture » : le mode de vie, un héritage commun de souvenirs et de coutumes, et « les créations authentiques d’une société », vaste catégorie qui inclut l’architecture et la science. La culture est simplement « le noyau indestructible d’une société humaine, tant qu’il s’agit bien d’une société humaine et non pas d’un simple agrégat d’atomes dans une masse humaine ». Il perçut la controverse au sujet de l’Accord du lac Meech [V. Pierre Elliott Trudeau] comme le résultat d’un déséquilibre culturel et non pas politique : « Le Canada francophone est une réalité culturelle de la plus haute importance : le “Québec” est une province comme les autres. » Cet essai d’une grande densité se termine sur l’« aspect “frontières invisibles” de la culture », c’est-à-dire ce qu’on peut apprendre du Canada et d’ailleurs dans les musées, les galeries d’art et les universités. « La société doit posséder la loyauté, mais dans une démocratie, il n’y a pas de loyautés sans critiques. »

À compter de 1968, lorsque le premier ministre Lester Bowles Pearson* le nomma au Conseil de la radio-télévision canadienne, jusqu’en 1977, année où il quitta ce poste, Frye travailla consciencieusement à tous les aspects du mandat du conseil pour réglementer la radiodiffusion au Canada. Le premier président, Pierre Juneau, appréciait en particulier ses capacités de chercheur ; Frye pouvait aussi exprimer des jugements lucides et produire des rapports sur les questions quotidiennes avec une étonnante rapidité. Certaines personnes qui comparurent devant le conseil ne savaient pas ce qui les attendait. On raconte encore l’anecdote selon laquelle un cadre supérieur avait étalé ses connaissances des lettres classiques en citant l’orateur romain Junius ; Frye lui avait fait sèchement remarquer que Junius était le nom de plume d’un Britannique du xviiie siècle.

Dans la dernière décennie de sa vie, Frye publia deux livres sur un sujet qui le préoccupait de plus en plus : la Bible et la littérature. Une grande partie du contenu des ouvrages The great code : the Bible and literature, paru à New York, en 1982, et Words with power : being a second study of the Bible and literature, publié dans la même ville, en 1990, est implicite ou dispersée dans ses écrits antérieurs. Par exemple, en parlant de Creation and recreation, publié à Toronto, en 1980, il dit : « je m’acheminais tranquillement [vers le sujet]. Si vous êtes un chevalier qui s’apprête à tuer un dragon, mieux vaut commencer par explorer le territoire. » Les deux livres sur la Bible organisent ce contenu sous forme schématique. Si les nombreuses publications issues d’Anatomy montrent comment sa structure critique fonctionne en pratique tout en raffinant certains de ses schémas, les livres sur la Bible révèlent comment une vision du monde selon Blake pourrait réagir à la Bible chrétienne. Ces deux ouvrages sont en quelque sorte la suite de Fearful symmetry. (Le titre The great code évoque Blake : « L’Ancien et le Nouveau Testament sont le grand code de l’art. ») Ils découlent également du « fameux cours sur la Bible » comme l’appela Margaret Atwood, l’une de ses anciennes étudiantes que Frye avait commencé à donner dans les années 1940. À en juger par l’introduction, qui s’éloigne de la finesse d’esprit et du centre d’intérêt de l’introduction polémique d’Anatomy, Frye avait en tête un auditoire plus large et une orientation quelque peu différente. Dans Anatomy, il examine les livres sacrés, notamment la Bible chrétienne, en termes littéraires. Comme Ricœur le décela, Frye ne permettait pas que les modèles littéraires et religieux se mélangent ou se confondent. Dans les ouvrages sur la Bible, il examine l’Écriture sainte en tant que « texte sacré », faisant usage de la notion de kerygma, terme qui signifie « proclamation » dans les Évangiles.

