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MOLSON, JOHN (connu aussi sous le nom de John Molson l’ancien), homme d’affaires, propriétaire foncier, officier de milice et homme politique, né le 28 décembre 1763 à Moulton, Lincolnshire, Angleterre, fils de John Molson et de Mary Elsdale ; le 7 avril 1801, il épousa à Montréal Sarah Insley Vaughan, et ils eurent trois enfants ; décédé le 11 janvier 1836 à Boucherville, Bas-Canada.

Orphelin de père dès l’âge de six ans et de mère à huit ans, le jeune John Molson fut confié à la tutelle de son grand-père maternel, Samuel Elsdale. Il immigra à Montréal au début de juillet 1782, à l’âge de 18 ans, et commença immédiatement des activités commerciales avec des amis de sa famille arrivés en même temps que lui. Il se lança d’abord dans le commerce de la viande avec les deux James Pell, le père et le fils, tous deux bouchers, puis dans l’entreprise de brasserie que Thomas Loid (Loyd) érigea la même année au pied du courant Sainte-Marie, dans le faubourg Québec.

Issu d’une famille de la gentry anglaise, le jeune Molson aurait désiré posséder un établissement agricole et, dès la première année, il acheta une terre de 160 hectares dans le territoire appelé Caldwell’s Manor, au sud de Montréal. Il s’en départit au printemps de 1786 quand il prit la direction de la brasserie. En effet, à l’été de 1784, il avait engagé une poursuite contre Loid en vue de se faire rembourser une créance. Comme Loid avait fait un aveu en justice, les immeubles avaient été saisis et mis aux enchères. À une première vente, le 22 octobre, on n’avait pas trouvé preneur, mais à la deuxième, le 5 janvier 1785, John, majeur depuis le 28 décembre 1784, fut le seul enchérisseur. Il confia la brasserie à James Pell père et, le 2 juin, s’embarqua à New York pour l’Angleterre. Il pouvait maintenant régler lui-même ses affaires.

Molson acheta en Angleterre quelques pièces d’équipement pour la brasserie et revint à Montréal le 31 mai 1786. C’est alors qu’il prit en main la gestion de la brasserie. Il dirigea quelques travaux d’agrandissement et commença d’acheter du grain pour la prochaine saison de maltage et de brassage. Son premier achat, le 28 juillet, lui procura quelque exaltation, comme en témoigne l’inscription dans le petit carnet où il prenait note de toutes ses dépenses : « Le 28, Achetai 8 boisseaux d’orge, la première fois cette saison, pour malter. Mon début sur la grande scène du monde. » On trouve rarement pareille expression de l’esprit d’entreprise, mais il animait tout de même les Bas-Canadiens, comme le précisait Molson en octobre dans une lettre à son chargé d’affaires en Angleterre, Philip Ashley : « les gens ont ici un esprit d’entreprise plus développé que chez nous, car c’est dans une grande mesure cette énergie qui les a poussés à quitter leur rive natale ».

Durant les 20 années subséquentes, Molson ne cessa de se consacrer entièrement à son entreprise. Il y investit tout l’argent dont il put disposer en vue d’agrandir son établissement et d’accroître sa production. On estime qu’il tira environ £10 000 (cours d’Angleterre) de la vente successive des diverses propriétés héritées de sa famille, dont la maison familiale, Snake Hall, vendue le 11 juin 1789. Molson s’était détourné en 1788 du commerce d’import-export, en raison des risques trop élevés et des retours trop lents ; il prévoyait également les difficultés croissantes qu’allait affronter le grand commerce des fourrures. Pour ces raisons, il ne chercha pas à diversifier ses activités durant cette période. En 1806, fortement encouragé par son correspondant D’Arcy Boulton*, originaire lui aussi de Moulton, il pensa ouvrir une brasserie à York (Toronto), mais le projet n’eut pas de suite.

Molson préféra réinvestir constamment dans l’établissement de Montréal et, à cette fin, se rendit à l’occasion en Angleterre, comme en 1795 et en 1797, pour acheter de l’équipement. Le jeune immigrant avait choisi d’investir dans le secteur à la fine pointe des technologies en Angleterre, à la fin du xviiie siècle. L’afflux des loyalistes puis les premières arrivées d’immigrants britanniques lui ouvrirent un marché sur lequel même les francophones, jusqu’alors peu portés sur la bière, commencèrent bientôt à imprimer une demande. L’orge était peu cultivée au Canada ; Molson initia donc les cultivateurs à cette production en leur fournissant, au début, le grain sous forme de prêt remboursable en nature à raison de deux pour un.

