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ALLSOPP, GEORGE, homme d’affaires, fonctionnaire, homme politique et seigneur, né vers 1733 en Angleterre ; décédé le 14 avril 1805 à Cap-Santé, Bas-Canada.

George Allsopp servit au bureau du quartier-maître général au cours de l’expédition de 1758 contre Louisbourg, île Royale (île du Cap-Breton), et fut en 1759 secrétaire du lieutenant-colonel Guy Carleton, quartier-maître général à Québec. Son service militaire terminé, Allsopp se lança dans le commerce entre la Grande-Bretagne et la province de Québec ; il fut ainsi l’un des premiers commerçants britanniques, après la Conquête, à prendre conscience des possibilités commerciales du Canada. En 1761, il quitta Bristol, en Angleterre, pour être associé en second, d’abord à Montréal puis à Québec, de la Jenkins, Trye and Company, une firme s’occupant de la fourniture de marchandises diverses. La spécialisation étant souvent une cause d’échec dans l’économie instable de la colonie, Allsopp mit sur pied d’autres associations commerciales et diversifia son activité, s’intéressant au commerce du blé, des fourrures et du bois, aux pêcheries dans le golfe du Saint-Laurent, à la fabrication de la potasse et des spiritueux, et à la production du fer aux forges du Saint-Maurice. Considéré comme « une personne entretenant une correspondance d’affaires plus considérable que quiconque, sans exception, dans la province », Allsopp commença vers 1767 sa longue association avec la puissante maison londonienne Olive, Watson and Rashleigh [V. sir Brook Watson]. Cette compagnie fut bientôt son plus grand bailleur de fonds et son principal fournisseur, alors qu’Allsopp devint lui-même l’agent principal de la consolidation commerciale de cette firme dans la province de Québec.

Après 1761, un conflit avec Murray*, gouverneur militaire de Québec, vint troubler l’activité commerciale d’Allsopp. Murray éprouvait une grande aversion pour les pratiques cupides des marchands britanniques, lesquels répondirent à l’attitude du gouverneur en dénigrant ses nombreuses mesures destinées à réglementer l’activité économique. Touché personnellement par les interventions de Murray dans ses affaires et par le portrait erroné que le gouverneur traçait de lui aux autorités britanniques – et qui pouvait nuire à sa réputation de commerçant – Allsopp se montra bientôt le critique le plus véhément du gouverneur.

Une semblable hostilité envers les militaires se fit jour ailleurs en Amérique du Nord, à la suite de la guerre de Sept Ans. Mais à Québec les commerçants se plaignirent en plus des tentatives de Murray pour gagner la faveur des Canadiens en atténuant la volonté d’anglicisation annoncée dans la Proclamation royale de 1763 et dans ses propres instructions, qui toutes visaient à l’intégration de la province dans l’Empire britannique. Les marchands approuvèrent l’exclusion des catholiques de toute fonction publique, conformément à la Proclamation royale, mais encore s’attendaient-ils à voir la colonie dotée de l’ensemble des institutions politiques et judiciaires caractéristiques des possessions britanniques. Après l’instauration si longtemps attendue du gouvernement civil, en août 1764, Allsopp et les autres marchands furent choqués lorsque Murray refusa d’instituer une assemblée élective et préféra gouverner avec les seuls conseillers nommés par lui. La tension s’accrut encore en septembre, au moment où Murray publia l’ordonnance établissant les cours de justice civiles et criminelles. Les marchands jugèrent que l’organisation judiciaire faisait trop belle la place aux lois civiles françaises. En outre, ils étaient de plus en plus préoccupés de l’absence prolongée d’une réglementation précise sur le droit de propriété, de même que sur les transactions commerciales complexes. En octobre 1764, les membres les plus opiniâtres de la communauté britannique répondirent à la politique de Murray quand le premier jury d’accusation de Québec, sous la présidence de James Johnston*, prononça une déclaration mal avisée de mise en accusation, à la rédaction de laquelle Allsopp avait participé. On y critiquait le système judiciaire et, implicitement, on y condamnait l’ensemble du gouvernement de Murray en requérant la reconnaissance temporaire du jury d’accusation comme seul corps représentatif de la colonie, ayant à ce titre le droit de vérifier les comptes publics. Une clause annexe, plus tard attribuée à Allsopp, s’opposait à la participation des catholiques aux jurys. L’irascible marchand avait peut-être aussi inspiré la recommandation, contenue dans la déclaration du jury d’accusation, d’amender un ordre de la garnison enjoignant aux civils et à certains soldats de porter des lanternes, à l’extérieur, après la tombée de la nuit. En mars et deux fois encore en octobre 1764, Allsopp avait été arrêté pour avoir contrevenu à cet ordre. Chaque fois, la chose ne s’était pas passée sans violence, Allsopp dénonçant à grands cris les militaires et poursuivant, en octobre, les soldats responsables de son arrestation.

