Originaire de Nouvelle-Écosse, Norman McLeod Rogers (1894–1940) surmonta de graves blessures qu’il avait subies durant la Première Guerre mondiale. Il devint ensuite un universitaire, un fonctionnaire et un politicien influent. Homme de confiance du premier ministre William Lyon Mackenzie King – qui admirait son intégrité et son altruisme –, Rogers entra au Parlement en 1935. Il servit à titre de ministre du Travail, puis, au début de la Deuxième Guerre mondiale, de ministre de la Défense nationale. Il perdit la vie dans un écrasement d’avion. Sa disparition ébranla personnellement King, qui avait pensé à Rogers pour lui succéder comme premier ministre.

ROGERS, NORMAN McLEOD, soldat, professeur d’université, auteur, fonctionnaire et homme politique, né le 25 juillet 1894 à Amherst, Nouvelle-Écosse, fils de Henry Wyckoff Rogers et de Grace Dean McLeod, et petit-fils de William Henry Rogers* ; le 7 juin 1924, il épousa à Wolfville, Nouvelle-Écosse, Mary Frances Parker Keirstead, et ils eurent deux fils ; décédé le 10 juin 1940 près de Newtonville, Ontario, et inhumé à Ottawa.

Norman McLeod Rogers naquit dans une famille baptiste d’allégeance conservatrice où l’on valorisait l’instruction. Sa mère, Grace Dean, obtint une licence ès arts de la Dalhousie University, puis devint historienne et auteure. Elle doit surtout sa renommée à son recueil de récits historiques, Stories of the land of Evangeline, paru à Boston en 1891 et réédité plusieurs fois. Son roman Joan at halfway, publié à New York en 1919, reçut une critique favorable dans le New York Times. En 1920, elle fut la première femme à briguer un siège à l’Assemblée législative de la Nouvelle-Écosse. Le père de Norman McLeod, Henry Wyckoff, exerçait la profession d’avocat et servit deux fois à titre de maire d’Amherst. Son grand-père paternel, William Henry, inventa l’échelle à poissons et occupa la fonction d’inspecteur fédéral des pêches de la Nouvelle-Écosse.

Dans l’armée et à l’université

Rogers acheva ses études à Amherst, travailla pendant un an comme mécanicien à la Canadian Car and Foundry Company Limited [V. Nathaniel Curry], puis s’inscrivit à l’Acadia University de Wolfville. Il siégea au conseil étudiant, dirigea l’équipe de débats intercollégiale et se lia d’amitié avec James Lorimer Ilsley*, futur collègue de cabinet. À l’hiver de 1915, après le début de la Première Guerre mondiale, Rogers s’enrôla dans le 6th Regiment (Canadian Mounted Rifles) à titre de simple soldat. L’unité s’embarqua pour l’Angleterre en juillet et fut déployée en France trois mois plus tard. Lorsqu’on démantela le régiment pour fournir des renforts, Rogers se vit muté au 5th Battalion (Canadian Mounted Rifles), qui demeura rattaché à la 3rd Canadian Divisional Signal Company. Il fit bonne impression auprès de son commandant, qui nota ceci à son sujet : « Possède une force de caractère générale. Courageux au travail. » Rogers fut gazé dans le bois du Sanctuaire, en Belgique, durant la bataille du mont Sorrel [V. Malcom Smith Mercer*] en juin 1916. Plus tard la même année, déclaré invalide, il rentra au Canada afin d’y recevoir des soins médicaux prolongés. L’armée le rendit à la vie civile en 1918 avec le grade de lieutenant. Il ne retrouva jamais ses pleines capacités cardiaques et pulmonaires.

