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HUBBARD, MABEL GARDINER (Bell), maîtresse de maison, capitaliste et réformatrice sociale, née le 25 novembre 1857 à Cambridge, Massachusetts, deuxième fille de Gardiner Greene Hubbard et de Gertrude Mercer McCurdy ; le 11 juillet 1877, elle épousa dans cette ville Alexander Graham Bell, et ils eurent deux fils, qui moururent en bas âge, et deux filles ; décédée le 3 janvier 1923 à Chevy Chase, Maryland, et inhumée à Beinn Bhreagh, près de Baddeck, Nouvelle-Écosse.

Mabel Gardiner Hubbard naquit dans une famille riche et influente du Massachusetts. Atteinte de la scarlatine à l’âge de cinq ans, elle en resta sourde, ce qui modifia le cours de sa destinée. Aux États-Unis, l’opinion dominante voulait que les enfants frappés de surdité en bas âge ne puissent pas conserver la faculté de parler. On estimait donc que, dans leur cas, le langage des signes était le meilleur moyen de communication. Pour empêcher sa fille de devenir muette, Gertrude Mercer McCurdy Hubbard trouva des précepteurs qui pouvaient lui enseigner à lire sur les lèvres et améliorer son élocution. Ainsi, Mabel, qui était très intelligente, fit-elle une bonne partie de ses études avec des enfants entendants. Avocat distingué, son père joua un rôle déterminant dans l’obtention d’une charte par la Clarke Institution for Deaf-Mutes de Northampton et fut le premier président de cet établissement où les jeunes sourds apprenaient à parler. Bien qu’elle n’ait pas fréquenté cette école, Mabel témoigna en sa faveur à l’âge de neuf ans devant un comité du Parlement du Massachusetts. Assaillie de questions sur l’histoire, la géographie et l’arithmétique par les membres du comité, elle leur répondit avec assurance, d’une voix qui, sans être parfaite, était intelligible, rapporte la biographe Lilias M. Toward. Bien des années plus tard, Mabel, qui avait triomphé de son handicap au point de vivre parmi des entendants, écrivit à sa fille Elsie May : « Après t’avoir enseigné toute ma vie à oublier que j’étais sourde, je te demande maintenant de t’en souvenir, suffisamment, en tout cas, pour considérer la Clarke School comme une espèce d’affaire de famille dont le bien est une préoccupation familiale. »

Mabel Gardiner Hubbard fit la connaissance d’Alexander Graham Bell parce qu’il était professeur d’élocution et éducateur auprès des sourds. En 1871, un an après son départ de l’Écosse, il avait quitté le Canada pour Boston afin de donner une série de causeries. Ses méthodes pédagogiques suscitèrent bien vite l’admiration, et il ouvrit une école. En outre, il prononçait des conférences à la School of Oratory de la Boston University et travaillait à des inventions. « Il m’a plu et déplu tout à la fois », nota Mabel dans son journal en 1873 après que son institutrice Mary True l’eut amenée le rencontrer pour voir s’il pouvait lui apprendre à mieux articuler. Les sentiments de la jeune femme devinrent bientôt plus chaleureux. Fiancés en 1875, Mabel et Alexander Graham se marièrent deux ans plus tard. Entre-temps, le téléphone était né. Au dos d’une photographie familiale de Mabel, on peut lire ces mots : « La fille pour qui a été inventé le téléphone ». Touchantes et d’un style animé, les lettres du couple témoignent de toute une vie de compagnonnage amoureux. En 1879, absent de chez lui parce qu’il devait témoigner dans un procès au sujet du téléphone, Bell implorait Mabel de l’obliger à écrire : « Fais-moi décrire et publier mes idées pour que j’en obtienne au moins le crédit et pour que les gens sachent que je suis toujours vivant et occupé à penser […] Tu règnes sur mon cœur et partages mes pensées […] alors je t’envoie quelques idées – comme elles me viennent – afin que tu les ajoutes à la liste des inventions inédites sur lesquelles NOUS devons écrire à mon retour. » Durant leurs longues années de vie commune, Bell s’appuya sur cette profession de foi de Mabel : « Je crois profondément en toi, Alec chéri. »

