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NEILSON, JOHN, éditeur, imprimeur, libraire, homme politique, agriculteur et officier de milice, né le 17 juillet 1776 à Dornald, dans la paroisse de Balmaghie, Écosse, fils de William Neilson et d’Isabel Brown ; décédé le 1er février 1848 à Cap-Rouge, Bas-Canada.

En 1791, John Neilson rejoint son frère Samuel* à Québec pour l’aider à diriger l’entreprise Brown and Gilmore laissée par leur oncle William Brown* à sa mort en 1789. Déjà, en 1792, Samuel se réjouit des services « essentiels » que lui rend John. Par suite du décès prématuré de son frère aîné, le 12 janvier 1793, John hérite du commerce, mais est soumis à la tutelle du révérend Alexander Spark* jusqu’à sa majorité en 1796. Son jeune frère William vient le trouver depuis l’Écosse, en septembre 1795, mais il s’en retourne en 1797 ou 1798. Une fugue soudaine et inexpliquée de John à New York en 1794 chagrine Spark qui lui en fait reproche. Contrit, le jeune homme parle d’une « folie » attribuable à sa jeunesse, s’excuse et revient rapidement.

À Trois-Rivières, le 6 janvier 1797, Neilson épouse Marie-Ursule Hubert, nièce de l’évêque catholique de Québec, Mgr Jean-François Hubert*, devant le révérend David-François de Montmollin*, de l’Église d’Angleterre, et vraisemblablement devant un prêtre catholique. Ils passent le même jour un contrat de mariage devant le notaire Antoine-Isidore Badeaux, de Trois-Rivières. Ils sont unis sous le régime de la communauté de biens et choisissent la Coutume de Paris pour la gouverner. Lorsque Neilson annonce cet événement à sa mère, en août 1797, il explique qu’en plus de reconnaître les grandes qualités de son épouse, il a voulu symboliser ainsi son implantation définitive au Canada et contribuer à diminuer les préjugés néfastes entre Canadiens et immigrants (britanniques) d’Europe. Pour sa part, sa mère lui recommande régulièrement de persévérer dans la religion de ses ancêtres (l’Église presbytérienne) et d’y élever ses enfants. De ce mariage naîtront au moins dix enfants dont plusieurs mourront en bas âge : Isabel, Samuel, Mary, Elizabeth, William, Margaret, Janet, Agnes Janet, Francis et John. Les garçons seront élevés dans la religion presbytérienne, les filles, dans la religion catholique. John demeurera très attaché à l’Église presbytérienne qu’il servira à divers titres à Québec – il sera président de la St Andrew’s Society de Québec en 1837 et aura une plaque funéraire à l’église St Andrew –, mais il paiera régulièrement son banc à la paroisse catholique de Québec.

Dès ses débuts en affaires, le jeune John fait preuve d’un jugement sûr, de tact et d’habileté. Il flatte ou menace, juste ce qu’il faut pour récupérer les nombreuses sommes dues à son entreprise et pour étendre sa clientèle. Il doit déployer une ardeur peu commune au travail : l’imprimerie, le journal et la librairie rapportent bien, mais à la condition de tenir minutieusement tous ces petits comptes qui s’accumulent et de réussir à les percevoir systématiquement, quitte à recourir régulièrement aux tribunaux « malgré [sa] répugnance a aller en cour ». Ses livres de comptes atteignent un niveau de détails rarement vu. Il tient même un relevé des pertes de temps en heures et en minutes !

Neilson est avant tout un imprimeur-éditeur et un libraire, « le plus grand consommateur de papier en ce pays » de l’avis de son concurrent James Brown, de Montréal. En 1800, il acquiert secrètement une part dominante dans les affaires de son principal concurrent de Québec, Pierre-Édouard Desbarats*. Cette consolidation presque monopolistique se double d’efforts du côté de la capacité productive : achat en Angleterre des caractères requis pour imprimer des livres de chants religieux en 1795 ; démarches pour se procurer une nouvelle presse aux États-Unis en 1801 et pour faire venir des apprentis d’Écosse ou des États-Unis – les jeunes Canadiens ne semblent pas faire l’affaire.

