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MacMURCHY, MARJORY JARDINE RAMSAY (Willison, lady Willison), auteure, journaliste et réformatrice sociale, née en avril 1870 à Toronto, fille d’Archibald MacMurchy et de Marjory Jardine Ramsay ; le 10 avril 1926, elle épousa dans cette ville sir John Stephen Willison*, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédée le 15 décembre 1938 au même endroit.
Marjory Jardine Ramsay MacMurchy compta parmi les journalistes canadiennes les plus respectées du début du xxe siècle. Benjamine d’une famille de trois filles et trois garçons, elle grandit dans un foyer d’intellectuels. Son père, éducateur éminent, partit d’Argyll, en Écosse, avec sa famille presbytérienne pour s’installer dans le Haut-Canada en 1840. Archibald MacMurchy passa 28 ans à la tête du Toronto (ultérieurement Jarvis Street) Collegiate Institute, période pendant laquelle l’établissement acquerrait une solide réputation pour l’excellence de son enseignement. Il était aussi auteur et éditeur. Marjory Jardine Ramsay perdit sa mère, membre de la Woman’s Foreign Missionary Society [V. Marjory Laing*], à la fin de son adolescence. Elle fréquenta l’école de son père, puis, entre 1892 et 1894, suivit des cours à la University of Toronto.
Mlle MacMurchy se mit à écrire en 1888 pour son propre divertissement. Sara Jeannette Duncan*, chroniqueuse au Globe depuis 1885, l’inspira peut-être. En 1891, Mlle MacMurchy publia sa première nouvelle, « The spirits of the hearth fires », dans l’édition de Noël du Dominion Illustrated de Montréal. D’autres nouvelles, des essais, des recensions de livres et des portraits de personnalités littéraires suivirent notamment dans le Harper’s Bazaar de New York et dans des périodiques de Toronto tels que Canadian Bookman, Canadian Magazine, Grip et Saturday Night ; dans les deux derniers, elle utilisait le pseudonyme de Penny. En 1903, elle commença à travailler à plein temps comme journaliste à l’Evening News, dirigé par John Stephen Willison, l’un des journalistes anglophones les plus influents du pays. Bientôt nommée directrice littéraire de l’Evening News, elle vit s’accroître sa renommée. En 1911, on l’envoya à Londres couvrir le couronnement du roi George V. Le journal mit la clé sous la porte en 1917. De 1921 à 1922, pour le Mail and Empire, elle rédigea une chronique hebdomadaire intitulée « Politics for women », qui attira un lectorat considérable.
En 1909, on avait nommé Mlle MacMurchy présidente fondatrice, et son amie Jean Graham, vice-présidente, de la section torontoise du Canadian Women’s Press Club [V. Catherine Ferguson* ; Katherine Angelina Hughes*] créé cinq ans auparavant. Lorsque, quelques mois plus tard, le groupe de Mlle MacMurchy fut l’hôte de l’assemblée annuelle du club, elle fut élue à la présidence nationale ; elle occuperait ce poste jusqu’en 1913, puis agirait à titre de présidente honoraire jusqu’en 1920. Cette année-là, elle reçut également une invitation pour représenter le club à l’Imperial Press Conference, qui tenait des réunions dans tout le pays. À Montréal, le baron Atholstan [Graham] accueillit plus de 100 participants venus de tous les coins de l’Empire britannique. Une seule autre femme déléguée, Mary Frances Billington, du Daily Telegraph de Londres, assista à l’événement, au nom de la Society of Women Journalists britannique.