Allsopp mena une campagne vigoureuse pour faire rappeler Murray. En 1765 et 1766, le commerçant londonien Anthony Merry, Joseph Howard*, Edward Chinn et lui protestèrent contre les restrictions imposées par Murray au commerce dans les postes du roi sous gestion gouvernementale. La controverse qui s’ensuivit mit en lumière l’inconsistance de la politique officielle qui oscillait entre le monopole et le libre commerce. Au milieu de ce débat, le 15 janvier 1766, Allsopp fut nommé sous-secrétaire de la province, greffier adjoint du Conseil de Québec ainsi que greffier adjoint du bureau provincial des registres. Acquises d’un fonctionnaire absentéiste, Henry Ellis, ces fonctions qui consistaient surtout en des travaux d’écriture donnèrent à Allsopp la sécurité dont il avait besoin pour affronter les fluctuations de sa carrière commerciale. Il reçut ses nominations en avril, mais Murray refusa de l’installer dans ses fonctions, à cause de sa conduite factieuse. Le gouverneur s’embarqua toutefois pour l’Angleterre en juin, et Allsopp prétendit être en grande partie responsable de ce rappel. Après l’arrivée du lieutenant-gouverneur Guy Carleton et une enquête poussée sur la conduite d’Allsopp, la suspension de ce dernier fut levée en avril 1768. La communauté britannique n’avait pas unanimement appuyé les doléances d’Allsopp relatives à son exclusion de la fonction publique. Plusieurs marchands, en particulier ceux de Montréal, doutaient de son impartialité et désapprouvaient l’agressivité dont il avait fait preuve envers le gouvernement de Murray. D’autres, tel le juge en chef William Hey*, prirent en mauvaise part l’étroite relation qui existait entre Brook Watson et Carleton ; ils affublèrent Allsopp de l’appellation méprisante d’« ange déchu ». Déjà en 1768, Allsopp, financier, exécuteur testamentaire, propriétaire de biens fonciers à Québec et marchand de surcroît, était devenu un membre en vue de la communauté marchande de la région de Québec. Le 22 décembre 1768, il épousa Anna Marie Bondfield, fille unique d’un autre commerçant des premières années, John Taylor Bondfield. Le couple devait avoir dix enfants dont sept, six garçons et une fille, survivraient à l’enfance.

De 1768 à 1773, Allsopp s’occupa à la fois de ses entreprises en pleine expansion et de ses charges officielles, rémunératrices mais accaparantes. Ces dernières comprenaient la délivrance annuelle, souvent controversée, des permis de tenir taverne et de faire la traite des fourrures. En dépit de ses adjoints – qu’ils fussent incompétents ou moins scrupuleux que lui – Allsopp chercha à exercer ses fonctions avec impartialité et efficacité, soucieux de sa réputation de commerçant et conscient de l’attention croissante portée par Carleton aux systèmes de rémunération des fonctionnaires en vigueur dans la province [V. Thomas Ainslie]. Ses charges lui valaient un traitement annuel de £200, versé par la Trésorerie britannique ; il payait à Henry Ellis £400 et empochait les revenus. Allsopp occupa aussi, du 25 octobre 1769 au 24 octobre 1772, le poste de commissaire général adjoint : il était chargé de répartir les provisions nécessaires aux garnisons de toute la province. Son expérience commerciale lui fut, dans ces fonctions, d’une inestimable utilité. Pour ses propres affaires, comme grossiste, il dépendait des crédits que lui consentait la firme Watson and Rashleigh, dont il fut aussi, dès 1769, le représentant chargé de recouvrer les montants dus par les différents détaillants. Au tout premier rang parmi ceux-ci, il faut placer Samuel Jacobs*, marchand et commerçant de grains de Saint-Denis, sur le Richelieu. En 1766, Allsopp et Jacobs s’étaient associés à John Welles, sous le nom de Jacobs, Welles and Company, pour l’exploitation de la potasse dans les anciennes forges royales de la basse ville de Québec, qu’ils louèrent de la couronne. L’entreprise fut bientôt ébranlée par des problèmes techniques et administratifs ; elle croula en 1772, mais sans pertes graves pour Allsopp.