L’imprimerie de Neilson tire ses principaux revenus des contrats de l’État (impression de proclamations, de lois, de journaux des débats, et autres), de contrats privés (production d’innombrables formulaires, affiches, cartes d’affaires et autres articles similaires) et de la publication de l’hebdomadaire le plus important dans les deux Canadas : la Gazette de Québec, qui existe depuis 1764. Dans les années 1790 et jusque vers 1806, le nombre d’abonnements – sans compter les copies vendues – oscille autour de 500 par année, atteint près de 900 vers 1809–1810 et dépasse les 1 000 dans les années 1810–1820, pour la moitié souscrits par des francophones. Entre 1800 et 1820, le journal consacre environ 54 % de son espace à la publicité, 21 % aux nouvelles internationales et aux récits de voyages, 8 % aux questions militaires affectant la colonie, 5 % à des problèmes sociaux, 7 % à la politique, 3 % à l’économie, 1 % à la culture et moins de 1 % à la religion. Neilson publiera bien quelques journaux plus littéraires et divertissants, tels le Magasin de Québec (1792–1794), le British American Register (1803) et le Canadian Visitor (1815), mais sans succès. La population s’avère trop peu nombreuse et trop ignorante pour financer de telles publications. Par ailleurs, Neilson échange des abonnements avec de nombreux journaux anglais, américains et même français, et leur sert d’agent pour prendre des abonnements.

Outre l’imprimerie et le journal, Neilson possède la principale librairie dans les deux Canadas jusque dans les années 1820. Il y vend, bien sûr, toutes sortes d’articles de bureau, de papiers, de cahiers, en plus de relier à l’occasion des volumes pour ses clients. Il fournit aussi les autres imprimeurs-libraires du Bas-Canada et même du Haut-Canada en matériel qu’il importe ou va chercher directement aux États-Unis, voire en Grande-Bretagne, auprès de maisons spécialisées. Il s’approvisionne de livres étrangers de la même façon et tente même d’en obtenir de France, encore qu’il profite parfois de la vente à l’encan de bibliothèques privées. C’est lui qui fournit les principales bibliothèques publiques de la colonie, y compris celle de la chambre d’Assemblée. De plus, grâce à la taille de son imprimerie, il peut produire bon nombre d’imprimés – essentiellement des livres religieux et scolaires impossibles à trouver durant la guerre, des pamphlets politiques, des livres techniques d’intérêt local. Il publie d’ailleurs à intervalles réguliers des catalogues de livres à vendre et annonce ses listes d’ouvrages sur le marché dans la Gazette de Québec. Ses ateliers dominent l’édition dans la province et impriment de 50 % à 60 % des 800 imprimés environ produits dans le Bas-Canada entre 1800 et 1820.

Parce qu’il est imprimeur-éditeur, Neilson vend surtout des livres religieux et scolaires (catéchismes, livres de chant, abécédaires, livres de dévotion). Sur environ 42 120 volumes français vendus à sa librairie entre 1792 et 1812, 70 % portent sur la religion, 21 % concernent les matières scolaires. Du côté des livres anglais, où Neilson peut importer et n’a donc pas à publier, la répartition s’avère différente : 38 % de livres scolaires, 20 % de livres religieux. Si l’on défalque des ventes les livres religieux et scolaires, le volume des ventes annuelles tombe d’environ 3 000 ouvrages à 185 titres anglais et 205 français en moyenne. Ces derniers comprennent les œuvres des Lumières et des penseurs qui marquent la société occidentale de l’époque : Montesquieu, Diderot, Voltaire, Condorcet, Pufendorf, Helvétius, Rousseau, Bernardin de Saint-Pierre, Linné, Condillac, Adam Smith, Malthus, Ricardo, Blackstone, Burke, Bentham, Dodsley, et autres, sans compter les classiques, comme ceux du xviie siècle. On trouve aussi des ouvrages liés à la pratique d’une profession (le droit, la médecine, le notariat, l’arpentage). Neilson vend plus de titres français, mais les Britanniques ont accès à un plus large éventail de titres. Toutefois en 1815, après la fin de la guerre, la variété d’ouvrages français s’accroît sensiblement. Les acheteurs francophones, environ la moitié ou un peu plus de la clientèle, viennent du clergé, des professions libérales, du petit commerce, du groupe des seigneurs ; les acheteurs anglophones se recrutent parmi les officiers de la garnison, les hauts fonctionnaires, les marchands, les membres des professions libérales et les artisans.