La santé précaire de Rogers retarda son retour aux études. L’Acadia University, reconnaissant son service militaire, lui remit une licence ès arts en 1919. Il avait obtenu une bourse Rhodes en 1918 ; il ne put toutefois s’inscrire à la University of Oxford qu’en octobre 1919, moment où il entra au University College. En trois ans, il décrocha trois licences – en arts (1921), en lettres (1921) et en droit civil (1922) –, de même qu’un diplôme en économie avec distinction (1921). Dans la thèse de son deuxième diplôme, intitulée « The settlement of labour disputes in Canada », il fit l’éloge du chef du Parti libéral fédéral William Lyon Mackenzie King* pour son travail de conciliateur dans le milieu ouvrier. Le professeur Francis James Wylie, qui devint un mentor pour Rogers, se rappellerait qu’il détenait probablement le « record de polyvalence et d’assiduité scolaires à Oxford » : « [I]l était, je crois, l’homme le plus travailleur que j’avais rencontré. »

Professeur d’université

Rogers rentra chez lui. Il expliqua à Wylie que, contrairement à de nombreux détenteurs d’une bourse Rhodes, il n’avait pas envie de rester à l’étranger : « [Mon] seul désir était de faire mon travail dans mon propre pays, et à cet égard je n’ai jamais pensé de manière impérialiste. Ce doit être le Canada d’abord et avant tout, puis l’Angleterre. » En 1922, l’Acadia University le nomma professeur et directeur du département d’histoire et d’économie politique Mark Curry. Il se spécialisa dans le domaine de l’histoire des xviie et xviiie siècles, et écrivit sur la Nouvelle-France, en particulier sur l’Acadie, dans un effort pour corriger les préjugés francophobes des historiens canadiens-anglais précédents. Il étudia le droit auprès de son père pendant quelques étés, puis reçut son admission au barreau de la Nouvelle-Écosse en 1924 ; il n’exercerait toutefois jamais la profession d’avocat.

L’Acadia University prenait de l’expansion, mais Rogers n’avait pas l’intention d’y rester bien longtemps. En 1923, il avait déclaré à Wylie qu’il avait « hâte » de migrer vers « une des plus grandes universités canadiennes » ; la même année, il écrivit à King (alors premier ministre) pour lui demander un emploi au gouvernement. Quand Oscar Douglas Skelton* commença à professionnaliser le ministère des Affaires extérieures, au milieu des années 1920, Rogers informa King de son désir d’y travailler, en lui signifiant que « ce ministère [l’]attir[ait] plus que tout autre ».

Rogers entra sur la scène politique durant la campagne électorale fédérale de 1925. Il se prononça publiquement en faveur des libéraux, rompant les liens que sa famille entretenait depuis longtemps avec le Parti conservateur. Hostile à l’impérialisme britannique et inquiet des relations entre le Canada anglais et le Canada français, Rogers se sentait plus à l’aise dans le parti de King. À l’occasion d’une visite du premier ministre à l’Acadia University, pendant la période électorale, ce dernier soupa dans le train de campagne avec le jeune enseignant, qui lui fit grande impression. Rogers écrirait ensuite à King pour lui exprimer son insatisfaction quant à sa vie de professeur d’histoire.

Secrétaire particulier de King

En 1926, King nomma Rogers cosecrétaire de la commission royale sur les réclamations des provinces Maritimes, récemment créée et présidée par l’homme d’affaires britannique sir Andrew Rae Duncan. Avant le début des consultations, le gouverneur général lord Byng rejeta la demande de King visant à déclencher des élections et ce dernier démissionna. Le nouveau premier ministre, Arthur Meighen*, retira Rogers de la commission. La défaite de Meighen à la Chambre des communes força la tenue d’un scrutin. King offrit alors à Rogers l’investiture libérale dans une circonscription de la Nouvelle-Écosse. L’Acadia University l’obligeant, s’il se présentait, à quitter son poste, Rogers refusa de se porter candidat.

