GENYK (Genik, Genyk-Berezovsky), CYRIL (Kyrylo), traducteur, agent d’immigration, propriétaire de journal et leader communautaire, né en 1857 à Bereziv Nyzhnii, comté de Kolomyya, Galicie (Ukraine), alors possession autrichienne, fils d’Ivan Genyk et d’Ann Pertsovych ; il épousa Pauline Tsurkovsky, et ils eurent trois fils et trois filles ; décédé le 12 février 1925 à Winnipeg.

Fils d’un maire de village, Cyril Genyk s’enorgueillissait d’être issu d’une famille de la noblesse ukrainienne dont l’un des privilèges avait été d’échapper au servage – distinction importante dans l’Europe centrale d’avant 1848. Il étudia d’abord à Kolomyya puis à Stanislav (Ivano-Frankivsk), où il obtint un diplôme d’école normale. Après avoir poursuivi ses études dans un gymnase de Lemberg (Lviv), il passa sa licence. Peut-être étudia-t-il un moment le droit à l’université d’État de Tchernivtsi, mais il s’orienta vers l’enseignement. Le lieu de sa première affectation, en 1879, fut Kaminne, petite localité du comté de Nadvirna. En 1882, il ouvrit dans son village natal une école où il enseigna.

Dans le courant de ses études, Genyk avait rencontré un groupe de jeunes militants populistes et socialistes. On y trouvait notamment Ivan Iakovlevitch Franko, futur auteur et chef politique réputé. Pour avoir prétendument propagé des idées réformistes parmi les paysans de sa région, Genyk fut arrêté en 1880, mais il fut relâché sans avoir jamais comparu. Dans les années 1880, il fonda et exploita une minoterie, puis une coopérative de production, le Magasin des Carpates. Il appartint à diverses instances de réglementation du mouvement coopératif en Galicie orientale. En 1890, il fut élu au conseil du comté de Kolomyya.

Genyk connaissait Jósef Olesków*, professeur d’agronomie à Lemberg qui serait pour beaucoup dans l’immigration massive d’Ukrainiens au Canada à la fin du xixe siècle et au début du xxe. Olesków demanda à Genyk de prendre en charge le deuxième contingent de colons sélectionnés par lui. Le 22 juin 1896, Genyk débarqua à Québec avec son groupe de 64 colons, qui comprenait sa femme et ses quatre enfants. Il les conduisit à Winnipeg puis à Stuartburn, dans le sud-est du Manitoba. Comme il avait l’intention de s’y établir, il demanda une concession statutaire le 22 août, mais en l’espace de quelques mois, il se ravisa. Afin de pouvoir envoyer ses enfants à l’école, il installa sa famille à Winnipeg, où il acheta une maison. Sa demande de concession serait annulée par la suite.

Homme d’âge mûr et père de famille, Genyk avait de l’instruction, parlait plusieurs langues et était bon organisateur. En raison de ces qualités, Olesków recommanda au département de l’Intérieur, le 27 août 1896, de le prendre comme agent d’immigration. Le 22 septembre, les fonctionnaires départementaux à Winnipeg reçurent l’autorisation de l’engager au besoin à titre d’interprète et de traducteur. Bientôt, il aurait un poste à temps plein. Naturalisé en 1900, il travaillerait pour le ministère et les autorités locales jusqu’en 1911. C’était un porte-parole compétent des immigrants, qui étaient rassurés de l’avoir pour les conseiller. En uniforme et casquette à visière, il leur en imposait à leur arrivée à Québec.