À partir de 1903, année où Mlle MacMurchy avait amorcé sa carrière de journaliste à temps complet, sa signature apparut de plus en plus fréquemment dans des articles portant sur une vaste gamme de sujets. Son nom figurait aussi régulièrement dans des comptes rendus journalistiques d’activités sociales et culturelles, notamment celles du Heliconian Club, organisme féminin voué aux arts et aux lettres où elle siégeait à la direction. On lui attribue l’introduction de Lucy Maud Macdonald [Montgomery*] dans des cercles littéraires torontois après que l’auteure et son mari eurent élu domicile en Ontario en 1911. Mlle MacMurchy avait fait la connaissance de L. M. Montgomery (comme on la désignait professionnellement) par l’entremise du Canadian Women’s Press Club de la région atlantique. À des thés dont elle fut l’hôtesse et à des causeries qu’elle organisa, elle présenta à l’élite de la ville la créatrice du roman Anne of Green Gables, publié à Boston en 1908 (plus tard connu en français sous le titre Anne : la maison aux pignons verts). Tous les membres vivants de sa fratrie figuraient parmi ce gratin (Dugald James était mort en 1891) : Angus et John Campbell, avocats, Bessie, reconnue pour son travail auprès des missions étrangères, et Helen*, médecin de renom. Ces trois derniers, célibataires, habitaient avec Marjory Jardine Ramsay dans le quartier chic de Rosedale. Selon la professeure Mary Henley Rubio, Helen servit probablement de modèle à L. M. Montgomery pour la « femme médecin » de son roman Magic for Marigold, paru à Toronto en 1929 (plus tard connu en français sous le titre le Monde merveilleux de Marigold).
En 1914, Mlle MacMurchy commença à traiter de questions économiques et sociales – comme l’éducation des filles, le coût de la vie et l’avenir des travailleuses domestiques – dans des articles soumis à une agence de distribution. Cet engagement l’amena à exercer des fonctions à l’extérieur du journalisme. Elle fut ainsi nommée secrétaire adjointe de la commission ontarienne sur le chômage de 1914 à 1916, que Willison présidait à la demande du premier ministre William Howard Hearst*. De plus, elle dirigea la section féminine de la Canadian Reconstruction Association, mise sur pied en 1918 par des hommes d’affaires influents et également supervisée par Willison. Sous sa direction, la section publia une série de brochures sur la façon dont les femmes pouvaient contribuer aux activités en temps de paix et au progrès du pays, et sur les moyens d’améliorer leur bien-être économique. Dans Women and reconstruction, elle écrivit : « Il est naturellement certain que les Canadiennes habilitées à voter s’appliqueront avec intelligence et énergie [à résoudre] les problèmes économiques de base de la vie nationale […] La collaboration des Canadiennes à la vie industrielle et à la reconstruction est indispensable. »
Le sens de l’humour empreint d’ironie de Mlle MacMurchy ressort dans le titre de son ouvrage publié en 1916, dans lequel elle se penche sur l’essor des organismes féminins nationaux : The woman – bless her : not as amiable a book as it sounds. Elle y fait l’éloge de ces associations tout en critiquant certains de leurs aspects : la prise de décision était souvent centralisée en Ontario, la gouvernance tendait à l’autocratie, et la plupart de leurs membres étaient des femmes au foyer d’âge moyen qui ne représentaient qu’une fraction des femmes adultes au Canada. Dans la brochure de la Canadian Reconstruction Association, Women of to-day and to-morrow, parue trois ans plus tard, elle reconnaît que les conditions imposées par la Première Guerre mondiale ont « grandement renforcé » les organisations féminines ; elle affirme toutefois qu’il faut examiner minutieusement leurs idéaux pour découvrir leurs objectifs. En 1919 également, le ministère de l’Éducation de l’Ontario publia The Canadian girl at work : a book of vocational guidance, guide destiné aux bibliothèques scolaires. L’auteure, Mlle MacMurchy, désirait ainsi « aider les jeunes filles à trouver un emploi satisfaisant » et expliquer « ce qui constitu[ait] une attitude correcte envers le travail et envers la vie au travail ». Elle y revendiquait plus de formation pour ces jeunes filles, non seulement pour les préparer à exercer des métiers à l’extérieur du foyer, mais aussi à tenir maison et à élever des enfants. Elle imaginait un avenir où travailleurs et travailleuses pourraient « établir les assises d’un nouveau monde » en partenariat.
