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KENDALL, GEORGE WASHINGTON, dit George Kennedy, lutteur et promoteur sportif, né le 29 décembre 1881 à Montréal et baptisé au même endroit le 25 décembre 1882, fils de George Hiram Kendall, industriel, et de Jane McClosky (McCluskey, McKlosky) ; le 1er juin 1907, il épousa à Montréal Myrtle Agnes Pagels, et ils eurent deux filles, dont l’une mourut avant l’âge d’un an ; décédé le 19 octobre 1921 à Montréal.
Fils d’un protestant d’origine écossaise et d’une catholique d’origine irlandaise, George Washington Kendall étudie au High School of Montreal puis fréquente le collège de Saint-Laurent au moins durant l’année 1899–1900. Dès 1901, on le dit champion amateur de lutte du Canada, catégorie poids léger. Kendall s’entraîne alors au gymnase et sous la direction du docteur Joseph-Pierre Gadbois, qui deviendra son ami et associé en affaires. Parce que son père, pilier de l’Église baptiste à Montréal, désapprouve son choix de carrière, Kendall adopte le nom de George Kennedy, sous lequel il travaillera toute sa vie. De 1901 à 1903, il domine le monde de la lutte au Canada dans sa catégorie. Après sa défaite au profit d’Eugène Tremblay, le 3 avril 1903, il troque sa carrière de lutteur contre celle de promoteur sportif. Il devient le principal entraîneur de Tremblay et, sous son habile direction, celui-ci remporte le championnat du monde des poids légers en battant l’Américain George Bothner à Montréal en 1905.
Cette même année, Kendall fonde avec Gadbois le Club athlétique canadien (CAC), constitué juridiquement le 22 septembre 1908 et dont les actionnaires sont majoritairement francophones. Le club investit d’abord dans la lutte, puis dans le hockey, le baseball, la crosse et autres sports. Sous l’impulsion de Kendall, il devient la plus puissante organisation de sport professionnel au Québec, preuve des talents d’organisateur et d’homme d’affaires de Kendall, pour qui le sport est d’abord une entreprise devant générer des profits. En 1910, son capital-actions passe de 25 000 $ à 100 000 $. Il compte alors quelque 116 actionnaires. Kendall sait allier la fierté patriotique des Canadiens français et ses intérêts financiers, et s’associer habilement les journaux. Dès 1909, il s’est activé à promouvoir la construction d’un gymnase dans l’est de Montréal. Inauguré le 10 mars 1911, le bâtiment abrite, en plus d’un gymnase moderne, des tables de billard, de pool et des allées de quilles avec « planteurs automatiques », un jeu de handball, des douches, un sauna et une salle de massage. L’année suivante s’ajoutent un fumoir et une salle de lecture où sont réunis « tous les grands quotidiens canadiens et américains, et les principales revues sportives », ainsi que le précise la Presse. Les projets d’y adjoindre une piscine et d’acheter un terrain pour y aménager une piste de courses d’automobiles, un terrain de baseball et de crosse sont ruinés par l’incendie qui endommage l’édifice le 21 janvier 1914. La situation financière du CAC, déjà fragilisée par une incursion malheureuse dans le monde de la crosse, en souffre grandement, ce qui incite sans doute Kendall à créer, le 10 mars 1916, une nouvelle compagnie, le Canadian Hockey Club Incorporated, qui poursuit les mêmes buts et conserve à peu près les mêmes dirigeants que l’ancien CAC, et dont Kendall est l’actionnaire principal.
Grâce à ces deux compagnies et à Kendall, Montréal devient, de 1905 à 1920, l’un des plus importants centres de lutte de l’Amérique du Nord. Kendall noue des relations avec le principal promoteur français de lutte, Léon Dumont, et devient l’ami du promoteur américain Jack Curley, surnommé le « tsar de la lutte ». Il rencontre gérants et lutteurs, négocie les contrats, aplanit les difficultés financières et matérielles, parcourt les États-Unis, se rend en Europe et même en Turquie à la recherche de nouveaux athlètes. Sa connaissance du français incite des lutteurs belges et français qui veulent percer le marché américain à le prendre comme gérant. Le 24 mai 1913, Kendall présente l’événement sportif qui restera longtemps le plus important du genre dans les annales montréalaises : le combat pour le championnat du monde des poids lourds entre le Polonais Stanislaus Zbysko et le Belge Constant Le Marin. Plus de 10 000 personnes assistent à la rencontre. La même année, il met sur pied deux circuits américains, celui de l’Est et celui de l’Ouest. Toujours en 1913, il négocie avec des promoteurs parisiens la venue dans la capitale française des meilleurs lutteurs des États-Unis ; la guerre va ruiner ce projet. Le 22 avril 1920, il organise à Montréal une rencontre entre le champion mondial des poids lourds, l’Américain Joe Stecher, et le champion d’Europe, le Français Salvatore Chevalier. Au Québec, le CAC puis le Canadian Hockey Club Incorporated présentent dans plus d’une vingtaine de villes et villages les meilleurs athlètes du matelas, ce qui a un effet d’entraînement et amène l’augmentation du nombre de lutteurs et d’arènes de lutte.
