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GUERIN, BELLELLE (baptisée Mary Ellen Gueren), auteure et agente de changements sociaux, née le 24 septembre 1849 à Montréal, aînée des enfants et fille unique de Thomas Gueren et de Mary Maguire ; décédée célibataire le 28 janvier 1929 dans la même ville.
Français, les ancêtres paternels de Mary Ellen Gueren avaient émigré en Irlande au xviie siècle. Thomas Gueren arriva dans le Bas-Canada en provenance de Clonbeg (république d’Irlande) dans les années 1830 et s’installa à Montréal. En 1848, il épousa Mary Maguire, elle aussi d’ascendance irlandaise. Outre Mary Ellen, le couple eut cinq garçons dont l’un mourut bébé. D’abord arpenteur, Thomas Gueren devint ingénieur civil. En 1861, pendant que ses parents résidaient temporairement à Ottawa, Mary Ellen fut placée dans un pensionnat montréalais de la Congrégation de Notre-Dame, le Mont-Sainte-Marie. Elle y étudia, en français, des matières telles la musique, les beaux-arts, la grammaire, l’élocution et la cuisine. Elle quitta le pensionnat à l’âge de 17 ans ; ce qu’elle fit ensuite pendant 20 ans reste obscur. On dirait plus tard qu’elle était devenue une poétesse accomplie et avait aussi écrit des portraits de femmes célèbres de la Nouvelle-France, mais aucune trace de ces textes n’a été retrouvée. Ce fut peut-être au cours de cette période qu’elle prit le nom qu’elle garderait jusqu’à la fin de sa vie, Bellelle Guerin.
En 1886, Mlle Guerin prit en charge l’éducation des deux jeunes enfants de son frère James John Edmund, devenu veuf. Cette tâche l’occupa durant deux décennies. Sa carrière publique commença en 1910, à l’élection de son frère à la mairie de Montréal. Alors âgée de 61 ans, elle jouait auprès de lui le rôle d’hôtesse, l’accompagnait à des cérémonies municipales et participait à des manifestations d’envergure. Elle assista notamment au Congrès eucharistique international, tenu à Montréal cette année-là, qui eut probablement pour elle un effet catalyseur. Venu pour le congrès, l’archevêque de Westminster, Francis Alphonsus Bourne, lui suggéra d’œuvrer au rassemblement des Canadiennes anglaises catholiques. Vers 1911, elle publia un hommage à un ancien maire de Montréal, John Easton Mills, qui avait contracté le typhus en visitant des malades pendant l’épidémie de 1847 et qui en était mort. « Il n’est pas de plus grand héros, disait-elle, que celui qui sacrifie sa vie sur l’autel du devoir pour la douce cause de la charité ! » Dans ces paroles se dessinait le principe – se vouer au bien d’autrui – qui, bientôt, inspirerait les réalisations pour lesquelles on la connaît le mieux.
Dès 1917, Bellelle Guerin était présidente du Catholic Women’s Club, anciennement le Ladies of Loyola Club. Dans une lettre écrite en juin, elle demanda à l’archevêque de Montréal, Paul Bruchési*, sa bénédiction pour la formation d’un autre groupe de femmes catholiques, soit un chapitre de la Catholic Women’s League. Cette organisation existait déjà à Edmonton [V. Katherine Angelina Hughes], à Boston, à Chicago et à Londres. La ligue de Montréal, précisait Mlle Guerin, suivrait le modèle encouragé en Angleterre par Mgr Bourne et viserait à réunir les femmes catholiques de langue anglaise aux fins suivantes : « consultation, philanthropie et travail éducatif en conformité avec les principes catholiques ». Mgr Bruchési donna sa « cordiale approbation » tout en rappelant à Bellelle Guerin : « les dames de langue française de Montréal ont une société semblable, par ses objectifs, à celle que vous avez en vue, à savoir la Fédération nationale Saint-Jean-Baptiste » [V. Marie Lacoste*]. En novembre 1917, Mlle Guerin convoqua une assemblée au cours de laquelle fut fondé le chapitre montréalais de la Catholic Women’s League, dont elle devint la première présidente.
Pendant trois ans, Mlle Guerin présida le chapitre montréalais qui, dès 1920, compterait 440 membres. La ligue se subdivisait en diverses sections : les arts et la littérature, l’instruction civique et l’éducation, les actualités, l’économie domestique, la musique, le Loyola Convalescent Home (ouvert en 1914 par le Ladies of Loyola Club), la Community House et la section des jeunes. Au cours de réunions hebdomadaires tenues en après-midi, les femmes assistaient à des conférences sur des sujets comme « la contribution du Canada à l’art moderne », « les femmes catholiques et le suffrage » et « le métier de femme au foyer ». Les sections présentaient des rapports, le plus important étant celui du Loyola Convalescent Home. En 1920–1921, cette maison soigna 125 malades ; les frais quotidiens pour l’établissement étaient de 1,10 $ par personne.
Tandis que la Catholic Women’s League prenait de l’ampleur, Bellelle Guerin militait dans d’autres organisations, en particulier celles qui étaient liées à l’effort de guerre. Elle fut la rédactrice en chef de la version anglaise d’une publication bilingue, l’Aide à la France, qui parut en 1918 à Montréal et dont le but était de recueillir des fonds pour les soldats et les réfugiés en France et en Belgique. En outre, elle travailla pour la Société canadienne de la Croix-Rouge et le Fonds patriotique canadien.