À son retour d’Angleterre, en 1786, Molson avait commencé à partager sa vie avec Sarah Insley Vaughan, de quatre ans plus âgée que lui. Ils demeurèrent ensemble et eurent trois enfants : John*, qu’on connaît aussi sous le nom de John Molson l’aîné, en 1787, Thomas* en 1791 et William* en 1793. Ils se marièrent le 7 avril 1801 à la Christ Church, à Montréal, et dans le contrat de mariage signé le même jour devant le notaire Jonathan Abraham Gray ils souhaitaient « reconnaître [leur] affection mutuelle » et légitimer leurs trois enfants. Sarah signa d’une simple croix le contrat notarié et le registre d’état civil.

Il existe peu de renseignements sur l’intégration du jeune entrepreneur au groupe des hommes d’affaires de Montréal, largement dominé par les grands marchands de fourrures, surtout écossais. On sait que, de juin à décembre 1791 et de juin 1795 à juin 1796, il remplissait dans la franc-maçonnerie la fonction de vénérable maître de la St Paul’s Lodge ; voilà l’indication d’une certaine adhésion à un groupe social et d’une reconnaissance par celui-ci. Molson s’était marié à l’église anglicane, parce qu’à l’époque seule l’Église d’Angleterre, parmi les dénominations protestantes, était habilitée à tenir les registres d’état civil. Mais, dès 1792, il avait apporté son appui financier à la construction de l’église Scotch Presbyterian, connue plus tard sous le nom d’église St Gabriel Street [V. Duncan Fisher*], et il en demeura membre actif au moins jusqu’en 1815. Il fréquentait donc, de cette façon, la communauté des grands marchands écossais de Montréal.

Avec le tournant du siècle, les circonstances des guerres napoléoniennes transformèrent profondément l’économie du Saint-Laurent et lui donnèrent un nouvel essor : l’économie de la fourrure laissa peu à peu la place à celle de la forêt, au moment où l’agriculture se développait, particulièrement dans le Haut-Canada. Une nouvelle source d’énergie, la vapeur, entraîna des innovations technologiques et, après toutes sortes d’expérimentations et d’essais, on allait bientôt pouvoir l’utiliser pour propulser des navires, à tout le moins pour un temps, sur les rivières intérieures. En 1807, Robert Fulton avait commencé à faire naviguer le Clermont sur la rivière Hudson ; en 1808, un groupe d’hommes d’affaires de Burlington, au Vermont, avait commandé aux frères John et James Winans de leur ville la construction d’un bateau à vapeur pour effectuer le long trajet menant du lac Champlain et d’une partie de la rivière Richelieu jusqu’à Dorchester (Saint-Jean-sur-Richelieu) ; le Vermont entra en service en juin 1809.

Le 5 du même mois, par contrat notarié, Molson devenait le troisième associé d’une société formée de John Jackson, « mécanicien », et de John Bruce, « constructeur de navires », qui avait déjà commencé à construire un bateau à vapeur destiné à transporter des passagers entre Montréal et Québec ; il y entrait à titre de bailleur de fonds. Sur le plan technique, le plus surprenant de cette entreprise fut la construction du moteur à Montréal, dans la fonderie de George Platt. Le 1er novembre 1809, l’Accommodation quittait Montréal à deux heures de l’après-midi ; il parvint à Québec 66 heures plus tard, le samedi 4 novembre à huit heures du matin. Il avait jeté l’ancre durant 30 heures sur les hauts-fonds du lac Saint-Pierre ; il mit sept jours à remonter le fleuve jusqu’à Montréal. Il navigua régulièrement de juin à octobre 1810, la force du moteur ayant été accrue durant l’hiver. L’association avec Bruce et Jackson avait pris fin avec l’achat par Molson des parts de ses associés qui ne pouvaient plus, disaient-ils, supporter les pertes considérables de l’entreprise. Entre-temps, le 7 septembre 1810, Fulton avait proposé à Molson une association de leurs deux entreprises ; les termes de cette proposition ne semblaient pas devoir procurer des avantages suffisants à Molson, qui ne lui donna pas suite. À la fin d’octobre, il quittait Montréal pour l’Angleterre, où il allait commander à la firme Boulton and Watt un moteur à vapeur pour le prochain bateau, le Swiftsure. Sa construction au chantier de Hart Logan, rue Monarque, à Montréal, commença en août 1811 ; le lancement eut lieu le 20 août 1812.