King reprit le pouvoir au terme des élections du 14 septembre et, l’année suivante, engagea Rogers comme secrétaire particulier. À ce titre, il eut pour tâche de rédiger des discours, de la correspondance et des mémoires sur divers sujets, notamment la conférence fédérale-provinciale de 1927. Selon certaines histoires familiales, la conversion de Rogers au libéralisme avait courroucé son père. Pourtant, dans une lettre, celui-ci confia tendrement à son fils que sa nomination au gouvernement de King lui avait procuré « une grande fierté pour tout ce [qu’il avait] accompli à ce jour […] pour quelqu’un de si jeune et qui avait dû surmonter de tels handicaps ». King en vint à aimer son assistant, à l’admirer et à compter sur lui, mais il écrivit dans son journal intime, le 14 décembre 1927 : « Il est, je le crains, très délicat. »

Intellectuel progressiste

Au milieu de 1929, prenant en compte un avis médical, Rogers quitta son poste à Ottawa et alla enseigner la science politique à la Queen’s University de Kingston. (Il avait cessé de travailler deux mois pour cause de maladie.) Il n’arrêta cependant jamais d’aider King. Rogers travailla à temps plein pour la campagne électorale de 1930, qui mena à la défaite des libéraux contre les conservateurs de Richard Bedford Bennett*. Il continua ensuite d’assister King en qualité de conseiller, chercheur et rédacteur de discours non officiel. Il se rendait fréquemment à la maison Laurier, nom de la résidence de King à Ottawa. Les deux hommes avaient une telle intimité qu’ils prenaient part ensemble à des séances de spiritisme. King pensait fermement que Rogers partageait sa croyance en cette science occulte ; selon toute vraisemblance, celui-ci se prêtait plutôt au jeu avec une curiosité sceptique. Les liens privilégiés que Rogers avait noués avec King servirent ses ambitions.

Au début de 1932, le professeur d’histoire Frank Hawkins Underhill* invita Rogers à signer le manifeste de la League for Social Reconstruction. Ce dernier admit alors qu’il approuvait l’essentiel des objectifs de l’organisme, et « devenait non pas moins, mais plus radical au fil des ans ». Cependant, il resta très fidèle au Parti libéral et à son approche pratique et progressive ; il dit à Underhill que « l’esprit humain n’[était] pas pris par l’assaut, mais par la persuasion ». Il avoua que ses racines conservatrices avaient peut-être ralenti sa marche vers le radicalisme, « mais [il] trouv[ait] que [son] propre rythme s’accélérait ». Rogers encouragea les libéraux à se ranger du côté progressiste de la politique, et garda des liens avec des membres de la ligue, dont Underhill et Francis Reginald Scott*, professeur de droit à la McGill University.

À l’instar de Skelton et Adam Shortt (lui aussi professeur à la Queen’s University), Rogers liait l’érudition et l’élaboration des politiques publiques. Durant ses six années à l’université, de 1929 à 1935, il engagea ses étudiants dans des débats sérieux sur les affaires du peuple. Rogers écrivait alors sur des problèmes contemporains et se servait de sa formation d’historien pour les situer dans un contexte plus large. Dans le cadre de sa campagne pour un gouvernement fédéral activiste et pour des réformes constitutionnelles visant à limiter la croissance du pouvoir provincial, Rogers publia d’influents articles universitaires sur la signification du fédéralisme canadien. Avec Underhill, Brian Brooke Claxton*, Stephen Butler Leacock* et d’autres intellectuels de renom, il insista sur le fait que le Canada n’avait pas été conçu pour constituer, selon ses mots, simplement « une ligue de provinces ». Cependant, la justice économique et sociale exigeait un traitement équitable de chacune d’elles. À titre de procureur de la Nouvelle-Écosse devant la commission royale d’enquête sur l’économie en 1934, il plaida que les tarifs élevés du Canada avaient avantagé l’Ontario et la province de Québec au détriment du reste du pays, en privant les provinces Maritimes de leur base industrielle fragile et en accentuant de ce fait les disparités régionales.

Homme politique et biographe

En 1934, King demanda à Rogers de se présenter aux élections fédérales suivantes dans la circonscription néo-écossaise de Cumberland, comté où il avait vu le jour. Il refusa, expliquant qu’il ne pouvait se permettre d’abandonner son poste à la Queen’s University et de briguer un siège qu’il ne remporterait peut-être pas. « Si j’étais seul, écrivit-il, j’aurais pris ce risque sans hésiter. Mais rien ne justifierait d’exposer ma famille à une telle menace dans le contexte actuel. » Il estimait avoir six mois d’économies tout au plus. Vivre dans la précarité n’était « pas compatible avec le respect de soi et un service public utile ». Le recteur de la Queen’s University, William Hamilton Fyfe, sauva l’avenir politique de Rogers en lui permettant d’obtenir l’investiture libérale dans la circonscription de Kingston City tout en continuant d’enseigner.

