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PEARSON, FREDERICK STARK, ingénieur électricien et promoteur d’entreprises, né le 3 juillet 1861 à Lowell, Massachusetts, fils d’Ambrose Pearson et de Hannah Amelia Edgerly ; le 5 janvier 1887, il épousa dans cette ville Mabel Ward, et ils eurent une fille et deux fils ; mort en mer au large de la côte irlandaise le 7 mai 1915.

Frederick Stark Pearson eut une jeunesse nomade car son père, ingénieur civil à la Boston and Lowell Railroad Company, suivait la progression des chantiers ferroviaires en Nouvelle-Angleterre. Malgré une constitution fragile, il manifestait un immense appétit d’apprendre, surtout en philosophie, en mathématiques et en chimie, et il était doué pour le bricolage scientifique. À la mort de son père en 1876, la charge de la famille échut à sa mère et, dès 1877, Pearson dut l’aider en travaillant comme chef de gare à Medford pour la Boston and Lowell Railroad Company. En 1879, grâce à un prêt d’un de ses oncles, il put s’inscrire au Tufts College de Medford, où il excella en mathématiques et en chimie. En 1881, après avoir passé un an au Massachusetts Institute of Technology, il retourna au Tufts College. Sa renommée d’esprit universel grandit. Le professeur de mathématiques Benjamin Graves Brown obtint pour lui un assistanat ; Amos Emerson Dolbear, professeur de physique et d’astronomie, l’amena à se découvrir une fascination pour l’électricité appliquée. Déjà, Pearson montrait un talent non pas pour l’invention de théories ou d’instruments électriques, mais pour l’application audacieuse des idées d’autrui.

En 1883, Pearson reçut une licence en arts mécaniques du Tufts College et se vit attribuer l’assistanat Walker en mathématiques. Pourtant, il se dirigea vers le génie minier et électrique, en grande partie sous l’influence de William Leslie Hooper, directeur du nouveau département de génie électrique du collège. Ainsi, pendant l’été de 1884, il fut conseiller dans une mine d’or de Virginie. La même année, il termina sa maîtrise en arts mécaniques au Tufts College. Il quitta définitivement le monde universitaire en 1886, année où le gouvernement des États-Unis l’envoya faire des levés miniers au Texas, mais, plus tard, pour ses entreprises, il recruterait au Tufts College et dans deux établissements voisins, la Harvard University et le Massachusetts Institute of Technology, les meilleurs talents en génie électrique que comptait alors l’Amérique. L’un d’eux était le fils de Benjamin Graves Brown, Robert Calthrop, à qui Pearson avait donné des leçons particulières de mathématiques. Pour sa part, le Tufts College honorerait Pearson en lui décernant un doctorat ès sciences en 1900 et un doctorat en droit en 1905.

En 1886, Pearson alla en Europe à la demande d’un bureau d’ingénieurs de Boston afin d’étudier le système d’égouts de Paris. En visitant Dresde (Allemagne), il rencontra sa petite amie d’enfance, Mabel Ward, fille de l’un des entrepreneurs qui avaient été associés à son père. Mabel parlait couramment l’allemand et le français ; comme Frederick Stark, elle était mélomane. Après leur mariage en janvier 1887, Pearson se mit pour de bon à la pratique du génie. Cet été-là, il se rendit au Brésil sur la requête d’un Brésilien avec qui il s’était lié d’amitié au collège et qui voulait connaître son avis sur une mine située dans l’État de São Paulo. Il visita les principales villes, Rio de Janeiro et São Paulo, et fut impressionné par le potentiel économique du pays. Les Pearson s’installèrent ensuite à Somerville, au Massachusetts, où Frederick Stark mit sur pied la Somerville Electric Light Company et la Woburn Electric Light Company avec l’aide de William Leslie Hooper, du Tufts College. En outre, les deux associés ouvrirent une filiale pour construire des génératrices et des chaudières électriques.

