Titre original :  Sir Thomas George Roddick

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RODDICK, sir THOMAS GEORGE, chirurgien, professeur d’université, officier de milice et homme politique, né le 30 juillet 1846 à Harbour Grace, Terre-Neuve, fils de John Irving Roddick et d’Emma Jane Martin ; le 2 août 1880, il épousa à Montréal Urelia Marion Fraser McKinnon (décédée en 1890), puis le 3 septembre 1906, à Chislehurst (Londres), Amy Redpath ; aucun enfant ne naquit de ces mariages ; décédé le 20 février 1923 à Montréal.

Issu d’une famille de cinq enfants, Thomas George Roddick reçut une rigoureuse formation protestante à la grammar school de Harbour Grace, dont son père était directeur. Comme c’était un élève doué, son père l’envoya dès l’âge de 14 ans à l’école normale de Truro, en Nouvelle-Écosse. Pendant ses études à cet endroit, de 1860 à 1864, Roddick se mit à accompagner dans ses visites un médecin, Samuel Muir, et à l’assister dans son cabinet. Au cours de ses vacances à Terre-Neuve, il aidait le docteur Charles Hugh Renouf, diplômé de la University of Edinburgh. Sous l’influence de ces deux hommes, il résolut de devenir médecin et d’aller étudier en Écosse. Nanti d’une lettre d’introduction pour George Edgeworth Fenwick*, médecin et démonstrateur d’anatomie au McGill College, il s’arrêta à Montréal avant de s’embarquer pour Édimbourg. Le 29 juin 1864, pendant qu’il rendait visite à Fenwick, celui-ci reçut un télégramme. On réclamait son aide parce qu’un train à bord duquel se trouvaient 458 passagers était tombé dans la rivière Richelieu, près de Saint-Hilaire (Mont Saint-Hilaire), après s’être engagé sur un pont dont la bascule était levée. Fenwick emmena Roddick sur les lieux de la catastrophe et fut si émerveillé par ses talents de chirurgien qu’il le convainquit de renoncer à partir pour l’Écosse et de s’inscrire plutôt à McGill. En 1868, Roddick obtint son diplôme, fut le premier de sa classe, prononça le discours d’adieu au nom de sa promotion et reçut la médaille Holmes, décernée à l’étudiant qui avait eu les meilleures notes pendant le cours de quatre ans.

Roddick fut interne adjoint en chirurgie au Montreal General Hospital de 1868 à 1872. Ses fonctions consistaient à admettre les patients, à noter leurs antécédents médicaux, à assister des chirurgiens au cours de leurs opérations et à travailler à la clinique. Interne en chirurgie de 1872 à 1874, il commença à se constituer une clientèle ; dès 1874, il put ouvrir un cabinet. Troublé par le fort taux d’infections postopératoires à l’hôpital, il s’était rendu à Édimbourg en 1872 afin d’étudier auprès de Joseph Lister, le découvreur de l’antisepsie. L’année suivante, McGill l’engagea comme maître de conférences en hygiène ; en 1874, il devint démonstrateur d’anatomie. Impressionnée par ses dons de chirurgien, la faculté de médecine le nomma en 1875 professeur de chirurgie clinique. Il n’avait alors que 28 ans.

Roddick avait entamé sa carrière en chirurgie au Montreal General Hospital en 1874 à la clinique externe, où il procédait uniquement à des interventions mineures. L’année suivante, il fut promu chirurgien à part entière. En 1877, il obtint enfin un poste dans les services internes, ce qui lui permettait d’utiliser la salle d’opération et d’exécuter des chirurgies majeures. Il faisait surtout des amputations, mais elles étaient souvent suivies d’infections fatales, de sorte qu’il retourna voir Lister en 1877 pour se perfectionner en antisepsie. En l’espace de deux ans, grâce à une adhésion stricte aux méthodes de Lister, son taux de mortalité due à des infections postopératoires passa de plus de 50 % à 3,2 %. Il n’était pas le premier à McGill à employer des techniques antiseptiques : Robert Craik et d’autres l’avaient fait dans la décennie précédente, mais sans suivre à la lettre les règles de Lister, de sorte que leurs résultats n’avaient pas été aussi spectaculaires. Par des articles et des communications à des assemblées, Roddick devint le principal défenseur de l’antisepsie au Canada.