Kendall investit également dans la boxe dès 1908. À cette époque, ce sport a fort mauvaise presse. Une loi canadienne a interdit, en 1881, la tenue de combats professionnels. Montréal a adopté un règlement semblable en 1887. Des combats publics ont eu lieu quand même, mais la police veillait. Cette situation amène le CAC à inciter les amateurs de boxe à devenir membres du club, où seront présentés des combats privés, sous le couvert de simples exhibitions. Kendall compte ainsi se donner les moyens d’engager de bons boxeurs américains. L’incendie du CAC retarde ses plans. Toutefois, la guerre change les mentalités : la boxe est maintenant perçue comme un excellent moyen de préparer les soldats au combat. Kendall sait profiter de cette évolution et réussit à attirer à Montréal des « boxeurs de marque », dont le Martiniquais Joe Jeannette, le 26 février 1915. Quelques semaines plus tard, il obtient de Jack Curley le droit exclusif de distribuer au Québec le film du combat pour le championnat mondial des poids lourds opposant le Noir John Arthur (Jack) Johnson et « l’espoir blanc » Jess Willard. En juin 1916, à la suite de la présentation à Montréal d’un combat public entre professionnels, il doit comparaître en cour municipale, après que la Canadian Vigilance Association a porté plainte. Il gagne son procès et, grâce à sa victoire, la boxe acquiert un statut légal. De 1916 à 1920, c’est sous les auspices du Canadian Hockey Club Incorporated que Kendall engage d’excellents boxeurs ; la venue à Montréal, le 15 mai 1920, du célèbre champion d’Europe des poids mi-lourds, le Français Georges Carpentier, constitue son dernier coup de maître.
De toutes ses réussites, c’est pour son rôle de directeur du club de hockey le Canadien que Kendall est surtout connu. Déjà en 1908, avec Gadbois, il voulait constituer une équipe senior exclusivement canadienne-française. Ce projet est réalisé par John Ambrose O’Brien, qui fonde, en décembre 1909, le Canadien, aussitôt admis dans la nouvelle Association nationale de hockey du Canada. Près d’un an plus tard, Kendall proteste au nom du CAC, alléguant que le nom « Canadien » lui appartient. Il achète la franchise pour 7 500 $, le 12 novembre 1910. Sous la gouverne de Kendall, le Canadien réorganisé génère dès sa première saison les plus importants profits au sein de l’association, soit 4 000 $. Kendall sait se servir du sentiment national des Canadiens français pour stimuler la compétition et augmenter le nombre de spectateurs, mais, selon lui, le club doit avant tout rapporter des dividendes aux actionnaires. Pour améliorer les performances de l’équipe, Kendall réclame et obtient de l’association, en novembre 1912, le droit d’engager des joueurs anglophones. Certains l’accusent alors de « polluer » le caractère distinct du club. Celui-ci termine trois fois champion de l’association et remporte sa première coupe Stanley en mars 1916 [V. Georges Vézina]. À partir du 26 novembre 1917, l’équipe joue au sein de la Ligue nationale de hockey, qui fait suite à l’Association nationale de hockey du Canada et que Kendall a contribué à mettre sur pied. Malheureusement, en mars 1919, au moment où le Canadien dispute la coupe Stanley aux Metropolitans, à Seattle, la grippe espagnole fait des ravages parmi les joueurs : le défenseur Joseph Henry (Joe) Hall en meurt et Kendall est gravement atteint. Il en gardera une santé fragile, mais continuera à diriger le Canadien jusqu’à sa mort en octobre 1921. Le 4 novembre, sa veuve vend la franchise du club 11 000 $ à un syndicat financier formé de Léo Dandurand, Joseph Cattarinich et Louis Létourneau.
Outre la lutte, la boxe et le hockey, Kendall a cherché, par l’intermédiaire du CAC, à développer plusieurs autres sports. En 1904, il tente, mais sans succès, d’implanter la corrida à Montréal. En 1911, il crée une éphémère mais puissante équipe de baseball. De 1911 à 1914, il dirige l’équipe de crosse le Canadien, aussi connue sous le nom d’Irish Canadian, qui joue dans la Dominion Lacrosse Union, dont il a d’ailleurs été l’un des fondateurs. Au mois d’octobre 1911, on le retrouve parmi les promoteurs de l’un des premiers concours d’aviation tenus au Québec. En 1912, il organise des courses à pied et en 1913 des parties de soccer. Il a également songé à la création d’une ligue de handball. Il est aussi propriétaire de la salle de quilles la plus moderne de Montréal, le Windsor Bowling Club, aménagée en 1914.
