GRANT, ROBERT HENRY, agriculteur et homme politique, né le 5 août 1860 à Ottawa, aîné des enfants de Robert Grant et d’Eliza Hardy ; le 10 janvier 1886, il épousa à Perth, Ontario, Sara Christiana Cuddie (décédée le 31 juillet 1887), puis le 17 juin 1891, dans le canton de Huntley, Ontario, Sarah Maria Gourlay (décédée le 18 février 1927), et de ce second mariage naquirent six garçons et trois filles ; décédé le 26 novembre 1930 près de Hazeldean (Ottawa).

Après que son mari eut trouvé la mort dans un incendie en 1870, Eliza Grant s’installa avec ses enfants à Ottawa, où Robert Henry parvint à faire ses études secondaires. Il fréquenta quelque temps la University of Toronto et l’Ontario Agricultural College de Guelph avant de prendre en charge la grande ferme familiale. Celle-ci était située près de Hazeldean, dans le canton de Goulbourn, où Grant participa à l’administration locale. Représentant de ce canton au conseil du comté de Carleton de 1882 à 1891, il fut ensuite vérificateur du comté durant 12 ans. En 1884, il fut nommé juge de paix. Les autorités fédérales l’engagèrent l’année suivante pour participer à l’évaluation de terrains qu’elles projetaient d’acheter pour la ferme expérimentale centrale d’Ottawa et, en 1915, pour la base militaire de Valcartier, dans la province de Québec. Franc-maçon et membre de l’église anglicane St Paul à Hazeldean, Grant fut secrétaire d’une fromagerie et d’une compagnie de téléphone locales, du Farmers’ Institute de Carleton et de l’Eastern Ontario and Western Quebec Plowmen’s Association.

Conservateur de vieille date, Grant adhéra pourtant aux Fermiers unis de l’Ontario et, lorsque ce mouvement de réforme agraire créé en 1914 choisit ses candidats en prévision des élections provinciales d’octobre 1919, il accepta à contrecœur l’investiture dans Carleton. La campagne qu’il mena dans cette circonscription traditionnellement conservatrice fut solide, quoique discrète. Grant reprocha à son adversaire Adam Holland Acres, lui aussi agriculteur, de suivre aveuglément les consignes du Parti conservateur et affirma que la présence de cultivateurs pouvait améliorer toutes les organisations, y compris les parlements. Il obtint une majorité stupéfiante ; « Carleton vend son droit d’aînesse », proclama la Carp Review de Carp, en Ontario. Sur la scène provinciale, les Fermiers unis remportèrent plus de sièges que tout autre parti et, avec 11 députés travaillistes indépendants, formèrent un gouvernement de coalition. Grant fit partie du comité qui décida de confier le poste de premier ministre à Ernest Charles Drury*. Malgré des rumeurs selon lesquelles Grant aurait le portefeuille de l’Agriculture, Drury le nomma ministre de l’Éducation, dans une certaine mesure à cause de ses études post-secondaires. C’était la première fois qu’un député de Carleton accédait au cabinet provincial. Grant fit preuve d’une modestie caractéristique dans une entrevue donnée peu après sa nomination : « Je suis né fermier, je suis fermier et ne suis rien d’autre. Ma ferme a été mon principal centre d’intérêt et réconfort, en dépit de mes autres activités. »

