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MERRITT, WILLIAM HAMILTON, ingénieur des mines, professeur, auteur et officier de milice, né le 8 juin 1855 à St Catharines, Haut-Canada, fils unique de William Hamilton Merritt et de Janet Lang Morris ; le 10 avril 1890, il épousa à Toronto Margaret Simpson, fille unique de Robert Simpson* et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé le 26 octobre 1918 à Toronto.
William Hamilton Merritt avait des ascendants prestigieux. Son grand-père paternel, l’éminent homme politique William Hamilton Merritt*, avait été le promoteur du canal Welland. Son grand-père maternel, James Morris*, avait siégé au Conseil exécutif de la province du Canada. On sait peu de chose sur l’enfance et l’adolescence de Merritt. Son père, barrister, mourut en 1860. Lui-même fit ses études en Ontario à la Trinity College School de Weston et à l’Upper Canada College de Toronto, puis en Angleterre au Clifton College de Bristol et à la Royal School of Mines de Londres, où il obtint en 1877 un diplôme en génie minier. Athlète accompli, il remporta des trophées à la course, au saut en hauteur et en gymnastique au Clifton College, et fut capitaine des équipes de football et de cricket à la School of Mines. En 1883, il serait président fondateur de l’Ontario Rugby Football Union. Après son retour au Canada, il s’installa à Toronto. Il y vivrait avec sa mère jusqu’à son mariage avec Margaret Simpson, fille de propriétaire d’un grand magasin.
Bien que Merritt soit connu surtout à titre de soldat et de commentateur militaire, il fit aussi une belle carrière d’ingénieur des mines. Il accompagna la commission canadienne à l’Exposition universelle de Paris en 1878. (La Commission géologique du Canada exposa à cette occasion, mais le rôle de Merritt n’est pas clair.) De 1879 à la fin des années 1890, il sillonna le Canada à titre d’ingénieur, et rédigea bon nombre d’articles et de livres sur des questions minières, concernant le fer surtout. Membre de la commission royale d’enquête de l’Ontario sur les ressources minières, qui siégea de 1888 à 1890, il fut très déçu qu’elle ne propose pas de politique pour le soutien de l’industrie de la fonderie en Ontario. En 1891–1892, il traita de cette question dans des discours et des opuscules. Comme la pénurie de capital de risque freinait le développement de l’industrie du fer et de l’acier, il souhaitait que le gouvernement encourage les investisseurs par des primes ou des gratifications. De 1893 à 1897, il donna des cours à la School of Mining and Agriculture de Kingston, en Ontario ; l’été, dans le nord de la province, il anima des stages de formation où prospecteurs et personnel des mines s’initiaient à des techniques plus scientifiques. Membre de l’Iron and Steel Institute d’Angleterre, il fut vice-président de l’Ontario Mining Institute, fondé en 1894.
Aux centres d’intérêt de Merritt s’ajoutaient en 1882 la politique et la vie militaire. Candidat conservateur dans Haldimand aux élections fédérales de 1882 et à l’élection partielle de 1886, il essuya une défaite les deux fois. Cependant, il récolta la majorité auprès de ses électeurs amérindiens en 1886 ; c’était la première fois que les autochtones du Canada avaient le droit de voter. En témoignage d’estime, les Goyogouins de la réserve Six-Nations le firent chef honoraire.
Malgré sa réputation d’expert minier et ses campagnes électorales, la véritable passion de Merritt était la vie militaire. En 1882, il s’enrôla dans la Governor General’s Body Guard de l’Ontario, régiment torontois de cavalerie commandé par le fervent impérialiste George Taylor Denison*. Promu lieutenant en 1884, capitaine en 1889 et major en 1898, il accéda en 1903 au commandement de cette unité à titre de lieutenant-colonel. Il quitta la garde en 1909, mais l’année suivante, on lui confia le commandement de la 1re brigade de cavalerie (future 1re brigade à cheval) de la 2e division de la milice. En 1913, il quitterait ce poste et serait mis en réserve.
