KOHLMEISTER, BENJAMIN GOTTLIEB, missionnaire morave et traducteur, né le 6 février 1756 à Reisen (Rydzna, Pologne) ; en 1793, il épousa au Labrador Anna Elizabeth Reimann, et ils eurent quatre enfants ; décédé le 3 juin 1844 à Neusalz (Nowa Sól, Pologne).

Comme beaucoup de missionnaires moraves, Benjamin Gottlieb Kohlmeister venait d’un milieu plutôt humble. Fils d’un boulanger qui déménageait souvent dans l’espoir d’améliorer les conditions de vie de sa famille, il ne fréquenta guère l’école. Peu après la mort de son père, Kohlmeister devint apprenti chez un ébéniste de Varsovie. Une fois son apprentissage terminé, en 1775, il erra de ville en ville pendant quelques années. Déjà fervent chrétien, il entra en relation avec une congrégation morave de Dresde (République démocratique allemande). Il fut si vivement attiré qu’il se rendit à Herrnhut, siège de la secte, où finalement on l’admit comme membre.

Kohlmeister travailla ensuite à l’établissement morave de Christiansfeld, au Danemark, jusqu’en 1790. Cette année-là, il fut appelé à servir comme missionnaire au Labrador et entama un séjour de 12 ans à Okak, le plus septentrional des trois établissements tenus alors par les moraves [V. Jens Haven*]. Intelligent, doué d’une grande faculté d’adaptation et apparemment aimé de son entourage, Kohlmeister prit d’abord la responsabilité de l’école, ce qui lui permit d’apprendre rapidement l’inuktitut. Il supervisa ensuite la traite avec les Inuit et fit également office de médecin. En 1802, on le muta à Hopedale, où il présida à un renouveau religieux qui n’avait pas eu son pareil depuis l’arrivée des moraves au Labrador en 1771. Un sermon prononcé à la fin de décembre 1803 déclencha un vaste mouvement de ferveur qui gagna Nain et Okak. L’événement fut décisif pour la mission, car il mena à l’instauration d’une solide théocratie morave dans le nord du Labrador.

En 1806, Kohlmeister partit en congé pour l’Europe. Retenu là-bas en raison des restrictions de guerre sur les voyages, il put discuter avec le conseil missionnaire de la possibilité d’étendre les missions du Labrador. Un nombre important d’Inuit de l’Ungava (Québec) et du détroit d’Hudson avaient visité les établissements moraves, et les missionnaires croyaient que la plupart des gens de ce peuple vivaient peut-être dans cette région. Kohlmeister reçut donc le mandat d’y mener une expédition et d’en faire rapport. Il passa l’hiver de 1810–1811 à Okak puis, en juin, avec George Kmoch, un autre missionnaire, et 15 Inuit, il se mit en route. Le groupe monta vers le nord en chaloupe jusqu’au cap Chidley et redescendit vers le sud en longeant la rive est de la baie d’Ungava. Après avoir baptisé la rivière George en l’honneur de George III, les missionnaires se rendirent jusqu’à la rivière Koksoak, qu’ils remontèrent jusqu’à l’emplacement actuel de Fort-Chimo. Aux deux endroits, ils identifièrent des lieux propices à la fondation d’une mission.

Kohlmeister rentra à Okak en octobre, impressionné par ce qu’il avait vu et favorable à la création d’un établissement dans l’Ungava. Cependant, malgré l’appui du conseil missionnaire et des missionnaires eux-mêmes, on ne construisit aucun établissement dans cette région – la guerre y faisait toujours rage et les coûts seraient élevés – mais on remit le projet à plus tard et on réexamina même la question. En 1814, les moraves se demandaient s’ils devaient s’en tenir au projet de l’Ungava ou construire plutôt un quatrième établissement au nord d’Okak. Finalement, on adopta la deuxième solution, surtout à cause de l’attitude de la Hudson’s Bay Company : même si les moraves faisaient valoir que tout établissement devait contribuer à sa propre subsistance, la compagnie refusait qu’il le fasse par le biais de la traite sur son territoire. Peu après ses discussions avec les moraves, elle commença à explorer et à exploiter la péninsule.

En 1818, Benjamin Gottlieb Kohlmeister devint surintendant général de la mission et s’installa à Nain, qui en était le siège. Il quitta le Labrador six ans plus tard et passa les 20 dernières années de sa vie à Herrnhut et à Neusalz, où il consacra aux affaires de la secte autant d’énergie que son âge et sa santé le lui permettaient. Homme simple et pieux, il n’en était pas moins brillant, plein de curiosité et polyvalent. Il lisait abondamment pour combler son manque d’instruction et devint un botaniste amateur accompli ainsi qu’un bon linguiste ; il fut l’un de ceux qui traduisirent le Nouveau Testament dans le dialecte inuktitut du Labrador. Bref, comme on peut le lire dans l’une de ses notices nécrologiques, c’était « un digne représentant [de la race] des authentiques missionnaires moraves ».

James K. Hiller

Benjamin Gottlieb Kohlmeister et George Kmoch ont publié un récit de leur voyage à la baie d’Ungava en 1812 sous le titre de Journal of a voyage from Okkak, on the coast of Labrador, to Ungava Bay, westward of Cape Chudleigh ; undertaken to explore the coast, and visit the Esquimaux in that unknown region (Londres, 1814). Parmi les ouvrages à caractère religieux de Kohlmeister, citons Tamedsa Johannesib aglangit, pkautsiñik Tussarnertuñik, Jesuse Kristusemik, Gudim Erngninganik, une traduction de l’Évangile selon saint Jean dans le dialecte des Inuit du Labrador ; plusieurs autres ouvrages auxquels il a collaboré sont cités dans J. C. Pilling, Bibliography of the Eskimo language (Washington, 1887 ; réimpr. sous le titre de Bibliographies of the languages of the North American Indians, 9 part. en 3 vol., New York, 1973), 1, part. 1.

Moravian Church in G. B. and Ire. Library (Londres), Soc. for the Furtherance of the Gospel, minutes, 15 mars, 25 oct. 1813, 9 mai, 19 déc. 1814, 8 mai, 10 nov. 1815,17 mai, 16 déc. 1816, 6 avril 1818 (mfm à la Memorial Univ. of Nfld. Library, St John’s).— HBRS, 24 (Davies et Johnson), xxxvi-xxxviii.— Memoir of Br. Benj. Gottlieb Kohlmeister, missionary among the Esquimaux in Labrador [...] (Londres, 1845).— Alan Cooke, « The Ungava venture of the Hudson’s Bay Company, 1830–1843 » (thèse de ph.d., Univ. of Cambridge, Cambridge, Angl., 1970), 12.— J. K. Hiller, « The foundation and the early years of the Moravian mission in Labrador, 1752–1805 » (thèse de m.a., Memorial Univ. of Nfld., [1967]), 222–225.

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James K. Hiller, « KOHLMEISTER, BENJAMIN GOTTLIEB », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 7 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/kohlmeister_benjamin_gottlieb_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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