Le succès de Pearson à la direction et à la trésorerie des compagnies de Somerville et de Woburn attira l’attention d’un magnat du transport par bateau à vapeur et de l’immobilier, Henry Melville Whitney*. Cet homme avait créé en 1887 la West End Street Railway Company en fusionnant six entreprises de tramways hippomobiles de la région bostonienne. Il cherchait quelqu’un pour électrifier le réseau et concevoir un système d’alimentation énergétique qui résisterait aux intempéries, fréquentes à Boston. En 1889, il confia cette mission à Pearson en le nommant ingénieur en chef de sa société, à un salaire annuel de 2 500 $. Pearson mit au point de nouveaux moteurs à couple élevé pour les voitures et supervisa la construction d’une centrale abritant des dynamos d’une puissance sans précédent, soit 500 HP. Ses relations avec l’avant-garde américaine en matière de fabrication d’équipement électrique, principalement la Thomson-Houston Company de Lynn, au Massachusetts, et la Westinghouse Electric Company de Pittsburgh, expliquent qu’il ait pu réaliser ces avancées. Dès 1892, son salaire s’élevait à 12 000 $ et bon nombre de ses vieux amis de collège, dont Robert Calthrop Brown, travaillaient dans son service à Boston. Deux constantes de sa carrière apparurent au cours de cette période. Il dirigeait ses entreprises avec un optimisme irréfléchi, confiant de toujours pouvoir trouver les moyens techniques et le capital nécessaires pour répondre à n’importe quelle demande. En même temps, cette habitude de marcher sur la corde raide mettait sa constitution à rude épreuve ; d’un tempérament nerveux, il s’épuisait aisément.

Pearson eut affaire au Canada pour la première fois en 1889 par l’intermédiaire de son entreprise bostonienne, la Grant, Pearson and Company, qui bâtissait une usine de gaz à Halifax pour Benjamin Franklin Pearson. (L’anecdote selon laquelle les deux Pearson, qui n’étaient pas parents, firent connaissance à cause d’un mélange de courrier pendant que Frederick Stark faisait un voyage d’agrément en yacht à Halifax est probablement apocryphe.) L’usine en question devait transformer du charbon en gaz. Comme Frederick Stark Pearson et Henry Melville Whitney cherchaient tous deux du combustible à bas prix pour leurs installations électriques de la région bostonienne, ils joignirent leurs efforts à ceux de Benjamin Franklin Pearson et de J. A. Grant afin d’obtenir des terrains houillers au Cap-Breton. En constituant juridiquement en 1893 la Dominion Coal Company Limited, dont Frederick Stark Pearson était ingénieur en chef, Whitney président et Benjamin Franklin Pearson secrétaire, le groupe lança une forte émission de titres. Ce type de financement à haut risque fut employé aussi dans d’autres opérations des Pearson et de Whitney : l’électrification de tramways à Halifax et la formation de la Dominion Iron and Steel Company Limited. Pearson investit dans ces opérations ; c’était la première fois qu’il plaçait de l’argent dans des entreprises à la direction desquelles il participait d’une manière quelconque. Ce faisant, il s’affilia à certains des associés financiers que Benjamin Franklin Pearson avait dans le centre du Canada, notamment le Montréalais James Ross, entrepreneur de chemins de fer devenu promoteur de services publics.

Aux États-Unis, la force de Pearson demeurait le génie électrique. À cause de sa réussite à Boston, il se vit offrir en 1894 le poste d’ingénieur en chef au Metropolitan Street Railway de New York, créé l’année précédente par le frère de Whitney, William Collins. Tout comme la compagnie bostonienne de tramways, cette entreprise avait des problèmes de production et de transport d’énergie ; de plus, elle devait se soumettre à l’exigence de ne pas déparer les rues avec ses fils aériens. En s’appuyant sur les théories récentes de William Stanley, l’inventeur américain qui avait décelé les avantages d’utiliser des courants polyphasés pour transporter de l’électricité sur de grandes distances, Pearson mit au point d’énormes génératrices, en collaboration étroite avec la Westinghouse Electric Company, et conçut une ingénieuse conduite souterraine pour alimenter les voitures. Cependant, travailler au Metropolitan Street Railway était dur pour ses nerfs. En dépit d’un salaire de 75 000 $, il démissionna en janvier 1898 et partit pour la France, la Suisse et l’Italie. Mabel Ward Pearson espérait que ce voyage inaugurerait pour eux une nouvelle vie de détente. Or, après cette tournée, Pearson, naguère directeur salarié, ferait le plus important virage de sa carrière en devenant « techno-entrepreneur ». Dès lors, il exporterait de la technologie électrique nord-américaine à Cuba, au Brésil, au Mexique et en Espagne, d’abord avec le soutien du milieu financier du Canada, qui prenait de la maturité, puis avec des capitaux européens.

