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JACOBS, SAMUEL, marchand juif, dont on ne connaît ni la date ni le lieu de naissance, décédé le 3 août 1786 à Québec et inhumé deux jours plus tard dans la même ville.

Selon l’historien américain Jacob Rader Marcus, Samuel Jacobs était probablement d’origine alsacienne. Il arrive au Canada avec les armées britanniques, durant la guerre de Sept Ans, et agit à titre de pourvoyeur des troupes, surtout des officiers. Dès janvier 1758, quelques billets et reçus confirment sa présence au fort Cumberland (près de Sackville, Nouveau-Brunswick) où il semble se livrer principalement au commerce de la boisson. De 1759 à 1761, il est associé à parts égales avec William Buttar et Alexander Mackenzie dans l’exploitation d’une brasserie à Louisbourg, île du Cap-Breton. Jacobs y consacre apparemment peu de temps et préfère suivre avec son schooner Betsey la flotte britannique qui se dirige vers Québec à l’été de 1759. À l’automne de cette année-là, il s’apprête à envoyer son vaisseau à Oporto (Porto, Portugal) lorsque le général Murray réquisitionne le petit navire pour faire la navette entre l’île d’Orléans et Québec. Par la suite, il demandera des dédommagements pour les pertes encourues.

La fin de la guerre incite Jacobs à tenter sa chance dans la nouvelle colonie britannique. Quelques papiers apparemment écrits de sa main, en particulier une importante facture à l’intention de Laurent Bertrand (Bertrend) datée du 20 octobre 1760, permettent de croire que Jacobs parlait français. Il semble déjà être un marchand à l’aise puisque dans cette transaction Bertrand lui cède pour £2 525 de fourrures tandis que lui-même vend à ce dernier du vin, de l’eau-de-vie, du lard, du café, du sucre et du sel pour un montant de £1 444. Dès le 3 novembre, Jacobs a réglé la différence due à Bertrand.

Tout suggère que Jacobs est très à laise parmi les anciens et les nouveaux sujets de Sa Majesté britannique. Il fait des affaires avec les Canadiens aussi facilement qu’avec les Britanniques ou ses coreligionnaires. Vers 1760, il est en relation commerciale avec Aaron Hart qui s’établira à Trois-Rivières et Eleazar Levy qui se fixe un temps à Québec pour finalement s’installer à New York vers 1771. Grâce à ses contacts avec ses frères juifs, Jacobs établit de solides relations commerciales avec New York où Hyam Myers lui sert de principal agent. Ce dernier fait d’ailleurs de fréquents voyages à Québec et habite, en 1772, la maison d’Eleazar Levy avant de retourner à New York où on perd sa trace.

Jacobs saisit assez tôt l’importance de la voie du Richelieu. Il y établit des magasins depuis Crown Point, New York, jusquà Sorel. Dès 1763, Jacobs juge bon d’ouvrir, à Saint-Denis, un magasin qu’il confie à Charles Curtius. Les livres de comptes de Jacobs révèlent l’importance de son activité commerciale. Dans le seul mois de novembre 1763, il reçoit au moins 18 chargements différents pour lesquels il note soigneusement le nom du navire et du capitaine. Il s’agit de livraisons de café, de sel, de sucre et surtout de quantité de pipes de vin et d’eau-de-vie. Il exporte surtout du blé, des pommes et des fourrures.

Tout en habitant à Québec, où il possède quelques biens, Jacobs concentre son activité le long du Richelieu. Dans un papier daté du 3 avril 1770, il fait le relevé des terres qu’il a achetées, à Saint-Denis, depuis le 31 janvier 1769. Il les évalue à £2 700. Le 1er juillet 1770, il établit la liste des comptes de son magasin de Sorel : 183 débiteurs lui doivent la jolie somme de £5 270 18 shillings 11 pence. Il brasse également des affaires importantes à Saint-Ours et à Saint-Charles.

Finalement, Jacobs s’installera à Saint-Denis. Outre le grain qu’il achète et le « magasin général » qu’il gère, il exploite une distillerie et s’intéresse à la perlasse qu’il exporte en Angleterre. L’un de ses partenaires commerciaux est alors George Allsopp*. En plus d’être son associé dans ces diverses industries, Jacobs agit comme son fournisseur de blé en échange de marchandises de gros.

D’innombrables lettres témoignent de l’attention que Samuel Jacobs apporte à l’éducation de ses enfants. Même si la langue de la famille semble être l’anglais, il confie au moins deux de ses filles aux ursulines de Québec et souhaite qu’elles apprennent bien le français. Ainsi dans une lettre du 16 mars 1783, écrite en anglais, à sa fille Mary Geneviève qui habite chez Charles Grant, il l’exhorte de demeurer « une bonne fille, vertueuse, obéissante », ajoutant : « je te charge de m’écrire au moins une fois par mois en français ». Quant à son fils aîné Samuel, il « pensionne » un temps chez Elias Salomon et étudie à l’école privée de John Reid à Québec. Dans une lettre du 2 novembre 1780, Salomon fait rapport au père, souligne que le fils commence à être presque un homme, à 16 ans, et lui demande d’augmenter sa pension tout en accordant à son fils plus d’argent de poche. Les deux ne s’entendent pas, cependant, d’autant moins que Jacobs accuse les deux filles de Salomon d’avoir été « très généreuses » sous l’œil bienveillant de la mère ! Toutes trois lui ont « gaspillé » son garçon ! Samuel déménagera chez Reid et Charles Grant sera prié de veiller au grain.