Homme instruit aux horizons intellectuels larges, parfaitement à l’aise en anglais et en français, Neilson voyage beaucoup et enrichit sa culture. Il entretient une volumineuse correspondance avec diverses personnalités littéraires et politiques de la colonie, dont Joseph Quesnel*, Ross Cuthbert*, l’abbé Jean-Baptiste Boucher – de qui Neilson se fait pardonner des erreurs d’impression dans Recueil de cantiques à l’usage des missions, des retraites et des catéchismes (1795) en lui en donnant des exemplaires reliés –, Pierre-Stanislas Bédard*, Louis-Joseph Papineau*, Justin McCarthy.

Comme il s’est lancé en politique en 1818, Neilson décide le 29 avril 1822 de céder son entreprise à son fils aîné Samuel (pour les deux tiers) et à un associé, William Cowan, (pour un tiers). Les querelles s’avivent sous le gouvernement de Dalhousie [Ramsay] et John ne veut pas se trouver en conflit d’intérêts ni nuire à un commerce qu’il a si bien établi. Dalhousie n’en retirera pas moins à Samuel la commission d’imprimeur du roi et la donnera à John Charlton Fisher, en octobre 1823. John continuera à s’intéresser à l’entreprise, mais de plus loin. En mai 1836, Samuel, très malade, cède le commerce à son frère William et, en juillet, confie les pouvoirs de procureur à son père pour régler ses affaires. Celles-ci semblent avoir été bonnes, malgré les obstacles politiques, puisque lorsqu’on tente d’évaluer l’héritage laissé par Samuel, aussi tard qu’en 1848, on estime les seuls stocks de l’imprimerie et de la librairie à £2 717 7s 7d.

Il arrive à Neilson d’écrire des poèmes, même en français, dont un sur la mort. En 1795, il achète les parts du Théâtre canadien. Il est membre de la bibliothèque de Québec de 1799 à 1824, de la Québec Exchange and Reading Room en 1822 et 1827, et président de cette association en 1831. On le nomme membre associé de la Société littéraire et historique de Québec en 1842. Il se passionne pour les questions d’éducation. Ainsi, il subventionne de diverses façons (dons de livres et d’argent) des maîtres d’école tels Louis Labadie* à Berthier-en-Haut (Berthierville), Louis Vincent et son école huronne à Jeune-Lorette (Wendake) et Antoine Côté dans la paroisse Saint-Thomas (à Montmagny). En 1816, il est président des souscripteurs de la Quebec Free School [V. Thaddeus Osgood*]. Alors qu’il se trouve à Londres, l’année suivante, il se plaint auprès de la Foreign School Society des difficultés que rencontre la chambre d’Assemblée du Bas-Canada pour développer un système d’écoles sous la direction de marguilliers ou de ministres et de prêtres des diverses Églises. En 1821, il fait partie du comité chargé d’encourager et de promouvoir l’éducation dans les paroisses de campagne. Il s’occupe également d’éducation populaire, notamment en agriculture. Ce n’est pas un hasard non plus s’il est constamment réélu président de l’Institut des artisans à Québec depuis au moins 1834 jusqu’à 1843. On le retrouve visiteur des écoles du Bas-Canada en 1831 et syndic de l’Institution royale pour l’avancement des sciences [V. Joseph Langley Mills*] en 1838 et 1839 au moins.