De retour d’Europe au milieu de 1898, Pearson réalisa un rêve d’enfance en achetant un yacht de croisière qu’il conduisit jusqu’à la mer des Antilles. Il arriva à Cuba au moment où s’achevait la guerre hispano-américaine et commença à participer, d’assez loin, à des projets de création de services publics. En particulier, il conseilla le flamboyant promoteur américain Percival Farquhar et les frères Hanson de Montréal – Charles Augustine, Edwin* et William –, qui essayaient d’obtenir une concession de tramways à La Havane. La réussite de Farquhar témoignait de son aptitude à attirer d’autres alliés canadiens, dont sir William Cornelius Van Horne, de Montréal. De fait, Farquhar ouvrit la voie à l’impérialisme canado-américain qui dominerait les services publics dans l’ensemble des Antilles et de l’Amérique latine. En tant que magicien de la technique, Pearson apporterait à bon nombre de ces entreprises les atouts suivants : sa réputation, ses relations avec les fabricants américains de matériel électrique et son équipe de missionnaires de l’électricité.

Pour Pearson, cette aventure commença au Brésil. En 1899, pendant qu’il y inspectait une mine, il examina une concession hydroélectrique aux abords de l’embryonnaire ville industrielle de São Paulo. Portée à son attention un an plus tôt à Montréal par l’entrepreneur de chemins de fer Francisco Antônio Gualco, ami de James Ross, la concession promettait de rapporter à quiconque serait en mesure de la doter d’un système intégré de production, de transmission et de distribution. Poussé par des administrateurs municipaux sympathiques à leur cause, Pearson et ses ingénieurs, dirigés par Robert Calthrop Brown et par le jeune et téméraire expert en hydraulique Hugh L. Cooper, conçurent un tel système et obtinrent le droit d’exploiter la concession à long terme. Pearson ne réussit pas à trouver du financement à New York, mais, sur la recommandation de Benjamin Franklin Pearson, il s’adressa au magnat des chemins de fer et des services publics William Mackenzie*, au capitaliste George Albertus Cox et à d’autres financiers de Toronto, qui l’appuyèrent. Pour tirer profit du laxisme des lois canadiennes sur les titres et les entreprises, et pour rassurer les investisseurs, les fondateurs de la São Paulo Tramway, Light and Power Company Limited demandèrent une charte à l’Ontario, et l’obtinrent en 1899. Pearson et ses bailleurs de fonds recoururent à ce procédé dans l’espoir que les financiers britanniques et européens, habitués depuis longtemps à investir dans les chemins de fer canadiens, se laisseraient convaincre de placer de l’argent dans des entreprises ayant des activités dans des pays que les investisseurs évitaient traditionnellement si elles étaient administrées par des Canadiens. En 1904, une deuxième société, la Rio de Janeiro Tramway, Light and Power Company Limited, s’établit dans la métropole du Brésil et fut constituée juridiquement au Canada. Une coterie de financiers torontois et montréalais, dont James Hamet Dunn*, vendirent les actions de ces deux entreprises à des investisseurs européens, souvent en usant de pratiques douteuses de promotion, notamment la dilution de capital-actions, tandis que des nababs canadiens tel William Mackenzie permettaient que leur nom figure aux conseils d’administration. On soulignait toujours que Pearson était l’ingénieur conseil ; sa compagnie new-yorkaise, la Pearson Engineering Corporation, coordonnait les besoins en personnel et en équipement.

En 1901, des activités minières au Texas avaient mené Pearson dans l’État mexicain de Chihuahua, sur la frontière américaine, puis à Mexico, où il se joignit l’année suivante à un groupe de promoteurs haligoniens et montréalais afin d’obtenir une concession énergétique sur la rivière Necaxa, à l’extérieur de Mexico. Plus tard en 1902, la Mexican Light and Power Company Limited reçut une charte en vertu de la loi canadienne. Cette société était financée en partie par la Banque de Montréal. La Mexico Tramways Company vint s’y ajouter en 1906. Les années 1903 à 1907 furent sans doute les mieux remplies de la carrière de Pearson. On construisit des barrages et des centrales énergétiques à Necaxa et à Lajes, aux abords de Rio. Au Canada, il prêta son nom et son expertise d’ingénieur conseil à trois ouvrages : une centrale électrique dans la gorge de la rivière Niagara pour une entreprise de Mackenzie, la Toronto and Niagara Power Company ; la centrale hydroélectrique à lac du Bonnet, au Manitoba, et l’usine de gaz servant à alimenter le tramway électrique de Mackenzie à Winnipeg.