Merritt n’était pas soldat pour la frime. Il ne refusa jamais le service actif, bien au contraire. En 1885, il fit partie des troupes qui allèrent réprimer l’insurrection du Nord-Ouest. En avril, avant de partir, il montra d’ailleurs son enthousiasme et son souci de la préparation au combat en écrivant au premier ministre du pays, sir John Alexander Macdonald*, pour lui demander de meilleurs fusils. Ni Merritt ni les autres membres du contingent de la Body Guard ne participèrent à une seule bataille, mais il commanda le détachement qui poursuivit le chef sioux Wapahaska (White Cap) et accepta sa reddition. Ce chef avait appartenu un moment au conseil de Louis Riel*.
Après son retour du Nord-Ouest, Merritt, ardent impérialiste (il participerait en 1888 à la fondation de la section torontoise de l’Impérial Fédération League), obtint d’être attaché au 20th Hussars de l’armée britannique à Aldershot, en Angleterre. En 1899, le gouvernement canadien et le ministère de la Guerre l’autorisèrent à servir en Égypte dans un régiment britannique de cavalerie. Toutefois, la même année, comme la guerre des Boers venait d’éclater, il demanda plutôt d’être affecté à un régiment qui irait combattre en Afrique du Sud. Sa requête fut refusée, mais il était tenace. Tandis qu’on débattait au Canada de l’opportunité de participer au conflit, il se rendit à ses frais en Afrique du Sud, où il reçut une commission dans le Brabant’s Horse, une des unités d’irréguliers qui étaient en train de s’organiser pour combattre les commandos boers.
Merritt partit en campagne en mars 1900 à titre de chef d’escadron dans le 1st Regiment du Brabant’s Horse et devint ensuite commandant en second du 2nd Regiment. Plus tard, il fit partie des états-majors personnels du major-général Edward Yewd Brabant, officier commandant la division coloniale des troupes britanniques, et du colonel Edmund Henry Dalgety, qui assuma temporairement le commandement de cette division. Le journal tenu par Merritt en Afrique du Sud montre que le service actif l’emballait. On y trouve beaucoup d’allusions aux nombreux petits affrontements auxquels il prit part. « [Notre escadron], écrit-il par exemple, a dévalé la colline, est passé en trombe dans la petite ville, où les gens nous ont accueillis en libérateurs, puis a traversé le pont et a pris position immédiatement sous le feu [de l’ennemi] » ; ces manœuvres, commentait-il, avaient été du « travail très stimulant ».
En octobre 1900, à la dissolution de la division coloniale, Merritt se retrouva sans poste. Il s’embarqua pour l’Angleterre le mois suivant, puis se rendit en France pour se reposer de son année de service en campagne. Le Canada avait envoyé depuis longtemps ses premiers contingents en Afrique du Sud – en fait, les trois premiers étaient sur le point de rentrer au pays –, mais la guerre durait toujours. Le 29 décembre 1900, de Nice, Merritt offrit de recruter un régiment canadien d’irréguliers (le Canadian Rangers) pour assister la cavalerie britannique qui poursuivait les commandos boers loin à l’intérieur du Transvaal et de l’État libre d’Orange.
Impatient d’avoir des renforts, le gouvernement britannique accepta immédiatement son offre, mais Ottawa, qui ne voyait plus d’un bon œil les plans de recrutement conçus par des particuliers, s’y opposa. La possibilité de mobiliser un régiment par l’intermédiaire du département de la Milice et de la Défense était encore à l’étude en juillet 1901 lorsque Londres informa Ottawa que les besoins en hommes n’étaient plus pressants. En novembre cependant, le gouvernement britannique demanda au Canada 600 cavaliers, et Ottawa accepta de former une unité de cavalerie. Ce serait le 2nd Regiment, Canadian Mounted Rifles, qui servirait temporairement dans l’armée britannique. En décembre, les autorités confièrent à Merritt, rentré au Canada entre-temps, le commandement en second de ce régiment, probablement pour calmer ses amis et les impérialistes tories les plus bruyants.