À l’instar d’autres commerçants britanniques, Allsopp se spécialisa graduellement dans le commerce des grains, qui connut un regain une fois la guerre finie ; après 1766, il acquit de Jacobs des quantités de plus en plus considérables de blé. En septembre 1773, avec son beau-frère John Bondfield, Allsopp acheta deux seigneuries voisines, celles d’Auteuil et de Jacques-Cartier, à environ 30 milles en amont de Québec. Il acquérait du même coup un moulin banal sur la Jacques-Cartier. Deux ans plus tard, Bondfield céda à Allsopp sa part dans ces seigneuries. À la suite de l’acquisition du moulin, Allsopp commença de produire de la farine, et ses achats de grains se traduisirent par un endettement sans cesse croissant envers Jacobs, entre autres fournisseurs.

De 1768 à 1773, le commerce d’Allsopp et l’exploitation de son moulin, ses fonctions officielles et ses relations cordiales avec Carleton le détournèrent des débats publics sur le gouvernement de la colonie. Pendant ces mêmes années, toutefois, il devenait de plus en plus évident que les conceptions politiques des marchands différaient énormément de celles de Carleton, qui, en sa qualité de commandant en chef, se préoccupait de la sécurité de la province et de la loyauté des Canadiens, compte tenu des menaces voilées de représailles de la part de la France et de l’effervescence croissante des colonies américaines. L’Acte de Québec de 1774, largement inspiré par Carleton, déçut profondément les marchands en accordant l’usage exclusif des lois civiles françaises et en éliminant le jugement par jury dans les causes civiles. L’Acte de Québec anéantissait aussi tout espoir d’une chambre d’assemblée et prévoyait l’instauration d’un conseil législatif non élu, que les marchands jugèrent trop restreint pour être représentatif, trop sujet à l’influence des catholiques et trop dépendant du gouverneur. Allsopp, qui cacha mal sa déception relativement à l’absence de clauses établissant une assemblée et instaurant le droit commercial anglais, s’attira l’opposition des partisans du gouvernement. Il fut néanmoins nommé au Conseil législatif et prêta serment le 17 août 1775.

Pendant le siège de Québec par les Américains, Allsopp exerça, du 25 janvier 1775 au 24 août 1776, les importantes fonctions de commissaire général de la garnison de Québec. Mais sa méfiance au sujet de l’Acte de Québec était faussement interprétée par Carleton, entre autres, comme un manque de loyauté, d’autant plus qu’un certain nombre d’anciens associés d’affaires d’Allsopp, dont Joseph Howard, Thomas Walker*, Pierre Du Calvet*, John Welles et Christophe Pélissier*, ainsi que John et Acklam Bondfield, appuyaient la cause américaine. Les soupçons qu’on entretenait sur sa loyauté expliquent peut-être, en partie, qu’en 1777 on l’ait relevé de ses fonctions de sous-secrétaire de la province et de greffier adjoint du bureau provincial des registres ; le secrétaire de la province et greffier, George Pownall*, était dans la colonie depuis qu’il avait été nommé à ces postes en 1775, mais Allsopp avait continué d’agir comme suppléant jusqu’en 1777. Son naturel querelleur, son parti pris marqué pour le commerce, son attitude envers la sécurité de la province, que plusieurs percevaient comme de l’indifférence, et son désir de voir s’introduire de plus en plus le droit anglais, tout cela contribua à lui faire une réputation d’homme radical. De ce fait, il fut assailli publiquement comme « rebelle » en 1778.

