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McCARTHY (McCarty), JAMES OWEN (connu aussi sous le nom de James Owen ou Owens), tailleur, reconnu coupable de meurtre, né vers 1794 en Irlande ; il épousa une prénommée Ann (Hannah), et ils eurent plusieurs enfants ; décédé le 31 mars 1835 à Hamilton, Haut-Canada.
La forte recrudescence de l’immigration qui marqua le début des années 1830 modifia le tissu social des villages de Hamilton et de Dundas, dans le Haut-Canada, en y amenant un nombre important d’Irlandais catholiques. Enlisés dans la pauvreté et vivant dans ce que le prêtre de l’endroit, John Cassidy, décrivait comme une « mission rude et pénible », les Irlandais semblaient particulièrement enclins à la bagarre, phénomène qui caractérisait les agglomérations de la frange pionnière. En fait, de 1830 à 1860 environ, la violence que connut ainsi le district de Gore était identifiée aux Irlandais. La « pauvreté et les vices » de ses ouailles pesaient lourdement sur les épaules de Cassidy. En 1834, inquiet à l’approche des célébrations de la Saint-Patrice, il passa « tout le Carême » à prêcher « contre leurs beuveries passées, leurs bagarres et leur ignorance ». Mais ce fut en vain : le 17 mars éclata dans une taverne de Dundas une rixe à laquelle « n’étaient mêlés que des Irlandais catholiques ». Un homme mourut des suites des blessures qu’il y reçut. John Rooney, aubergiste du village, et James Owen McCarthy furent accusés de meurtre avec préméditation.
McCarthy était un tailleur qui, vers 1821, travaillait pour la R. Law and Company de Londres. Par la suite, il entra comme chef d’équipe dans un autre établissement de même nature (qui avait, dit-on, George IV pour client). Il ouvrit ensuite à Dublin son propre atelier : il le décrivait comme une entreprise « importante et respectable » que fréquentait une clientèle de choix. Aux environs de 1832, il quitta l’Irlande et ouvrit une boutique à New York mais, ayant « perdu tous [ses] biens dans un incendie », il alla s’installer à Dundas avec sa famille à l’automne de 1833. Peu après avoir été mis en prison pour attendre son procès, il se chercha un intercesseur. En effet, le 26 mars, il écrivit à Frederick Shaw, parlementaire irlandais très en vue qui avait autrefois été son client, pour le mettre au courant de sa situation, l’assurer de son innocence et le supplier d’ « user de [son] influence auprès de M. Stanley [le secrétaire d’État aux Colonies] [...] afin qu’il puisse intercéder sans délai ». Shaw transmit cette lettre à Stanley en qualifiant McCarthy d’« homme respectable et de bonne conduite ». Stanley ne pouvait guère intervenir aussi directement que le suggérait l’accusé, mais il fit parvenir les documents au lieutenant-gouverneur sir John Colborne* en lui indiquant qu’il s’intéressait à l’affaire.
Sachant que le gouvernement impérial suivait le procès, les autorités coloniales se montrèrent très attentives lorsque McCarthy comparut devant le juge James Buchanan Macaulay* le 4 août, soit deux jours après que Rooney eut été trouvé coupable en dépit des efforts de ses avocats, Robert Baldwin Sullivan* et William Henry Draper*. Une fois les témoignages déposés, McCarthy s’adressa au jury « sur un ton fort véhément, avec force gestes [...], comme le nota Macaulay, et, au lieu de manifester quelque remords ou quelque regret, insista sur le fait que sa conduite était amplement excusable ». Il fut déclaré coupable, et Macaulay le condamna, ainsi que Rooney, à la pendaison. Toutefois, en homme prudent qu’il était, le juge veilla à se conformer aux « directives » du Parlement et au « bon sens » de la judicature en matière de culpabilité pour meurtre. Il différa donc l’exécution des sentences pour donner aux condamnés le temps de faire appel et pour permettre au lieutenant-gouverneur d’examiner leur cas.