Parti de Halifax avec la moitié du régiment le 14 janvier 1902, Merritt arriva à Durban, en Afrique du Sud, le 17 février. Il ne se distingua pas par l’efficacité de son commandement. À Durban, ses hommes attirèrent l’attention par leurs beuveries et leurs écarts de conduite. En outre, une fois que tout le régiment fut arrivé à Newcastle, au nord de Ladysmith, Merritt ne se révéla pas tout à fait loyal envers son supérieur, le lieutenant-colonel Thomas Dixon Byron Evans, car il proposa à nouveau de former un bataillon canadien de gardes à cheval qu’il commanderait seul. Evans, selon qui Merritt était un théoricien et un piètre officier, estimait devoir faire quelque chose contre son attitude « tout à fait subversive », mais un accident lui épargna cette peine. Tombé d’un mulet, Merritt eut besoin de soins médicaux et fut transféré à un camp de convalescents à Klerksdorp ; il y resta jusqu’au départ du régiment pour le Canada en juin 1902.
L’époque du service actif était révolue pour Merritt, mais il ne se désintéressa pas des affaires militaires. Non seulement entra-t-il dans la milice, mais il se fit remarquer par ses interventions écrites. Comme d’autres Canadiens dans la décennie précédant 1914, il s’inquiétait de l’aggravation des tensions internationales et de la course à l’armement, qui menaçaient les intérêts de l’Empire. En outre, malgré une réforme de la milice [V. sir Frederick William Borden], le gouvernement du Canada tardait trop, selon lui, à se préparer au combat de titans qui, il n’en doutait pas, surviendrait. En fait, la campagne pour la préparation à la guerre en vint à dominer son existence. De 1905 à 1914, il fut président du Canadian Military Institute, essentiellement un club social pour impérialistes martiaux. Il ne semble pas avoir commenté directement les réformes de Borden, mais, dans un discours devant l’institut en 1909, il déclara que la milice canadienne coûtait cher pour les résultats obtenus. La même année, il joua un rôle de premier plan dans la fondation de la Canadian Defence League, dont il fut président jusqu’à sa mort. Le principal objectif de la ligue était de promouvoir « le principe de l’entraînement naval ou militaire patriotique, non rémunéré et universel ». En 1912, Merritt occupa en plus la présidence de la Canadian Cavalry Association, première organisation militaire du Canada à prôner l’abandon du principe de volontariat sur lequel était fondée la milice et son remplacement par le service militaire obligatoire et universel.
En raison de son âge (il avait 59 ans en 1914), Merritt ne pouvait escompter être appelé sous les drapeaux pendant la Première Guerre, mais son dévouement à l’Empire et son énergie étaient toujours intacts. Sûr de la loyauté des Amérindiens des Six-Nations et de leur désir de se battre, il offrit d’équiper une unité. Cependant, il avait négligé de les consulter et, en novembre 1914, les chefs des Six-Nations, qui estimaient devoir allégeance à la couronne directement, sans l’intermédiaire du gouvernement canadien, décidèrent de ne pas donner suite à sa proposition. Merritt s’intéressa également au potentiel militaire de l’aéroplane, dont il avait pris conscience pendant un séjour en Suisse au début de la guerre. En 1915, il créa le Canadian Aviation Fund et tenta de convaincre Ottawa de la nécessité de fonder une école d’aviation au Canada. Comme le gouvernement faisait la sourde oreille, il prit l’initiative de donner deux avions à la Grande-Bretagne et fonda en 1916 l’Aero Club of Canada.
Le service militaire universel demeurait quand même la cause à laquelle Merritt se consacrait le plus. En 1917, il publia à Toronto Canada and national service, où il préconisait le modèle suisse : une armée nationale comprenant tous les hommes valides de 20 à 48 ans. À l’occasion de ses deux séjours en Suisse, en 1905 et en 1914, il avait été impressionné par le patriotisme des habitants de ce pays. Accoutumer les citoyens à servir la collectivité et à se sacrifier au bien commun, affirmait-il, était l’un des principaux avantages du service militaire obligatoire. De plus, ce qui comptait tout autant, le système suisse pouvait garantir une meilleure protection militaire à moindre coût que le système volontaire en vigueur au Canada.