Ministre durant trois ans, Grant s’acquitta de ses fonctions avec compétence, mais sans éclat. Dès le début, il mit l’accent sur l’amélioration des écoles rurales, secteur où il remporta quelque succès. Les salaires des instituteurs augmentèrent, il y eut nomination d’un directeur de l’organisation des écoles rurales (William John Karr), et des écoles d’agriculture ouvrirent leurs portes à Ridgetown et à Kemptville. Cependant, les efforts du gouvernement en vue d’appliquer la loi de 1921 qui faisait passer de 14 à 16 ans l’âge de la fréquentation scolaire obligatoire suscitèrent de la résistance chez les députés ruraux d’arrière-ban, et l’assiduité dans les écoles chuta. Drury estimait que Grant, au lieu de se fier à son propre jugement, s’en remettait trop souvent à ses fonctionnaires, parmi lesquels se trouvaient des sommités d’expérience tels Arthur Hugh Urquhart Colquhoun* (sous-ministre), Francis Walter Merchant* (enseignement professionnel et technique) et William Oliver Carson (bibliothèques publiques). À l’occasion cependant, Grant savait tenir son bout. En 1920, Charles Vincent Massey* offrit de financer une commission sur les écoles ontariennes. Comme il n’avait pas été consulté, Grant menaça de démissionner si Drury donnait suite à ce projet. Drury fit volte-face, notamment parce que les Fermiers unis se méfiaient des commissions extérieures et en particulier de Massey, issu d’une famille productrice d’instruments aratoires. En d’autres matières importantes, Grant ne put pas ou ne voulut pas appliquer des principes des Fermiers unis. Ceux-ci étaient contre le Règlement 17, qui avait été adopté par l’ancien gouvernement conservateur de sir James Pliny Whitney* et limitait l’usage du français dans les écoles, mais Grant ne le révoqua pas. Bien qu’il ait justifié son inaction par l’existence de tensions entre catholiques francophones et anglophones, la présence de 87 loges orangistes dans sa circonscription dut l’influencer fortement. Le maintien du Règlement 17 mettait en lumière les différends entre les simples membres des Fermiers unis et leurs représentants élus, qui atténuaient ou laissaient de côté plusieurs articles fondamentaux du programme.

Aux élections de juin 1923, Grant affronta encore une fois Adam Holland Acres et subit la défaite. Il retourna à sa ferme et ne se porta plus jamais candidat, mais il continua de s’intéresser à l’éducation. Il correspondit avec son successeur conservateur au poste de ministre, George Howard Ferguson*, de Kemptville (non loin de Goulbourn), à qui il reconnaissait une solide compréhension des questions éducatives. Tandis que Grant exploitait sa ferme, dans les années 1920, sa femme, Sarah Maria Gourlay, prenait part à la vie publique. Elle fut vice-présidente honoraire de l’Ontario Federation of Home and School Associations et, en 1927, représenta les Federated Women’s Institutes of Ontario à l’assemblée annuelle de la League of Nations Society in Canada. Décédé en 1930, Grant fut inhumé au cimetière Maple Grove à Hazeldean.

Robert Henry Grant est assez représentatif des candidats des Fermiers unis élus en 1919, et son cas illustre assez bien l’écart qui les séparait d’autres membres du parti. Il avait cru que la présence de cultivateurs à l’Assemblée législative déboucherait sur l’adoption de politiques favorables à leur métier. La base du parti souhaitait en plus que les systèmes politiques, économiques et sociaux connaissent de profonds changements qui iraient au delà des questions agricoles. Or, les députés cultivateurs, une fois à Queen’s Park, ne répondirent guère à ces attentes.

Kerry Badgley

AO, RG 80-5-0-142, nº 5994 ; RG 80-5-0-184, nº 1976.— Carp Review (Carp, Ontario), 16, 23 oct., 20 nov. 1919, 7 juin 1923, 24 févr. 1927, 4 déc. 1930.— BAC, RG 31, C1, 1871, Ottawa, Wellington Ward, div. 1 : 7 ; 1901, Goulbourn Township, Ontario, div. 5 : 3.— Ottawa Evening Journal, 27 nov. 1930.— Kerry Badgley, Ringing in the common love of good : the United Farmers of Ontario, 1914–1926 (Montréal et Kingston, Ontario, 2000).— Canadian annual rev., 1920 : 540.— E. C. Drury, Farmer premier : memoirs of the Honourable E. C. Drury (Toronto, 1966).— C. M. Johnston, E. C. Drury : agrarian idealist (Toronto, 1986).— K. M. Nicholson, « Policies of the Department of Education during the administration of Premier E. C. Drury, 1919–1923 » (mémoire de m.a., Univ. of Toronto, 1972).— Peter Oliver, G. Howard Ferguson : Ontario Tory (Toronto et Buffalo, N.Y., 1977).— Ontario, Legislature, Sessional papers, reports of the minister of education, 1919–1922.— R. M. Stamp, The schools of Ontario, 1876–1976 (Toronto, 1982).

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Kerry Badgley, « GRANT, ROBERT HENRY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 3 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/grant_robert_henry_15F.html.

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Année de la publication:    2005
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