Pearson supervisait donc des travaux sur deux continents ; pour les mener à terme, il voyageait sans cesse d’un chantier à l’autre et multipliait les télégrammes. Heureusement, sa mémoire était prodigieuse. Les investisseurs commençaient à parler du « groupe [des compagnies] de Pearson ». Bien qu’elles aient toutes été des entités juridiques soigneusement distinctes, elles avaient été conçues à Toronto (par le plus grand avocat d’affaires du Canada, Zebulon Aiton Lash, de chez Blake, Lash, and Cassels), suivaient la même stratégie de promotion et avaient une réputation en or sur les marchés financiers. En grande partie à cause de sa vie trépidante, la santé de Pearson demeurait précaire. Il se prit d’intérêt pour les thérapies et les régimes ésotériques. En 1902, dans l’espoir d’avoir du répit, il avait acheté un domaine rural à Great Barrington, au Massachusetts, mais cet endroit devint aussi une obsession à laquelle il consacrait ingéniosité (une centrale électrique miniature) et argent.

Pour la première fois en 1907, la stratégie promotionnelle de Pearson et l’intégrité financière de son groupe montrèrent des signes de faiblesse. La bonne marche de ses entreprises mexicaines et latino-américaines dépendait d’un apport constant de technologie et de capital étrangers, et reposait sur le fait qu’elles se trouvaient dans des pays politiquement stables à croissance économique rapide. L’étranglement des sources de capital ou de technologie, comme la moindre manifestation d’instabilité politique ou de xénophobie, pouvait saboter tout le processus. Dès avant 1907, Pearson avait commencé à épuiser les ressources du marché canadien des capitaux, relativement petit. En octobre 1907, une panique boursière effraya les investisseurs américains et européens ; presque immédiatement, le groupe de Pearson se vit privé de tout capital neuf. Ce fut la compagnie de Rio, aux prises avec des difficultés liées à son expansion, qui souffrit le plus. Peu après l’interruption des travaux de construction, des hommes politiques de l’endroit se mirent à réclamer des changements à la concession « étrangère ». La panique ne dura pas, mais une certaine nervosité subsista, d’autant plus que (à l’insu de la plupart des petits investisseurs) les alliés financiers de Pearson (James Hamet Dunn et d’autres) s’étaient servis de sa réputation d’ingénieur pour donner une fausse idée de la valeur des actions des diverses sociétés. Bien que Pearson n’ait pas été l’auteur de ces manœuvres, il était certainement au courant et en connaissait les implications. Son biographe William Stearns Morse, du Dartmouth College, qui lui était par ailleurs sympathique, n’a pu manquer de dire que Pearson « jonglait avec l’univers entier » et de reconnaître son « fort penchant pour le jeu ». À compter de 1907, les besoins financiers de ses entreprises obligèrent Pearson à passer de plus en plus de temps à Londres, pivot du capital international, où travaillaient désormais certains promoteurs canadiens, Dunn entre autres. Il loua un domaine dans le Surrey vers 1911 et se mêla bientôt à la vie mondaine de la capitale.

Moins de quatre ans après la crise de 1907, Pearson connut la déception aux États-Unis et la subversion au Mexique. Avec Percival Farquhar, il forma un consortium qui, en janvier 1910, commença à acheter des actions de chemins de fer américains, dont le Rock Island Railway. Ce consortium entendait s’approprier 20 000 milles de voie ferrée et créer un réseau au milieu du continent. Soutenu par bon nombre des financiers anglais et canadiens qui avaient lancé les entreprises de services publics de Pearson, il aurait dépensé 30 millions de dollars avant juillet, date où, incapable d’atteindre son but, il dut être secouru par un plus gros consortium, dirigé par la Kuhn, Loeb and Company. Cet épisode soumit Pearson à une tension telle que, dit-on, ses cheveux blanchirent. Au Mexique, après avoir édifié la Mexican Light and Power Company Limited et la Mexico Tramways Company, il avait acquis des concessions forestières dans le Chihuaha en 1909, mis sur pied des compagnies de bois et de papier et fait construire un chemin de fer sur un trajet tortueux afin de transporter leurs produits jusqu’au Pacifique. Cependant, au moment même où l’on était en train de bâtir ces entreprises, les assises politiques de cette partie du groupe de sociétés de Pearson commençaient à s’écrouler. La chute du régime de Porfirio Díaz en 1911 déclencha une longue guerre civile. Malgré l’intervention des États-Unis en 1914, les compagnies de Pearson connurent des désordres sociaux, des attaques directes, de la xénophobie, et leur exploitation fut chaotique.