L’été venu, George Washington Kendall aimait se retirer, avec sa femme et sa fille, dans la ferme qu’il possédait dans la région de Sainte-Agathe-des-Monts. Cet homme dynamique ne s’était cependant jamais complètement remis de la grippe espagnole et, au printemps de 1921, il s’effondre. Dans l’espoir de recouvrer la santé, il va se reposer dans sa ferme et à Atlantic City, au New Jersey. D’excellents médecins des États-Unis et du Canada tentent, en vain, de percer le mystère de sa maladie. La mort prématurée, à l’âge de 39 ans, de ce pilier du sport professionnel au Canada au début du xxe siècle, laisse un grand vide dans le monde sportif de l’époque.
La substance de cet article est tirée des journaux, particulièrement de la Presse que nous avons dépouillé systématiquement de 1900 à 1921. Nous avons également consulté les journaux suivants : le Canada (Montréal), 30 oct. 1910, 13 mars 1911, 3, 13, 15 mai, 27 sept., 10, 28 oct., 5, 20, 22 nov., 2–3, 11 déc. 1918, 15 mars 1919, 20–22, 28 oct., 3 nov. 1921 ; le Devoir, 13, 24 janv., 17 févr., 8, 17, 21, 29 mars, 2, 8, 23 avril, 20 oct., 4, 10–11, 14 nov., 9, 13 déc. 1910, 14 févr., 4 mars, 2 nov. 1911, 16 févr. 1912, 23 janv. 1914, 30 sept., 8–9, 19, 26 oct., 11, 20, 25 nov., 5, 10, 12, 16 déc. 1918, 19, 21, 28 oct., 3 nov. 1921 ; la Gazette (Montréal), 31 mars 1914, 20, 22 oct. 1921 ; le Montreal Daily Herald, 7 oct., 9, 12, 22 nov. 1910 ; le Montreal Daily Star, 7 nov. 1908, 30 mars 1914, 19–20 oct. 1921 ; le Montreal Herald, 19–20 oct. 1921 ; le Nationaliste (Montréal), 5, 12, 26 mars 1911, 8 mars 1914 ; la Patrie, 9–10, 13 mars, 19, 21, 24–25, 28 oct., 3–5 nov. 1921 ; et le Soleil, 15 oct. 1908, 26 avril 1909, 18 mars 1911. [g. j.]
ANQ-M, CE601-S60, 25 déc. 1882 ; TP11, S2, SS2, SSS1, dossier 2963 (1908) (C. Y. Rogers c. George Kennedy, alias George Kendall).— Arch. des Pères de Sainte-Croix (Montréal), D1 (fonds du collège de Saint-Laurent), annuaires.— BCM-G, RBMS, St Patrick (Montréal), 1er juin 1907.—— Annuaire, Montréal, 1912–1913, 1915–1916, 1918–1919.— Rosaire Barrette, Léo Dandurand, sportsman (Ottawa, 1952), 105–110, 155, 180, 201s.— François Black, Habitants et Glorieux : les Canadiens de 1909 à 1960 (Laval, Québec, 1997), 17–47, 133–135.— Line Bonneau et Taïeb Hafsi, Sam Pollock et le Canadien de Montréal ([Sainte-Foy, Québec], 1996), 21–40.— [Pat Calabria et al.], Cent ans de coupe Stanley : chroniques officielles de la Ligue nationale de hockey, Dan Diamond, édit., et François Galán, trad. (Montréal, 1993), 41–69.— Michel Chemin, la Loi du ring ([Paris], 1993), 44–59.— Gazette officielle de Québec, 1908 : 1601s. ; 1916 : 880.— Donald Guay, l’Histoire du hockey au Québec ; origine et développement d’un phénomène culturel (Chicoutimi, Québec, 1990), 256–274.— Graeme Kent, A pictorial history of wrestling (Londres, 1968), 128–183.— Charles Mayer, l’Épopée des Canadiens de Georges Vézina à Maurice Richard : 46 ans d’histoire, 1909–1955 (Montréal, [1956 ?]).— Claude Mouton, les Canadiens de Montréal : une dynastie du hockey (Toronto, 1981), 112s., 118s., 188, 228.— Andy O’Brien, les Canadiens, J.-P. Lara, trad. (Montréal, 1972), 4–35.— Alexis Philonenko, Histoire de la boxe (Paris, 1991), 155–267.— Maurice Richard et Stan Fischler, les Canadiens sont là ! la Plus Grande Dynastie du hockey, Louis Rémillard, trad. (Scarborough [Toronto], 1971), 3–34.— Allan Turowetz et Chrystian Goyens, les Canadiens de 1910 à nos jours, Jean Prévost et al, trad. (Montréal, [1986]), 36–38.
Gilles Janson, « KENDALL, GEORGE WASHINGTON, dit George Kennedy », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/kendall_george_washington_15F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/kendall_george_washington_15F.html |
Auteur de l'article: | Gilles Janson |
Titre de l'article: | KENDALL, GEORGE WASHINGTON, dit George Kennedy |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2005 |
Année de la révision: | 2005 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |