REIFFENSTEIN, JOHN CHRISTOPHER (il signait aussi John Christoph ou Jean Christoph Reiffenstein), officier dans l’armée et dans la milice, et commerçant, né vers 1779 ; le 14 juin 1806, il épousa à Halifax Miriam Carr, et ils eurent trois enfants ; décédé le 7 mars 1840 à New York.

John Christopher Reiffenstein aurait appartenu, selon Benjamin Sulte*, à une branche de la famille princière allemande de Tour et Taxis. On ne sait rien de son enfance et de sa jeunesse. Il entra dans l’armée britannique en 1795 et, le 22 mai 1804, il reçut une commission d’enseigne dans le 98th Foot ; ce même jour, on le nomma aussi adjudant-major. Au cours des années suivantes, il voyagea avec son régiment. En 1805, il se rendit aux Bermudes puis en Nouvelle-Écosse. Il quitta cette province en 1807 pour se rendre à Québec. Il démissionna du 98th Foot au début de 1808 et devint le 30 juin quartier-maître au Royal Newfoundland Regiment. Il résigna sa commission à la fin de 1811, après qu’une cour martiale eut découvert qu’il exigeait des soldats de son régiment qu’ils paient certaines pièces d’équipement deux fois le prix demandé ailleurs et que, de plus, il avait perdu ou détruit tous les reçus officiels relatifs aux diverses transactions.

Après avoir abandonné sa carrière dans l’armée, Reiffenstein se joignit à la milice. Le 13 juin 1812, on le choisit comme adjudant d’état-major sous les ordres du lieutenant-colonel Augustus Warburton. La guerre contre les États-Unis amena les deux hommes dans la région de Laprairie (La Prairie) de janvier à mars 1813, à Amherstburg, dans le Haut-Canada, en avril, à Detroit et à Sandwich (Windsor, Ontario) de mai à septembre. Reiffenstein participa le 5 octobre à la bataille de Moraviantown au cours de laquelle Warburton fut fait prisonnier et où le grand chef indien Tecumseh* trouva la mort. Reiffenstein, quant à lui, put s’échapper. Effrayé par l’apparente victoire prochaine des troupes américaines, il se rendit à Burlington Heights (Hamilton, Ontario) où il annonça au colonel Robert Young la défaite de l’armée du major général Henry Procter*. Young en informa aussitôt le major général John Vincent qui se trouvait alors près du fort George (Niagara-on-the-Lake). Ce dernier ordonna à ses hommes de se retirer. Pendant ce temps, Reiffenstein se dirigeait d’abord vers York (Toronto), puis vers Kingston. À ce dernier endroit, il avisa le major général Francis de Rottenburg* et son collègue Duncan Darroch que 8 000 Américains avaient capturé l’armée de Procter et qu’ils avançaient rapidement en direction de Burlington Heights. Mais rien de tout cela n’était vrai. Quelque temps après, Reiffenstein regagna Québec et de là, probablement avant le 25 octobre, on l’envoya à Montréal. Les fausses rumeurs dont il était l’auteur avaient créé un effet de panique à travers tout le Haut-Canada, et Rottenburg tint Reiffenstein responsable de la retraite hâtive de Vincent, qui avait ébranlé la position de l’armée britannique dans la presqu’île du Niagara. Reiffenstein devint adjudant du 1er bataillon de la milice d’élite incorporée du Bas-Canada le 21 novembre, mais on lui retira sa commission d’adjudant d’état-major le 29 janvier suivant, sûrement grâce aux efforts de Procter et de Rottenburg. Il semble avoir servi comme adjudant jusqu’à la fin de la guerre.

De retour à la vie civile, Reiffenstein entreprit une carrière dans le commerce au Bas-Canada. Installé à Québec, il s’associa d’abord à James Robinson, de Londres, sous la raison sociale Reiffenstein and Company. En 1814, il se rendit en Angleterre et, en janvier de l’année suivante, il fit paraître sa première annonce dans la Gazette de Québec. Reiffenstein établit d’abord son commerce rue Saint-Pierre puis, le 1er mai 1816, rue du Sault-au-Matelot. Ce jour-là, il changea d’associé ; le marchand de Québec William Phillips remplaça Robinson. Le 1er mai 1817, il y eut dissolution de la société formée par Reiffenstein et Phillips. L’ancien militaire renoua alors avec Robinson, et la Reiffenstein and Company fit du commerce jusqu’en avril 1820. Une nouvelle dissolution incita Reiffenstein à continuer seul, jusqu’à ce que vers 1830 son fils John Edward vienne lui apporter son aide.