Néanmoins, Pearson ne renonça pas à évoluer sur la scène internationale. Il trouva son dernier territoire à conquérir en Espagne, où il avait commencé à organiser des services publics en 1911 en utilisant sa formule éprouvée. Pour prendre le contrôle de deux sociétés énergétiques espagnoles, il fit constituer au Canada la Barcelona Traction, Light and Power Company Limited. Des proclamations du roi d’Espagne autorisèrent l’entreprise à produire et à distribuer de l’énergie. Une filiale se mit à construire des barrages afin de créer des réservoirs pour les centrales et d’irriguer les terres adjacentes. Le barrage de Talarn sur un affluent de l’Èbre, mis en chantier en 1913, était un gigantesque ouvrage qui nécessita dix millions de pieds cubes de béton. Cependant, avec les centrales de Lérida et de Seros, il représentait une lourde charge pour les bailleurs de fonds européens. Pearson prenait trop de risques en matière de construction et oubliait souvent les coûts. Ses relations avec Alfred Loewenstein, le financier belge qui avait trouvé à Londres des investisseurs pour la compagnie de Barcelone, en souffrirent. Même avant que leurs rapports ne tournent à l’aigre, Pearson avait été mêlé à un dernier tour de passe-passe. En 1912, les compagnies brésiliennes de son groupe furent placées sous le contrôle de la Brazilian Traction, Light and Power Company Limited, autre société sise à Toronto dont l’existence se justifiait publiquement par des motifs d’efficacité mais qui, en fait, servait surtout à la dilution de capital-actions. Les membres du conseil d’administration, dirigés par William Mackenzie, et le président, Pearson, avaient été choisis avec soin pour inspirer confiance.

Dès le début de la Première Guerre mondiale, le groupe de Pearson fut privé de capitaux européens, ce qui eut sur lui des effets dévastateurs. Les sociétés mexicaines allaient déjà mal. Au Brésil, à cause de la détérioration de la situation du change, la Brazilian Traction éprouva bientôt beaucoup de difficulté à verser des dividendes. À la fin de 1914, les investisseurs européens, exaspérés par la hausse du coût des travaux dirigés par la compagnie de Barcelone, délogèrent Pearson de la présidence et confièrent la direction de l’entreprise à un comité de porteurs d’obligations.

Tout en continuant de superviser la gestion technique des compagnies qui lui restaient, Pearson en était réduit à faire la navette entre les deux côtés de l’Atlantique pour calmer les créanciers et consolider les relations avec les investisseurs. Il se trouvait à bord du Lusitania avec sa femme lorsque, en 1915, ce paquebot fut torpillé. Des survivants rapportèrent les avoir vus pour la dernière fois main dans la main sur le pont au moment où le navire allait sombrer. Frederick Stark Pearson et Mabel Ward Pearson furent inhumés au cimetière Woodlawn à New York. Leur fils Ward Edgerly prit la direction de la Pearson Engineering, mais des procédures judiciaires révélèrent bientôt que Pearson était mort insolvable. (En 1925, la famille réussirait à obtenir 106 000 $ en réparations de guerre.) Le décès de Pearson provoqua la panique chez les investisseurs et l’éclatement de son groupe d’entreprises. Celles du Mexique et de Barcelone affrontèrent d’interminables difficultés politiques, juridiques et financières. Les sociétés mexicaines furent finalement réorganisées dans les années 1920, mais la compagnie de Barcelone s’effondra pendant la guerre civile d’Espagne. Seule la Brazilian Traction s’en sortit indemne ; elle resterait le plus gros investissement canadien outre-mer jusque dans les années 1950.