Les catholiques irlandais, habituellement muets, réagirent presque immédiatement au malheur de leurs compatriotes, comme le fit l’ensemble de la population de Hamilton et de Dundas. Cassidy, qui avait précédemment qualifié McCarthy de « personne aux mœurs relâchées », présenta une pétition signée par 154 personnes, des Irlandais pour la plupart, alléguant que les deux hommes méritaient la grâce royale puisqu’ils n’avaient pas agi avec préméditation. Le crime avait été commis sous l’emprise de passions momentanées, « en un jour où les Irlandais [avaient] tendance à céder trop facilement à l’attrait de la bouteille ». John Law, personnage éminent de la région et représentant de la R. Law and Company, se porta aussi à la défense de McCarthy. Quant au condamné, dans son pourvoi en grâce, il décrivit son infortune en employant les termes d’usage. Il était, écrivait-il, « étranger dans le pays », et son exécution laisserait sa femme comme ses enfants « sans ressources et sans amis » ; il demandait la grâce « afin de pouvoir travailler à conserver l’estime de ses frères humains et d’avoir le temps de faire la paix avec le Créateur, [qu’il avait] offensé ». Malgré les provocations, soutenait-il, rien n’aurait pu le pousser à « verser délibérément le sang de son frère ». Sa requête avait l’appui de 307 hommes, dont un grand nombre aussi importants qu’Allan Napier MacNab*.
La question de savoir si le crime avait été commis ou non de propos délibéré revêtait une importance capitale pour McCarthy et ses défenseurs, puisque, dans la négative, l’accusation qui convenait était celle d’homicide involontaire. Macaulay y avait fait allusion dans son allocution au jury, et le juge en chef John Beverley Robinson* avait souscrit à ses remarques et au verdict des jurés. Insatisfait, Colborne demanda cependant à Macaulay de réfléchir encore à l’affaire. Le juge, « répugnant beaucoup aux condamnations à mort dans les cas où il n’y avait pas intention délibérée », maintint néanmoins ses conclusions premières et estima qu’il appartenait désormais au « gouvernement exécutif » de trancher. Colborne confia l’affaire au Conseil exécutif, dont le président était John Strachan*. Sur la recommandation du conseil, les deux exécutions furent reportées et la question soumise au gouvernement impérial à la fin d’août. Même si Macaulay avait affirmé plus d’une fois que la sentence était juste, Colborne émit avec raison l’avis que, selon lui, Macaulay conservait « quelque doute » et se demandait encore s’il n’aurait pas mieux valu conclure à un homicide involontaire. Le gouvernement impérial exprima des réserves parce qu’il jugeait inadéquats les documents qui lui avaient été présentés, mais il donna tout de même son accord à des grâces conditionnelles. Avant que cette nouvelle ne parvienne dans le district de Gore – le message partit de Toronto le 23 janvier 1835 –, Cassidy fit parvenir une autre pétition dans laquelle des Irlandais demandaient une commutation de la peine. Craignant que sa présence auprès des condamnés lors de leur exécution ne lui nuise personnellement, il fit montre d’une conscience politique qui jusque-là n’était pas évidente dans sa communauté. Faisant allusion à l’incendie d’un couvent catholique des États-Unis par une « plèbe d’Américains », il nota que l’incident avait laissé une « forte impression » sur ses paroissiens. Ils avaient, expliquait-il, été frappés de voir que les incendiaires américains avaient été acquittés tandis que McCarthy et Rooney avaient été condamnés. Les catholiques irlandais, déclara Cassidy, étaient en train de découvrir la « signification exacte du mot préméditation ».