Reiffenstein fut durant un quart de siècle un encanteur important et un négociant prospère. Son service dans l’armée lui avait donné, semble-t-il, de bonnes idées quant aux articles à vendre. C’est ainsi qu’il commença par liquider des surplus de guerre qui comprenaient, entre autres, 800 paires de culottes de toile de Russie et 700 havresacs. Il se rendit souvent en Angleterre, en France et en Allemagne. C’est dans ce dernier pays que vivaient ses deux sœurs et son frère John Christian, un marchand de vin. Reiffenstein fit au moins six voyages entre 1814 et 1833, au cours desquels il acheta de grosses quantités de tissus et de vêtements, de meubles et de quincaillerie, de thé, de café et de vin, de tableaux, de gravures et de livres. Au nombre de ses clients figuraient le séminaire de Québec et le peintre Joseph Légaré*, qui lui avait acheté une quarantaine de tableaux en 1823. Avant 1825, Reiffenstein annonça à quelques reprises dans la Gazette de Québec des arrivages de 3 000 à 5 000 volumes, dont beaucoup de livres français. Il faisait également le commerce des ornements d’église et des vases sacrés, ce qui lui valut la clientèle du clergé et des fabriques. Il fut propriétaire du Highland Lad, brick qu’avait construit à Québec John Goudie*, et l’utilisa pour le transport atlantique.

Propriétaire d’un grand terrain au faubourg Saint-Jean, John Christopher Reiffenstein chercha à aider les démunis en souscrivant à la Société du feu et à la Société de Québec des émigrés, de même qu’au fonds Waterloo créé pour secourir les familles des morts et des blessés de la grande bataille. Même si l’aventure politique ne semble pas l’avoir attiré, il révéla néanmoins, dans une lettre qu’il écrivit de Paris à John Neilson en août 1833, son admiration enthousiaste pour la révolution française de 1830.

Claude Galarneau

L’auteur désire remercier Stuart Sutherland de Toronto pour les renseignements qu’il lui a fournis sur la carrière militaire de John Christopher Reiffenstein.  [c. g.]

ANQ-M, CN1-116, 12 déc. 1817 ; CN1-208, 17 juin 1829 ; P1000-3-360.— ANQ-Q, CE1-61, 2 avril 1809, 5 oct. 1855 ; CN1-49, 14 sept. 1812, 21 juin 1813, 6 nov. 1815.— APC, MG 24, B1, 189 : 4392 ; RG 8, I (C sér.), 226 : 62–63 ; 678 : 164–165 ; 680 : 169, 216–219, 242–246, 259–260, 269–272, 290–294, 319–321 ; 1168 : 68–72 ; 1203 1/2J : 18, 218.— ASQ, Séminaire, 126, nos 272–275.— PRO, WO 17/1509 ; 17/1517 ; 27/99.— La Gazette de Québec, 1815–1840.— G.-B., WO, Army list, 1810.— Raymond Gingras, Liste annotée de patronymes d’origine allemande au Québec et notes diverses (s.l., 1975).— N.S. vital statistics, 1769–1812 (Punch).— Officers of British forces in Canada (Irving).— Réjean Lemoine, « le Marché du livre à Québec, 1764–1839 » (thèse de m.a., univ. Laval, 1981).— J. R. Porter, « Un peintre et collectionneur québécois engagé dans son milieu : Joseph Légaré (1795–1855) » (thèse de ph.d., univ. de Montréal, 1981).— « Le Sieur Reiffenstein », BRH, 45 (1939) : 62–63.— Benjamin Sulte, « Reiffenstein », le Monde illustré (Montréal), 28 juin 1890 : 131.

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Claude Galarneau, « REIFFENSTEIN, JOHN CHRISTOPHER (John Christoph, Jean Christoph) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 1 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/reiffenstein_john_christopher_7F.html.

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Auteur de l'article:    Claude Galarneau
Titre de l'article:    REIFFENSTEIN, JOHN CHRISTOPHER (John Christoph, Jean Christoph)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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