Les livres de Frye sur la Bible associent la Bible et la littérature (l’auteur insiste sur le fait qu’il n’y présente pas la Bible comme une œuvre littéraire). Ainsi, la première partie de The great code traite de l’ordre des mots, tandis que la seconde partie présente l’ordre des types. Dans un contexte biblique, le « type » est un mot chargé de sens, qui renvoie à des événements, des personnes et des éléments des Écritures hébraïques qui trouvent leurs antitypes ou leur accomplissement dans le Nouveau Testament. La typologie biblique, telle qu’elle avait évolué, était fortement schématique et convenait donc au tempérament de Frye. La connaissance de la typologie est certainement nécessaire pour lire une bonne partie des œuvres littéraires du passé, ainsi que pour interpréter les peintures anciennes et certains vitraux célèbres. Frye souhaitait rendre la typologie pertinente pour le monde moderne en la transformant en symbole vivant et en l’intériorisant, un peu comme Blake l’avait fait. Sa stratégie est encore plus apparente dans Words with power, ouvrage divisé lui aussi en deux parties. La première traite de questions littéraires, notamment des niveaux de lecture. La seconde, « Variations on a theme », porte sur quatre variations : la montagne, le jardin, la caverne et la fournaise. Frye décrit ces chapitres comme étant « une série d’essais de mythologie comparée, organisés autour de quatre intérêts fondamentaux : faire et créer ; aimer ; subsister et assimiler l’environnement [...] ; et échapper à l’asservissement et à la contrainte. Chaque essai met ces intérêts en relation avec la Bible et avec différents thèmes littéraires. » Son dernier livre, The double vision : language and meaning in religion, publié à Toronto en 1991 à titre posthume, sert de conclusion aux deux livres sur la Bible.

Ces ouvrages reçurent un accueil favorable, en particulier de la part des lecteurs déjà sympathiques au point de vue de Frye et de ceux qui ne connaissaient guère le sujet. D’autres furent moins enthousiastes. C’est bien sûr la Bible chrétienne qui en est le centre d’intérêt, et certains critiques juifs, pour qui la Bible est constituée des Écritures hébraïques, trouvèrent l’auteur moins sympathique, notamment dans les chapitres sur la typologie biblique. Le poète et critique canadien Eli Mandel demanda : « La tradition de qui ? » et désapprouva le ton du kerygma, sans toutefois ménager ses éloges sur l’ensemble de l’ouvrage. En se plaçant dans une perspective juive plus orthodoxe, le spécialiste de la Bible Robert Alter ferait connaître son désaccord avec Frye de façon percutante et révélatrice en 2004. Plusieurs critiques firent également remarquer que le point de vue blakien de Frye différait également du point de vue chrétien traditionnel.

Malgré son énorme influence, Frye demeura un homme réservé, comme s’il voulait retenir la puissance de sa brillante énergie intellectuelle et émotionnelle. Il était aussi passé maître dans l’art de l’ironie. Sa finesse d’esprit, tant à l’écrit qu’à l’oral, était proverbiale. Tout au long de sa vie, la musique lui apporta beaucoup de joie ; il jouait du piano, collectionnait et étudiait des partitions et écrivait sur la musique en fin connaisseur. Homme aux talents extraordinaires, il était simple dans ses affections, tant pour ses amis et collègues que pour son collège. Figure familière de l’établissement, il y venait régulièrement à l’heure du lunch (et prenait invariablement de la crème glacée pour dessert) et considérait ce milieu un peu comme une famille élargie. Toute sa vie, il fut un professeur engagé dans l’enseignement de premier cycle de même qu’un orateur remarquable.

Vers le milieu des années 1970, Helen Gertrude Frye avait consulté un psychiatre au sujet de son insomnie et de son anxiété grandissantes. Elle se sentit suffisamment bien pour aller s’installer à Cambridge, au Massachusetts, quand son mari enseigna à Harvard en 19741975, mais en 1979, sa personnalité pleine d’humour, d’intelligence et d’énergie se mit à changer. Elle perdait de plus en plus la mémoire et était parfois irritable ; elle cessa d’aimer voyager comme elle l’avait fait pendant des années. On diagnostiqua la maladie d’Alzheimer, et Frye commença à organiser la maison et son emploi du temps en fonction de la condition de sa femme.