Au delà de son commerce principal et de son engagement dans le secteur culturel, Neilson œuvre dans plusieurs autres domaines, les uns rémunérateurs, les autres plutôt humanitaires. Ainsi, à compter de 1816, il établit des immigrants à Valcartier. Il y aurait attiré déjà 500 âmes en 1828 et un nombre similaire dans les régions avoisinantes, soit environ 1 000 Écossais et Irlandais, ainsi que quelques Anglais et Américains. Faut-il alors s’étonner qu’il ait été membre de la Société de Québec des émigrés dès 1819 ? C’est principalement à même les biens des jésuites et au grand mécontentement de Herman Witsius Ryland, qui déteste l’orientation politique de Neilson, que celui-ci a obtenu les lots contigus où il a établi les immigrants. Avec Andrew Stuart, il a ainsi acquis 54 concessions de terre de 3 arpents sur 30 en 1816 et 1818. En outre, il avait acheté dès 1802 des terres à Cap-Rouge, auxquelles il en avait ajouté une autre, en 1815, formée de quatre lopins irréguliers et payée £55, où il s’est établi à demeure. Neilson fait aussi exploiter une terre par fermage à cet endroit et une sucrerie à Sainte-Anne-de-la-Pérade (La Pérade). Dans le cours de son commerce, il achète et vend un grand nombre de terres, principalement situées dans la région de Québec. En 1832, il possède 39 terres (dont il loue une partie) à Valcartier, à Cap-Rouge, à Cap-Saint-Ignace et à Sainte-Anne-de-la-Pérade, sans compter 5 maisons, 6 terres dans Stanbridge, 1 200 acres dans Aston, 1 200 dans Barford et des terres pour une valeur de £700 dans le Haut-Canada. Il a aussi investi des capitaux dans un moulin à Valcartier. En 1830, il cherchait à vendre des terres dans Tingwick.

Cet intérêt actif pour l’agriculture et la colonisation se traduit encore par la participation de Neilson à la Société d’agriculture du district de Québec, dont il est vice-président à partir de 1819, ou peut-être même avant, et président de 1826 à 1832 au moins. Il comparaît devant le comité de l’Assemblée qui étudie l’état de l’agriculture dans la province, durant la session de 1823. Il y témoigne de ce qu’il a pu observer, notamment au cours de ses tournées dans un grand nombre de paroisses pendant les étés de 1819 et de 1820. Il expérimente lui-même de nouvelles techniques agricoles. Il reçoit plusieurs prix en 1818 pour avoir inventé une machine à ensemencer, pour avoir réussi le meilleur sillon à l’occasion d’un concours et pour avoir introduit une nouvelle charrue.

Neilson est actionnaire et client de la Banque de Québec et actionnaire de la Quebec Baking Society. Il pratique également le prêt à intérêt soit pour la consolidation de dettes soit pour fournir des espèces sonnantes à diverses personnes qui en ont besoin. Il fait aussi largement crédit à ses clients et acheteurs en déterminant toutefois des échéances de paiement fixes et régulières. L’inventaire après décès de la communauté Neilson, dressé près de 20 ans après la mort de John, dénombre encore £30 143 6s 8d de dettes actives et £692 de biens meubles contre seulement £25 de dettes passives ! Avec les terres, le crédit constitue l’essentiel de la fortune de Neilson après le retrait de ce dernier des affaires. Les immeubles sont encore importants, même en 1867 : le fief Hubert (2 lieues sur 2), 1 maison ; 34 lots, 8 terres dans la zone seigneuriale et 9 dans les cantons de Stoneham, de Barford et de Simpson.

Même si la carrière de Neilson glisse graduellement vers la politique, ses premiers pas se révèlent fort orthodoxes. Il signe la déclaration de loyauté, au moment des émeutes de 1794, et l’adresse de bons vœux au gouverneur Robert Prescott*, à l’occasion de son départ en 1799. D’ailleurs, son journal publie rarement des textes osés. Lors des emprisonnements sous le gouverneur sir James Henry Craig*, en 1810, la Gazette de Québec appelle au respect de la constitution et à la loyauté. Même sous Dalhousie, Neilson devient lieutenant de la milice de Québec en 1824.

On a qualifié Neilson de « libéral modéré » ou de « réformiste modéré ». De fait, son tempérament stable, patient, peu sujet aux emportements violents, son admiration pour les institutions britanniques – qui se double d’une certaine admiration pour les institutions municipales américaines –, sa recherche de l’équilibre des pouvoirs sont autant de traits qui le rapprochent spontanément d’un homme comme Pierre-Stanislas Bédard, le leader du parti canadien jusqu’en 1811. Convaincu de la nécessité de supprimer les abus qui se sont glissés dans l’application de la constitution de 1791, favorable aux Canadiens français et à leurs institutions, notamment le régime seigneurial, opposé à l’irresponsabilité financière d’une clique de hauts fonctionnaires incontrôlés qui cumulent trop de fonctions, Neilson se rapproche aussi de Louis-Joseph Papineau dont l’ascendant s’affirme sur le parti canadien vers 1818–1822. C’est que Papineau proclame lui aussi les bienfaits de la monarchie, mais combat les abus du pouvoir exécutif dans la colonie.