Entre-temps, à contrecœur, Rogers avait accepté un projet : la mise à jour de la biographie de campagne de King, intitulée Mackenzie King, the man : his achievements et publiée à Toronto en 1925 par John Lewis. Il l’acheva au début de 1935. King, jugeant le texte « insuffisant et décevant », entreprit cependant de modifier, de reformuler et d’ajouter des éléments dans tout le texte. Devenu sénateur, Lewis ne voulait pas qu’on le désigne comme auteur, et Rogers consentit à ce que la version révisée paraisse sous son nom. L’honnête professeur eut probablement du mal à s’attribuer le mérite d’un volume rédigé en grande partie par d’autres, mais, des années auparavant, il avait promis d’accomplir toute « tâche ardue » que King lui assignerait. L’affaire du livre de piètre qualité ne diminua en rien le désir de King de faire entrer Rogers au Parlement et de le nommer ministre du Travail, fonction qu’il avait lui-même occupée sous sir Wilfrid Laurier* un quart de siècle plus tôt. Dans son journal intime, le 9 février 1935, King écrivit ceci au sujet de Rogers : « C’est un homme noble et vraiment formidable. »

S’affichant comme un soldat érudit doté d’une « expérience pratique du gouvernement », Rogers remporta, le 14 octobre, la circonscription de Kingston City, détenue jusque-là par les conservateurs. Le jour des élections, il donna ses cours à l’université. De retour au pouvoir avec un gouvernement majoritaire, King annonça aussitôt à Rogers qu’il lui confierait le ministère du Travail. Ernest Lapointe*, qui assumerait bientôt toutes les fonctions de vice-premier ministre sans en porter le titre, appuya cette décision avec enthousiasme.

Ministre du Travail

Dans ce nouveau rôle, Rogers dut affronter la grande dépression qui sévissait toujours. Parmi ses premières réalisations figurent la fermeture des camps de secours controversés mis sur pied par le gouvernement Bennett et l’organisation de la conférence fédérale-provinciale de 1935, au cours de laquelle Rogers parvint à un consensus autour de la création d’un organisme gouvernemental national chargé de superviser la recherche sur l’aide aux chômeurs. Le 5 août 1936, King écrivit dans son journal que Rogers pourrait un jour, « s’il en a[vait] la force », devenir chef du Parti libéral et premier ministre.

King écouta respectueusement les idées de Rogers pour combattre la dépression, et pour réformer la société canadienne et l’État. Nombre d’entre elles, cependant, dépassaient les intentions du leader libéral. Au sein du cabinet, les collègues de Rogers concevaient eux aussi l’étendue du pouvoir fédéral de façon plus limitée que lui. En réponse à la décision prise à la conférence fédérale-provinciale, on créa la Commission nationale de placement en 1936. De son côté, Rogers espérait que celle-ci servirait à faire germer des idées et des réformes ; du sien, King y voyait plutôt un moyen de couper les subventions d’aide sociale accordées aux provinces. Lorsque la Commission nationale de placement présenta les propositions approuvées par Rogers concernant une reprise en main de l’assistance aux chômeurs par le gouvernement fédéral, King dénonça avec colère le ministre du Travail, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du cabinet.

Un drame similaire se déroula quand Rogers suggéra des changements fondamentaux dans la pratique gouvernementale. Il menaça de démissionner deux fois. Selon le fonctionnaire John Whitney Pickersgill*, qui, du bureau de King, observait la scène de près, le ministère du Travail resta le fief du premier ministre. Malgré son respect pour lui, King ne fit jamais totalement confiance à Rogers. Dans son journal intime, le 12 août 1938, King parle d’un rêve dans lequel un récipient rempli d’acide « fus[e] soudainement en direction de Norman Rogers ».