Pour diversifier ses activités, l’entrepreneur avait de nouveau choisi le secteur de l’innovation technologique la plus récente. La brasserie n’avait cessé de s’agrandir depuis 1786 et de lui procurer des profits de plus en plus importants ; Molson était donc en mesure d’assumer les pertes dues à l’expérience de l’Accommodation. Toutefois, il tenta d’obtenir une certaine protection en demandant à la chambre d’Assemblée, le 6 février 1811, qu’on lui accorde le monopole de la navigation à vapeur sur le Saint-Laurent, entre Montréal et Québec. Joseph Papineau et Denis-Benjamin Viger* présentèrent cette demande à l’Assemblée, qui l’accepta ; toutefois le Conseil législatif la rejeta. Avec la guerre de 1812, la conjoncture allait cependant se montrer extraordinairement favorable à la navigation sur le Saint-Laurent. Molson offrit son bateau à l’armée pour le temps des hostilités, mais essuya un refus. L’armée dut quand même, sur une base commerciale, utiliser le navire à l’occasion pour le transport des troupes et leur approvisionnement. Molson participa à la guerre à titre de lieutenant dans le 5e bataillon de la milice d’élite incorporée. Promu capitaine le 25 mars 1813, il démissionna le 25 novembre suivant.

Dès le début de 1814, un autre moteur à vapeur était commandé en Angleterre et le nouveau bateau, le Malsham (forme archaïque du nom Molson), construit lui aussi au chantier de Hart Logan, fut lancé en septembre et mis en service immédiatement. Le Lady Sherbrooke s’ajouta en 1816 et le New Swiftsure en 1817. Déjà, avec la fin des hostilités entre la France et l’Angleterre et avec la crise économique de 1815, des vagues croissantes d’immigrants britanniques allaient affluer à Québec et demander qu’on les transporte plus haut sur le Saint-Laurent, vers les Grands Lacs, sur le Richelieu et sur l’Outaouais. En 1815, de Robert Christie* et de Monique-Olivier Doucet, Molson acquit à Près-de-Ville, à Québec, un quai avec toutes ses installations ; en 1819, il acheta aussi une maison, au 16, rue Saint-Pierre. À Montréal, il construisit un quai après avoir obtenu du Conseil exécutif, le 16 février 1816, par bail emphytéotique, la location de la grève pour 50 ans, avec droit de renouvellement par préférence. Le quai fut construit devant la propriété que Molson avait achetée de sir John Johnson* le 16 décembre 1815 et sur laquelle se trouvait un hôtel particulier, situé au carrefour des rues Saint-Paul et Bonsecours ; en 1816, il y ajouta deux ailes et en fit le Mansion House Hotel. À ce réseau, il semble qu’il faut ajouter le quai de William Henry (Sorel) et toute cette activité commerciale considérable qui consistait à obtenir, par contrats, pour livraison aux divers quais auxquels les bateaux faisaient escale, de part et d’autre du fleuve, le bois nécessaire à la production de la vapeur.

Très tôt, soit vers 1809, Molson avait initié ses fils John, Thomas et William aux diverses productions de ses entreprises. Le 1er décembre 1816, il formait avec eux la première d’une longue série de sociétés connues sous la raison sociale de John Molson and Sons [V. John Molson l’aîné].

En abandonnant à ses fils davantage de responsabilités dans ses entreprises, le père pouvait s’adonner activement à la politique. Aux élections de mars 1816, il fut élu à la chambre d’Assemblée pour représenter la circonscription de Montréal-Est. À ce moment, la politique touchait étroitement à des intérêts fondamentaux des marchands du Bas-Canada. Molson ne siégea pas à la session du Parlement de 1817 ; sans doute s’était-il absenté de la colonie. À la session de 1818, commencée le 7 janvier, il se présenta le 2 février pour prêter le serment d’office et prendre son siège. À la session de 1819, prorogée le 24 avril, il participa depuis le début jusqu’aux environs du 20 mars.