Aigri par la perte de toutes ses fonctions officielles – il n’en possédait plus aucune en 1778 – et malgré toutes sortes de pressions, Allsopp resta jusqu’en 1791 le plus constant et le plus actif adversaire de l’administration provinciale. En mars 1780, il toucha un sommet. Influencé par les vues du juge en chef Peter Livius*, qui était alors absent de la province, et préoccupé par ses affaires commerciales, le batailleur Allsopp se livra pendant la session du Conseil législatif, qui frisa la violence cette année-là, à une condamnation sévère, quoique bien structurée, des systèmes judiciaire et administratif sanctionnés par le gouverneur Haldimand. Il s’en prit à l’élimination des jugements par jury et de l’habeas corpus, au pseudo-conseil privé formé par Carleton et maintenu par Haldimand, à l’absence d’un code bien défini pour la réglementation des transactions et des poursuites d’ordre commercial, ainsi qu’aux lacunes et aux faiblesses du système judiciaire établi sous l’autorité de l’Acte de Québec. Pour combattre l’« esprit séditieux » dont faisait preuve Allsopp et pour enrayer le mouvement croissant qui, au sein du conseil, favorisait l’adoption de réformes, Haldimand suspendit Allsopp en janvier 1783.

Très engagé en politique, Allsopp ne négligea pas pour autant son commerce de blé et de farine, non plus que ses responsabilités comme représentant de la firme Watson and Rashleigh. En 1781, il avait signé un contrat avec le seigneur James Cuthbert* pour acheter tout le blé dont il pourrait disposer pendant 14 ans. En 1777, Allsopp avait entrepris la construction d’un vaste et coûteux moulin en pierre, près de l’embouchure de la Jacques-Cartier. En 1783, ce projet avait sérieusement contribué à l’endetter, alors même que les restrictions imposées au commerce pour la durée de la guerre et ses relations financières tendues avec la firme Watson and Rashleigh avaient déjà aggravé sa situation. Certaines affaires reliées à son rôle de représentant de la compagnie londonienne l’amenèrent à New York en 1783. L’année suivante, il traversa en Angleterre pour négocier un arrangement financier avec la compagnie, promouvoir l’écoulement de la production de ses moulins et contester sa suspension du conseil.

À Londres, Allsopp fut attiré presque instinctivement par le mouvement qui faisait pression auprès du gouvernement pour faire abroger l’Acte de Québec. Il exposa ses arguments devant divers hommes politiques, tels Thomas Powys, député du Northamptonshire, Evan Nepean, un des sous-secrétaires dans le ministère de Shelburne, et lord Sheffield, autorité reconnue en matière de commerce et d’agriculture, et adversaire de l’adoucissement du code maritime, proposé par William Pitt. La réforme administrative et judiciaire défendue par Allsopp et la révision de sa suspension comme conseiller furent néanmoins reléguées aux oubliettes devant l’attitude indécise du ministère de Pitt au sujet des changements constitutionnels dans la province de Québec. Du côté des affaires, il fut plus heureux, mais seulement après de nombreuses négociations où il s’affirma fortement. Avant de repartir pour Québec à l’automne de 1785, il s’était arrangé, en partie grâce à une hypothèque sur son nouveau moulin, pour rembourser une dette de plus de £8 660 à la Watson and Rashleigh ; il avait en outre conclu des ententes pour fournir de la farine et des biscuits à des marchands engagés dans le commerce des pêcheries à Terre-Neuve et dans le golfe du Saint-Laurent.

Pendant qu’Allsopp était absent de Québec, la question de la réforme constitutionnelle était devenue populaire, grâce à l’initiative du lieutenant-gouverneur Henry Hamilton*, entre autres. Allié au maître général des Postes adjoint, Hugh Finlay, au juge en chef William Smith* et à William Grant (1744–1805), Allsopp donna son appui aux mesures débattues de 1785 à 1787 en vue de la réforme judiciaire, et particulièrement à celles qui paraissaient propres à favoriser l’activité commerciale. En 1787, au cours d’une enquête officielle sur l’administration de la justice, Allsopp condamna durement l’inconsistance des jugements rendus par la Cour des plaids communs dans les causes commerciales. Depuis 1777, cette cour avait jugé toutes les causes civiles, et Allsopp, en raison des inconséquences qu’il y avait notées, fit tout ce qu’il put pour éviter d’y avoir recours. Il soutint que les divergences des jugements prononcés par cette cour tenaient à l’absence d’un code précis régissant les transactions d’ordre commercial. Que trouvait-on, au contraire ? Un mélange confus d’éléments provenant du code de commerce désuet de la France, et même d’ordonnances de la Nouvelle-France et de lois de la colonie de New York. De 1787 à 1791, il continua de jouer un rôle de premier plan dans les efforts faits par les comités britannique et canadien pour convaincre le gouverneur Carleton, devenu lord Dorchester, et le Parlement britannique de la nécessité d’une assemblée représentative et de la mise en vigueur du droit commercial anglais.