En 1986, Frye planifia un voyage en Australie avec Helen Gertrude pour lui offrir des vacances et s’accorder une pause après un mois de conférences à Sydney et dans d’autres villes. Le couple était accompagné par Jane Widdicombe, qui fut longtemps la secrétaire de Frye et qu’il considérait maintenant comme sa fille, et son mari. À Cairns, Helen Gertrude, souffrant d’une embolie pulmonaire, dut être hospitalisée d’urgence ; elle mourut quelques jours plus tard. Pour Frye, le choc fut terrible. Il sombra dans la dépression, coupa les contacts sociaux beaucoup plus que d’habitude et semblait l’ombre de lui-même. Des camarades de la classe de 1933, entre autres, avec lesquels Helen Gertrude et lui étaient restés en relation au fil des ans, atténuèrent sa solitude. Elizabeth Eedy Brown, alors veuve, se trouvait parmi eux. Elle et Frye, qui avaient toujours entretenu des liens d’amitié, se rapprochèrent. Ils décidèrent de se marier en juillet 1988 ; chez Frye, le changement fut immédiat et rassurant.

À la fin de 1990, Frye reçut un diagnostic de cancer. Il commença des traitements, mais en janvier de l’année suivante, il mourut d’un infarctus. La perte d’un personnage de cette envergure toucha beaucoup de monde. Margaret Atwood écrivit le lendemain : « [...] nombreux sont ceux, même des gens qui ne l’ont jamais connu personnellement, qui se sentiront orphelins après son décès ».

Au cours des années, Frye reçut moult distinctions honorifiques. En 1967, il fut le premier à recevoir de la University of Toronto le titre de professeur d’université. Il fut fait compagnon de l’ordre du Canada en 1972 et, entre 1969 et 1981, devint membre titulaire honoraire ou membre de l’American Academy of Arts and Sciences, du Merton College, d’Oxford, de la British Academy, de l’American Philosophical Society et de l’American Academy and Institute of Arts and Letters. Élu à la Société royale du Canada en 1951, il y reçut la médaille Lorne Pierce en 1958 et la médaille Pierre Chauveau en 1970. Il fut récipiendaire du prix Molson du Conseil des arts du Canada en 1970, du prix de la Banque royale pour une œuvre canadienne remarquable en 1978, du prix du gouverneur général dans la catégorie études et essais en 1986 et du Toronto Arts Award pour l’ensemble de sa carrière en 1987. Des universités et collèges du monde entier lui décernèrent également plus de 30 doctorats honorifiques. Il fut nommé chancelier du Victoria College en 1978, poste qu’il occupa jusqu’à sa mort.

Frye était doté d’un des grands esprits analytiques de son temps. Fait encore plus marquant, il possédait également un esprit de synthèse exceptionnel. Sa fascination pour l’anatomie tenait d’Aristote ; il comprenait bien que les taxinomies étaient des théories d’ordre et non des cases à remplir, et que toutes les typologies et taxinomies servaient à interpréter, aspect que fit valoir le biologiste Stephen Jay Gould. Frye a été qualifié de platonicien dans son sens visionnaire, même s’il était plus précisément biblique, de la façon dont Blake était biblique, c’est-à-dire qu’il se concentrait non pas sur la théologie ou la connaissance érudite de la Bible, mais sur sa puissance mythique. La combinaison qu’il fit de la taxinomie et de la pensée visionnaire convenait au xixe siècle, et Frye a peut-être été l’un des derniers grands penseurs de cette tradition érudite et libérale dont les racines remontent à cette époque.

Quand on lui demandait de résumer ses points de vue, Frye disait que les œuvres littéraires constituaient un « ensemble de l’ordre verbal » et non pas seulement un agrégat. Si la littérature n’est qu’un simple agrégat, dans lequel les œuvres sont juxtaposées, il faut donc qu’un autre ordre des choses (historique, psychologique, politique, religieux, philosophique) fournisse le cadre ou le contexte à l’intérieur duquel nous rangeons les œuvres d’art, tout comme les histoires de nos propres vies. L’écrivain ne fonctionne cependant pas de cette façon, et les critiques ne peuvent fournir des modèles utiles pour lire la littérature sans connaître au plus profond d’eux-mêmes les principes et l’histoire d’un art donné. Le choix de Frye, de dépasser cette connaissance en faveur d’un « ensemble de l’ordre verbal » semblable à celui de Blake ou du poète Stéphane Mallarmé, s’est avéré plus controversé. Mais bien que les critiques remettent en question les implications d’un « ensemble de l’ordre verbal » ou même d’un ordre idéal, ils s’entendent pour dire que la critique doit maintenir la clarté de ses principes et de ses taxinomies, ou qu’une grande partie du discours public sur l’écriture révèle une maîtrise tristement faible de la rhétorique.