Neilson est élu député de Québec en 1818 sous la bannière du parti canadien. Il constitue en quelque sorte une caution morale essentielle à ce parti trop identifié au seul groupe canadien-français. Il complète Papineau en lui dispensant force conseils de patience et de persévérance – qualités que Papineau lui-même admet ne pas avoir. Aussi n’est-il pas étonnant que tous deux soient délégués à Londres, au début de 1823, pour présenter les pétitions du Bas-Canada contre le projet d’union soumis aux Communes en 1822. Ils rencontrent le sous-secrétaire d’État aux Colonies, Robert John Wilmot-Horton, sir James McIntosh et lord Bathurst, parmi d’autres. Dans ses notes personnelles, non datées, Neilson argue l’inutilité d’accroître le cens d’éligibilité et souligne qu’un changement de tenure (possible depuis la loi impériale de 1822) ne saurait se produire sans obtenir l’accord des censitaires et sans leur assurer le droit de s’établir gratuitement. D’ailleurs, à l’Assemblée, au cours des auditions de 1823, il se prononce en faveur du régime seigneurial et du droit des censitaires à obtenir une terre sans qu’il leur en coûte rien. Et vers 1825–1826, il recommande au gouverneur de n’appliquer la loi impériale de commutation des tenures (1822 et 1825) qu’en faisant intervenir la couronne de façon à maintenir le droit des censitaires à recevoir une terre gratuitement.

Neilson s’engage dans tout ce qui touche à l’éducation, à l’agriculture et au développement des cantons. Même s’il lui arrive de se démarquer de la position de Papineau, dans l’ensemble il appuie le parti canadien, surtout en matière de contrôle des subsides. En janvier 1828, il part de nouveau pour Londres, cette fois avec Denis-Benjamin Viger* et Austin Cuvillier, afin d’exposer aux parlementaires britanniques les griefs de l’Assemblée contre l’administration de Dalhousie. Neilson comparaît devant le comité des Communes au début de juin. Il y développe les idées qui lui sont chères : nécessité de remettre toutes les recettes de la province dans les mains de l’Assemblée – proposition que le comité retiendra en partie, en exigeant cependant la garantie du maintien des subsides pour le gouverneur, les membres du Conseil exécutif et les juges – et d’un vote annuel, article par article ; relation de dépendance trop forte entre le Conseil législatif et le gouverneur ainsi que le Conseil exécutif, d’où la paralysie du Parlement ; dépenses non autorisées par l’Assemblée ; abus et arbitraire du gouvernement de Dalhousie ; possibilité d’une entente raisonnable entre l’Assemblée et Londres sur les subsides, si l’on reconnaît les droits de la chambre ; condamnation de l’immixtion du Parlement britannique dans les affaires internes du Bas-Canada (loi impériale de commutation des tenures, 1822 et 1825) ; dangers de fraude avec l’établissement des bureaux d’enregistrement, compte tenu de l’ignorance des Canadiens ; conséquences néfastes de l’absentéisme de trop de propriétaires dans les cantons ; préférence des Canadiens pour les lois canadiennes et la tenure seigneuriale qui leur assure un accès facile et gratuit à la terre, à la condition que le Conseil législatif ne bloque pas les mesures correctives votées par l’Assemblée ; nécessité d’une réforme du Conseil législatif – il préfère la nomination par la couronne de personnes indépendantes de l’exécutif, mais ayant de solides ressources ; défense de l’Église catholique.

Le 29 mars 1830, Papineau remercie publiquement Neilson pour ses services – le rapport des Communes donne en partie raison aux plaintes du parti patriote (nouveau nom du parti canadien depuis 1826). Neilson rédige une série de propositions dans un esprit de conciliation. Mais les temps ont changé. Déjà un fossé profond se creuse entre lui et Papineau, dont la correspondance si chaleureuse des années 1820 fera bientôt place aux injures publiques. Dans une lettre envoyée à Neilson en août 1832, Papineau laisse échapper les mots suivants : « notre détestable constitution ». Or justement, Neilson tient à la constitution, aux liens avec la Grande-Bretagne, aux avantages qui en découlent pour la colonie, à toute une série d’institutions qui ne peuvent s’accommoder des biais de plus en plus républicains de l’aile radicale du parti devenu « patriote ». Neilson ne prise guère non plus l’anticléricalisme et le nationalisme à ses yeux outrancier qui s’y manifestent, lui qui a toujours prêché le redressement des abus, le maintien des institutions, la bonne entente, la tolérance, le respect des diverses origines et religions dans la colonie. Il s’insurge contre le fait que l’Assemblée ne profite guère des compromis avancés par Londres et il redoute les conséquences économiques de la radicalisation d’un fort groupe au sein du parti patriote. Enfin, il écarte l’idée d’un Conseil législatif électif, inconciliable avec la constitution britannique.