La douce et fragile Mabel laissa l’empreinte de sa personnalité non pas en Nouvelle-Angleterre, son lieu de naissance, mais dans l’île du Cap-Breton, en Nouvelle-Écosse, où Bell réalisa une bonne partie de ses travaux après l’invention du téléphone. Grands voyageurs, les Bell résidaient à Washington, mais Alexander Graham détestait y passer l’été. En 1885, avec leurs filles, ils firent leur premier voyage estival à Baddeck, sur les lacs Bras d’Or. L’endroit les séduisit. « Puisse-t-il s’écouler beaucoup de temps avant que les gens chic avec leurs gros hôtels, leurs grosses malles et leur gros train de vie trouvent leur chemin jusqu’ici », écrivait Mabel le 17 septembre. Ils y retournèrent l’année suivante – ils conserveraient cette habitude jusqu’à la fin de leur vie et séjourneraient parfois six mois d’affilée à Baddeck – et s’établirent dans une maison de ferme, dans une propriété située aux abords de Baddeck et baptisée par eux Crescent Grove. Puis Bell acheta, parcelle par parcelle, le promontoire qui se trouvait de l’autre côté de la baie et qu’il nomma Beinn Bhreagh (belle montagne). Le couple y construisit la demeure la plus imposante du Cap-Breton et, progressivement, des milles de route, des quais, des ateliers et un laboratoire. Au fil du temps, bon nombre des habitants de Baddeck collaborèrent d’une quelconque façon aux expériences menées par Bell dans ce lieu. La petite-fille de ce dernier, la docteure Mabel Hubbard Grosvenor, qui fut témoin de certaines de ces activités dans son enfance, a dit à la journaliste Jocelyn Bethune : « Nous avons grandi entourés de merveilles – elles nous semblaient tout à fait normales. »

À l’occasion, Mme Bell se plaignait de voir son mari tellement absorbé par ses occupations – « ces travaux dont je suis si fière et pourtant si jalouse », disait-elle –, mais elle supportait toutes ses excentricités et ses habitudes de solitaire. Et puis, comme sa vue baissait, il avait besoin d’assistance. En 1907, quand ses expériences avec des cerfs-volants de grandes dimensions laissèrent entrevoir la possibilité de faire des vols propulsés, Mme Bell encouragea son mari et quatre jeunes collaborateurs à former une organisation officielle. Elle finança le groupe, l’Aerial Experiment Association, en y investissant 35 000 $. Ainsi, elle devint le premier bailleur de fonds de l’industrie nord-américaine de l’aéronautique. Indépendante de fortune, elle était d’autant plus riche que, au moment de leur mariage, Bell lui avait donné toutes ses actions de la Bell Telephone Company, sauf dix. Mme Bell administrait toutes les dépenses de la famille. « M. Bell [...] ne voulait pas qu’on le dérange avec des [questions] de menues dépenses, d’argent et de factures et Mme Bell était tout à fait disposée à s’en occuper », rappelait Edith (Polly) MacMechan. « J’étais la secrétaire de Mme Bell, alors c’est moi qui payais les comptes. Cela aussi, c’était amusant – ça m’a beaucoup ouvert les yeux sur le pouvoir de l’argent. » Fille d’Archibald McKellar MacMechan*, professeur de Halifax, Polly rencontra son mari, Claude Congreve Dobson, en 1920, lorsqu’il vint inspecter, avec une équipe de la marine britannique, l’hydroptère construit par Bell et Frederick Walker (Casey) Baldwin*.

Surtout pendant ses premiers étés à Baddeck, avant que mariages et petits-enfants ne réclament son attention, Mabel Gardiner Hubbard Bell participa pleinement à la vie de la communauté. Les Bell apportaient des idées nouvelles et leur donnaient du poids en aidant eux-mêmes à les concrétiser. Le projet le plus cher à Mabel fut peut-être l’établissement du Young Ladies Club of Baddeck, un des premiers cercles féminins du Canada. Fondé en 1891 dans le but « de stimuler la connaissance et de promouvoir la sociabilité », il s’inspirait d’un club du même genre qu’elle avait fréquenté à Washington. Alexander Graham Bell en rédigea la constitution ; il existe toujours sous le nom de Bell Club. Jocelyn Bethune, une des anciennes présidentes, soutenait que dans la région de Baddeck, étant donné la force des affiliations religieuses et politiques à l’époque, « on ne tolérait pas tellement un autre point de vue […] Les gens restaient avec leurs semblables ». Cependant, au club, « tout le monde se réunissait dans une atmosphère amicale, en grande partie, [pensait Mlle Bethune], parce que Mme Bell savait mettre les gens à l’aise ». Après une réunion, celle-ci écrivit : « Quand on sait s’y prendre, il n’y a rien de tel que la vraie vie à la campagne pour avoir de vraies relations sociales. J’en ai plus ici qu’à Washington. » Les membres se réunissaient dans leurs maisons et, à chaque réunion, l’un d’entre eux prenait la parole. Comme il y avait une seule bibliothèque publique en Nouvelle-Écosse, à Halifax, ils mettaient de l’argent en commun pour s’abonner à des journaux et à des revues. Avec George Kennan, ami et journaliste de Washington qui passait aussi l’été à Baddeck, Mme Bell rassembla des appuis pour une bibliothèque. L’édifice qui fut affecté à cette fin était une ancienne église méthodiste achetée par elle-même ; elle la nomma Gertrude Hall, en l’honneur de sa mère, et en fit don à la communauté. Le Young Ladies Club contribua aussi à la formation d’une association nationale de parents d’élèves. Le 18 décembre 1895, après une causerie de Bell au club sur les organisations de parents qu’il avait encouragées dans les écoles américaines pour les sourds, un groupe de femmes se réunit à la Baddeck Academy et fonda une association de parents, la première au Canada.