En 1925, Mlle MacMurchy et Willison lancèrent à Toronto le Willisons Monthly, que le cartouche annonça comme un « magazine national dédié à la discussion sur les affaires publiques touchant le Canada et l’Empire ». Willison perdit sa femme cette année-là. En 1926, à l’âge de 56 ans, Marjory Jardine Ramsay devint sa deuxième femme ; leur union dura peu, car Willison succomba à un cancer 13 mois plus tard. Au cours de la décennie suivante, lady Willison, comme on l’appelait désormais (son mari avait reçu le titre de chevalier en 1913), écrivit trois livres : un guide de lecture pour enfants, un hommage à la ville de Victoria et, l’année précédant sa mort, une anthologie d’histoires pour jeunes filles, The longest way round. Dans son journal intime, Lucy Maud Montgomery qualifia cet ouvrage de « production terriblement banale » comparativement au recueil The child’s house, paru en 1923, qu’elle jugeait « habilement écrit ». Quand on lui demanda d’en faire une recension, elle se sentit obligée d’accepter parce que la journaliste avait toujours analysé son travail « si gentiment – mais cela [l’ennuyait], car [elle devait] dire des choses insincères ».
À la suite d’une maladie de quelques semaines, lady Willison succomba à une hémorragie cérébrale à son domicile, âgée de 68 ans. On l’inhuma au cimetière Mount Pleasant de Toronto après une cérémonie privée.
À l’instar de nombreuses femmes qui se taillèrent une carrière journalistique au début du xxe siècle, Marjory Jardine Ramsay MacMurchy exerça le rôle d’éducatrice auprès de ses lectrices. Paradoxalement, les femmes qui traitaient de questions domestiques dans la presse avaient souvent peu d’expérience personnelle en la matière. Marjory Jardine Ramsay MacMurchy, par exemple, se maria tard dans la vie, n’eut pas d’enfants et ne se considérait probablement pas comme une maîtresse de maison. Elle fournit toutefois des conseils sur tous ces sujets et réussit à briser certaines frontières qui confinaient ses collègues. Dans un discours adressé à des éditeurs pendant une réunion de la Canadian Press Association en 1910, elle expliqua clairement que « la tenue d’une page mondaine, d’un cahier sur les soins de beauté ou d’une chronique de décoration intérieure n’épuisait pas les possibilités d’une femme journaliste ». Elle travailla à réformer la société, en particulier au nom des femmes, et explora une gamme d’avenues en tant qu’écrivaine. Membre de l’Association des auteurs canadiens, elle adhéra également très tôt au PEN, association internationale de poètes, d’essayistes et de romanciers fondée en 1921.
L’acte de naissance de Marjory Jardine Ramsay MacMurchy n’a pas été trouvé. Par ailleurs, le recensement d’avril 1871 indique qu’elle avait un an à ce moment-là et celui de 1911 précise le mois de sa naissance.
Marjory Jardine Ramsay MacMurchy n’a pas laissé de journaux intimes ou de documents personnels, mais BAC conserve une partie de sa correspondance parmi les archives de l’Association des auteurs canadiens.