Déjà visible en 1831–1832, la brisure est consommée en 1834 avec l’adoption des Quatre-vingt-douze Résolutions dont la violence et le radicalisme répugnent à un esprit pondéré comme celui de Neilson. Lui qui assiste impuissant à la radicalisation qui suit l’élection partielle sanglante de Montréal en 1832 [V. Daniel Tracey*] demande : comment réclamer un gouvernement responsable à la Papineau quand ce dernier ne peut se gouverner lui-même ? Les positions du parti patriote, selon lui, menacent les intérêts des marchands et des industriels qui, à leur tour, rendent possible la prospérité des agriculteurs. Jusqu’en 1831, pense-t-il, l’Assemblée se trouvait sur la défensive. Mais depuis les concessions du gouvernement britannique, elle est devenue « l’assaillant » et prétend arracher à la couronne des droits incompatibles avec la constitution et les institutions monarchiques. Elle a bloqué les subsides, proféré des menaces de rébellion, négligé les demandes de la population, aveuglée qu’elle est par l’ambition de quelques individus assoiffés de pouvoir qui exploitent les distinctions et les jalousies nationales. Dès mars 1833, il écrit dans la Gazette de Québec que la constitution a d’abord été trahie par le gouverneur et le Conseil législatif, puis maintenant par l’Assemblée.

Des historiens considèrent que Neilson manquait de souplesse, donc qu’il ne pouvait s’entourer d’alliés et faire contrepoids à Papineau. Quoi qu’il en soit, le groupe radical le traite de traître et Neilson est défait aux élections de 1834 dans la circonscription qu’il a représentée sans interruption pendant plus de 15 ans. Il participe alors à la création d’associations constitutionnelles dans la colonie. En 1835, on lui confie la mission de se rendre à Londres pour faire valoir le point de vue des marchands anglophones modérés. Ce qu’il réclame, c’est le redressement des abus, mais non la sédition ou la révolte. Il tente vainement de prévenir les rébellions.

Neilson devient membre du Conseil spécial le 2 avril 1838 et le demeure jusqu’en 1840, sauf durant l’intermède du passage de lord Durham [Lambton]. Fidèle à ses convictions, il combat l’union du Haut et du Bas-Canada, ce qui lui vaut l’appui populaire et son élection à l’Assemblée du Canada-Uni, en 1841. Celle-ci le nomme président en 1844, mais le 25 novembre de la même année il devient conseiller législatif, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort.

À côté des affaires et de la politique, Neilson œuvre dans diverses associations. Ainsi il est membre de la Société du feu de Québec à partir de 1797 et en devient président en 1810. En 1809, il est élu vice-président puis président de la Société bienveillante de Québec ; il en redevient président en 1812 et 1817. Neilson occupe les fonctions de commissaire chargé de la démolition de la halle de la haute ville de Québec en 1815 et 1821 ainsi que celles de commissaire chargé d’étudier le système pénitencier en 1815. Juge de paix sans interruption depuis 1815 – son dernier renouvellement date du 23 novembre 1838 –, il est nommé en 1845 commissaire de l’asile de Beauport (centre hospitalier Robert-Giffard). Par ailleurs, sa notoriété et sa probité en font un candidat idéal pour être fondé de pouvoir d’un collègue marchand ou tuteur d’enfants mineurs. Comme il l’explique à des personnes qui sollicitent son aide, « bien que [sa] mission principale soit reliée aux questions politiques du pays, [il sera] toujours heureux de contribuer tout ce qui est en [son] pouvoir à tout ce qui peut conduire au bien-être général » de la colonie.