Des descriptions contemporaines de Rogers le dépeignent comme un homme d’une petite taille, mais d’une grande intelligence. Sur des photographies, le professeur apparaît détendu, une pipe à la bouche. Il travaillait fort, tout en ayant la réputation d’être indulgent et d’un abord facile. Doté d’un charme discret et d’un sourire espiègle, il avait des cheveux bruns clairsemés et des yeux bleus pénétrants, pleins d’une détermination juvénile. Quand il débattait à la Chambre des communes ou se querellait avec Mitchell Frederick Hepburn*, premier ministre libéral renégat de l’Ontario, Rogers pouvait se montrer dur et combatif. Tel que le rapporte le Standard de Montréal dans un article paru le 21 mai 1938, le ministère du Travail était cependant le « portefeuille suicide » ; de plus, Rogers ne jouissait pas de la bonne santé que King jugeait nécessaire, lui avait-il dit un jour, pour exercer une charge publique avec succès. En juillet 1939, Alexander Grant Dexter*, du Winnipeg Free Press, dîna avec un Rogers qu’il trouva déconfit : « Le problème du chômage semble avoir vaincu Norman. Il le considère comme insoluble à moins que la situation internationale ne s’améliore. » Dexter se demanda si Rogers souhaitait se présenter aux élections suivantes. Le journaliste avait appris de ses sources au ministère des Affaires extérieures que Skelton prendrait incessamment sa retraite et que Rogers lui succéderait peut-être à titre de sous-secrétaire. Skelton demeura en poste.

Ministre de la Défense nationale

Le 19 septembre 1939, neuf jours après la déclaration de guerre du Canada à l’Allemagne, Rogers passa du ministère du Travail à celui de la Défense nationale ; le changement eut lieu à la demande de King, dans le cadre d’un grand remaniement ministériel. Le nouveau ministre des Finances, James Layton Ralston*, aurait pu obtenir le portefeuille de la Défense nationale, mais il avait recommandé Rogers. King avait approuvé la suggestion. Son protégé se montrait stable et loyal, et il semblait improbable que des intérêts militaires puissent l’assujettir. Devant l’ampleur que prenaient les crises en Europe à la fin des années 1930, Rogers avait convenu avec King que les Canadiens avaient le devoir d’appuyer la Grande-Bretagne en cas de menaces. Il apportait la compétence qui manquait à son prédécesseur, Ian Alistair Mackenzie*. Sur les débuts de Rogers en qualité de ministre de la Défense nationale, King formula le commentaire suivant : « Nous avons eu la première déclaration intelligente et claire du titulaire de ce ministère depuis plus d’un an. »

Rogers souffrait de fatigue intense ; la rumeur de sa démission et de son remplacement par Ralston se répandit. Les conservateurs lancèrent des attaques personnelles outrancières contre lui. Le chef ontarien George Alexander Drew* le traita de « minuscule fils dyspeptique de Mars ». En vue des élections générales du 26 mars 1940, Rogers rassembla dans des tracts les « paroles regrettables » qu’on lui avait adressées. Dans un journal, le « gentleman canadien exemplaire » posa la question suivante : « Pourquoi recourir à des injures personnelles ? » Il conserva son siège à Kingston sans difficulté.

En avril, Rogers entreprit une mission au Royaume-Uni. Durant son voyage, il traversa la Manche pour discuter avec des dirigeants français, et visiter des installations militaires et le Mémorial national du Canada à Vimy. À Londres, il rencontra Arthur Neville Chamberlain, premier ministre assiégé, et Winston Churchill, premier lord de l’Amirauté déterminé. Ce dernier lui dit que « la “mort” était la seule solution au régime nazi – aucune demi-mesure n’avait la moindre chance de réussir ». Rogers critiqua quelques-uns des fonctionnaires britanniques avec qui il s’entretint, ainsi que les préparatifs du Royaume-Uni à la guerre mécanisée. Il repartit vers le Canada le 9 mai. Le lendemain matin, l’Allemagne envahit la Belgique et les Pays-Bas, malgré les prévisions des services de renseignements britanniques dont Rogers avait été informé. Churchill accéda au poste de premier ministre ce jour-là.