La série d’articles qu’elle a rédigée sur le couronnement du roi George V a paru en 1911 sous le titre « The king’s crowning », dans le rapport annuel des Ontario’s Women’s Institutes. Elle a également écrit The woman – bless her : not as amiable a book as it sounds (Toronto, 1916) et The Canadian girl at work : a book of vocational guidance (Toronto, 1919). Ses brochures pour la section féminine de la Canadian Reconstruction Assoc., publiées à Toronto, s’intitulent Women and reconstruction (1918), What shall I do now ? : how to work for Canada in peace (1919), Better houses for Canadians (1919), A unity programme for Canadian women (1919), et Women of to-day and to-morrow ([1919], texte d’abord publié dans le Canadian Magazine, 53 (mai–octobre 1919) : 155–160). Elle est aussi l’auteure des livres pour enfants The child’s house […] (Londres, 1923) et The longest way round (Toronto, 1937), ainsi que de Golden treasury of famous books […] (Toronto, 1929) et Victoria, B.C., city of enchantment in Canada’s evergreen playground (Victoria, 1933). Marjory Jardine Ramsay MacMurchy a rédigé de nombreux articles pour l’Evening News de Toronto entre 1903 et 1917. Ses nouvelles, comptes rendus, portraits et reportages ont paru dès 1891 dans plusieurs périodiques, tels que, en plus de ceux mentionnés dans la présente biographie : Canada : a Monthly Journal of Religion, Patriotism, Science & Literature (Benton, N.-B.), Canadian Courier (Toronto), Canadian Home Journal (Toronto), Globe (numéros de Noël), Life and Work (Édimbourg), Montreal Witness, Queen’s Quarterly (Kingston, Ontario), Rev. of Hist. Publications Relating to Canada (Toronto), Short Stories (New York), Times (Londres), University Magazine (Montréal) et Willisons Monthly (Toronto). Son compte rendu du livre de sir John Stephen Willison, Reminiscences, political and personal (Toronto, 1919), a été publié dans le Canadian Magazine, 54 (novembre 1919–avril 1920) : 271–272, et son article « Journalism and literature, books of the year by Canadian women » a été intégré à l’édition de 1915 du Canadian woman’s annual and social service directory, E. P. Weaver et al., édit. (Toronto).
BAC, MG28-I2 (fonds Canadian Authors Association, corr.), vol. 2, Willison, Lady Marjory ; R233-34-0, Ontario, dist. Toronto Est (47), sous-dist. Quartier St Davids (C) : 23 ; R233-177-0, Ontario, dist. Toronto Nord (126), sous-dist. Quartier no 3 (84) : 6.— Globe, 29 avril 1912 ; 12–13 avril 1926.— Toronto Sunday World, 21 mars 1915.— A. D. Brodie, « Canadian short-story writers », Canadian Magazine, 4 (novembre 1894–avril 1895) : 334–344.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1912).— Robert Donald, The Imperial Press Conference in Canada (Londres et Toronto, [1920 ?]), 108.— M. L. Lang, Women who made the news : female journalists in Canada, 1880–1945 (Montréal et Kingston, 1999).— Literary history of Canada : Canadian literature in English, C. F. Klinck et al., édit. (2e éd., 4 vol., Toronto, 1976–1990), 2.— L. M. Montgomery, The selected journals of L. M. Montgomery, M. H. Rubio et E. H. Waterston, édit. (5 vol., Toronto, 1985–2004), 5 (1935–1942, 2004), 208–209.— Kay Rex, No daughter of mine : the women and history of the Canadian Women’s Press Club, 1904–1971 (Toronto, 1995).— P. J. Robinson, « Dr. Archibald MacMurchy : a sketch », dans J. E. Middleton et al., The municipality of Toronto : a history (3 vol., Toronto et New York, 1923), 1 : 549–552.— M. H. Rubio, Lucy Maud Montgomery : the gift of wings ([Toronto], 2008).
Linda Kay, « MacMURCHY, MARJORY JARDINE RAMSAY (Willison, lady Willison) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2025, https://www.biographi.ca/fr/bio/macmurchy_marjory_jardine_ramsay_16F.html.
| Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/macmurchy_marjory_jardine_ramsay_16F.html |
| Auteur de l'article: | Linda Kay |
| Titre de l'article: | MacMURCHY, MARJORY JARDINE RAMSAY (Willison, lady Willison) |
| Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
| Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
| Année de la publication: | 2025 |
| Année de la révision: | 2025 |
| Date de consultation: | 4 déc. 2025 |