À sa mort, le 1er février 1848, Neilson laisse une fortune considérable (20 ans plus tard, elle dépassera les £30 000 sans compter les immeubles), mais aussi une réputation d’intégrité et de bon jugement. Il a élevé ses enfants avec affection et discipline – en témoignent leurs nombreuses lettres requérant, vainement, de l’argent ; il s’assure toutefois de leur établissement. Son testament, tout comme celui de sa femme, révèle bien l’homme. Il laisse au survivant l’usufruit de tous les biens de la communauté et interdit à tout héritier de contester légalement le partage sous peine d’être déshérité ipso facto. Peu après sa mort, son fils William achète au coût de £145 un monument pour le mettre dans le cimetière de l’Église d’Écosse, à Valcartier, à la tête de la fosse « ou gît le corps du dit Honorable John Neilson ».

Intelligent, cultivé, travailleur, persévérant, modéré, ferme et patient, telles sont quelques-unes des qualités qui ont permis à John Neilson de mener une carrière peu commune. On a mis en valeur son sens de l’économie. On a peut-être oublié sa générosité, parfois un peu calculée. Ainsi, il souscrit aux victimes de l’incendie de Québec, en 1804, ou encore au soutien des pauvres du district de Québec, en 1818. Pour ses affaires, qu’elles soient commerciales ou familiales, il fréquente beaucoup les notaires, évite les avocats et les juges, s’il le peut, et préfère l’arbitrage, l’arrangement à l’amiable, la mise en garde. Ses occupations trop nombreuses l’amènent parfois à négliger ses propres devoirs civiques, dont celui d’entretenir les chemins. Mais pour l’essentiel, Neilson apparaît comme un des premiers prototypes du « Canadien » au sens contemporain : bilingue, lié à des personnes de diverses origines, croyant en l’avenir du pays. Son échec relatif et son incapacité à se créer des réseaux de liens solides et durables en milieu canadien-français (en affaires et en politique) témoignent de la difficulté de l’entreprise à toute époque.

Sonia Chassé, Rita Girard-Wallot et Jean-Pierre Wallot

Les papiers de John Neilson sont répartis dans divers dépôts d’archives. Aux ANQ-M, ils sont regroupés sous la cote P 1000-3-360 ; aux ANQ-Q, ils se retrouvent dans le fonds de la famille Neilson (P-192) et dans celui de l’imprimerie Neilson (P-193), ainsi que dans divers autres fonds, notamment celui de Ludger Duvernay* (P-68), celui de la famille Papineau (P-417) et celui de la famille Napoléon Bourassa (P-418). Aux APC, ils sont conservés sous la cote MG 24, B1 et couvrent la période 1764–1850.