L’agitation, dans la province, au sujet des changements constitutionnels donna lieu à une déroutante variété d’opinions. Plusieurs marchands apprirent avec consternation l’intention du gouvernement de diviser la colonie, telle que l’affirmait l’Acte constitutionnel de 1791, et par conséquent de les séparer politiquement des Loyalistes établis sur le territoire qui allait devenir le Haut-Canada. Et la nouvelle loi n’abrogeait pas entièrement l’Acte de Québec, non plus qu’elle n’accordait un code de commerce. Encouragé, toutefois, par les clauses prévoyant une assemblée, laquelle aurait pour contrepoids un conseil législatif, et moins préoccupé par les conséquences possibles dans le domaine politique et commercial, Allsopp, enthousiaste, s’attribua une partie du crédit d’avoir « produit une fort excellente constitution pour le Canada, préférable à plusieurs égards à celle dont jouissaient les autres colonies ». Il se présenta aux élections de 1792 dans la circonscription de la Haute-Ville de Québec, mais fut défait par William Grant, qui avait aussi participé au mouvement de la réforme. Allsopp subit une autre déception après que la recommandation faite par Dorchester pour le nommer aux premiers conseils exécutif et législatif fut repoussée par William Wyndham Grenville, secrétaire d’État à l’Intérieur.

Quant à son activité commerciale pendant les années 1786 à 1791, Allsopp s’adonna presque exclusivement à ses achats de blé, à l’exploitation de ses moulins, à la mise en marché et à l’expédition de farine et de biscuits, à partir de sa seigneurie de Jacques-Cartier, de ses entrepôts et de son quai de la basse ville de Québec. Il se lança dans plusieurs moutures spéciales, en plus de sa production de farine et de biscuits. Ses principaux clients étaient les approvisionneurs de Montréal, les pêcheurs du golfe du Saint-Laurent, les Antilles, les fournisseurs du gouvernement et la population de Québec. En 1788, l’entreprise meunière d’Allsopp, capable de produire 65 000 minots, soit 22 p. cent de la production annuelle de la colonie, se classait première dans la province. Entièrement au fait des mécanismes complexes du commerce des grains, Allsopp ne cessa de prôner l’exportation de la farine plutôt que du blé, plus volumineux. Bien qu’ils fussent défavorisés par les effets négatifs du climat canadien et par les pratiques courantes des agriculteurs quant à la qualité du blé et de la farine produits dans la colonie, les commerçants de Québec comme Allsopp espéraient trouver quelque compensation dans l’interruption, après la Révolution américaine, des expéditions d’origine américaine vers les pays de l’Empire. En 1789, après l’échec d’une loi britannique de l’année précédente visant à établir des relations commerciales entre Québec et les Antilles britanniques, Allsopp dirigea une délégation de meuniers, de boulangers, de tonneliers et de marchands, qui présentèrent à Dorchester une proposition d’amendement en vue de rendre cette loi opérante. Ayant reçu l’approbation du Conseil législatif, les propositions de la délégation furent soumises en Grande-Bretagne, où elles se perdirent au milieu de débats constitutionnels plus urgents.

En 1790, les revenus seigneuriaux d’Allsopp – £600 par année – le plaçaient au huitième rang parmi les seigneurs les plus importants de la colonie. Toutefois, sa stabilité commerciale fut sérieusement menacée par un incendie qui détruisit son principal moulin, à l’embouchure de la Jacques-Cartier, en 1793. Allsopp, qui n’avait que mépris pour le contrôle serré qu’exerçait Brook Watson sur sa situation financière, dut négocier de nouveaux arrangements avec lui. Un accord fut conclu en 1795. Entre cette année-là et 1798, la production reprit en grande partie au moulin en pierre ; à partir de 1795 aussi, Allsopp loua le moulin de la baronnie de Portneuf, situé tout près. Le moulin seigneurial de Jacques-Cartier, qui avait lui aussi été rasé par les flammes en juin 1796, fut remis en activité, et un troisième moulin vint s’ajouter à l’entreprise.