Membre de la milice locale depuis 1868, Roddick avait été adjoint au chirurgien de la Grand Trunk Railway Brigade et avait servi au cours des raids féniens de 1870. Par la suite, il commanda la University Company du 1st (Prince of Wales’s) Regiment of Volunteer Rifles. En 1885, il était médecin de ce régiment. En mars de cette année-là, le gouvernement du Canada commença à envoyer des troupes dans les Territoires du Nord-Ouest, sous le commandement du major-général Frederick Dobson Middleton*, afin de mater le soulèvement dirigé par le chef métis Louis Riel*. Le 5 avril, le médecin général de l’expédition, Darby Bergin*, demanda à Roddick d’être son adjoint. Roddick mobilisa des médecins, des infirmières, des auxiliaires et des fournitures pour la campagne. Il suivit les batailles et soigna les blessés. Puis il resta dans le Nord-Ouest jusqu’à la fin d’août pour superviser l’évacuation des victimes en barge et en chemin de fer et même soigner des Métis blessés. Les pertes de vie survenues pendant la période de soins et de transport furent si minimes qu’il eut droit à des citations.

De plus en plus renommé à compter de 1885, Roddick accéda à plusieurs fonctions, par exemple la présidence de la Montreal Medico-Chirurgical Society (1886–1888), le titre de professeur de chirurgie à McGill en 1890 et, la même année, la présidence de la Canadian Medical Association. En qualité de membre du premier conseil d’administration de l’hôpital Royal Victoria, mis sur pied en 1887, il avait conseillé les bienfaiteurs de l’établissement, sir Donald Alexander Smith* et sir George Stephen, sur la conception du service de chirurgie. En 1894, peu après l’ouverture de l’hôpital, il obtint le poste de chirurgien-chef. Moins d’un an plus tard, comme le service de chirurgie marchait bien, il démissionna ; James Bell lui succéda. De 1901 à 1917, il serait président de la commission médicale de l’hôpital.

La diversité des critères de qualification des médecins au pays refit surface au cours d’une réunion de la Canadian Medical Association en 1894 à Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. Nommé alors président d’un comité d’étude, Roddick ne devinait pas que, pendant 18 ans, il se battrait pour l’établissement d’une norme nationale de formation médicale et la création d’un registre central des médecins. Candidat aux élections fédérales de 1896 à la demande du premier ministre conservateur, sir Charles Tupper*, il remporta la victoire dans la circonscription montréalaise de Saint-Antoine et fut réélu en 1900, mais il ne se présenterait pas aux élections générales de 1904. Profitant de sa position aux Communes, il promut ce que l’on appelait le projet de loi Roddick. Adoptée en 1902 sous le titre d’Acte à l’effet d’établir un conseil médical en Canada, cette loi créait le Conseil médical du Canada, qui enregistrerait tous les diplômés de médecine du pays. Comme l’éducation et l’émission des permis d’exercice ressortissaient aux provinces, les Parlements provinciaux devaient ratifier la loi pour qu’elle puisse entrer en vigueur. Roddick passa quelques années à négocier, avec les conseils médicaux des provinces, les critères d’admission à l’université, la forme que prendrait la représentation des provinces au conseil national et un article de loi contenant des dispositions spéciales pour les praticiens en exercice. En 1911, un projet de loi révisé fut adopté par les Communes ; dès l’année suivante, les neuf provinces l’avaient ratifié. Les études préparatoires de médecine et les mesures disciplinaires contre les médecins restaient de compétence provinciale. Les diplômés canadiens qui réussiraient les examens du Conseil médical du Canada pourraient exercer partout au pays. Pour remercier Roddick d’avoir accompli cet exploit, la Canadian Medical Association le nomma en 1912 président honoraire à vie. Il fut le premier président du conseil de 1912 à 1914 et en reçut le premier certificat d’enregistrement le 1er juillet 1913.

À Ottawa, Roddick avait prôné avec ferveur l’entrée de Terre-Neuve dans la Confédération. Il soutint divers projets dans la colonie, par exemple, en 1901, l’organisation de soins médicaux en mer pour les flottes de chasse au phoque et de pêche. Pendant des années, il fut président de la Newfoundland Society de Montréal, qui accueillait des Terre-Neuviens dans la ville, et il mit sur pied une section de la Grenfell Mission Society pour appuyer le travail de Wilfred Thomason Grenfell*. À Terre-Neuve, une ville, Roddickton, et un hôpital de Stephenville porteraient son nom.