ANQ-MBF, CN1-4, 6 janv. 1797.— ANQ-Q, CN1-16, 24 déc. 1806, 9 sept., 23 déc. 1809, 11, 17 sept., 13, 18, 21, 26 oct., 2 nov., 14–15 déc. 1813, 8, 14–15, 18, 21–22 janv., 15–16 juill., 27 oct. 1814, 31 oct., 26 nov. 1815, 26 janv., 19 févr., 12 juin, 25 juill. 1816, 26 nov., 24, 27 déc. 1817, 5 mai, 27 juill. 1818, 28 mars, 15 avril 1820, 4 mars 1822, 18 juill. 1823, 11 avril, 20 mai 1826 ; CN1-26, 30 juill. 1800, 16 mai 1815, 24 mai 1816, 27 août, 8 sept. 1818, 1er oct. 1823 ; CN1-33, 23 oct. 1866–20 mars 1867 ; CN1-49, 15 janv. 1833 ; CN1-66, 19 oct. 1860, 30 déc. 1865 ; CN1-116, 11 août 1819, 6 févr. 1821, 14 avril 1828, 27 mai, 5 juin, 19 juill., 18 oct. 1830, 26 janv. 1831, 13 août, 7 nov. 1832, 9 avril 1833, 2 mars, 1er avril, 17 oct. 1835, 22 avril, 7, 31 mai, 11 juin. 1836, 4, 26 avril, 20, 22 juill., 19 oct. 1837, 21 mars, 14 avril, 11, 21–22 sept., 12 oct. 1838, 30 avril, 22, 27 mai, 22 août 1839, 25 mai 1841, 9 juin, 1er août, 31 déc. 1843, 19 janv., 12 avril, 3, 23 mai 1844, 14 févr., 2 avril, 5, 28 sept. 1846, 23 avril 1847, 5 janv. 1848 ; CN1-208, 14 oct. 1824, 7 juin 1825, 10 juin 1826, 28 avril, 2 mai 1827, 4 oct. 1828, 17 déc. 1829, 27 oct. 1830, 18 oct. 1832, 19 juin, 20 oct. 1833, 17–18 nov. 1845 ; CN1-213, 28 juill., 21 déc. 1846, 19, 27 oct., 24 déc. 1847, 18, 25 févr., 23 mars, 8, 15 avril, 8–31 mai, 14, 24 juill., 11, 22–23 sept. 1848, 23 avril, 19 mai 1849 ; CN1-228, 11 avril 1826, 2 févr. 1828, 15 nov. 1831, 18 sept. 1833 ; CN1-230, 1er juin 1802, 22 mars, 24 oct. 1803, 13, 29 mars, 13 nov. 1804, 23 mai 1806, 28 juin 1813, 28 mai 1814, 27 mai, 14 sept. 1815, 29 juill. 1816, 31 juill., 29 août, 23 sept., 3 déc. 1817, 21 mars 1818, 6 oct. 1821, 30 oct. 1822, 13 janv., 13 sept. 1823, 9 mars, 10 juin, 2 nov. 1824, 6 juill. 1825 ; CN1-261, 13 oct. 1828 ; CN1-262, 23 mai 1800, 3 nov. 1809, 21 oct. 1811, 21 janv. 1812 ; CN1-267, 28 avril 1819, 23, 27 sept., 16 oct. 1823, 3 févr. 1824, 10 janv. 1825, 27 févr. 1826, 17 sept. 1829, 14, 16 avril 1832, 21 nov., 24 déc. 1833, 5 mars 1836 ; T-11/1, no 5118 (1799) ; no 5330 (1801) ; no 5440 (1802) (1802) ; no 6113 (1807) ; no 526 (1817) ; no 1191 (1824–1825) ; no 11 (1827) ; no 756 (1829) ; no 744 (1830) ; no 763 (1830–1832) ; no 598 (1837) ; no 1861 (1847) ; no 1868 (1847).— APC, MG 11, [CO 42] Q, 193–241 ; MG 55 ; RG 68, General index, 1651–1841 ; 1841–1867.— Univ. de Montréal, Service des bibliothèques, coll. spéciales, coll. Melzack, H. W. Ryland à John Ready, 5 oct. 1819.— Univ. of B.C. Library, Special Coll. Division (Vancouver), Ryland papers.— B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 1818–1837 ; 1828–1829, app. HH.— Alexis de Tocqueville, Tocqueville au Bas-Canada, Jacques Vallée, édit. (Montréal, 1973).— Quebec Gazette, 1790–1848.— DNB.— Hare et Wallot, les Imprimés dans le B.-C.— Le Jeune, Dictionnaire, 2 : 336.— J. [E.] Hare et J.-P. Wallot, « le Livre au Québec et la Librairie Neilson au tournant du xixe siècle », Livre et culture au Québec (1800–1850), sous la direction de Claude Galarneau et Maurice Lemire (Québec, 1988), 93–112 ; « les Imprimés au Québec (1760–1820) », l’Imprimé au Québec : aspects historiques (18e–20e siècles), sous la direction d’Yvan Lamonde (Québec, 1983), 78–125.— Ouellet, Bas-Canada.— Taft Manning, Revolt of French Canada.— Claude Galarneau, « les Métiers du livre à Québec (1764–1859) », Cahiers des Dix, 43 (1983) : 143–165.— J.-P. Wallot, « Frontière ou Fragment du système atlantique : des idées étrangères dans l’identité bas-canadienne au début du xixe siècle, SHC Communications hist., 1983 : 1–29.

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Sonia Chassé, Rita Girard-Wallot et Jean-Pierre Wallot, « NEILSON, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/neilson_john_7F.html.

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Auteur de l'article:    Sonia Chassé, Rita Girard-Wallot et Jean-Pierre Wallot
Titre de l'article:    NEILSON, JOHN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
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