En outre, dans les années 1890, Mme Bell s’intéressa à l’artisanat. En s’inspirant d’idées popularisées en Angleterre par la tendance arts et métiers, elle tenta d’amener les campagnardes à adopter de meilleures techniques et de meilleurs matériaux afin de leur permettre de tirer un revenu décent de leurs œuvres. C’est peut-être son exemple qui conduisit sa fille Marian Hubbard (Daisy) à soutenir le travail de l’ergothérapeute américaine Lillian Burke, qui vers 1927 aiderait les Acadiennes de la région de Chéticamp, au Cap-Breton, à transformer la fabrication de tapis au crochet en une activité lucrative. L’apport de Mme Bell était reconnu à Baddeck. Selon la tradition, dans les années 1890, même si les femmes n’étaient pas habilitées à voter, la municipalité lui donna le droit de le faire aux élections locales. (L’histoire ne dit pas si elle s’en prévalut.)

Mme Bell fut toujours une passionnée d’horticulture. Les gens âgés se rappelaient que, en se promenant dans Baddeck, elle avait coutume de se pencher au-dessus des clôtures pour voir les plantes et de bavarder à ce sujet. Elle supervisa l’aménagement de magnifiques jardins à Beinn Bhreagh. En 1905, Daisy épousa David Grandison Fairchild – le chercheur en botanique attaché au département américain de l’Agriculture qui aida à développer l’industrie des agrumes en Floride. À compter de ce moment, Mme Bell cultiva souvent des spécimens rares de plantes étrangères. L’une d’entre elles était le udo comestible, d’origine japonaise. On croyait pouvoir cultiver cette plante à des fins commerciales, mais on n’y parvint jamais parce que, si elle n’était pas entourée des plus grands soins jusqu’à la cueillette, elle pouvait goûter la térébenthine. Durant des années, des racines de udo fleurirent dans les jardins de Baddeck, car Mme Bell donnait beaucoup de fleurs et de plants. Comme elle aimait le grand air, elle prenait part aux expériences à Beinn Bhreagh et faisait du bateau ou des excursions. Même dans les mois qui précédèrent son décès, elle adorait camper. « Elle ne pouvait pas très bien lire sur nos lèvres à la lueur du feu, a raconté Daisy, alors le soir elle plaçait des coussins par terre et lisait à la lumière des phares de la voiture. »

Quelques années après le décès de Mabel Gardiner Hubbard Bell, sa fille Daisy rappelait dans une lettre au Bell Club : « Maman avait l’esprit indépendant, et il est intéressant […] de constater à quel point c’était une originale. Je ne pense pas que ce soit uniquement parce que sa surdité lui épargnait les innombrables objections et critiques que beaucoup d’entre nous entendons lorsque nous avons une idée nouvelle à proposer. Elle savait, tout simplement, que ce qu’elle avait en tête serait amusant ou intéressant ou [que cela] méritait d’être fait, alors elle tentait de le faire. » Mme Bell était morte du cancer à la maison de Daisy près de Washington le 3 janvier 1923, six mois après le décès de son mari. Elle repose à ses côtés au sommet de Beinn Bhreagh.

Dorothy Harley Eber

Nous remercions Jocelyn Bethune et Nancy Langley, de Baddeck, N.-É., membres du Bell Club, Ainsley MacFarlane, du Lieu historique national du Canada Alexander-Graham-Bell, au même endroit, et Judith Tulloch, de Parcs Canada à Halifax, pour l’information concernant Mabel Gardiner Hubbard Bell.

Lieu historique national du Canada Alexander-Graham-Bell, musée Bell (Baddeck, N.-É.), coll. de la famille A. G. Bell.— Library of Congress, Manuscript Div. (Washington), 0030M, A. G. Bell family papers.— New York Times, 4 janv. 1923.— D. H. Eber, Genius at work : images of Alexander Graham Bell (Toronto, 1982 ; réimpr., Halifax, 1991).— From the records : the Bell Club treasures, L. M. Toward et Shaton Macdonald, compil. (Baddeck, 1992).— C. V. Madder, History, 1895–1963, the Canadian Home and School and Parent-Teacher Federation (Oshawa, Ontario, 1964).— L. M. Toward, Mabel Bell : Alexander’s silent partner (Toronto, 1984).

Bibliographie générale

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Dorothy Harley Eber, « HUBBARD, MABEL GARDINER (Bell) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/hubbard_mabel_gardiner_15F.html.

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Auteur de l'article:    Dorothy Harley Eber
Titre de l'article:    HUBBARD, MABEL GARDINER (Bell)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
Date de consultation:    19 mars 2024