Molson, qui ne se porta pas candidat aux élections de 1820, fut un député très actif. Tous les grands dossiers attirèrent son attention : le commerce, les finances publiques, les banques et la monnaie, la navigation intérieure, l’éducation et la santé, les règlements de police dans les villes, la protection contre l’incendie, la réglementation des tavernes et auberges, la Maison d’industrie (dont il fut, selon Thomas Doige, l’un des syndics en 1819) et la bibliothèque de Montréal. Deux dossiers le touchèrent plus directement : celui du canal de Lachine et celui du Montreal General Hospital. De 1815 à 1821, il prit part au débat sur la construction du canal de Lachine et se prononça clairement pour une entreprise privée et un tracé favorable à ses intérêts maritimes. D’autre part, fort de l’appui des marchands, il présenta à l’Assemblée, en janvier 1819, le projet de création d’un hôpital public à Montréal, le Montreal General Hospital [V. William Caldwell*]. Toutefois l’Assemblée ne reçut pas le projet à cause d’un vice de procédure déclaré le 18 mars ; Molson siégea encore aux séances des 19 et 20 mars, mais il ne reparut plus par la suite à l’Assemblée. La même année, on créa le Montreal General Hospital, un établissement privé, et les quatre Molson participèrent à la souscription lancée en 1820 pour l’achat d’un terrain, rue Dorchester, et la construction d’un édifice.

Même absent de la chambre, Molson continua à suivre de près les événements politiques. En 1822, la présentation aux Communes de Londres d’un projet d’union du Haut et du Bas-Canada suscita une agitation politique considérable dans la colonie. À Montréal, des hommes d’affaires éminents, dont Molson, formèrent un comité favorable au projet, qui tint une assemblée publique et recueillit 1452 signatures.

On a souvent cité la description qu’Hector Berthelot* a donnée de Molson dans la Patrie de Montréal en 1885, sur la foi de souvenirs de vieillards et qui remontaient à 1820 : coiffé d’une tuque bleue, chaussé de sabots et vêtu d’étoffe du pays. On a parfois négligé cependant d’en citer le dernier paragraphe : « Lorsqu’il fermait sa brasserie le soir, il se dépouillait de son costume rustique pour endosser l’habit noir, mettre un gilet blanc et porter un lorgnon attaché à un long ruban. Lorsqu’il était en grande toilette, M. Molson agissait comme propriétaire de vapeur. » Sans doute n’a-t-on pas toujours retenu l’avertissement que donnait Édouard-Zotique Massicotte*, en 1916, en présentant l’édition de la série d’articles de Berthelot : que celui-ci était considéré, de son vivant, moins comme un historien que comme un humoriste !

Au moment où Molson confiait à son fils aîné davantage de responsabilités dans la gestion de l’entreprise de navigation, des groupes financiers à Montréal (notamment les frères John* et Thomas Torrance et Horatio Gates*) et à Québec (John Goudie*, Noah Freer et James McDouall, entre autres) commençaient à se livrer une dure concurrence sur le Saint-Laurent par le lancement de divers navires à vapeur. Cette concurrence conduisit au surinvestissement puis à la consolidation des entreprises. Le 27 avril 1822 était créée la St Lawrence Steamboat Company [V. William Molson], qui regroupait six navires, dont trois appartenaient aux Molson ; la gérance en était confiée à la John Molson and Sons qui détenait 26 des 44 actions. La rivalité avec les Torrance se maintint encore quelque temps, mais se résorba finalement dans des ententes de cartel sur les services, les prix et même la copropriété de certains bateaux.

Entre-temps, un incendie avait détruit le Mansion House Hotel le 16 mars 1821 ; reconstruit en 1824, année où Molson accéda au rang de vénérable porte-épée dans la Provincial Grand Lodge of Lower Canada, il prit le nom de Masonic Hall Hotel. En 1826, Molson devint grand maître provincial pour le district de Montréal et William Henry ; il conserva cette charge jusqu’à la fin de décembre 1833 quand, opposé à son conseil sur une question de principe, il démissionna. En 1831, à la mort de John Richardson*, la présidence du Montreal General Hospital lui échut. À l’occasion de la pose de la première pierre de l’aile qu’on allait nommer Richardson, Molson officia à titre de grand maître provincial au cours d’une cérémonie où furent rendus les honneurs de la franc-maçonnerie.

Au début des années 1820, comme on avait soustrait l’actif navigation du compte de la société John Molson and Sons pour l’inclure dans celui de la St Lawrence Steamboat Company, il fallut réorganiser la firme familiale. De plus, le départ de Thomas Molson, qui avait décidé de quitter le Bas-Canada et de s’établir à Kingston, dans le Haut-Canada, entraînait une autre soustraction importante à l’actif de l’entreprise familiale. On forma donc en 1824 une nouvelle société John Molson and Sons, avec effet rétroactif au 1er décembre 1823, date à laquelle on avait arrêté les comptes de l’ancienne. C’est William Molson qui prit la relève de Thomas à la direction de la brasserie.