Le 10 juin 1940, ministre de la Défense nationale depuis seulement neuf mois, Norman McLeod Rogers mourut à bord du bombardier Lockheed Hudson de l’Aviation royale du Canada : l’appareil, qui devait l’amener à Toronto pour une allocution, s’écrasa en forêt près de Newtonville, dans le sud de l’Ontario. Il avait 45 ans. Une fois la nouvelle parvenue à Ottawa, King déclara à la Chambre des communes, sous le choc, que Rogers lui avait demandé, avant son départ, s’il ne valait pas mieux annuler le voyage. Le premier ministre le lui avait déconseillé. Rogers avait répondu : « Très bien, je vais continuer. » Cette conversation entre les deux hommes correspond à la façon dont King considérait Rogers, soit comme le fonctionnaire le plus altruiste qu’il ait connu. Et cet altruisme, King ne manqua jamais de l’exploiter.

Stephen Azzi et Norman Hillmer

Les principales sources archivistiques que nous avons consultées pour la rédaction de cette biographie sont : le Norman McLeod Rogers fonds aux QUA ; les journaux intimes de William Lyon Mackenzie King (R10383-19-5) à BAC ; et le Norman Rogers Rhodes scholarship file conservé aux Rhodes Trust Arch. (Oxford, Angleterre). Nous souhaitons exprimer notre gratitude envers le Rhodes Trust, qui nous a donné la permission d’utiliser les documents relatifs à Rogers. William Archibald Mackintosh* a publié un court article élogieux sur la vie de Rogers sous le titre « Norman McLeod Rogers, 1894–1940 », Canadian Journal of Economics and Political Science (Toronto), 6 (1940) : 476–478. Le livre de G. H. Rogers, Kindred spirits : a New World history of the families of Henry Wyckoff Rogers & Grace Dean McLeod (Renfrew, Ontario, 2005), contient de l’information sur la famille Rogers. La courte biographie écrite par Barry Cahill, The life and death of Norman McLeod Rogers (Newcastle on Tyne, Angleterre, 2022), est également d’intérêt.

Parmi les publications érudites les plus importantes de Rogers figurent « The compact theory of confederation », Canadian Political Science Assoc., Papers and proc. of the annual meeting (Kingston, Ontario), 1931 : 205–230, et « The genesis of provincial rights », CHR, 14 (1933) : 9–23. Dans son article « The “biography” in politics : Mackenzie King in 1935 », CHR, 55 (1974) : 239–249, Mark Moher raconte l’histoire entourant la publication, par Rogers, de l’ouvrage Mackenzie King (Toronto, 1935), version révisée et augmentée d’une notice biographique rédigée par John Lewis (Toronto, 1925). Le troisième volume de R. MacG. Dawson et H. B. Neatby, William Lyon Mackenzie King : a political biography (3 vol., Toronto, 1958–1876), intitulé The prism of unity, 1932–1939 et rédigé par Neatby, aborde la relation entre Rogers et King. Doug Owram, The government generation : Canadian intellectuals and the state, 1900–1945 (Toronto et Buffalo, N.Y., 1986), et James Struthers, No fault of their own : unemployment and the Canadian welfare state, 1914–1941 (Toronto et Buffalo, 1983), traitent des idées de Rogers et de son mandat au ministère du Travail. C. P. Stacey, Arms, men and governments : the war policies of Canada, 1939–1945 (Ottawa, 1970), et J. L. Granatstein, Canada’s war : the politics of the Mackenzie King government, 1939–1945 (Toronto, 1975), commentent la période durant laquelle Rogers servit comme ministre de la Défense nationale.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Stephen Azzi et Norman Hillmer, « ROGERS, NORMAN McLEOD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 4 déc. 2025, https://www.biographi.ca/fr/bio/rogers_norman_mcleod_16F.html.

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Auteur de l'article:    Stephen Azzi et Norman Hillmer
Titre de l'article:    ROGERS, NORMAN McLEOD
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2025
Année de la révision:    2025
Date de consultation:    4 déc. 2025