Bien qu’il s’intéressât encore à d’autres affaires, de moindre importance mais profitables, Allsopp considérait désormais la préparation et la vente de la farine comme le « seul commerce avantageux ». Allsopp fournissait de la farine pour le marché local à ses boulangeries de la seigneurie de Jacques-Cartier et de la basse ville de Québec ; il fournissait encore de la farine et des biscuits aux firmes exportatrices Lester and Morrogh [V. Robert Lester] et Monro and Bell [V. David Monro*], lesquelles approvisionnaient Alexander Davison, fournisseur du gouvernement. Allsopp pouvait se fier de plus en plus aux avis et à la collaboration de son fils aîné, George Waters Allsopp*, installé dans la seigneurie de Jacques-Cartier, mais son projet de donner à son entreprise une nouvelle expansion en plaçant ses autres fils dans des centres étrangers ne se réalisa pas. À l’époque de sa mort, John, Robert et William avaient travaillé à l’entreprise familiale, à Québec ; Carleton fit du commerce outre-mer et James entra dans l’armée britannique. Durant la décennie 1790, la femme et la fille d’Allsopp passaient une grande partie de chaque année à Cap-Santé, à proximité des moulins, tandis qu’Allsopp vivait de mauvaise grâce, et pendant de longues périodes, à Québec, où il gérait ses affaires.

À Québec, Allsopp n’était pas sans avoir divers autres intérêts, allant de la Société du feu et de la Société d’agriculture à de vastes opérations de spéculation foncière dans les Cantons de l’Est. Des complications dues au mode controversé de concession des terres empêchèrent sa famille d’exploiter jusqu’après la mort d’Allsopp une grande partie des terres qui lui avaient été octroyées, en particulier dans les cantons de Farnham et de Maddington. Se fondant sur ses connaissances du droit commercial et sur son expérience antérieure comme juge de la Cour d’appel (une des fonctions des conseillers législatifs), Allsopp sollicita, dans une pétition de 1794, un poste de juge. Cette requête fut refusée, mais il fut nommé juge de paix à Québec, le 12 juin 1799.

Se souvenant avec amertume de son humiliation politique, Allsopp semble avoir évité de se mêler en quoi que ce soit de politique provinciale après 1792. Il continua néanmoins d’avoir foi dans la constitution britannique – fondement théorique de son ancienne campagne réformiste. Face à la Révolution française, il vanta l’équilibre qu’apportait la constitution entre la monarchie, l’aristocratie et la démocratie comme moyen le plus efficace de maîtriser un corps électif. Selon les documents consultés, il semble qu’Allsopp se refusa à juger la politique du Bas-Canada pendant les années 1790, et l’on ne connaît pas avec certitude sa réaction à l’émergence du conflit politique entre les Canadiens et le groupe ministériel pour l’obtention du pouvoir législatif. Pendant la campagne électorale de son fils George Waters, en 1796, il fit néanmoins part de son inquiétude devant la vigoureuse opposition des Canadiens.

La longue durée et l’étendue de l’activité économique de George Allsopp font de lui un des principaux commerçants de la province de Québec, de 1760 aux années 1790. Grâce à des associations et à diverses entreprises de commerce en gros, il devint vite prospère et, à titre de principal représentant de Watson au Canada, il joua un rôle important dans l’envahissement de presque tous les domaines de l’activité commerciale de la province par ce puissant marchand. Sa sécurité assurée grâce à cette association et à la disponibilité apparente d’un crédit à long terme, Allsopp se spécialisa de plus en plus dans le commerce du blé, mais perdit graduellement de son importance comme grossiste. À la suite de la construction du moulin de la Jacques-Cartier, qui fut le point tournant de sa carrière, Allsopp apparut comme un industriel de premier plan et devint, en 1788, le plus grand producteur de farine de la province. Une concurrence intense de la part d’autres producteurs et exportateurs de blé, les exigences d’une administration qui lui prenait tout son temps et ses lourds engagements financiers envers Watson le forcèrent par la suite à abandonner ses projets de retraite en Angleterre. Il resta actif, comme homme d’affaires et juge de paix, au moins jusqu’en 1804. La mort de sa femme, survenue à Québec le 26 mars 1805, le frappa durement, car celle-ci avait longtemps exercé sur lui une influence stabilisatrice. Lui-même mourut à Cap-Santé moins de trois semaines plus tard, à la suite d’une série d’attaques de paralysie. George Waters Allsopp prit la direction de l’entreprise, mais, en 1808, les moulins étaient offerts en location.