Aux Communes, Roddick aborda également des questions d’hygiène publique, en particulier la tuberculose. De 1903 à 1908, il occupa la vice-présidence de la Ligue antituberculeuse de Montréal et, en 1909, il fut nommé à la commission royale de la tuberculose de la province de Québec. Roddick joua un rôle de premier plan dans plusieurs autres organisations médicales. Il avait contribué à mettre sur pied la section canadienne de la British Medical Association, dont il devint président. De 1896 à 1898, il fut le premier président de l’organisation mère à ne pas être originaire de Grande-Bretagne. En 1897, il organisa une assemblée de l’association à Montréal, la première en dehors des îles Britanniques. La réunion remporta un tel succès que l’association l’élut vice-président à vie. Fondateur d’un hôpital de quarantaine à Montréal, l’hôpital Alexandra, il aida à recueillir des fonds pour cet établissement et en occupa la présidence de 1905 à la Première Guerre mondiale. Il fut aussi vice-président de la section québécoise de la Canadian Red Cross Society en 1896 et vice-président honoraire du Victorian Order of Nurses.

En décembre 1901, Roddick fut nommé doyen de la faculté de médecine de McGill. Pendant les sept années suivantes, il y négocia plus de réformes d’envergure qu’elle n’en avait connu dans les 72 années précédentes. Le premier problème à requérir ses talents de négociateur était d’ordre financier. La faculté, indépendante de l’université, nommait ses membres et percevait elle-même les frais de scolarité, mais, au début du xxe siècle, comme tous les legs et donations qu’elle avait reçus étaient allés à la croissance du capital, elle avait un déficit chaque année. En 1903, il était évident que cette situation perdurerait et que la faculté devait une forte somme à l’université. À la demande de Roddick, lord Strathcona [Smith] donna 50 000 $ pour le remboursement de la dette, mais il suggéra fortement que la faculté prenne des mesures pour améliorer sa gestion financière. Strathcona était le principal bienfaiteur de la faculté et Roddick savait que, après sa mort, celle-ci se trouverait dans une situation encore pire. En 1904, il proposa une fusion avec McGill. La chose se réalisa l’année suivante, ce qui mit fin à 76 ans d’autonomie.

La création d’une école d’art dentaire fut le deuxième fait marquant à survenir pendant que Roddick était doyen. Bien des années auparavant, l’Association des dentistes de la province de Québec avait demandé à McGill d’ouvrir une école de ce genre, mais les négociations avaient échoué. L’association avait donc fondé le Collège dentaire de la province de Québec, qui s’était affilié en 1896 au Bishop’s College. En 1903, comme l’école était en difficulté, l’Association des dentistes communiqua avec McGill et se déclara à nouveau intéressée par la création d’une école d’art dentaire dans cette université. En 1904, l’école du Bishop’s College devint la faculté d’art dentaire de McGill et fut intégrée à la faculté de médecine. Les cours commencèrent à McGill à l’automne de 1905.

En 1904, la faculté de médecine du Bishop’s College demanda à fusionner avec McGill. Son école était rentable et avait produit 221 diplômés depuis 1872, dont Casey Albert Wood*, William Henry Drummond* et Maude Elizabeth Seymour Abbott*. Réalisée en 1905, la fusion – principale réforme survenue au cours du décanat de Roddick – fit de McGill le seul établissement de langue anglaise au Québec où se donnait de la formation en médecine. Faute de place, l’université ne put intégrer à son personnel presque aucun des membres de la faculté du Bishop’s College. Les étudiants qui voulaient obtenir un diplôme de McGill devaient commencer en première année. Les autres pouvaient poursuivre leurs études à McGill et obtenir un diplôme du Bishop’s College.

Le 15 avril 1907, un incendie détruisit le corps de l’édifice de la faculté de médecine. Environ la moitié du bâtiment fut complètement ravagée, y compris une partie du musée de médecine, des laboratoires et des bureaux. Malgré les soupçons de Roddick, les enquêteurs de la commission des incendies de Montréal ne trouvèrent aucune preuve d’incendie criminel. Même s’il devait prendre sa retraite en juin 1907, Roddick accepta de rester doyen jusqu’à ce que l’université ait pris des mesures pour assurer la poursuite des cours de médecine et la construction d’un nouvel édifice, mais il quitta son poste de professeur de chirurgie cette année-là. Grâce à des fonds de lord Strathcona, les travaux commencèrent et l’université approuva enfin la décision de porter à cinq ans la durée du programme. Ainsi, la plupart des étudiants, qui se lançaient dans la pratique sans passer par l’internat, feraient une année de clinique. Roddick démissionna du décanat en 1908. En signe de reconnaissance, McGill le nomma membre à vie de son conseil d’administration.