Avant le 1er avril, date à laquelle ils devaient être graciés (et en même temps bannis), McCarthy et Rooney commencèrent à se plaindre de leurs conditions d’incarcération. Selon eux, la prison était surpeuplée, mal aérée et dépourvue de chauffage ; quant au geôlier, McCarthy le décrivait ainsi : « sa conduite est tyrannique [...] Jamais, je pense, on n’en a vu d’aussi honteuse dans les annales. » Le shérif William Munson Jarvis tenta de minimiser les accusations du prisonnier en le dénigrant personnellement : selon lui, la prétendue femme de McCarthy (il alléguait que le couple ne s’était jamais marié) « a[vait] eu plus d’une fois l’occasion de regretter l’écart entre sa propre force [et celle du condamné] » ; de plus, il fit remarquer que McCarthy était « très porté sur l’alcool ». Jarvis évoqua la possibilité d’un complot visant à libérer McCarthy, qui avait juré « de s’évader, quitte à y laisser sa vie ». Il concluait que la prison n’avait jamais abrité un « homme pire qu’Owen ; le langage qu’il emplo[yait aurait fait] frissonner n’importe qui ».
Le 31 mars 1835, soit la veille de sa libération, James Owen McCarthy mourut « après avoir eu avec le geôlier une dispute marquée par une grande violence ». Selon le verdict officiel, celui d’un jury réuni par le coroner, il était mort d’« une hypertrophie du cœur » ; cette conclusion ranima la controverse. À la fin d’avril, sa femme soumit une pétition qui était signée par quelque 1 200 personnes et qui mettait en doute la cause de la « mort subite et mystérieuse » de son mari tout en demandant pourquoi « aucune mesure n’a[vait] été prise contre le geôlier et ses adjoints ». Dans un éditorial du Correspondent and Advocate, William John O’Grady* demanda quelle opinion, du « verdict de seulement douze hommes » ou de la pétition de 1 200 noms, avait la plus grande valeur : « laquelle doit-on croire ? », disait-il. Par la suite, un jury d’accusation conclut qu’il n’y avait pas matière à poursuivre ni le geôlier ni son assistant pour conduite criminelle. Cependant, la situation des prisons préoccupait déjà les autorités provinciales et impériales, et la mort de McCarthy, probablement en raison de l’intérêt particulier que le gouvernement de Londres avait porté à son cas, fut l’occasion de mettre au jour nombre de problèmes carcéraux. Deux enquêtes conclurent que les prisons étaient très surpeuplées et insuffisamment réglementées. La seconde de ces enquêtes, menée par un comité de juges comprenant Robinson et Macaulay, fut la plus importante. Elle donna lieu à un rapport qui fut déposé au Parlement le 22 décembre 1835 et qui prônait l’établissement de « règlements plus précis et plus satisfaisants que ceux [qui étaient alors] en vigueur ». Cette enquête aboutit, en 1838, à l’adoption d’une loi qui soumettait les prisons de district à une réglementation provinciale, mais elle ne connut guère de succès.
AO, RG 20, F–15, 1 : fo 4, nos 159–160 ; RG 22, sér. 134, 6, Gore District, 2, 4 août 1834.— APC, RG 5, A1 : 78467–78470, 78485–78486, 78581–78586, 78809–78812, 79032–79061, 81634–81635, 81666–81668, 81792–81802, 83032–83034.— Arch. of the Archdiocese of Toronto, M (Macdonell papers), AB07.08, .010 ; AC04.01–2, .05 ; CA07.04 (mfm aux AO).— MTL, Robert Baldwin papers, A73, no 66.— PRO, CO 42/423 : 89–91, 95–122 ; 42/427 : 25–64.— H.-C., House of Assembly, App. to the journal, 1836, 1, no 44.— Correspondent and Advocate (Toronto), 22 mars 1834, 29 mai 1835.— J. C. Weaver, Hamilton : an illustrated history (Toronto, 1982).— Michael Doucet et J. C. Weaver, « Town fathers and urban continuity : the roots of community power and physical form in Hamilton, Upper Canada, in the 1830s », Urban Hist. Rev. (Winnipeg), 13 (1984–1985) : 75–90.
Robert Lochiel Fraser, « McCARTHY (McCarty), JAMES OWEN (James Owen, James Owens) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mccarthy_james_owen_6F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/mccarthy_james_owen_6F.html |
Auteur de l'article: | Robert Lochiel Fraser |
Titre de l'article: | McCARTHY (McCarty), JAMES OWEN (James Owen, James Owens) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 2 nov. 2024 |