En 1825, Molson l’ancien quitta sa résidence du faubourg Québec, à Montréal, pour occuper Belmont Hall, magnifique villa située au coin des rues Sherbrooke et Saint-Laurent. Depuis quelque temps, il était propriétaire des îles Saint-Jean et Sainte-Marguerite qui comptent parmi les îles de Boucherville. C’est là que ses navires gagnaient à l’automne leurs quartiers d’hiver et que Molson établit un domaine où il put par la suite se retirer à l’occasion. Il y maintenait un élevage de moutons suffisamment important pour que les ventes de viande à des bouchers et de laine à des marchands de gros apparaissent aux comptes de l’entreprise. Le 10 mars 1825, on formait la société du Theatre Royal [V. Frederick Brown]. Pour le terrain qu’il lui cédait rue Saint-Paul, Molson reçut 44 actions de £25, ce qui en faisait le principal actionnaire.

Si, par son action à la chambre d’Assemblée, Molson s’était intéressé à la création de la Banque de Montréal [V. John Richardson], il ne s’était pas engagé financièrement à ce moment-là ; il avait offert au conseil d’administration d’ériger l’édifice de la banque sur l’un de ses terrains, mais le conseil, à l’unanimité, avait refusé la proposition et décidé, le 10 octobre 1817, que la banque achèterait un terrain et ferait construire elle-même. John Molson l’aîné fut élu au conseil d’administration en 1824. Dans la crise qui déchira le conseil en 1826 [V. Frederick William Ermatinger*] et qui mit le groupe de Richardson en minorité, Ermatinger laissa sa place pour que Molson l’ancien puisse accéder à la présidence. Peu après, c’est John l’aîné qui démissionna pour qu’Ermatinger puisse retrouver son siège. Durant le mandat de Molson l’ancien, qui dura jusqu’en 1830, la banque dut s’occuper de la liquidation des plus grandes entreprises du commerce des fourrures, qui déclarèrent faillite, particulièrement la Maitland, Garden, and Auldjo et les maisons reliées aux frères William* et Simon McGillivray. C’est sur la recommandation de ce dernier que Molson fut désigné pour succéder à William McGillivray à titre de grand maître provincial pour le district de Montréal et William Henry. Il l’avait lui-même annoncé à l’ancien dans une lettre envoyée de Londres en 1826.

En 1828, la John Molson and Sons vit son mandat se restreindre et elle devint uniquement responsable de la navigation à titre d’agent de la St Lawrence Steamboat Company. On forma une nouvelle société sous la raison sociale de John and William Molson ; elle regroupait les deux John et William. Dès avril 1829, cependant, John l’aîné se retirait, la société était dissoute et, le 30 juin, une nouvelle compagnie John and William Molson était créée, qui ne réunissait plus que Molson l’ancien et son benjamin. Molson l’aîné s’était associé le 1er mai, dans une entreprise commerciale, aux frères George et George Crew Davies, sous la raison sociale de Molson, Davies and Company ; quant à William, il s’associait, le 1er mai 1830, à son beau-frère John Thompson Badgley pour mettre sur pied une maison de commerce, la Molson and Badgley. Molson l’ancien servait de bailleur de fonds et de caution financière pour les deux entreprises. En outre, à partir d’un atelier qui faisait partie de la brasserie, rue Sainte-Marie, Molson avait fondé, au milieu des années 1820, une entreprise métallurgique, la St Mary’s Foundry, dont il avait confié la direction à William. En 1831, à la veille de l’ouverture de la navigation sur le canal Rideau, Molson l’ancien participa, avec Peter McGill*, Horatio Gates et d’autres, à la formation de l’Ottawa and Rideau Forwarding Company.

Encore une fois, au début des années 1830, les innovations technologiques ouvraient un nouveau champ d’investissement considérable : le chemin de fer. Le 14 novembre 1831, après l’échec d’une première pétition, un groupe de 74 hommes d’affaires de Montréal, dont Molson, demandait à l’Assemblée d’être reconnu juridiquement sous la raison sociale de Compagnie des propriétaires du chemin à lisses de Champlain et du Saint-Laurent, pour construire la première voie ferrée dans l’histoire du Haut et du Bas-Canada, entre Laprairie (La Prairie) et Dorchester [V. John Molson l’aîné]. Molson l’ancien, qui acheta 180 actions de la compagnie, devint ainsi le plus gros actionnaire, mais il ne fut pas désigné au premier conseil d’administration, formé le 12 janvier 1835.