Par ailleurs, Genyk prit une part active à la création des premières institutions ukraino-canadiennes – entre autres la société culturelle et bibliothèque appelée Taras Shevchenko Reading Hall, qu’il fonda dans sa maison en 1899. Presque dès son arrivée, il avait publié des articles dans des journaux américains de langue ukrainienne, et il en fit paraître ensuite au Canada. Ainsi, dans Svoboda (Liberté), périodique de Mount Carmel, en Pennsylvanie, il incitait les immigrants à venir au printemps, avec assez d’argent comptant pour s’installer, et les prévenait contre les exploiteurs, notamment certains agents des compagnies de navigation. Il encourageait ses compatriotes ukrainiens immigrés au Canada à renoncer à leurs schèmes de pensée et à leurs rituels, à apprendre l’anglais et à s’adapter à leur nouveau pays. En 1903, avec deux autres militants originaires de Galicie, Ivan (John) Bodrug et Ivan (John) Negrich, il lança à Winnipeg le premier journal canadien de langue ukrainienne, le Kanadyiskyi farmer/Canadian Farmer, et fonda à cette fin une société d’édition, la North West Publishing Company.

Genyk ne se réclamait d’aucune confession, mais il connaissait la piété de ses compatriotes. Il souhaitait la création d’une Église indépendante de la tutelle des Églises grecque-catholique (orientale) [V. Nestor Dmytriw] et orthodoxe russe – autre rupture avec le passé. En 1903–1904, lui-même et ses associés Bodrug et Negrich collaborèrent, avec des ministres presbytériens de Winnipeg, à la fondation d’une Église syncrétique, l’Église indépendante de rite grec [V. Joseph Czerniawski*], dont ils faisaient la promotion dans le Kanadyiskyi farmer.

Pendant ses années de service au ministère de l’Intérieur, Genyk fut amené à faire de l’action politique chez les libéraux, principalement parce que le gouvernement libéral d’Ottawa encourageait l’immigration. Premier Ukrainien d’origine à être agent du Parti libéral, il recrutait du personnel et faisait campagne pour des candidats. Le Kanadyiskyi farmer devint l’organe officiel du parti auprès de la communauté ukrainienne.

Cyril Genyk était jaloux de la faveur dont il jouissait au Parti libéral et auprès des Anglo-Canadiens avec qui il collaborait. En outre, il se complaisait dans le prestige qui entourait son poste de fonctionnaire. Il se trouvait si important que d’aucuns le qualifiaient de prétentieux, de m’as-tu-vu. Délaissé par ses compagnons militants, il s’aliéna, semble-t-il, toute la communauté ukrainienne de Winnipeg. Il perdit son emploi après l’élection des conservateurs de Robert Laird Borden* à Ottawa en 1911. On ne sait guère ce qu’il advint de lui après cette date, car il disparut de la scène publique. Il partit vivre aux États-Unis avec deux de ses enfants, Eugenia et John, mais il finit par revenir à Winnipeg, où il mourut en 1925.

Stella Hryniuk

Dictionary of Ukrainian Canadian biography, pioneer settlers of Manitoba, 1891–1900, V. J. Kaye, édit. et compil. (Toronto, 1975).— Oleksander Dombrovsky, Outline of the history of the Ukrainian Evangelical-Reformed movement (New York et Toronto, 1979) [texte en ukrainien].— A heritage in transition : essays in the history of Ukrainians in Canada, M. R. Lupul, édit. (Toronto, 1982).— J.-P. Himka, Galician villagers and the Ukrainian national movement in the nineteenth century (New York, 1988).— V. J. Kaye, Early Ukrainian settlements in Canada, 1895–1900 : Dr. Josef Oleskow’s role in the settlement of the Canadian northwest (Toronto, 1964).— O. T. Martynowych, Ukrainians in Canada : the formative period, 1891–1924 (Edmonton, 1991).— M. H. Marunchak, Studies in the history of Ukrainians in Canada (5 vol. parus, Winnipeg, 1964– ) [texte en ukrainien].— O. I. Sych, From the « new land » : letters of Ukrainian emigrants from Canada (Edmonton, 1991) [texte en ukrainien].

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Stella Hryniuk, « GENYK (Genik, Genyk-Berezovsky), CYRIL (Kyrylo) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/genyk_cyril_15F.html.

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Année de la publication:    2005
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