David Roberts

ANQ-Q, CN1-25, 25 janv. 1781, 1er avril 1784 ; CN1-205, 1er août 1775 ; CN1-207, 4 mars, 8 juill., 8 août 1768, 25 janv. 1774 ; CN1-230, 23 août 1799 ; CN1-256, 11 févr., 24 juin 1794, 11 févr. 1795 ; E4, 1 ; E18 ; P-313.— APC, MG 19, A2, sér. 3, 1–25 ; 71–72 ; MG 23, A4, 16 : 114–121 ; GII, 3, vol. 3–5 ; GIII, 1 ; 113, 2 : 189–192, 197–200 ; RG 1, E1, 106 : 162 ; 107 : 85 ; 108 : 81–89 ; 111 : 47s., 61–65, 76–90 ; L3L : 11–26, 65–113, 146, 219, 230, 467, 501, 1078s., 1088s., 1100–1121, 2063, 2796–2825, 2865–2869, 3154–3173, 3256–3267, 3295–3305, 3716, 3736, 4591, 4701–4706, 5366–5377, 5385–5388, 5398–5403, 5407–5410, 16044–16049, 16080, 16126–16129, 16137–16226, 26590–26728, 31806–32036, 32264–32285, 35572–35597, 40052–40083, 54802–54842, 60874–60890, 95242–95257 ; RG 4, A1 : 5763s., 6146–6150, 6680, 7229s., 17304–17306, 21733.— BL, Add. mss 21679 : 171s., 244 ; 21726 : 135 ; 21734 : 72 ; 21735/1 : 201 ; 21789 : 87 ; 21844 : 13–15 ; 21864 : 109–111 ; 21872/2 : 308–350 ; 21877 : 191 ; 21885 : 29s. ; 35915 : 339 (copies aux APC).— Clements Library, Thomas Gage papers, American ser., Gage à Allsopp, 26 nov. 1770–26 oct. 1772.— PRO, AO 1, 573/479, c.29401 ; CO 42/1–3 ; 42/5 ; 42/12 ; 42/18 ; 42/21 ; 42/25–35 ; 42/37–41 ; 42/44 ; 42/51–52 ; 42/56 ; 42/60–63 ; 42/66–67 ; 42/69–70 ; 42/86 ; 42/90 ; 42/ 101 ; 42/104 ; 42/109 ; 42/117 ; 42/124 ; 42/138 ; 42/182–196 (copies aux APC).— Docs. relating to constitutional hist., 1759–91 (Shortt et Doughty ; 1918), 1 : 165, 205–213, 572 ; 2 : 595, 609, 767–773, 847–854, 870s., 902–909.— G.-B., House of Gommons, Journals ([Londres]), 40 (1784–1785).— Johnson papers (Sullivan et al.), 6 : 8.— Maseres, Maseres letters (Wallace), 46, 50, 60, 72, 78–81.— The parliamentary history of England from the earliest period to the year 1803, William Cobbett et John Wright, compil. (36 vol., Londres, 1806–1820), 24.— La Gazette de Québec, 1763–1805.— Quebec Herald, Miscellany and Advertiser, 1788–1791..— Quebec Mercury, 20 avril 1805.— P.-G. Roy, Inv. concessions, 1 : 294 ; 4 : 70.— Burt, Old prov. of Quebec (1968), 1 : 95s., 99s., 118s. ; 2 : 30, 38–41, 43, 45–49, 116, 123.— F. [-X. ] Gatien, Histoire de la paroisse du Cap Santé (Québec, 1884), 146–148.— Neatby, Administration of justice under Quebec Act, 156, 175, 208, 328s., 338 ; Quebec, 88s., 93, 161, 165, 182s., 222.— D. J. Roberts, « George Allsopp : Québec merchant, 1733–1805 » (thèse de m.a., Queen’s Univ., Kingston, Ontario, 1974).— F.-J. Audet, « Les législateurs de la province de Québec, 1764–1791 », BRH, 31 (1925) : 490–492.— P.-G. Roy, « L’honorable George Allsopp », BRH, 45 (1939) : 157.

Bibliographie générale

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David Roberts, « ALLSOPP, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/allsopp_george_5F.html.

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Auteur de l'article:    David Roberts
Titre de l'article:    ALLSOPP, GEORGE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1983
Année de la révision:    1983
Date de consultation:    19 mars 2024