Contrairement à la plupart des autres Juifs de cette époque, Samuel Jacobs avait épousé non pas une Juive mais une Canadienne. C’est en 1784 qu’il régularisa sa situation avec Marie-Josette Audette, dit Lapointe. Le gouverneur Haldimand émet un permis de mariage à cet effet le 15 octobre. On ignore l’âge qu’il a à cette époque. Peut-être sa santé laisse-t-elle à désirer ? Quoi qu’il en soit, le même jour Jacobs prépare son testament : « Si je meurs, à Saint-Denis [...], écrit-il, je demande à être enterré à Sorel [...] près de la tombe d’un vieux soldat. » Il lègue ses meubles et les objets de la maison à sa femme, de même que l’usufruit de £1 500 avec obligation de léguer le capital à au moins trois de ses enfants. Il laisse le reste de ses biens à ses « deux filles naturelles les plus âgées, Mary Geneviève et Mary Marianne », et à son fils Samuel. Il n’oublie pas ses autres enfants : John Levy, John Baptist, Baptist Samuel et sa cadette, Angélique. Le 3 août 1785, après avoir menacé sa fille Mary Geneviève de ne lui laisser qu’un shilling si elle se mariait sans son consentement avec Stanislas Vigneault, il la prive effectivement de son héritage, sauf le shilling, et interdit à sa femme de lui apporter le moindre secours sous peine d’être elle-même déshéritée.

Jacobs meurt le 3 août 1786. Il laisse une lourde tâche à l’exécuteur testamentaire, Edward William Gray*, l’importance des biens en cause obligeant celui-ci à conserver précieusement les papiers du riche marchand.

La veuve de Jacobs se remariera avec le docteur Jean-Baptiste Rieutord* de Trois-Rivières. Elle décède à son tour en 1806. Un acte notarié extrêmement complexe, conservé dans la collection Baby, laisse encore à Edward William Gray le soin de régler la délicate question de l’héritage posée cette fois par le nouveau testament de la veuve, dite « mère et belle-mère » des enfants de Samuel Jacobs.

Le marchand de Saint-Denis était un personnage coloré. Sa correspondance est particulièrement révélatrice de son esprit original. Musicien à ses heures, il adorait lire des pièces de théâtre et ne répugnait pas lui-même au style théâtral. Même s’il ne fréquenta pas la synagogue de Montréal et fit un mariage protestant, il témoigna maintes fois de sa conscience juive. Il connaissait un peu l’hébreu et se plaisait à signer certaines lettres « Shemuel » en formant le « l » final à la manière hébraïque. Il a même laissé un long récit de l’invasion américaine dans des caractères hébreux que personne jusqu’à maintenant n’a réussi à comprendre complètement. Le savant docteur Marcus et ses collègues du Hebrew Union College et des American Jewish Archives de Cincinnati y ont perdu leur latin... ou leur hébreu !

Jacobs a laissé de nombreux papiers d’affaires qui permettent de faire un peu de lumière sur les premiers Juifs canadiens avec qui il entretint d’ailleurs toute sa vie des relations suivies. À ceux déjà mentionnés, il faudrait ajouter son frère Thomas, Gershom et Isaac Levy, Simon Nathan, Lazarus David, Samuel Judah, Abraham Jacobs.

Samuel Jacobs reste toutefois un personnage énigmatique dont une connaissance plus complète ne manquerait pas d’éclairer de façon intéressante les « lendemains de Conquête ».

Denis Vaugeois

Les papiers Jacobs conservés aux APC constituent la source la plus importante. Classés sous la cote MG 19, A2, sér. 3, 1–246, ils se retrouvent dans le fonds de la famille Ermatinger, dont l’un des membres fut l’exécuteur testamentaire d’Edward William Gray, lui-même responsable de la succession de Samuel Jacobs. Ces papiers permettent de suivre de près l’activité commerciale de l’audacieux marchand mais ils nous apprennent peu de chose sur sa situation familiale. Aux Archives du séminaire de Trois-Rivières, les archives de la famille Hart, 1760–1865, contiennent de nombreuses références à Samuel Jacobs. De même, les archives paroissiales de Saint-Denis (Saint-Denis-sur-Richelieu, Québec) renferment des documents (23 oct. 1772, 6 août 1776, 14 mai 1780, 27 juill. 1781) concernant les enfants de Samuel, élevés dans la foi catholique. D’autres renseignements peuvent être tirés du fonds suivant : ANQ-Q, Greffe de P.-L. Descheneaux, 13 déc. 1787.

Parmi les sources imprimées et les études les plus pertinentes, citons : American Jewry : documents ; eighteenth century ; primarily hitherto unpublished manuscripts, J. R. Marcus, édit. (Cincinnati, Ohio, 1959) ; J. R. Marcus, Early American Jewry (2 vol., Philadelphie, 1951–1953), I : 240–251 ; II : 497 ; David Roberts, George Allsopp, Quebec merchant, 1733–1805 (thèse de m.a., Queen’s University, Kingston, Ontario, 1974) ; Denis Vaugeois, Les Juifs et la Nouvelle-France (Trois-Rivières, 1968), 118–128 ; Canadian Jewish Archives (Montréal), I (1959), nos 4 et 5 ; P.-G. Roy, La maison Montcalm sur les Remparts à Québec, BRH, VIII (1902) : 265. [d. v.]

Bibliographie de la version révisée :
Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre darch. de Québec, CE301-S61, 5 août 1786.

Bibliographie générale

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Denis Vaugeois, « JACOBS, SAMUEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/jacobs_samuel_4F.html.

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Permalien: http://www.biographi.ca/fr/bio/jacobs_samuel_4F.html
Auteur de l'article:    Denis Vaugeois
Titre de l'article:    JACOBS, SAMUEL
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    2020
Date de consultation:    18 mars 2024