Manifestement, Molson ne se contentait plus que de placements : « Je me suis retiré de toute participation active dans les affaires depuis quelques années », écrivait-il aux banquiers de la firme Thomas Wilson and Company de Londres en 1830. Il s’était présenté aux élections de 1827 dans la circonscription de Montréal-Est, mais n’avait pas été élu. Toutefois, lord Aylmer [Whitworth-Aylmer] l’appela au Conseil législatif en janvier 1832, en même temps que Peter McGill. L’année précédente était décédé celui que tous considéraient comme le doyen de la communauté des hommes d’affaires de Montréal, John Richardson, et on avait nommé George Moffatt* au Conseil législatif. Les trois hommes s’occupèrent tellement des mêmes questions et soutinrent tellement les mêmes causes qu’on peut véritablement parler du trio Molson-McGill-Moffatt. Ensemble, ils firent partie de la grande majorité des comités responsables de l’investissement public, de la fiscalité et des affaires monétaires, bancaires et financières. Leur communauté d’opinions et d’intérêts apparut avec éclat dans la dissidence qu’ils exprimèrent, en février 1833, sur la question du partage de la douane de Québec entre le Haut et le Bas-Canada, et ils profitèrent de l’occasion pour demander le détachement des comtés de Montréal et de Vaudreuil du Bas-Canada et leur annexion au Haut-Canada. Molson appartenait, tout comme McGill et Moffatt, à l’Association constitutionnelle de Montréal, même s’il fut moins actif que son fils aîné. Encore davantage qu’il l’avait été comme député 15 ans auparavant, il fut un conseiller assidu durant les quatre années de son mandat ; le 23 décembre 1835, moins de trois semaines avant sa mort, il participait encore à une séance du conseil.

Vers la fin de sa vie, Molson s’intéressa à l’organisation d’une congrégation unitarienne à Montréal qui comptait, parmi ses tenants, bon nombre de marchands originaires de la Nouvelle-Angleterre. En 1832, il fit partie du groupe qui acheta un lot sur lequel on projetait d’ériger un temple. La mort du pasteur interrompit momentanément cette initiative.

William Molson avait ajouté à la brasserie en 1833 une importante distillerie. L’année suivante, Thomas avait quitté Kingston pour rejoindre son frère William à Montréal. Par un nouveau contrat d’association avec leur père, signé le 21 février 1835, mais rétroactif au 30 juin 1834, ils formaient une nouvelle société sous le nom de John Molson and Company [V. William Molson] ; encore cette fois, John l’aîné ne participait pas à l’entreprise.

Veuf depuis le 18 mars 1829, Molson fut atteint dans sa soixante-douzième année d’une maladie qui entraîna rapidement sa mort, le 11 janvier 1836, dans sa propriété de l’île Sainte-Marguerite. Les journaux présentèrent des éloges relativement détaillés, mais la Minerve exprima l’un de ses mérites dans une phrase légèrement ambiguë : « Mr. Molson était du petit nombre des Européens qui viennent s’établir en Canada, qui repoussent toute distinction nationale ; aussi comme il avait commencé sa fortune avec les enfants du sol, il avait toujours un grand nombre de Canadiens à son emploi, dont la fidélité dut contribuer à assurer ses gains considérables. » Les funérailles eurent lieu à la Christ Church, à Montréal, le 14 janvier, puis Molson fut enterré au vieux cimetière du faubourg Saint-Laurent avant que ses restes ne soient transférés, avec ceux de son épouse, au cimetière du Mont-Royal, sous l’imposant mausolée que leurs fils firent ériger en 1860. Le lendemain des funérailles, le conseil d’administration de la Banque de Montréal décida que ses membres porteraient le deuil pendant 30 jours.