En juin 1920 eut lieu à Montréal une assemblée en vue d’étudier la possibilité d’unifier les chapitres de la Catholic Women’s League, qui était alors implantée dans la plupart des grandes villes du Canada. Initiatrice de cette assemblée, Mlle Guerin fut la première à être élue à la présidence de la fédération nationale, la Ligue des femmes catholiques du Canada. L’année suivante, au premier congrès national, à Toronto, elle exprima sa foi en l’avenir de l’organisme : « On peut dire que nous sommes en train de poser la première pierre d’un édifice qui s’élèvera, beau, solide et fier, devant les yeux du monde entier. »
Sous la présidence de Bellelle Guerin, la Ligue des femmes catholiques du Canada intensifia son action en vue d’intégrer les immigrants catholiques à la société et préconisa de plus en plus l’adoption de mesures touchant les femmes, par exemple les lois sur le salaire minimum et, en Ontario, le Mothers’ Allowance Act. Mlle Guerin prônait ce qu’elle appelait un « féminisme catholique », doctrine qui, selon elle, invitait la femme « à diriger la pensée, à garder la morale et à déposer son influence dans la balance de la justice chaque fois que l’exige[ait] la droiture ». Quelque temps après 1921, elle remplaça la devise de la ligue, Laborare est orare (Travailler, c’est prier), par une formule plus générale et patriotique, Pour Dieu et le Canada. En outre, elle écrivit un texte en anglais pour le Ô Canada, composé en 1880 par Calixa Lavallée* avec des paroles en français d’Adolphe-Basile Routhier*. « Je désirais ardemment, expliqua-t-elle, que nous entendions non seulement la même mélodie merveilleuse que nos compatriotes canadiens-français, mais aussi les mêmes mots, les mêmes sentiments. » Adoptées par toutes les subdivisions de la ligue et chantées à la clôture des réunions, ces paroles furent acceptées en 1924 par le comité catholique du Conseil de l’instruction publique de la province de Québec, mais elles ne remplaceraient pas la version plus connue, publiée par Robert Stanley Weir en 1908.
Bellelle Guerin fut honorée pour sa contribution à la Ligue des femmes catholiques en 1922 à l’occasion d’une rencontre de l’Union internationale des ligues de femmes catholiques à Rome. Elle devint alors la première Canadienne à se voir conférer, par le pape, la croix Pro Ecclesia et Pontifice. En outre, elle reçut une lettre de félicitations pour ses bonnes œuvres et une bénédiction apostolique du Vatican. En 1923, la Ligue des femmes catholiques du Canada comptait 50 000 membres. Au congrès annuel tenu à Halifax, Mlle Guerin fut nommée présidente honoraire à vie et Frances Lovering [Mahony] fut élue présidente.
Bellelle Guerin mourut en 1929 à l’âge de 79 ans. La même année, la section montréalaise de la Ligue des femmes catholiques créa à sa mémoire une bourse d’études annuelle dans un établissement féminin du réseau privé, le Collège Marguerite-Bourgeoys. Mlle Guerin représente ces femmes dont l’action au sein de la société canadienne s’inspirait de la foi, du féminisme catholique, de la philanthropie et du patriotisme.
Bellelle Guerin est l’auteure de John Easton Mills : the martyr mayor of Montreal ([Montréal ?, 1911 ?]).
ANQ-M, CE601-S51, 7 nov. 1848, 30 sept. 1849.— Arch. de la chancellerie de l’archevêché de Montréal, 773.115 (Catholic Women’s League of Canada/Plan national – Corr. générale, 1893–1925).— Arch. de la Congrégation de Notre-Dame (Montréal), 312.560 (Mont-Sainte-Marie), nos 008, 161, 178–179, 257, 267.— TRL, SC, Biog. files, vol. 16 : 719–721.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— « Except the Lord build the house ... » : a history of the Catholic Women’s League of Canada, 1920–1990, V. J. Fall, compil. (Winnipeg, 1990).— J. Hamelin et al., la Presse québécoise, 5.— Ross Hamilton, Prominent men of Canada, 1931–32 (Montréal, [1932 ?]).— [D.-A. Lemire-Marsolais, dite Sainte-Henriette, et] Thérèse Lambert, dite Sainte-Marie-Médiatrice, Histoire de la Congrégation de Notre-Dame (11 vol. en 13 parus, Montréal, 1941– ), 10.— Sheila Ross, « “For God and Canada” : the early years of the Catholic Women’s League in Alberta », SCHEC, Hist. studies, 62 (1996) : 98–108.— Women of Canada (Montréal, 1930).
Molly Pulver Ungar et Vicky Bach, « GUERIN, BELLELLE (baptisée Mary Ellen Gueren) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/guerin_bellelle_15F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/guerin_bellelle_15F.html |
Auteur de l'article: | Molly Pulver Ungar et Vicky Bach |
Titre de l'article: | GUERIN, BELLELLE (baptisée Mary Ellen Gueren) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 11 nov. 2024 |