Roddick avait reçu d’autres distinctions, dont plusieurs diplômes honorifiques : un doctorat en droit d’Édimbourg en 1898 et un autre du Queen’s College de Kingston en 1903 ainsi qu’un doctorat ès sciences d’Oxford en 1904. En outre, il devint membre honoraire du Royal College of Surgeons of England en 1900 et de la Medical Society of London en 1897, membre associé des Physicians and Surgeons of Philadelphia en 1898, membre honoraire de l’American College of Surgeons en 1914 et membre de la Société royale du Canada la même année. Un titre de chevalier, conféré par George V en 1914, vint couronner sa carrière ; pour bien des gens, cet honneur lui revenait depuis longtemps.

Auteur de 45 publications, dont 4 articles sur la chirurgie antiseptique qui établirent sa réputation, Roddick exerça probablement autant d’influence sur la pratique de la médecine à titre de corédacteur du prestigieux Canada Medical & Surgical Journal de Montréal de 1882 à 1888, puis, de 1888 à 1903, du périodique qui prit la relève, le Montreal Medical Journal.

Après avoir quitté le décanat, Roddick eut des ennuis de santé. Il faisait de l’artériosclérose, souffrait d’une maladie des artères coronaires et prenait de la nitroglycérine. Il n’avait aucun passe-temps ni intérêt particuliers en dehors de la médecine, mais lui et sa femme aimaient voyager. À compter de 1914, il dut restreindre même cette activité. Le voyage qu’il fit en Angleterre cette année-là – ce serait le dernier – afin de recevoir son titre de chevalier s’avéra particulièrement épuisant. Comme la guerre avait éclaté, trouver des places pour revenir au Canada fut difficile. Roddick passa plusieurs hivers en Floride, mais, à la fin de la guerre, il dut aussi y renoncer. Son médecin, Charles Ferdinand Martin, diagnostiqua une anémie pernicieuse accompagnée d’une dégénérescence de la moelle épinière. Son état se détériora peu à peu. Il s’éteignit à son domicile le 20 février 1923.

Homme ponctuel, sir Thomas George Roddick avait souvent discuté avec sa femme, Amy Redpath, de la nécessité d’installer à McGill une tour dotée d’une horloge. En 1924, Mme Roddick donna de l’argent pour que soient érigées, en bordure de la rue Sherbrooke, des barrières flanquées, à une extrémité, d’un beffroi. Un comité placé sous la présidence de sir Herbert Samuel Holt*, de Montréal, étudia divers plans, puis fit construire les barrières actuelles. Une tour du côté ouest présente des horloges sur trois faces ; le carillon sonne tous les quarts d’heure. Des centaines de milliers de gens ont franchi ces barrières depuis leur inauguration en 1925.

Joseph Hanaway

On trouve en annexe, dans l’ouvrage de H. E. MacDermot, Sir Thomas Roddick : his work in medicine and public life (Toronto, 1938), une liste partielle des articles qu’a publiés sir Thomas George Roddick dans diverses revues médicales ainsi que des discours qu’il a prononcés durant sa carrière. On consultera aussi le Répertoire de l’ICMH, ainsi que le Fichier Medicus quebecensis (base de données en ligne) du Centre interuniversitaire d’études québécoises (univ. Laval et univ. du Québec à Trois-Rivières), qui donne la liste de 83 articles dont Roddick est l’auteur.

ANQ-M, CE601-S120, 2 août 1880.— McGill Univ. Libraries, Dept. of Rare Books and Special Coll., ms coll., MS 659 (T. G. Roddick papers).— St Paul’s Anglican Church (Harbour Grace, T.-N.), Reg. of baptisms, 1775–1916 (copie aux PANL).— SAUM, RG 38, c.14–16.— Le Devoir, 21 févr. 1923.— Montreal Daily Star, 4 sept. 1906, 20 févr. 1923.— Montreal Gazette, 30 juin 1864, publié par la suite sous le titre de Gazette, 16–17 avril 1907.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— CPG, 1897–1903.— R. B. Kerr, History of the Medical Council of Canada (Ottawa, 1979).— D. S. Lewis, Royal Victoria Hospital, 1887–1947 (Montréal, 1969).— M. A. Rogers, A history of the McGill dental school (Montréal, 1980).— Standard dict. of Canadian biog. (Roberts et Tunnell).— G. D. Thompson, « The Roddick Memorial Gates », McGill News (Montréal), 6, no 3 (juin 1925) : 21–23.— Who’s who in Canada.

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Joseph Hanaway, « RODDICK, sir THOMAS GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/roddick_thomas_george_15F.html.

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Auteur de l'article:    Joseph Hanaway
Titre de l'article:    RODDICK, sir THOMAS GEORGE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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