Quelques minutes avant sa mort, dans un dernier souffle, Molson avait dicté ses dernières volontés à l’oreille du notaire Henry Griffin, en présence du docteur Robert Nelson* et de Frederick Gundlack. Il imposait à ses fils ce qu’ils n’avaient été capables de faire de son vivant : travailler ensemble dans les mêmes entreprises. Au double titre de légataire universel et d’exécuteur testamentaire, chacun était en partie propriétaire des entreprises des autres ou bénéficiaire de leurs revenus, et chacun devait rendre des comptes à ses frères. Comme le testament comportait quelques ambiguïtés sur lesquelles même le notaire et les deux témoins ne s’entendaient pas, les frères intentèrent des poursuites judiciaires les uns contre les autres, d’un côté John l’aîné, de l’autre, Thomas et William ensemble. Ils se lassèrent de ces querelles au bout de cinq ans et, par un singulier retour des choses, demandèrent aux deux personnes que leur père avait désignées dans son testament pour être exécuteurs testamentaires avec eux, Peter McGill et George Moffatt – mais qui s’étaient désistées –, d’agir à titre d’arbitres et de fixer les termes du partage des biens et revenus, des droits et obligations réciproques. Ce n’est qu’en 1843, sept ans après la mort de leur père, que les trois frères purent vraiment respecter ses dernières volontés.

Il existe un portrait de John Molson l’ancien, conservé dans la famille. Dans un testament du 30 janvier 1830, il avait inscrit cette prescription : « C’est ma volonté que mon portrait peint à l’huile soit la propriété de celui de mes fils et de ses héritiers qui possédera la dite brasserie après ma mort. » Ainsi cherchait-il peut-être à indiquer à la postérité laquelle de ses nombreuses entreprises il considérait comme la principale ; c’est celle qui avait marqué ses « débuts sur la grande scène du monde ».

Alfred Dubuc

Trois livres qui relatent l’histoire des Molson ont été publiés et chacun d’eux fait une place relativement grande à John Molson l’ancien. Il s’agit de : B. K. Sandwell, The Molson family, etc. (Montréal, 1933) ; Merrill Denison, Au pied du courant : l’histoire Molson, Alain Grandbois, trad. ([Montréal], 1955) ; et S. E. Woods, la Saga des Molson, 1763–1983, M.-C. Laduré, trad. (Montréal, 1983). L’ouvrage de Bernard Keble Sandwell* est sérieux, quoique parfois trop glorificateur ; il porte quasi exclusivement sur Molson l’ancien et ses trois fils, et s’avère très utile pour étudier la généalogie de la famille. Le livre de Merrill Denison*, plus étendu que le premier dans son enquête sur l’ensemble de l’histoire de la famille, contient cependant de trop nombreuses affirmations (y compris certaines dates) sujettes à caution, qui n’ont souvent que peu de fondement dans les documents et qui contredisent même à quelques occasions l’information révélée par le document. Le livre de Shirley E. Woods a, quant à lui, été fort mal reçu par la critique, et l’objectif poursuivi par l’auteure d’écrire les dessous de l’histoire de la famille Molson n’a pas soulevé beaucoup d’intérêt.

Les documents Molson se trouvent principalement aux APC, sous la cote MG 28, III 57 ; les volumes 1 ; 10–11 ; 13 ; 19 ; 21 ; 27–30 ; 33 et 35 ont servi à la rédaction de la présente biographie. Les microfilms des documents du Montreal Board of Trade, conservés aux APC sous la cote MG 28, III 44, ainsi que le journal de Jedediah Hubbell Dorwin*, sous la cote MG 24, D12, contiennent également des références à John Molson. On trouve d’autres documents Molson à Montréal aux endroits suivants : McGill Univ. Libraries, Dept. of Rare Books and Special Coll., CH16.S52 ; CH330.S290 ; Musée McCord, sous les cotes M19110 ; M19113–19115 ; M19117 ; M19124 ; M21228 ; ANQ-M, dans les minutiers des notaires Isaac Jones Gibb (CN1-175), Jonathan Abraham Gray (CN1-185) et Henry Griffin (CN1-187) ; Musée du château Ramezay, doc. 520 et 523 ; Arch. de la Banque de Montréal, livre des minutes, conseil d’administration, 1817–1836. [a. d.]