Maintenir une défense solide était essentiel, faisait valoir Merritt, parce que la guerre était inévitable : la biologie et l’histoire avaient prouvé que les forts domineraient les faibles. Ainsi, les États-Unis étaient les alliés de la Grande-Bretagne et de l’Empire, mais on ne pouvait être sûr que cette amitié durerait éternellement, et la loi du plus fort risquait de jouer tôt ou tard. Selon Merritt, le Canada ne pouvait confier la défense de sa liberté à une milice de volontaires mal payés et mal entraînés.
Merritt n’était pas un penseur original : Canada and national service mêlait des idées en vogue dans la société occidentale d’avant-guerre – des idées provenant du darwinisme social, du nationalisme, de la géopolitique. Dès 1917, elles ne correspondaient plus guère au contexte canadien. La plupart des partisans de la ligue de défense et des projets de Merritt se trouvaient à Toronto, la ville la plus impérialiste du Canada. Le pays imaginé par Merritt – un pays blotti au sein de l’Empire et perpétuellement méfiant envers son voisin du Sud – ne s’était pas matérialisé. Peu à peu, les investisseurs américains remplaçaient les investisseurs britanniques et le Canada devenait un pays nord-américain. En outre, l’adoption de la conscription en juillet 1917 déclencha des émeutes dans la province de Québec [V. Georges Demeule] et exacerba les tensions entre francophones et anglophones au Canada, de sorte que l’idée de service militaire obligatoire en temps de paix avait peu de chance de paraître acceptable à un parti politique quelconque. Pourtant, compte tenu de l’époque où Merritt a vécu – époque marquée par une série apparemment interminable de conflits – et de ses années de service militaire actif, on peut comprendre qu’il ait vu le monde comme un lieu dangereux et ait accordé une telle priorité à l’efficacité de la défense nationale.
William Hamilton Merritt vécut assez longtemps pour voir les désordres engendrés par la conscription, mais il succomba à la grippe espagnole avant la victoire des alliés en Europe. On l’inhuma avec tous les honneurs militaires au cimetière Mount Pleasant de Toronto le 29 octobre 1918. En tant qu’ingénieur des mines, il avait apporté une contribution valable à l’avancement de sa profession au Canada. Même s’il ne réussit pas à imposer ses vues sur l’Empire et le service militaire, lui-même et ses semblables représentaient un courant politique et culturel qui exerça de l’influence au Canada à la fin de l’époque victorienne et pendant l’époque édouardienne.
Les publications techniques de William Hamilton Merritt comprennent Notes on the possibilities of iron and steel production in Ontario (Toronto, 1892) ; Economic minerals of the province of Ontario, Canada ; a paper read before the Federated Institution of Mining Engineers (Londres, 1896) ; Gold and silver ores, what is their value ? Simple field tests for prospectors with an inexpensive outfit (Toronto, 1897) ; et l’entrée intitulée « Mineral resources and development in Canada », dans Canada, an encyclopædia (Hopkins), 3 : 365–385. Une liste détaillée de ses articles sur les mines et les minéraux figure dans Science and technology biblio. (Richardson et MacDonald). Merritt est aussi l’auteur de Memoirs of Major Thomas Merritt, U.E.L [...]. (Brampton, Ontario, [1909 ?]) et d’un certain nombre d’opuscules sur la réforme de la milice, dont Switzerland’s citizen soldiery, a military model for Canada ([Toronto, 1906]) ; Patriotic military service [...] ([Toronto, 1909]) ; et The old militia law of Canada, the new militia laws of Australia and New Zealand, and Lord Kitchener’s report [...] (Toronto, [1910 ?]).
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Paul Maroney et Stephen John Harris, « MERRITT, WILLIAM HAMILTON (1855-1918) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/merritt_william_hamilton_1855_1918_14F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/merritt_william_hamilton_1855_1918_14F.html |
Auteur de l'article: | Paul Maroney et Stephen John Harris |
Titre de l'article: | MERRITT, WILLIAM HAMILTON (1855-1918) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1998 |
Année de la révision: | 1998 |
Date de consultation: | 2 nov. 2024 |