En 1990, Frye termina une réponse bienveillante à l’American Society for Eighteenth-Century Studies comme suit : « Ma façon de commencer un livre est d’écrire des aphorismes disparates dans un carnet, et quatre-vingt-quinze pour cent de mon travail consiste à réunir ces aphorismes disparates en une ligne narrative continue [...] il est possible que nombre de mes lecteurs tendent à retracer la forme aphoristique originale, trouvant plus utile mes réflexions détachées que mes structures globales. » Certains lecteurs sont attirés par son modèle entier d’un univers verbal. D’autres, comme il le savait fort bien, préfèrent des modèles différents, plus vastes ou plus expérimentaux, voire plus fragmentés, mais trouvent toujours dans ses œuvres nombre d’idées utiles.

En 2000, même certains des admirateurs de Herman Northrop Frye furent troublés par la publication de Northrop Frye’s Late notebooks, en particulier pour le texte non daté intitulé « Statement for the day of my death ». L’auteur y énumère les aspects sur lesquels d’autres critiques peuvent l’avoir surpassé, puis ajoute, sans aucun doute avec une pointe d’ironie : « J’avais du génie. Personne à ma connaissance n’en avait autant dans le domaine. » Harold Bloom fut l’un de ceux qui furent troublés. Néanmoins, dans un nouvel avant-propos à Anatomy qu’il rédigea la même année, il écrivit que « la critique de Frye allait survivre parce qu’elle [était] sérieuse, spirituelle et exhaustive, mais non pas parce qu’elle [était] systématique ou la manifestation d’un génie ». Les futurs érudits, « feuilletant les ouvrages de Frye, y trouveront une foule de préceptes et des exemples pour les étayer ».

Eleanor Cook

Parmi les principaux écrits de Herman Northrop Frye, outre ceux mentionnés dans le texte, figurent : Fools of time : studies in Shakespearean tragedy (Toronto, 1967) ; The modern century (Toronto, 1967) ; A study of English Romanticism (New York, 1968) ; The critical path : an essay on the social context of literary criticism (Bloomington, Ind., 1971) ; The myth of deliverance : reflections on Shakespeare’s problem comedies (Toronto, 1983) ; et Myth and metaphor : selected essays, 197488, R. D. Denham, édit. (Charlottesville, Va., 1990). Frye a exprimé ses idées sur l’éducation dans son article intitulé « Don’t you think it’s time to start thinking ? », Toronto Star, 25 janv. 1986 : M2. Sa recension de The rhetoric of Romanticism, ouvrage de Paul de Man, a paru dans « In the earth, or in the air ? », Times Literary Supplement (New York), 17 janv. 1986 : 51. Une liste exhaustive des publications de Frye se trouve dans le livre de R. D. Denham : Northrop Frye : a bibliography of his published writings, 19312004 (Emory, Va., 2004). Depuis la mort de Frye, ses œuvres publiées et non publiées ont été assemblées dans Collected works of Northrop Frye, sous la dir. de J. M. Robson et A. A. Lee (27 vol. parus, Toronto, 1996). Les volumes de cette collection qui ont été les plus importants pour notre étude sont : The correspondence of Northrop Frye and Helen Kemp, 19321939, R. D. Denham, édit. (2 vol., 1996) ; Northrop Frye’s late notebooks, 19821990 : architecture of the spiritual world, R. D. Denham, édit. (2 vol., 2000) ; The diaries of Northrop Frye, 19421955, R. D. Denham, édit. (2001) ; et Northrop Frye on Canada, Jean O’Grady et David Staines, édit. (2003).

La plupart des documents manuscrits sont conservés dans le fonds Northrop Frye, à la Victoria Univ., à la Univ. of Toronto, dont l’instrument de recherche se trouve maintenant en ligne : Victoria Univ. Library, « Guide to the Northrop Frye papers » : http://library.vicu.utoronto.ca/special/F11fryefonds.htm (consulté le 4 déc. 2008). Au même endroit, « Northrop Frye (19121991) : About the collection Related resources » : http://library.vicu.utoronto.ca/special/F11fryeintro.htm (consulté le 4 déc. 2008) donne un lien qui renvoie à une liste d’environ 2 000 livres annotés par Frye. Nous possédons une grande collection de dossiers contenant des coupures de presse, des notes de cours et du matériel didactique. Criticism in society, Imre Salusinszky, édit. (New York, 1987), 26-42, comprend des entrevues avec Frye, Bloom, Kermode et d’autres personnes.