B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 1816–1820 ; Conseil législatif, Journaux, 1832–1836 ; Statuts, 1792–1836.— By-laws of St. Paul’s Lodge, no 514 [...] (Montréal, 1844).— Doc. relatifs à l’hist. constitutionnelle, 1791–1818 (Doughty et McArthur) ; 1819–1828 (Doughty et Story).— History and by-laws of Saint Paul’s Lodge, no 374 [...] (Montréal, 1876 ; 2e éd., 1895).— Select documents in Canadian economic history, H. A. Innis et A. R. M. Lower, édit. (2 vol., Toronto, 1929–1933), 2 : 140–141, 199–200, 295.— « Union proposée entre le Haut et le Bas-Canada », APC Rapport, 1897 : 33–38.— L’Ami du peuple, de l’ordre et des lois, 13 janv. 1836.— La Minerve, 14 janv. 1836.— Montreal Gazette, 12, 16 janv. 1836.— Morning Courier (Montréal), 14, 21 janv. 1836.— Quebec Gazette, 15 janv. 1836.— F.-J. Audet, les Députés de Montréal, 88–91.— Borthwick, Hist. and biog. gazetteer, 34–35, 37–38, 44, 50–51, 53.— Joseph Bouchette, The British dominions in North America ; or a topographical description of the provinces of Lower and Upper Canada [...] (2 vol., Londres, 1832), 1 : 431 ; Description topographique du B.-C., 489–490.— Desjardins, Guide parl.— Montreal directory, 1820, 20–21, 23, 26, 30, 108.— F. D. Adams, A history of Christ Church Cathedral, Montreal (Montréal, 1941).— W. H. Atherton, History of the harbour front of Montreal since its discovery by Jacques Cartier in 1535 [...] ([Montréal, 1935]), 3–4 ; Montreal, 1535–1914 (3 vol., Montréal et Vancouver, 1914), 2 : 138, 271, 275–279, 283, 435, 527, 556, 575–576, 607–608.— Hector Berthelot, Montréal, le bon vieux temps, É.-Z. Massicotte, compil. (2 vol. en 1, Montréal, 1916), 1 : 23–25 ; 2 : 11, 18, 53.— Hochelaga depicta [...], Newton Bosworth, édit. (Montréal, 1839 ; réimpr., Toronto, 1974).— Campbell, Hist. of Scotch Presbyterian Church, 82–83, 121–124.— Christie, Hist. of L.C. (1848–1855).— François Cinq-Mars, l’Avènement du premier chemin de fer au Canada : St-Jean-Laprairie, 1836 (Saint-Jean-sur-Richelieu, Québec, 1986), 47–53, 80–86, 91–97, 109–111.— G. E. Cone, « Studies in the development of transportation in the Champlain valley to 1876 » (thèse de m.a., Univ. of Vt, Burlington, 1945).— J. I. Cooper, History of St George’s Lodge, 18291954 (Montréal, 1954).— Creighton, Empire of St. Lawrence.— Denison, la Première Banque au Canada, 1 : 219–274.— Franklin Graham, Histrionic Montreal ; annals of the Montreal stage with biographical and critical notices of the plays and players of a century (2e éd., Montréal, 1902 ; réimpr., New York et Londres, 1969).— J. H. Graham, Outlines of the history of freemasonry in the province of Quebec (Montréal, 1892), 168, 170–173, 182.— H. E. MacDermot, A history of the Montreal General Hospital (Montréal, 1950), 4 : 2, 4, 12, 34, 41–42, 110.— Peter Mathias, The brewing industry in England, 1700–1830 (Cambridge, Angl., 1959).— A. J. B. Milboume, Freemasonry in the province of Quebec, 1759–1959 (s.1., 1960), 72, 75–76, 78–80, 82.— Ouellet, Bas-Canada ; Hist. économique.— S. B. Ryerson, le Capitalisme et la Confédération : aux sources du conflit Canada-Québec (1760–1873), André d’Allemagne, trad. (Montréal, 1972).— Alfred Sandham, Ville-Marie, or, sketches of Montreal, past and present (Montréal, 1870), 9193.— Maurice Séguin, la « Nation canadienne » et l’Agriculture (1760–1850) : essai d’histoire économique (Trois-Rivières, Québec, 1970).— Taft Manning, Revolt of French Canada.— G. J. J. Tulchinsky, « The construction of the first Lachine Canal, 18151826 » (thèse de m.a., McGill Univ., Montréal, 1960) ; River barons, 14, 25, 51, 111, 213214, 216217.— G. H. Wilson, « The application of steam to St Lawrence valley navigation, 1809–1840 » (thèse de m.a., McGill Univ., 1961).— Owen Klein, « The opening of Montreal’s Theatre Royal, 1825 », Hist. du théâtre au Canada (Toronto et Kingston, Ontario), 1 (1980) : 2438.

Bibliographie générale

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Alfred Dubuc, « MOLSON, JOHN (1763-1836) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/molson_john_1793_1836_7F.html.

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Auteur de l'article:    Alfred Dubuc
Titre de l'article:    MOLSON, JOHN (1763-1836)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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