Frederick Stark Pearson fut l’un des premiers à concevoir un plan en vue de transférer du capital et de la technologie entre des pays à la fine pointe du progrès urbain et industriel et des pays qui accusaient un retard dans ce domaine. Des pratiques financières douteuses et une gestion déficiente marquèrent la réalisation de son plan, mais on ne saurait douter que ses barrages, ses centrales énergétiques (dont certaines fonctionnent toujours) et ses tramways aidèrent des villes telles São Paulo et Mexico à s’affirmer comme centres de la vie sociale, politique et économique de leur pays. En ce qui concerne le Canada, Pearson contribua, par son apport technique, à placer la production énergétique néo-écossaise, ontarienne et manitobaine à l’avant-garde du génie électrique. Du point de vue financier, les entreprises canadiennes de services publics installées aux Antilles et en Amérique latine intéressèrent les marchés internationaux au début du xxe siècle, comme les chemins de fer canadiens l’avaient fait au xixe.

Duncan McDowall

On ne trouve pas de collection qui regroupe l’ensemble des papiers Frederick Stark Pearson. L’étalement géographique de sa carrière et sa fin dramatique ont empêché la constitution d’une documentation exhaustive et cohérente. On peut reconstituer sa carrière seulement en consultant les dossiers de ses diverses relations d’affaires. Aux AN, les papiers Brascan (Brazilian Traction, Light and Power Company Limited) (MG 28, III 112) et les papiers sir James H. Dunn (MG 30, A51) comprennent une vaste correspondance relatant les activités de Pearson dans les domaines de l’ingénierie et de la finance. Le cabinet de Fasken Campbell Godfrey à Toronto a la garde des dossiers de la Mexico Tramways Company ; ceux de la Mexican Light and Power Company Limited sont en la possession d’un autre cabinet d’avocats de Toronto, Blake, Cassels, and Graydon. Les archives de la Rio de Janeiro Tramway, Light and Power Company Limited (Rio de Janeiro, Brésil) et de la São Paulo Tramway, Light and Power Company (São Paulo, Brésil), entreprises issues de l’empire de la Brazilian Traction, Light and Power Company Limited et propriétés de l’État, contiennent des dossiers sur les activités techniques de Pearson dans ces villes. Elles comprennent aussi une précieuse collection de photographies à caractère technique des barrages, centrales électriques et réseaux de tramways sous sa direction au Brésil ; il y a quelques clichés de Pearson. On trouve dans la salle de conférence de la Brascan Limited un bas-relief illustrant Pearson avec la chute de la rivière Necaxa en arrière-plan.

On peut glaner de nombreux détails sur la carrière de Pearson dans des livres sur les différentes entreprises qu’il dirigeait, sur ses associés financiers et sur l’ensemble du phénomène de l’impérialisme canadien dans le secteur des services publics. Ces études comprennent Christopher Armstrong et H. V. Nelles, Southern exposure : Canadian promoters in Latin America and the Caribbean, 1896–1930 (Toronto, 1988) ; Duncan McDowall, The Light : Brazilian Traction, Light and Power Company Limited, 1899–1945 (Toronto, 1988) ainsi que Steel at the Sault : Francis H. Clergue. Sir James Dunn, and the Algoma Steel Corporation. 1901–1956 (Toronto, 1984) ; G. P. Marchildon, Profits and politics : Beaverbrook and the Gilded Age of Canadian finance (Toronto, 1996) ; et C. A. Gauld, The last titan : Percival Farquhar, American entrepreneur in Latin America (Stanford, Calif., 1964).

On trouve des renseignements biographiques sur Pearson dans la National cyclopædia of American biography [...] (63 vol., New York, [etc.], 1892–1984), 18 : 123s ; dans un texte dactylographié intitulé « The Yankee spirit », rédigé par William Stearns Morse dans les années 1940 (nous en avons une copie en notre possession, et l’on trouve une copie de la section sur Pearson à la Tufts Univ. Library, Medford, Mass.) ; et dans un essai anonyme de 26 pages, conservé aussi à la Tufts Univ. Library et intitulé « Fred Stark Pearson » (texte dactylographié, sans date). On trouve des détails sur la carrière universitaire de Pearson dans R. E. Miller, Light on the hill : a history of Tufts College (Boston, 1966). Pearson a peu écrit ; il a rédigé par exemple une publication intitulée « The latest developments in electric conduit railways », Cassiers Magazine (New York et Londres), 16 (mai-oct. 1899) : 257–282.  [d. mcd.]

Bibliographie générale

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Duncan McDowall, « PEARSON, FREDERICK STARK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pearson_frederick_stark_14F.html.

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Auteur de l'article:    Duncan McDowall
Titre de l'article:    PEARSON, FREDERICK STARK
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
Date de consultation:    18 mars 2024