Plusieurs ouvrages de Frye ont connu une traduction en français. En voici les titres, présentés en ordre chronologique : le Siècle de l’innovation : essai [traduction de The modern century], François Rinfret, trad. (Montréal, 1968) ; Anatomie de la critique [traduction d’Anatomy of criticism : four essays], Guy Durand, trad. ([Paris], 1969) ; Pouvoirs de l’imagination : essai [traduction de The educated imagination], Jean Simard, trad. (Montréal, 1969) ; le Grand Code : la Bible et la littérature [traduction de The great code : the Bible and literature], Catherine Malamoud, trad. (Paris, 1984) ; la Parole souveraine : la Bible et la littérature II [traduction de Words with power : being a second study of the Bible and literature], Catherine Malamoud, trad. (Paris, 1994) ; l’Écriture profane : essai sur la structure du romanesque [traduction de The secular scripture : a study of the structure of romance], Cornelius Crowley, trad. ([Belfort, France], 1998) ; les Fous du temps : sur les tragédies de Shakespeare [traduction de Fools of time : studies in Shakespearean tragedy], Jean Mouchard, trad. ([Paris], 2002) ; Une perspective naturelle : sur les comédies romanesques de Shakespeare [traduction de A natural perspective : the development of Shakespearean comedy and romance], Simone Chambon et Anne Wicke, trad. ([Paris], 2002).

Margaret Atwood, « The great communicator », Globe and mail (Toronto), 24 janv. 1991 : C1.— Louise Brown et Bill Schiller, « “Key to education” is love of learning », Toronto Star, 10 mai 1987 : A1. New York Times, 25 janv. 1991.Robert Alter, « Northrop Frye between archetype and typology », dans Frye and the Word : religious contexts in the writings of Northrop Frye, Jeffery Donaldson et Alan Mendelson, édit. (Toronto, 2004), 137-150.John Ayre, Northrop Frye : a biography (Toronto, 1989).Harold Bloom, « Northrop Frye in retrospect », dans Northrop Frye, Anatomy of criticism : four essays (Princeton, N.J., 2000), vii-xi.R. D. Denham, Northrop Frye : an annotated bibliography of primary and secondary sources (Toronto, 1987). Eighteenth-Century Studies (Baltimore, Md.), 24 (1990-1991), numéro spécial intitulé Northrop Frye and Eighteenth-Century Studies. Richard Ellmann, « Dissent and the Academy », [compte rendu de The morality of scholarship, Max Black, édit.], New York Review of Books (New York), 15 févr. 1968 : 8.Nicholas Halmi, « Northrop Frye’s Fearful symmetry », Essays in Criticism (Oxford, Angleterre), 55 (2005) : 159-172.A. C. Hamilton, Northrop Frye : anatomy of his criticism (Toronto, 1990).Jay Macpherson, The boatman (Toronto, 1957).Eli Mandel, « Frye : the Bible and literature tautology as truth and vision », dans Eli Mandel, The family romance (Winnipeg, 1986), 135-140. Northrop Frye in conversation, David Cayley, édit. (Toronto, 1992). Northrop Frye in modern criticism : selected papers from the English Institute, éd. et introd. par Murray Krieger (New York, 1966).Paul Ricœur, « Anatomy of criticism or the order of paradigms », dans Centre and labyrinth : essays in honour of Northrop Frye, Eleanor Cook et al., édit. (Toronto, 1983), 1-13. A world in a grain of sand : twenty-two interviews with Northrop Frye, R. D. Denham, édit. (New York, 1991).

Bibliographie générale

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Eleanor Cook, « FRYE, HERMAN NORTHROP », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 22, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/frye_herman_northrop_22F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique


Permalien: http://www.biographi.ca/fr/bio/frye_herman_northrop_22F.html
Auteur de l'article:    Eleanor Cook
Titre de l'article:    FRYE, HERMAN NORTHROP
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 22
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2009
Année de la révision:    2009
Date de consultation:    19 mars 2024